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12 avril 2011 2 12 /04 /avril /2011 23:24

 
BDMusic
Sortie le 28 Mars


Cabu-Sarah-Vaughan.jpg Sarah Vaughan

 

Définitif et indispensable nous dit Claude Carrière qui a opéré la sélection des Cabu Jazz consacrés à la ‘divine’ Sassy. On ne peut que se réjouir de redécouvrir sur une période rapprochée, entre 1954 et 1958, beaucoup d’ enregistrements dans diverses formations de cette chanteuse exceptionnelle. C’est l’une des trois grandes,  reconnues avec Ella au timbre solaire et Billie, « Lady Day » de nos coeurs

L’anthologie couvre quatre petites années mais les titres sont amplement suffisants pour comprendre ce qui fit le succès de Sarah Vaughan. Sa voix couvre une tessiture rare et elle passe avec agilité des plus beaux graves, veloutés, soyeux et sensuels à des aigus de soprano. Pour le style, si on file la comparaison avec le lyrique, elle a une telle maîtrise qu’elle est capable de toutes les transitions et ornementations comme dans le « bel canto » !
Elle module à souhait, avec des effets de gorge qui vous donnent la chair de poule et des astuces de voix de poitrine,  avec un vibrato qu’elle sait amener à point nommé, sans chevroter. Modulations donc, effets sophistiqués où elle contrôle certaines affectations (point de cordes dans cette sélection, comme ce sera plus tard le cas), parce qu’en fin de compte, elle s’amuse,  elle sculpte les mots, distille les « lyrics », se régale à varier les tempos, étirer le temps, broder et jouer avec certaines diphtongues. Une technique éblouissante la rend impériale dans les scats qu’elle lance avec un plaisir évident aiguisé par un sens opportun de l’improvisation. Cela s’entend , elle est heureuse de chanter dans ces clubs : ceux qui eurent la chance de l’écouter passaient assurément de sacrés beaux et bons moments !
Car  Sarah a un tel désir de musique qu’elle réserve au gré de son tour de chant des surprises rares. 

L’anthologie nous donne l’occasion de l’écouter avec diverses formations et toujours le même batteur, le grand Roy Haynes, dans deux de ses  trios,   le premier avec John Malachi (p) Joe Benjamin (b) et Roy Haynes (dms) en avril 1954, le second en 1957 avec Jimmy Jones (p), Richard Davis (b) et Roy Haynes.
Deux moments de bravoure, quand en décembre 1954, elle chante  dans une formation étoffée de Clifford Brown (tp), Herbie Mann (fl)  et Paul Quinichette (ts). Si certains titres ont fait l’objet de versions multiples, je retiendrai le « September Song » et le « Lullaby of birdland » insurpassables . La subjectivité peut jouer, mais pour faire découvrir ces thèmes, commencez par Sassy.

Et le final de l’anthologie est absolument stupéfiant : en mars 1958, à Chicago, au London House, 8 titres avec son trio et quelques membres du Count Basie orchestra dont Thad Jones à la trompette et Frank Wess au ténor. Elle est éblouissante dans « Three little words », sa version de « Speak low » fait dresser l’oreille, et le final est grandiose dans « Thanks for the Memory » :  Sarah, détendue, s’interrompt pour parler au public, reprend,  sourit, cela s’entend !
 Si le timbre charnu, pulpeux s’épanouit, se colore toujours davantage, l’art d’accompagner de ses partenaires est admirable : totalement au service de la chanteuse mais jouant néanmoins leur propre partie, en soliste à part entière !
La classe !
On ne saurait rêver meilleur récital que ce  numéro de deux Cds consacré à l’une des très grandes du jazz vocal. Hautement recommandé !

 
   

Cabu-50-Singing-LADIES.jpg 50 Singing LADIES
Cabu Jazz

 Notons aussi dans la même livraison des Cabu Jazz, une formidable compilation d’une grande diversité de voix et de styles : 50 SINGING LADIES.

C’est l’un des panoramas les plus complets de l’art vocal entre 1933 et 1959. 
De A à W,  la crème des chanteuses de jazz américaines.
Connie Boswell avec les Dorsey Brothers’orchestra chante sa propre composition « The river’s taking care of me », alors que Lee Wiley avec le même orchestre donne un “I got the right to sing the blues” qui pourrait s’aligner avec la version de Jack Teagarden.  Si Bessie Smith, l’impératrice du blues ou Ethel Waters sont les divas d’un autre âge, le double Cd se termine en 1959 avec Nancy Wilson et l’orchestre de Billie May, formidable arrangeur dans un ‘The more I see you’ formidable !
Vous allez redécouvrir toutes sortes de voix , chaudes et sensuelles, voix « cool » ou blanches (June Christy, Chris Connor, Helen Merrill, Jeri Southern…), de celles qui sussurrent (Blossom Dearie) ou qui swinguent, qui vocalesent comme Annie Ross . Figurent aussi dans cet hommage, Julie London, qui n’est pas nommée dans l’excellent dictionnaire du Jazz, ou Nan Wynn qui doubla Rita Hayworth à Hollywood.
Elles sont presque toutes là, ces chanteuses, oubliées aujourd’hui, Ernestine Anderson  accompagnant Gigy Gryce,  Ivie Anderson avec l’orchestre de Duke Ellington, Helen Humes, celui de Count Basie,  Maxine Sullivan avec le sextet de son mari, John Kirby dans un émouvant « The heart you stole from me » … aux côtés des « historiques », des « grandes » auxquelles on pense immédiatement quand on évoque le chant :  Sarah, Ella, Billie, Peggy, Anita, Dinah.  Mention particulière à  Nina Simone à la voix de contralto dans un bouleversant « He needs me » en 1957, alors qu’à la même période, Betty Carter lance un « Let’s fall in love » enthousiasmant et inégalé.
L’un des objectifs de cette sélection est de faire découvrir  celles qui n’ont pas atteint la même célébrité, sont restées dans l’ombre ; qui, avec le même talent, comme Lorez Alexandria, demeurent injustement méconnues.
Connaissiez-vous Yvonne Lanauze, Pearl Bailey, Sylvia Syms, Kai Starr… ?
La liste est longue et ce n’est pas l’un des minces mérites de ce numéro d’une collection impeccable, de surcroît, à petit prix que de vous faire entendre toutes ces voix enchanteresses.
A se procurer et à écouter ... très vite !

Sophie Chambon

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