Blue Note 2024
Immanuel Wilkins. (as, compos), Sekai Edwards. (compos), Micah Thomas (p), Rick Rosato (cb), Kweku Sumbry (dms), June McDoom (vc), Ganavya (vc), Yaw Agyeman (vc)+ Cecil Mc Lorin Salvant (vc), Marvin Sewell (g)
Juste sublime !
Lorsque l'on commence à écouter "Blues Blood", quelque chose, un je-ne-sais-quoi nous renvoie immanquablement au dernier album de Meschell Ndegeocello. Serait-ce le côté oratorio ? Serait-ce la façon dont cet album est produit dans les usines de Blue Note ? Serait-ce cette obsession, pour ne pas dire « manie » des jazzmen de l'autre côté de l'atlantique de vouloir absolument signer un " manifeste" musical ? On ne sait.
En revanche, lorsque l’on regarde le communiqué de presse on voit qu'effectivement Meschell Nedegeocello est de la partie puisqu'elle a co-produit cet album. On trouve donc une forme de continuité entre son travail et celui du jeune prodige de l’alto, Immanuel Wilkins.
Mais bref, là n'est pas l'essentiel.
Car l’essentiel c’est que cet album porte fort et touche en plein. Et qu’il n’est nul besoin de sous-texte, de prétexte, de contexte ou que sais-je pour nous faire vivre cet opus et entrer dans ce qui est à ce jour l'album le plus puissant du saxophoniste.
On connaît le saxophoniste alto surdoué qui ne cesse de franchir des étapes avec, à ses côtés un autre prodige, Micah Thomas dont les schémas ascendants semblent suivre la même ligne parallèle. Qu’une légende comme Kenny Barron décide dans son dernier album ( The Source) de s’adjoindre les services d’ Immanuel Wilkins est en soi une vraie reconnaissance, si ce n’est un sacre.
Immanuel Wilkins c’est la virtuosité alliée à la maitrise et à la douceur du dire. Jamais dans le trop et toujours dans le juste. Mais ici Immanuel Wilkins est dans une autre dimension bien au-delà de son lyrisme. Ici c’est le compositeur et arrangeur qui nous bluffe par l’ampleur de son travail magistral et par la façon qu’il a de faire habiter sa musique. De l’habiter lui-même et de la faire incarner par d’autres. Dans cet album, il y a cet art de mettre de la densité dans sa musique qui devient à la fois très palpable et à la fois mystique. Mais il y a aussi, comme avec Meshell, une dimension gospel qui lui vient de sa propre expérience au sein du groupe Black Monks.
Blues blood est aussi un travail sur la transmission et la réminiscence. Notamment au travers des souvenirs venus de l’enfance. Wilkins évoque des souvenirs culinaires comme une forme de transmission d’une tradition remontant au plus loin du plus loin, à l’Afrique. Sur scène, pour la représentation de Blue Blood, il est même prévu de préparer des repas en laissant les micros ouverts sur les bruits de la marmite mijotant et sur les couteaux qui coupent. Why not ? Après tout la musique est aussi une expérience sensorielle.
Mais, comme on le disait précédemment, pas besoin de se raccrocher au prétexte pour rentrer dans cette musique aussi fascinante que belle. Chargée d’émotions. Elle se suffit à elle-même dans un moment de parfaite plénitude.
Incroyablement peacefull .
Jean-Marc Gelin