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12 décembre 2008 5 12 /12 /décembre /2008 06:12

 

Comment t’es venue cette idée de te présenter comme nouveau Directeur artistique de l’ONJ ?

D.Y : Pour être franc, je n’aurai jamais postulé pour le rôle de Directeur musical de l’ONJ tel qu’il existait auparavant. Cela ne correspondait pas à ce que je fait actuellement. Je suis loin d’être exclusivement dans ce type de travail musical. Mais en lisant la fiche d’appel à candidatures j’ai appris qu’il s’agissait désormais d’une nouvelle fonction, celle de Directeur artistique. Et là l’idée de mettre au point des projets, de susciter des rencontres sur d’autres terrains artistiques est quelque chose qui m’a tout de suite plu parce que c’est la prolongation de mon travail actuel. Je le fais déjà dans mes propres projets mais aussi en collaborant en tant que directeur artistique à de nombreux projets de musiciens.

 

Mais là pour le coup tu es parti de rien puisque tu as créé l’orchestre de toute pièce et par ailleurs tu as choisi de faire appel à différents arrangeurs pour chacun des trois projets ?

D.Y : Qu’il s’agisse de Vincent Artaud (pour le projet « Robert Wyatt »), d’Alban Darche (pour le projet « Billie Holiday ») ou de Benoît Delbecq (à un autre titre pour le projet « Carmen »), ce sont surtout des personnalités musicales de grand talent à qui j’ai confié le travail d’arrangement et de mise en forme et qui sont à l’écoute de mon projet. Véritable travail à quatre mains. Quand à l’orchestre, j’ai choisi de créer effectivement une formation qui n’existait pas auparavant en allant chercher de très jeunes musiciens. L’idée n’était absolument pas de créer un orchestre « tout terrain » qui réunisse les pupitres habituels mais au contraire façonner un son, créer une couleur avec eux. En ce sens on peut imaginer de générer par notre singularité des collaborations avec des univers artistiques à large spectre. Le choix de ces jeunes a donc été crucial. Et dans ce contexte chacun apporte une réelle personnalité. A tel point par exemple que moi, Vincent, Alban et moi sommes allés les voir un  par un et avons ainsi passé du temps avec eux pour

essayer de percevoir leur personnalité, de comprendre comment ils travaillaient et quel était leur univers musical. L’idée sous jacente est une idée assez basique, celle d’écrire en fonction de la personnalité de chaque musicien. Vincent a de lui-même sollicité Ève Risser afin de passer avec elle une journée en studio pour appréhender son jeu. Elle a comme tous les membres de cet orchestre un éventail de possibles incroyable. Mais ce qui m’intéresse aussi c’est de pouvoir travailler avec des gens qui ont un esprit totalement ouvert et qui ont aussi une grande culture musicale. Avec Antonin Tri-Hoang (saxophoniste alto) j’ai été impressionné qu’il connaisse autant bien Robert Wyatt que Benoît Delbecq alors qu’il n’a que 19 ans ! Cela faisait déjà partie de son univers musical. Ces jeunes là n’ont attendu rien ni personne. Ils sont organisés de manière autonome. Je les ai aussi choisi  pour leur disponibilité, leur potentiel d’évolution et leur ouverture d’esprit. J’ai d’ailleurs envie des les accompagner dans des projets plus personnels et notamment à travers de petites formes de l’orchestre allant du solo à des petits combos.

 

Concernant ce premier projet, autour du chanteur pop Robert Wyatt, comment as-tu travaillé ?

D.Y : j’étais en contact avec lui depuis quelques années autour d’un projet qui pour différentes raisons n’avait pas abouti. Je l’ai tout simplement contacté et lui ait expliqué mon idée. C’est un personnage extrêmement attachant à la fois complexe et chaleureux. Il a accepté de chanter a capella pour ce projet. Ces bandes constitueront le matériau de base de notre travail.

 

Travailler à partir de voix enregistrée a capella, c’est déjà ce que tu faisais dans ton précèdent albums avec Guillaume de Chassy ?

D.Y : Cela fait un moment que je m‘intéresse à l’idée de partir du personnage principal pour construire la narration. En ayant beaucoup enregistré en studio en tant que bassiste j’ai souvent été frustré d’avoir à jouer sans entendre la voix définitive. D’où l’idée d’inverser le processus en se servant de chaque inflexion de

 

la voix comme d’un écrin musical. Il s’agit autant d’un détournement de la matière vocale que d’un hommage à proprement parler. Il s’agit aussi d’associer d’autres artistes sur le même mode a capella et d’en faire tout un travail d’arrangement.

 

Billie Holiday, t’a-t-elle aussi confié des bandes ?

