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JJJJ Joe Fonda/Ramon Lopez/Bruno Angelini : « Silent Cascades »
Konnex 2008
Surprenant. Saisissant. Il n’est pas de superlatif plus approprié pour définir ce « Silent Cascades », disque enregistré en 2005 sur le label Konnex d’un remarquable trio autour de Joe Fonda, contrebassiste américain, accompagné par le pianiste Bruno Angelini et le batteur Ramon Lopez. Dès la première « prise », si j’ose dire, l’auditeur assiste à la naissance du son, par un magma impénétrable et bouillonnant. Ce « Perpetual Motion » met en garde quiconque s’aventurant sur ce chemin improvisé. Au détour de ce sinueux chemin, allongez-vous sur la rive d’un torrent. Il pleut, la tempête s’annonce. Les oiseaux ne volent pas près du sol, ils se sont déjà réfugiés. Il n’y a que vous et le déchainement des éléments. La Musique nous rappelle parfois qu’elle était là bien avant l’Homme, partie intégrante de cette indomptable Nature qui nous entoure, encore pour combien de temps, faut-il le rappeler. Ce disque en est le plus fabuleux des témoignages. Par ce non-conformisme. Cette utilisation des contrastes et de ces couleurs savoureuses qui se goûtent. Enregistré librement autour d’un texte d’Henri Michaux ayant pour titre « Poteaux d’angles », ces trois musiciens usent de la plus savante des façons les principes mêmes de la Musique acoustique, comme par exemple dans ce morceau intitulé « Dense Crowd », où une simple feuille de papier insérée entre les cordes et la touche de la contrebasse transforme le son et donne un nouveau visage à cet instrument, d’habitude si discret. Il y a là une ahurissante recherche contemporaine de l’interaction. Sombrer sans amarres dans cet impressionnisme relève d’une très grande maîtrise de son propre art. Magnifiant chaque geste, chaque intention. Développer le rêve par la négation de toute tonalité, de toute création théorique humaine. Faire croire un instant que le calme est revenu, et repartir de plus belle dans le plus fracassant des chaos. On dirait presque que le piano n’existe pas, ou plus, que la contrebasse à disparu, que la batterie cesse d’exister pour laisser transparaitre à la place une voix intérieure, très profonde, guidé par les instincts les plus animaux, provoquant alors la résonnance de nos plus lointaines origines. Parler de Poésie serait revenir à l’humain. Ces bijoux de créativité ne peuvent subsister que dans l’aléatoire. C’est dans ce hasard que parfois l’on effleure l’intouchable, l’invisible, je dirais même le sublime. Se séparer de toute image moderne et actuelle, ignorer un instant l’abrutissante façon de vivre des êtres humains. Se concentrer à ressentir, à deviner, à réagir. Au cours de l’écoute d’un tel disque, nos sentiments sont mis à rude épreuve à travers chaque ambiance, et on en redemande. Il n’est pas nécessaire de citer des exemples qui, dans le passé, furent les avant-gardistes de cette nouvelle chose qu’était le Free-Jazz. Il est ici seulement question de l’essence même de la Nature, avec tout ce qui comporte de tortueux, d’imparfait, mais aussi de simple, d’unique. C’est un disque qui non seulement s’écoute, mais qui se vie. Tristan Loriaut