Les éditions BD jazz ont demandé à Jacques Ferrandez d’illustrer le dernier né de la collection consacré à Miles Davis. Et Jacques Ferrandez, c’était l’homme qu’il fallait pour s’attaquer à Miles. En effet Ferrandez grand amateur de jazz et de be bop devant l’éternel aurait tout aussi bien pu devenir musicien professionnel, contrebassiste en l’occurrence si sa passion du dessin n’en avait pas décidé autrement. A 50 ans Ferrandez est devenu un grand nom de Dans le Miles Davis qu’il nous livre aujourd’hui, Ferrandez s’attache à la quête parkérienne de Miles , c'est-à-dire cette période qui le conduit dans les années 44-45 dans les clubs de la 52ème rue à la recherche de Bird, sorte de but suprême pour celui qui fut un jour embauché dans l’orchestre de Billy Eckstine. Ayant quitté sa vie bourgeoise auprès de son père dentiste à Saint Louis et destiné à se retrouver à Rencontre avec Parker, d’un Miles que Ferrandez représente comme farouchement déterminé à forcer son destin mais dans le même temps un peu halluciné par sa belle aventure. Comme s’il assistait autant en acteur qu’en spectateur de sa destinée. Le Bird en revanche n’est pas trop crédible représenté là en sale type superstar particulièrement vulgaire et grossier acceptant sans aucun état d’âme le départ de Dizzy, plus occupé alors à lever les poules de luxe et à se procurer de l’argent pour sa dope. Un portrait sans doute un peu caricatural mais inévitable compte tenu du format très court de Le dessin de Ferrandez est vif, précis soucieux d’un réalisme presque documentaire. L’utilisation très maîtrisée des jeux de lumières, notamment sur les couleurs sombres dans les scènes nocturnes urbaines ( le noir lumineux des carrosseries de voitures, les visages des jazzmen, avec quelques traits de crayon disséminés pour accentuer les contrastes) parvient à nous mettre dans l’ambiance de Big Apple et des clubs de l’époque. Pour la partie musicale les deux CD qui sont présentés représentent une sélection discographique de grande qualité montrant entre 1949 (l’époque de Birth of the Cool) et 1955 (« Milt and Miles ») un Miles en lente progression vers sa pleine maturité. On s’étonnera juste du choix de l’éditeur d’avoir volontairement écarté les enregistrements où Miles, d’ailleurs trompettiste très moyen à l’époque, joue avec Charlie Parker. Et ce sera notre seul regret dans l’histoire que de voir oubliées ces sessions de 1945 ou de 1947 comme ce Milestones par exemple qui ne pouvaient on ne peut mieux illustrer le propos du dessinateur et la progression de Miles Davis. Choix surprenant mais qui a sa propre logique.
Xavier D’Almeida - Jean Marc Gelin