Le saxophoniste américian Charlie Mariano est décédé hier, 16 juin 2009 à Cologne où il vivait, à l'age de 85 ans.
Il aura joué avec les plus grands comme Charles Mingus, Stan Kenton, avec de grands artistes européens comme Philip Catherine et Eberhard Weber ainsi que des musiciens liés à la musique traditionnelle comme Rabih Abou-Khalil et des musiciens indiens.
C'est dire l'ouverture d'esprit dont faisait preuve le musicien.
Ces dernières années, on l'entendait souvent avec le trio franco-suisse Cholet-Känzig-Papaux.
A l'annonce de la nouvelle, Lionel Eskenazi des dnj a réagi d'une manière qui résume bien ce qu'on aimait chez Mariano:
"C'est la perte d'un grand saxophoniste à la sonorité unique !
On avait tendance à le croire immortel, tant il avait l'air en forme.
Bad and sad day."
Notre dernière chronique d'un album de Charlie Mariano enregistré avec le pianiste Jean-Christophe Cholet
CHARLIE MARIANO : « Silver Blue »
Enja 2007
Un jour que la baronne de Koenigswarter lui demandait quel serait son vœu le plus cher, Mariano dit « je voudrais avoir le cœur et la technique de Parker… Mais la technique de Parker, on s’en fiche, non ? Si j’avais le cœur de Bird ça suffirait ! ». Et l’on sait que pendant longtemps Charlie Mariano courut avec son sax alto sur les traces de Bird. On se souvient encore de ses envolées d’oiseau chez Kenton ou dans l’orchestre de Shelly Manne. On se souvient aussi du temps où avec sa femme, la remarquable pianiste et émule de Bud Powell, Toshiko Akioshi, ils pouvaient enflammer les scènes du post-bop. Pourtant Mariano au fil des ans a fait bien d’autres choses et finalement était un peu tombé dans l’oubli ces dernières années. On doit aujourd’hui au trio du pianiste Suisse, Jean Christophe Cholet cette belle idée d’offrir à Charlie Mariano cette occasion de refaire surface dans un très beau moment de pure nostalgie qui s’offre alors à nous. Avec l’âge, Mariano s’est approché de cette vérité qui n’existe finalement qu’en étant parfaitement soi même. Longtemps adepte de la musique indienne et de la pratique du nagasvaram, instrument sur lequel il savait délivrer un message mystique, Mariano parvient en peu de mots musicaux à insuffler un supplément d’âme aux thèmes les plus simples. Et c’est justement avec cette part d’âme en plus que Mariano revisite les standards. Avec ces phrases un peu traînantes et malheureusement pas toujours juste mais si belles, Mariano livre un moment magnifique de nostalgie douce. L’homme ne court plus après le temps et encore moins après le tempo. N’enchaîne plus en virtuose les triples croches lancées à toute allure. Non Mariano est juste parvenu à cette part de sincérité intime et même s’il lui arrive parfois de jouer un peu « en dehors », il y a chez lui cette façon de faire chanter, de faire pleurer la note lancinante qui n’appartient qu’aux grands. Qui n’appartient qu’à ceux pour qui, jouer des thèmes aussi connus que Prelude to a kiss, My Funny Valentine ou Black orpheus est une façon de dire bien plus que les seules notes qu’ils jouent. Les puristes feront la moue. Ils n’entendront pas ici un grand saxophoniste. Ils entendront juste un sage enfin débarrassé de tout le superflu. Charlie Mariano a peut être trouvé le cœur de Charlie Parker, peut être pas. Mais c’est avec une beauté fragile qu’ici, il nous livre le sien.
Jean-Marc Gelin