D.Y : Tu vas rire mais j’ai réussi à dénicher effectivement des bandes d’enregistrement où elle chante a capella. Je vais voir ce que je peux en faire. En tous cas le répertoire est choisi. J’ai scénarisé ce projet comme un spectacle à part entière un peu comme une comédie musicale. Il mettra en scène deux chanteurs sur lesquels j’a eu un coup de cœur : Ian Siegal et Karen Lanaud et dont l’univers est suffisamment éloigné de Billie Holiday pour imaginer qu’ils en seront une seconde incarnation

 

Quand on est un musicien du circuit avec tout ce que cela comporte d’amitiés et de réseaux, cela doit être difficile à gérer de constituer un orchestre de jeunes ? Les sollicitations doivent être fortes ?

D.Y : J’ai pris tout de suite le parti de ne pas travailler avec les musiciens qui me sont proches. Ces musiciens que j’aime et avec qui j’ai plaisir à travailler ont tous un planning, un parcours musical, des choix artistiques assumés. Et là j’avais envie de travailler à partir d’une bande totalement vierge. De me laisser surprendre et surtout de découvrir, et de faire découvrir. C’est de toute façon une démarche que je m’impose souvent. Lorsque je réalise des albums, je n’appelle pas toujours les gens que je connais. La musique c’est aussi une affaire de casting.

 

Mais là, pour créer un ONJ, partir de musiciens jeunes que tu ne connais pas, c’est un peu risqué, non ? Joueur ?

D.Y : prendre des risques, oui assurément. C’est même pour cela que je fais ce métier. Tu sais il m’est arrivé maintes fois de venir en studio avec des arrangements que j’avais écrit et que je n’ai jamais utilisé parce que je préférais me laisser surprendre en dirigeant les gens oralement et en leur laissant de fait plus de champ de proposition.  

 

A ce risque des jeunes musiciens, tu en ajoutes un autre. Celui des chocs esthétiques. Par exemple l’univers d’Alban Darche semble très éloigné de celui de Billie Holiday. C’est un contraste recherché ?

 

D.Y : en fait il ne faut pas le voir comme cela. Bien sûr que Billie Holiday fait partie de l’univers de Alban Darche, de sa culture et de son esthétique. Qu’il travaille avec Philippe Katerine ou sur la musique de Queen il maîtrise comme tous les passionnés l’histoire de la musique sur laquelle il travaille. De fait il connaît parfaitement la musique de Billie Holiday. J’ai fait appel à des musiciens dont j’apprécie le travail et en qui j’ai confiance et surtout je pense fondamentalement qu’ils ont la culture pour s’attaquer à ce type de projet. Il ne s’agit absoluement pas de les prendre à contre emploi. Peut être simplement de leur soumettre de nouveaux défis

 

Tu vas faire Carmen à l’Opéra Comique. Comment l’idée a t-elle pu se faire ?

D.Y : J’étais très intéressé par le mode de fonctionnement de cette institutuion notamment depuis la nomination de Deschamps. Après ma nomination j’ai éprouvé le besoin d’appréhender des mondes que je connaissais moins. J’ai à ce titre rencontré beaucoup de monde ( artistes, administrateurs, managers….). Parmi eux, Olivier Manteï, qui est le directeur délégué de l’Opéra Comique et que j’ai questionné pour savoir comment il gérait sa boutique. Il a tout de suite été très clairvoyant sur les enjeux et les challenges. Au terme de ce rendez vous il a alors eu l’idée de me nous confier la bande originale de Carmen, film muet de 1915 de Cecil B. de Mille. Il en a parlé à Deschamps qui a accepté le projet. Une date a été prise pour le 26 juin 2009.

 

L’ONJ n’a toujours pas de lieu propre. Où répéterez vous ?

D.Y : La recherche d’un lieu est à l’ordre du jour. Il y a des pistes sérieuses. En attendant, pour Robert Wyatt on répétera à la Dynamo. Pour Billie Holiday ce sera à Radio France. Enfin pour Carmen, logiquement ce sera à l’Opéra Comique.

 

Avec cette nouvelle fonction, tu as encore le temps pour tes propres projets ?

D.Y : Je t’avoue que cela est un engagement total très chronophage. Il n’empêche que nous avons avec Guillaume de Chassy un beau projet qui sort en février. Nous sommes allé à New York enregistrer un album avec Paul Motian et Mark Murphy. Un moment très fort de nos aventures duettistes. Je ne te cache pas que lorsque Motian nous a dit que la dernière fois qu’il avait joué avec Murphy c’était avec Bill Evans et Scott La Faro, cela aurait pu nous mettre une certaine pression. Mais la musique est ailleurs !!    Propos recueillis par Jean-Marc Gelin
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