TCB 2008
Chuck Manning (ts), Jim Szilagyi (p), Isa Eckinger (cb), Tim Pleasant (dm)
Chuck Manning est un saxophoniste totalement oublié du côté de chez nous mais quis s’est illustré ailleurs au sein du Los Angeles Quartet. Pourtant tout ceux qui aurons été attentif à l’évolution de la scène de la côte ouest de ces 25 dernières années n’auront pas pu manquer ce ténor de la pure tradition qui perpétue le feeling Lesterien et dont Leonard Feather disait lui même : « Chuck has a bold sound and keen rythmic sense ». Quand j’entend un garçon comme celui là (je disais la même chose de Grant Stewart) je ne peux que me réjouir de ce que des saxophonistes comme lui perpétue ce son qui tend aujourd’hui à disparaître. Je ne peux aussi que me désoler de voir l’uniformité actuelle des saxophonistes traumatisés par l’après free et qui semblent d’une même voix rejeter toute cette histoire du sax. Qu’on réécoute sans cesse Barney Wilen pour comprendre combine un ténor peut être simple et beau lorsque les mélodies sont portées avec autant de feeling. Avec Chuck Manning c’est exactement de cela dont il s’agit. Jamais il n‘en fait des tonnes, jamais il ne cherche à surprendre, jamais dans la démesure non plus. Mais quel phrasé sensuel, quelle classe dans sa façon de dire les choses, quelle élégance ! Mon esprit divague alors et je revois en rêve le regretté Guy Laffitte que je n’ai malheureusement pas connu mais dont Chuck Manning me rapproche dans sa façon de jouer les standards (I didn’t know what time it was ou le sublime Change Partners), dans sa façon d’aller caresser le blues (The spiritual – une compo de son pianiste et complice Isa Eckinger) ou dans ses faux airs de gentils garçon (genre rêve de belle mère) sur une valse très Lesterienne (While we were young). Et ce qui frappe chez Chuck Manning au-delà de son élégance et de son sens inné du swing c’est sa précision rythmique, cette façon de donner un autre chose aux notes qu’il joue, de donner un peu plus dans le délié de ses phrases. Parfois le garçon évoque (un peu) Dexter Gordon (Eronel de Monk) et parfois c’est carrément un hommage à Coltrane Dear Lord) où Manning parvient à aller sur les traces du maître dans une évocation très explicite mais sans jamais perdre la continuité de son propre jeu. Les américains ont un mot pour évoquer ce type de musicien, ils disent : « soulful ». On ne saurait dire mieux le plus d’âme qu’ont certains musiciens. Celle de Chuck Manning est remplie de ce que nous partageons tous ensemble, notre point commun, notre trait d’union irréductible aux codes et aux modes : l’amour du jazz. Jean-Marc Gelin