Phineas Newborn (p), Calvin Newborn (g), Oscar Pettiford ou George Joyner (b), Kenny Clarke ou Denzil Best (dms). Mai 1956 et mars-avril 1958. Réédition : Jazz Beat 2009.
Comme Miles Davis ou Wes Montgomery, Phineas Newborn avait la chance de porter un prénom immédiatement identifiable, source d’innombrables titres de disques. En l’occurrence « Here is Phineas » et « Fabulous Phineas », respectivement premier et cinquième album de sa carrière de leader, opportunément réédités en un seul CD par Jazz Beat. On y découvre les premiers pas bien assurés d’un monstre du piano, qui se distinguait déjà par une technique surhumaine (indépendance des deux mains, vélocité et puissance « à la russe »), une imagination débordante et un swing indéfectible. « Here is Phineas » le présente flanqué d’une rythmique superlative (Oscar Pettiford et Kenny Clarke) et d’un guitariste à peine audible, son frère Calvin. Si les influences bop et hard bop sont bien présentes (avec des compositions de Charlie Parker, Bud Powell ou Clifford Brown), c’est surtout le génie d’Art Tatum qui plane sur ce piano ébouriffant de fantaisie : il n’est qu’à écouter sa relecture d’All The Things You Are ou son fabuleux Newport Blues en solo, où il joue avec maestria des contrastes de registres. Dans « Fabulous Phineas », le frangin Calvin Newborn sort enfin de l’ombre pour occuper une place d’authentique soliste. Considéré par Pat Metheny comme « l’un des meilleurs guitaristes de jazz de tous les temps » (citation tirée du livret), il séduit par un son limpide, une attaque tranchante et un phrasé des plus agiles. Quant à Phineas lui-même – plus mûr peut-être – il semble jouer avec un peu plus de retenue et de profondeur, notamment sur Sugar Ray, superbe ballade interprétée en solo. Ces deux albums sont donc une entrée en matière idéale pour découvrir l’œuvre de ce pianiste majeur encore trop méconnu.
Pascal Rozat