Cristal 2008
Jan Shumacher quartet est un des quartets les plus enthousiasmants qu’il nous ait été donné d’écouter ces derniers temps, de ce côté-ci de l’hexagone. Un quartet qui évolue aux confins d’un jazz moderne et d’une world music délivrée à petites touches. Car, alors que certains veulent faire une world jazz en tournant autour du pot, assaisonnant trop ceci et pas assez cela, collant ensemble des clichés stylistiques, ici au contraire Schumacher ne semble pas se poser ce type de question.
C’est que son écriture, formidable intègre en elle-même quelques condiments qui lui semblent naturels. On est alors dans un jazz formidablement modernisé. Une sorte de mix entre l’écriture du Paris jazz Big Band et l’énergie du quintet de Dave Douglas. Tout y est emballant : écriture superbe mariant la finesse du propos et la sauvagerie des embardées, alliages fins avec la world grâce à la judicieuse intervention des tablas, à quelques mélismes esquissés et aux formidables interventions de solistes.
Les solistes parlons en. Bien sûr Schumacher éclatant et puissant, formidablement inspiré. Un trompettiste comme on les aime, de ceux qui mordent dans l’instrument sans jamais perdre en groove. Freddie Hubbard avait ça. Il est épaulé sur certains morceaux par le tromboniste Gueorgui Kornazov qui, pour les amoureux du Strada sextet de Texier n’est pas un inconnu et qui apporte dans ces bagages un growl absolument terrible et sauvage. On entend dans son jeu le vertige des grands espaces, des steppes imaginaires et la charge fantastique de quelques chevaux sauvages. Derrière la rythmique est d’une efficacité à faire des envieux un peu partout. Il est vrai que le quartet qui existe depuis 10 ans se connaît parfaitement et maîtrise la science de l’interaction et surtout de ce groove qui, de bout en bout ne lâche pas l’album et maintien l’auditeur dans un état d’éveil constant. Un groove où peu surgir à tout instant quelques irruptions sauvages. Des écorchures. Des traits saillants. Qu’il s’agisse de Mallorca ou de Consternation, on navigue alors entre idiomes du jazz et peutêtre même du blues. L’esprit de quelques bandas où les cuivres apportent un surcroît de soleil méditerranéen achève de nous emporter dans ce magnifique tourbillon. Jean-marc Gelin