Poursuivant l’aventure de Flench Wok, le guitariste sudiste Jean Philippe Muvien persiste, et signe Air libre (titre de Daniel Humair) sur le nouveau label Algorythm qu'il a créé et que distribue Abeille.
Dès les premières secondes, on reconnaît la batterie de Daniel Humair qui continue à enregistrer aux côtés de jeunes musiciens avec lesquels il partage le bonheur du collectif.
Le graphisme sort directement de l’atelier de Philippe Ghielmetti qui ne perd jamais de vue les artistes qu’il aime… et Humair est du nombre. Le batteur comptait en effet parmi les artistes emblématiques du label Sketch, depuis le premier album triple jamais sorti en France Hum en 1999. Gageons qu’à présent le guitariste fait partie des musiciens de la « famille ».
Sans piano, mais avec "des" noms, cette formation pluri-générationnelle illustre le niveau de création auquel sont parvenus les musiciens actuels. Comme les formations régulières sont rares, habitude est prise de s’inviter les uns les autres… et de tracer son sillon. A la paire initiale composée de Humair et Muvien viennent donc s’ajouter de vieux complices du batteur, les maîtres Celéa à la contrebasse et Sclavis aux clarinettes. Ils se glissent partout où il peuvent, et l’espace ne manque pas dans cette musique à la fois construite et ouverte. Les autres invités, plus jeunes, ne sont pas en reste, apportant chacun leur contribution et leurs timbres originaux : finesse et délié du phrasé de Vincent le Quang au soprano, accords mélancoliques de Vincent Peirani à l’accordéon (avouons une préférence pour la couleur "bleue" de ses interventions). Il y a aussi Maja Pavloska instrumentalisant sa voix sur les deux derniers titres, Vlada et ce Drôle d’endroit qui conclut le disque en feu d’artifice. Les irisations de la guitare de Jean Philippe Muvien comblent largement l’absence de piano. Il joue sur l’éclat, entre vivacité cinglante et harmonies décalées. Son phrasé plus harmonique que mélodique, se combine aux emportements plus mélodiques des souffleurs. C'est bien sa propre voix que nous entendons à chaque occasion, au fil de ses rencontres, faisant passer la recherche du son avant l'affirmation de soi.
Huit compositions particulièrement enlevées, souvent co-écrites par le guitariste et le batteur, tiennent sur une longueur quasi-idéale de 46 minutes. Deux d’entre elles rendent hommage au pianiste intense Joachim Kühn, partenaire d’un autre trio historique autant qu'éphémère, le "Triple entente" de Humair-Kühn-Jenny-Clark.
Jean Philippe Muvien parvient à donner consistance à son projet de concilier liberté, invention et respect des règles du rebondissement. Du free son, des accents rock tels que nous les aimons avec une batterie plus subtile : une musique qui respire, électrisante, impatiente et souvent fébrile.
Le guitariste a trouvé en Daniel Humair un partenaire idéal. Les entendre jouer de concert est un régal, car ils ont l'art de nous entraîner à leur suite dans une course folle.
Rien n’est imposé… vous êtes prévenus… seul vous est offert le plaisir de s’abandonner au travail de l’ensemble.