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12 mars 2008 3 12 /03 /mars /2008 05:32

Raulin-Oliva.jpgMélisse 2008



 

 Si les chroniques sont le lieu d’euphories et d’admirations, en voilà une démonstration brillante  avec cet  Echoes of Spring sorti sur le tout jeune label du pianiste Edouard Ferlet, Mélisse, autour du Harlem piano stride. C’est peu dire qu’on l’attendait cet album, après que le programme concocté par les deux formidables pianistes que sont François Raulin et Stéphane Oliva, a tourné (plutôt convenablement pour notre époque) dans un certain nombre de festivals depuis  la création  à Grenoble en mars 2006. Merci donc au réseau AFIJMA d’avoir soutenu et porté une telle création à Nevers, Bordeaux…

Le projet  part du jazz sans jamais le quitter, fidèle à cette musique d’imprévus et de liberté très surveillée .Car ce retour aux origines du piano jazz, s’il ne manque pas de modernité, par la recherche des chromatismes et le recours à la dissonance, présente un certains nombre de chausse-trappes dont le quintet se tire à l’évidence brillamment. Cette musique est une recréation de chaque instant, très travaillée malgré l’apparente fluidité, la subtilité frémissante de certains passages, l’incandescence d’autres.  Une évocation lumineuse où tous se livrent à corps perdu : Laurent Dehors joue subtilement des clarinettes, clarinette basse et contrebasse, et Christophe Monniot est son alter ego au saxophone alto, baryton et sopranino ; Sébastien Boisseau  assure seul une rythmique ardente à la contrebasse et bien sûr, comment ne pas s’extasier sur le travail des deux pianistes initiateurs du projet, avec sur la voie droite Stephan Oliva qui assure les parties de basse. Si les deux pianistes ne peuvent permuter leurs rôles, tant cette musique impose de contraintes, ils sont formidablement complémentaires, Raulin souvent plus percussif et impulsif alors qu’Oliva est troublant  sur « In the dark-Flashes » thèmes du cornettiste blanc prodige Bix Beiderbecke de Davenport, dont les deux pianistes ont su saluer la modernité.

Le programme commence  sur les chapeaux de roue avec le  truculent « Carolina Shout » de James P. Johnson, cheval de bataille, aux réminiscences du banjo, percé sur des pianos rolls dès 1918. Puis le délicieux « Morning air »  de Willie The Lion Smith qui aimait broder des mélodies précieuses, musicien empreint de Chopin et ayant entendu Rachmaninoff, avec un sens de la couleur que l’on retrouvera chez Duke  Ellington qui d’ailleurs logiquement lui écrivit un « Portrait of Lion », retravaillé par Stephan Oliva. Eclats de toutes les saisons,  cette échappée de « Ain’t misbehaving » de Fats Waller revu  par Raulin. Ou ce blues déchirant  « Aunt Hagar’s blues » introduit à la basse et à la clarinette Ou encore le final joué à quatre mains  « Fast and Furious »  comme au temps de Duke et Billy Stayhorn, joyeusement nostalgique, débordant de swing . En fait, il faudrait citer tous les titres tant cet album est une réussite. Un pur joyau, une rêverie en jazz d’une douce violence, perturbée par certains timbres particulièrement flamboyants, des rugosités éclatantes  comme dans ce « Boogie Woogie on St Louis blues » dédié à Earl Hines .

 Et bien sûr, nous donnerons pour finir, une mention particulière à la composition titre  « Echoes of Spring » qui illumine par sa douceur mélancolique  ce jazz d’autrefois, que le quintet a formidablement réussi à rendre actuel.  Sophie Chambon

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