Hervé Gloagen
Editions de la Martinière
2009, 14 €
56 clichés en noir et blancs, 56 musiciens ou chanteurs de jazz captés en 56 poses « de l’instant » par Hervé Gloaguen dans les années 60.
À l’époque, celui qui deviendra grand reporter un peu partout dans le monde, faisait la planque sur les avant-scène, dans les loges, depuis les coulisses ou derrière les rideaux, se faisant passer pour un photographe accrédité, ce qu’il n’était bien sûr pas le moins du monde. Il ramène alors de ces escapades de jeune passionné, des photos « volées » ( pourrait on dire) prises sous des angles improbables et qui traduisent en quelque sorte l’urgence, l’œil furtif, le vol d’images au détour d’une phrase musicale, le regard un tantinet décalé.
Les musiciens qu’il se plaît à photographier sont alors captés ( essentiellement) dans des moments de jeu, des moments de scène où l’on peut lire dans leurs yeux l’effort, la transe, l’esprit qui divague et s’échappe avec les notes qui s’envolent. Les batteurs comme Art Blakey ou Sam Woodyard dans l’effort physique d’un sportif aux muscles tendus, l’œil de Louis Armstrong qui divague en plein chorus, Chris barber à Pleyel dans un ailleurs que seuls les musiciens connaissent etc….. Il y a parfois une forme d’inquiétude, parfois la marque d’une concentration intense. Et ces photos souvent un peu floues ne se contentent pas de saisir l’instant, elles accompagnent aussi le mouvement. On imagine que pour la plupart, ces photos par leur grain épais, par leur absence de netteté, ont dû être recalées par la plupart des journaux plus habitués alors à l’image dite parfaite. Elles ont pourtant le mérite au contraire de nous toucher en ce qu’elle ne montrent pas une image figée mais témoignent d’une belle humanité de ces musiciens. Humanité que souvent ils transcendent.
Un choix judicieux de textes très courts ( l’urgence encore) accompagne ces photos : Frank Conroy, Langston Hugues, Michel Le Bris, Jean Perol et quelques témoignages de musiciens (d’ailleurs non photographiés) comme Billie, Louis Bellson, Mc Coy Tyner, Archie Shepp etc….
Même s’il est tout à fait dispensable, ce petit recueil de photos ne se boude pas. Il apparaît comme le témoignage très simple d’un apprenti photographe qui révélait déjà l’acuité du futur reporter. La naissance d’un chasseur d’images.
Jean-Marc Gelin