Concord Jazz 2009
1cd + 1 dvd
Christian Scott (tp), Aaron Parks (p) , Walter Smith III (ts), Matt Stevens (g), Joe Sanders (cb), Jamire Williams (dm)
Difficile de ne pas penser à Miles Davis lorsque l’on voit, dans le DVD du concert qui accompagne le CD de ce « live at Newport », Christian Scott se présenter sur scène, super looké derrière ses lunettes noires, assez frime et se la racontant un max’. Car si la musique de Christian Scott n’est pas particulièrement « visuelle », pas très scénique justement, l’idée d’avoir présenté cette production sous la forme CD et DVD donne un éclairage passionnant et nous ouvre à une toute autre façon d’entendre. Mise en relief à la fois de la musique et du jeu de ce formidable trompettiste que nous découvrons.
Enregistrée et filmée à Newport, cette production nous permet en effet de découvrir ce musicien de la Nouvelle-Orléans, diplômé depuis 2004 du Berklee College Music et accessoirement neveu du saxophoniste Donald Harrison. Bien heureuse effectivement découverte que celle de ce formidable trompettiste très inspiré par le jazz-fusion et qui porte une sorte de continuité entre la musique de Miles version Silent Way et d’autres musiques plus contemporaines à ce jeune homme. On pense (pourquoi pas) à la musique de Motian par exemple ou à celle de Rosenwinkell. Jouant comme Dizzy de la trompette coudée (même si son jeu n’a rien à voir) Christian Scott montre tout ce qu’il a appris de Miles, dans sa façon de jouer sur la densité mais aussi sur le jeu aéré où l’absence de notes est en soi une musique de l’intervalle aussi précieuse que la note elle-. Christian Scott joue de manière intense, porte un son puissant et déchirant à fois où la chaleur de son timbre exprime quelque chose de très « soulful ».
À ses côtés, on découvre un groupe qui tourne formidablement bien. Le saxophoniste Walter Smith III que l’on suit déjà depuis quelque temps (on avait suivi son travail de sideman aux côtés de Logan Richardson et surtout son album autour de Sam Rivers) s’impose comme l’un des saxophoniste les pus talentueux de sa génération. Où il n’est plus question ici de parler de technique mais d’une autre inspiration dans le phrasé très sensuel et dans la musicalité des phrases qui semblent venir d’un supplément d’âme. Superbe ! Matt Stevens à la guitare apporte une inspiration très Methenienne dans son jeu aux rondeurs évanescentes. Au diapason de ces trois-là, la rythmique entre en « fusion », transmet l’énergie d’un élément du groupe aux autres et surtout la mise en tension de ces univers très intenses.
Les spectateurs de Newport rentraient visiblement à l’intérieur de ce concert et prenaient leur part dans cette musique passionnante. Une musique à l’introspection partagée dans laquelle Christian Scott s’inscrit comme le prolongement de Miles par d’autres moyens. Une très belle découverte.
Jean-Marc Gelin