JJJ Daniel Humair, la batterie jazz
#1DVD
Nocturne NT 103
Sans évoquer la batterie jazz comme le batteur- écrivain Georges Paczynski dans son histoire en trois tom(e)s, Daniel Humair fait œuvre de pédagogie dans ce DvD et donne son propre « discours de la méthode », appuyant ses analyses et commentaires toujours simples et précis, sur sa propre expérience musicale. Sa carrière de sideman est des plus impressionnantes ( depuis ses débuts il y a une cinquantaine d’années, il a joué avec les plus grands musiciens européens et américains). Enseignant au CNSM, il a aussi assumé le rôle de leader, invitant de jeunes instrumentistes dans ses nouveaux groupes.
Gaucher naturel mais ambidextre par ailleurs, son style et sa technique sont uniques et il entend prodiguer généreusement quelques-unes de ses recettes : comment distribuer de façon complexe et asymétrique les accents tout en conservant une grande continuité rythmique, travailler à l’égal des percussionnistes les timbres les plus variés.
Si ses conseils ne manqueront pas d’intéresser les débutants ou les amateurs non pratiquants,
Humair va plus loin et présente sa conception de la batterie ternaire, jazz.
Pour les batteurs de jazz qui commencent le métier, les questions sont « qu’est ce qu’un batteur de jazz ? Comment improviser et pourquoi ne peuvent ils pas utiliser ce qu’ils connaissent du tambour pour le faire ?»
Si la mise en place reste essentielle, Daniel Humair renvoie, sans se poser en historien pour autant, à l’écoute indispensable des enregistrements les plus marquants qui témoignent des diverses façons d’interpréter le jazz : Ben Webster et Sonny Rollins participent en effet d’une même lignée même si leur jeu est très différent.
Le DVD présente trois parties : la première intitulée « Découvertes et Connaissances » détaille tout de l’instrument : les choix de réglages, la position et tenue des baguettes, le rôle dans l’orchestre et le langage jazz . S’édifient devant nous les différentes composantes de la batterie jazz que Daniel Humair présente sobrement, en expliquant ses choix. Ainsi considère-t-il la grosse caisse comme un tom supplémentaire au son très grave, il aime choisir des cymbales variées, une gamme adéquate et …légère de préférence.
Il préfère jouer avec les talons posés sur les pédales de grosse caisse et de charleston, recherchant une véritable élasticité dans les mouvements, avec pour résultat un claquement de charleston sec et coupant. Il saisit ses baguettes d’une certaine façon, à plat toujours (donc évitant le réglage incliné des fûts).
Avec logique, il explique qu’il faut savoir se ménager, que parfois un effort plus grand donne un résultat moindre : l’olive de la baguette doit avoir le circuit le plus long, suivre un mouvement gracieux qui vient de très haut et le batteur ne doit jamais perdre de vue que l’attaque doit revenir immédiatement.
Démonstration à l’appui, il explique que des « papa maman » ou des « moulins » exécutés dans le vide, auront l’avantage, sans déranger les voisins, de donner l’aisance et la sûreté du geste. Enfin, seul le tempo travaillé le plus lentement et le plus régulièrement possible permet d’obtenir une maîtrise parfaite.
La deuxième partie intitulée « Pédagogie » est constituée d’exemples nombreux et de démonstrations éloquentes soulignant le travail d’indépendance totale, les écueils du phrasé ternaire, le travail spécifique du jeu de balais, sans oublier des exercices qui sont proposés aux apprentis batteurs.
Le DVD propose en bonus un court métrage sur le travail en studio, avec Louis Sclavis et Jean Paul Celéa, d’un des titres de l’album Air Libre du guitariste JP Muvien et ensuite le même morceau « Couscous Purée », joué en concert au Triton, en novembre 2005.
Daniel Humair témoigne ainsi avec bon sens et efficacité de sa formidable expérience de la batterie. Il a su donner ses lettres de noblesse à l’instrument, le « démilitarisant » du tambour de base.
Son credo implique donc la « prise de pouvoir du soliste, qui a un rôle d’initiateur, d’arrondisseur d’angles et de soutien du tempo ». Il souligne aussi l’importance de la chanson des fûts, conseillant de travailler plus encore que la figure rythmique, sa petite chanson, à la façon des percussionnistes indiens qui chantent les phrases, avant de les jouer.
Enfin, chez ce musicien exceptionnel est resté intact le désir de garder toujours main mise sur sa propre distribution de sons, en club ou dans une salle de concerts. Il est, décidément, encore à l’heure actuelle, l’une des meilleures illustrations de la fonction créative de l’instrumentiste-batteur de jazz.
Sophie Chambon