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2 septembre 2006 6 02 /09 /septembre /2006 23:09

On y était. Pas vous ?

 

 

 

Il y avait comme tous les étés de la musique partout. La capitale s’était mise en quatre pour nous offrir quelques bons moments de jazz entre deux matchs de l’équipe de France.

 

Le théâtre du Châtelet ouvrait le bal au tout début de l’été avec une affiche de rêve. Nonobstant l’équipe de France qui faisait chavirer d’autres têtes et empêcha certains d’aller voir John Zorn avec Masada (on a des noms !) nous eûmes néanmoins droit à un concert très beau de Bill Frisell venu le 6 juillet présenter sa toute nouvelle formation avec Greg Tardy au sax, Ron Miles à la trompette, Tony Scherr à la contrebasse et Kenny Wollesen à la batterie. Il faut dire que Bill Frisell a le chic pour mettre du bleu sur ses mélodies sudistes avec ses accents de folksongs matinées de jazz. Jamais il n’abuse de la réverb mais utilise juste sa pedal street guitar chère aux joueurs de Country avec un grand sens du dosage subtil. On entendrait presque des sonorités simples à la Oscar Moore. En revanche la formation avec laquelle il évolue n’est pas la meilleure qui soit et l’on a pu assister après un premier quart d’heure brillant du trompettiste Ron Miles à l’éclipse totale de ce dernier au cours de ce bien agréable concert. Agréable mais par moments toutefois inégal.

 

Le lendemain nous nous faisons une fête d’aller entendre pour la clôture du festival l’immense Ran Blake. A 75 ans Blake n’a rien perdu de la magie de son discours. Incroyable profondeur des phrases monkiennes. Monk qu’il transcende. Monk qu’il ramène à Ellington. Pas l’Ellington chef d’orchestre mais Ellington le pianiste dont chaque attaque de note est un point de suspension. Mais Blake est vieux et suet à toutes les angoisses. Au bout de 20mn, parce qu’il était allé tout au bout de lui-même et qu’il ne pouvait plus rien rajouter, Blake se leva et quitta la scène très intime (des chaises avaient été placées sur la grande scène, autour du piano) devant un  public néanmoins conquis et compréhensif qui ne manqua pas de lui faire une véritable ovation. Beau moment de compréhension par le public de l’artiste en souffrance.

 

Au New Morning durant ce torride mois de juillet Carla Bley venait sur scène avec son éternel côté potache. Son Big Band venait là pour s’amuser. Mais avec l’âge Carla se rangeait moins du côté de Mingus que d’ Ellington (là encore) avec un trompettiste qui nous faisait penser à Ray Nance et un Gary Valente, tromboniste génial dans une forme éblouissante alors qu’à l’orgue la fille de Carla Bley, Karen Mantler (dans le rôle du parfait sosie) restait dans une posture sage. Carla Bley possède cette faculté d’écrire des choses complexes et de les rendre simples par son sens du swing. Elle assume carrément un clin d’œil appuyé Glenn Miller. Fait circuler d’une main toujours assurée une énergie bouillonnante à laquelle n’est pas étrangère la rythmique menée par Steve Swallow dont les yeux ne quittent pas d’un seul instant Carla. Sa reprise du morceau de Ray Noble (‘til you) fut un des grands moments de ce beau concert. Son Big Band se situe toujours quelque part dans les sommets du jazz. On comprend qu’il soit encore et toujours une référence prégnante pour grand nombre d’orchestre. Il nous donne furieusement envie de revenir rapidement l’entendre à la Villette

 

 

Dans un autre registre la venue du groupe Take 6 au New Morning nous donnait l’occasion de voir autant de spectacle sur scène (plutôt de show) que dans ce public afro américano antillais de Paris venu de toutes les églises adventistes de la capitale communier avec hystérie avec ce groupe aux allures de prêcheurs du temple. Sensations assurées. On se serait cru du coté de la Glide Church de San Francisco. D’ailleurs ce n’est pas un  hasard si le seul à avoir reçu l’autorisation de photographier et d’interviewer était le représentant de la Fédération Française de Gospel (que nous saluons ici pour nous avoir si gentiment permit d’utiliser ses clichés). Sur scène derrière 6 chanteurs d’exception, un manager cerbère façon Don King de 300 kgs en culottes courtes s’assurait qu’aucun voleur d’image ou de son n’était dans la salle. Parce que ces 6 performers du jazz vocal qui nous assène à longueur de temps que « God’s with you. Oh my Lord yeah !» n’oublient pas de vous inciter à acheter leur dernier album «  to help us to make money ». Eh oui on y est pas habitué ici mais il faut s’y faire, la bible se marie fort bien aux dollars de l’autre côté de l’Atlantique. Mais revenons à l’essentiel : la musique. Reste un véritable show bouillonnant. 6 chanteurs exceptionnels bourrés de vitamines. Derrière la façade à paillettes, des chanteurs immenses, des musiciens et arrangeurs de génie et une volonté de revenir un  peu plus au jazz. On buvait du petit lait malgré un son un peu saturé au premier set. Dans la fournaise du paradis ( !) les 6 nous ont littéralement scotchés avec une mention particulière pour le bassiste du groupe capable de  et faire trembler les murs de Jéricho avec un seule note et de danser à la manière d’un  pack entier de joueurs néo-zélandais façon Haka. Et des harmonies à tomber par terre qu’on vous raconte même pas. Un son unique qu’ils sont les seuls, depuis que Manhattan Transfer ne cesse de décliner, à maîtriser de la sorte. Une école en somme !

 

 

Et puis, pour finir en beauté, on a choisi  Ornette Coleman ! Ornette venu inaugurer le festival « Black rebels » à la Villette. Ornette , le free de la passion ! Ornette la légende. Concert magique comme souvent avec lui. Le maître du son c’est lui. Habité toujours par sa musique. Le maître du blues, à 76 ans c’est toujours lui. Même s’il semblait un peu fatigué, un peu moins capable de tenir de très longs chorus, un peu moins dans l’énergie du souffle, Ornette montrait un autre visage ce soir là ? Montrait qu’il reste une légende du jazz. Pas seulement par son jeu d’ailleurs mais toujours par ses compositions si intelligemment agencées. Décalages rythmiques, retour de thèmes, libres improvisation, digression puis à nouveau ensemble et coda abruptes et tout cela avec l’incroyable sentiment de facilité. De fluidité. Ornette qui vient de sortir un nouvel album en live « the grammar of the sound » était accompagné de son fils Denardo à la batterie (très mal sonorisé) et d’une géniale rythmique de choix, celle de Tony Falanga à la contrebasse (une découverte celui là) et de Al Mc Dowell à la basse électrique. Association géniale aussi que ce jeu d’archet de Falanga au son de Ornette Coleman où il est question d’un poésie un peu folle que seul Coleman est capable de dire. Sorte de complicité de saltimbanque. Un song X un  peu désorientant par le jeu binaire ternaire de Denardo et puis au final pour seul rappel, un Lonely woman simplement joué avec une sublime profondeur.

 

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