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6 juillet 2006 4 06 /07 /juillet /2006 20:55

  

 

 

C’est magie de voir une ville de 10000 habitants se transformer pendant deux semaines en capitale internationale du jazz. Toute la ville est en fête :pas un café, pas un jardin, pas une vitrine qui ne swingue ! La programmation du festival est exigeante, riche, variée et toujours attentive à faire découvrir au très large public les nouveaux talents voire à accueillir des créations. Yves Robert a ainsi présenté cette année à Coutances l’Argent, un spectacle collage patchwork, réflexion philosophico-sociologique sur notre société matérialiste avec témoignages de spécialistes de la finance, voix entremêlées, chocs, violences. Yves Robert et ses musiciens (dont la talentueuse Elise Caron) nous invitent à nous interroger sur notre rapport à l’argent : expérience nécessairement d’utilité publique. 

Mais ce festival populaire qui draine son public bien au-delà des frontières de la Basse-Normandie est avant tout l’occasion de célébrer le bouillonnement artistique du jazz contemporain. Le saxophoniste ténor  Olivier Temime  avec ses « volunteered slaves » (en hommage à une composition de Roland Kirk datant de 1969) en est un des exemples les plus excitants avec une musique qui explore de multiples influences du be bop au funk en passant par l’afro, le tout sur des rythmes endiablés et fougueusement. La chanteuse coréenne Youn Sun Nah, plus élégante, plus précieuse, plus atypique que jamais, se nourrit elle aussi aux sources multiples : jazz, pop (la pureté de sa voix n’est pas sans évoquer celle de Björk), musique orientale Elle est d’une virtuosité extrême tant dans la maîtrise de sa voix, que dans la précision rythmique avec à certains moments une liberté et un lâcher-prise totaux. Tout cela sans aucune ostentation et avec la plus grande humilité. Elle est entourée de musiciens de talent, Benjamin Moussay au piano, David Nierman au vibraphone, Yoni Zelnik à la basse. La magie opère, nous sommes sous le charme, comme en apesanteur.

La qualité du festival de Coutances est aussi dans sa capacité à prendre des risques. C’est ce que l’on s’est dit en découvrant en première partie de Dee Dee Bridgwater la pianiste Magali Souriau. Sa rencontre avec Alex Dutilh racontée avec émotion dans les colonnes de Jazzman nous avait certes déjà mis en appétit. Mais sa musique, ce n’est pas grand chose : des souvenirs d’enfance, des émois de petite fille, beaucoup de sentimentalisme teinté de nostalgie. Cela commence avec au « Clair de la Lune » et cela finit tous en chœur sur « Au feu les pompiers ». Entre temps, on est passé par Randy Weston, Monk et son Epistrophy, Bach parce que comme tout le monde sait « Bach ça swingue d’enfer ». Du presque rien accompagné par l’immense saxophoniste Chris Cheek et joué avec une infinie fraîcheur. Une jolie écriture inspirée du quotidien (la promenade, la belle dame avec son grand chapeau)…des petits riens qui font la vie. Elle chantonne en jouant et c’est charmant. Elle a un toucher subtil, elle effleure à peine le piano et nous transporte au pays de l’enfance. Nous ne savons pas bien l’expliquer mais cet instant passé en sa compagnie est précieux et rare.

L’événement annoncé de cette vingt-cinquième édition de Coutances était sans aucun doute la venue du Trio Beyond, créé par Jack DeJohnette en hommage à Tony Williams avec à la guitare John Scofield et à l’orgue Larry Goldings. Sur la scène de la très grande halle aux grains de Coutances, le batteur anime le groupe en déstructurant les rythmes, en passant du binaire au ternaire, jeu arachnéen, généreux et énergique, toujours en délicatesse, il fait sonner sa batterie comme personne… il est simplement immense. Scofield de son côté avec un son saturé et plein de réverbérations, invente en permanence, reprend en boucle des motifs pré-enregistrés...Oui mais leur grande technicité laisse peu de place à la rêverie et le jeu très mécanique de Scofield étouffe quelque peu l’ensemble. La version en studio qui sortira dans peu de temps sur le label ECM est dit-on plus réussie. Le festival de Coutances c’est aussi le dépaysement et Jean-Marie Machado présent cette année en sextet ( à noter l’indispensable Andy Sheppard au saxophone et l’excellent Gueorgui Kornazov au trombone) nous a transporté en Espagne. Ses arrangements de Falla, Granada ou Albeniz évoquent toutes les couleurs de son Maroc natal et de l’Andalousie. L’ocre et le rouge. Nos sens en éveil...

 Jazz sous les pommiers c’est surtout le dialogue permanent entre le public et les artistes ; un dialogue institutionnalisé par les organisateurs à travers le soutien d’un programme d’artistes en résidence dans la région.  Le but de ce projet est d’accompagner des artistes dans leur travail de création et de favoriser tout au long de l’année des rencontres avec la scène de Basse-Normandie. Après Bojan Z, c’est  le guitariste Louis Winsberg qui est depuis 2 ans en résidence à Coutances, « moment privilégié de création, de rencontres, de partages avec la scène régionale, d’expérimentations, de composition.“  Vous l’aurez compris JSLP, c’est de la Jubilation sur tous les Plans ! A tout bientôt à Coutances.

 Régine Coqueran

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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