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7 octobre 2008 2 07 /10 /octobre /2008 08:15

Blue Note 2008

 



 
Un album de la grande diva est toujours, quoique les blasés puissent en dire, quelque chose de très attendu sur la petite planète jazz. Pourtant, si le précédent album avait suscité un enthousiasme généralisé, la presse ici est, dans son ensemble bien plus réservée. Pensez, Cassandra Wilson chantant des chansons d’amour, c’est un peu comme si Coltrane jouait du New Orleans ou Chet Baker du la techno-jazz. Cela dit pourquoi ne pas se laisser tenter puisque après tout même la grande maîtresse du blues décalé experte en coiffures « chignonées » et en choucroutes décoloréeset-pas-maniérée-pour-un-sou a bien le droit de déclarer sa flamme et de se reposer un peu sur le terrain des grands standards.

D’accord mais il faut bien admettre que si cet album ne mérite pas plus de concert de louange que d’être voué aux gémonies c’est qu’il nous réserve à parts égales, autant de bonnes que de mauvaises surprises. Au chapitre de ce à quoi nous adhérons sans réserve il est à mettre à l’actif de Blue Note (une fois n’est pas coutume) d’avoir pris le risque d’associer sur ces thèmes langoureux la paire des trublions du « bandwagon » que sont le pianiste Jason Moran et le guitariste Marvin Sewell (ici formidable dans un rôle où l’essentiel de l’album tient entre ses doigts agiles). Et là, disons le tout net on adore lorsque ce duo associé à la chanteuse se permet sous les auspices complices de la dame, qui semble au passage prendre plaisir à s’encanailler un peu-beaucoup, de déstructurer et salir à souhait des thèmes pourtant bien balisés et que l’on redécouvre alors sous un jour nouveau. Écoutez par exemple cette magistrale interprétation et cet arrangement de Saint James Infirmary à classer dans les must de ce standard ou encore avec quelle aisance Cassandra et Marvin Sewell s’amusent sur une veux blues façon delta sur ce Dust my Broom . Totalement en emphase avec ses camarades, la chanteuse est alors capable de réinventer le bues, de le triturer à souhait et surtout de nous surprendre. Car c’est bien sur ce terrain là, celui du bues, que la chanteuse excelle à l’instar de ce Very Thought of you enregistré en duo (voix / Contrebasse) dans une prise de son non mixée où l’on entend la chanteuse s’éloigner et s’approcher du micro avec un démarche d’une sensualité torride.

Mais on est en revanche plus dubitatif lorsque Cassandra Wilson roule, bancale, sur les traces de Diana Krall (c’est un comble !) cherchant à interpréter quelques standards avec autant de hauteur bien froide dans l’interprétation que sa voix est chaleureuse. Son final sur l’interprétation de Sleepin Bee est un franc loupé qui frôle le ridicule dans le registre d’une chanteuse scatteuse qu’elle rechigne visiblement à être.

A prendre et à laisser donc dans cet album bien inégal qui sait pourtant, lorsqu’il s’en donne la peine nous entraîner avec une force irrestistible sur des terrains bien mouvants et poisseux. Car lorsqu’une chanteuse de jazz de la trempe de Madame Cassandra Wilson accepte de s’aventurer sur ces terrains là, ses propres terrains de jeux, ce sont toutes les racines d’un blues mal poli et à la fière arrogance qu’elle entraîne avec elle. Et nous avec.                            Jean-Marc Gelin

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