Alors que le festival Esprit jazz fête ses dix ans, le concert de vendredi soir trouvait une résonnance bien particulière : le trio du batteur André Ceccarelli y rendait en effet hommage à Claude Nougaro, qui avait accepté il y a une décennie d’être le parrain de la première édition. Une forme de retour aux sources en somme, dans le cadre à la fois luxueux et insolite d’un salon de réception de l’hôtel Lutetia, qui fait désormais partie de ces lieux rares que le festival investit chaque année. Et aussi l’occasion de redécouvrir sur scène le répertoire de l’album « Le coq et la pendule », sorti chez Plus Loin Music à la rentrée 2009.
Sur le papier, l’idée de transposer à un format instrumental l’univers du grand parolier qu’était Claude Nougaro peut paraître pour le moins risquée. « Dédé » Ceccarrelli et ses talentueux acolytes (Pierre-Alain Goualch au piano, Diego Imbert à la contrebasse) relèvent pourtant le défi avec brio, grâce à des arrangements bien troussés faisant la part belle aux mélodies et à une dynamique de groupe alliant la finesse à l’énergie. En dépit d’une sonorisation un peu excessive – du moins depuis le troisième rang où j’étais installé – on ne perd pas une miette de leurs échanges.
Et puis, il y a David Linx, invité sur plusieurs titres, dont une version anglaise (!) d’Eau douce. Avec lui, on entre dans une nouvelle dimension : une silhouette dégingandée qui gesticule au gré de ses embardées vocales, des scats décoiffants à n’en plus finir, une énergie et une présence de tous les instants. Il n’en faut pas plus pour embraser le public du très chic sixième arrondissement. Cerise sur le gâteau : le concert s’achève par trois « bonus tracks » absents de l’album : Autour de minuit alias ‘Round Midnight, Les mots, que Linx prit à son répertoire à la demande de Nougaro lui-même, et enfin l’incontournable Rimes (adaptation d’Il Camino d’Aldo Romano), pris à un tempo endiablé, dans un esprit très différent de l’original. Une relecture étonnante d’un thème pourtant familier, comme on le ferait d’un bon standard.
Pascal Rozat