Christophe Leloil (tp, flgh), Carine Bonnefoy (fder), Eric Surmenian (b), André Charlier (dms)
dist . : Ref : Durance-Lel042010 / Distribution Orkhêstra International
Christophe Leloil est un garçon totalement iconoclaste et insaisissable. On avait applaudi des deux mains lors de la sortie de E.C.H.O.E.S et voilà que le garçon rebat aujourd'hui les cartes et se remet en cause. Car, visiblement Christophe Leloil aime bien brouiller les pistes. Quand on le croit groove ( Bayou’s bounce) il se fait ultra cool (CCCP). Quand on le pense acoustique ( Free time ) il se fait électrique (Lost in the Tube). Toujours là où on ne l’attend pas mais jamais vraiment non plus quelque part.
Qu’importe ! C’est la marque de sa très grande liberté. Soucieux de ne pas se laisser enfermer dans une catégorie distincte, dans une chapelle étriquée mais revendiquant quand même son appellation « jazz » ( du moins, à l’écouter je le suppose), le trompettiste du Sud montre une sensibilité ma foi fort touchante. A tomber par terre. Ce n’est d'ailleurs pas un hasard si le trompettiste a joué avec les plus grands jazzmen français et tourné dans des formations aussi prestigieuses que celles d’ Albert Mangelsdorff à Maria Schneider. Excusez du peu.
Dans le présent album, je pense à Tom Harrell parfois ( même si lui, revendiquerait plutôt le jeu de Booker Little ainsi qu’il le démontrait dans le précédent album). Car s’il y a ici moins de gnaque que dans le précédent il y a en revanche un art du façonnage dans cette manière de construire ses improvisations avec l'élégance d’un dandy qui, peu gêné par l’agitation alentour saurait prendre son temps. Un art de la déambulation sereine.
Avec Carine Bonnefoy au fender il s'amuse de sonorités lunaires pour livrer un album qui a le mérite d’avoir sa personnalité propre, cette esthétique personnelle, tout en blues et en atmosphère plus ou moins tamisée. Oui, je persiste, je pense à Tom Harrell. Mais il y a aussi beaucoup de groove et de swing dans ce qu'il dit. Et ceci même sur des tempi lents (CCCP) qui exhument quelques vapeurs noctambules, déambulation de fin de soirée pas trop alcoolisées. Des pages plus électriques sur la série courte des "Lost in the Tube" et toujours cette magnifique sonorité de Christophe Leloil qu'il accommode d'électronique. L'idée étant certainement de dépasser la dimension acoustique du quartet pour créer d'autres univers sonores dans
lesquels s'immiscer. On notera le rôle des accompagnateurs et notamment celui de Carine Bonnefoy remarquable dans le soutien harmonique (sur le Lotus Blossom de Billy Strahorn). Ou encore le gros travail à la basse d'Eric Surmenian, qui dans nos contrées se fait beaucoup trop rare à notre goût.
Dans ce jeu à 4, Christophe Leloil partage et construit le son avec ses camarades. Ce qui semble l’intéresser est moins la nature de ses improvisations que ce son collectif auquel il contribue. En ce sens-là c’est un album résolument apaisé. Une sorte de quiet cool.
Après, il faut tenir la distance et varier les plaisirs. Passer de sonorités acoustiques à électriques n'est pas complètement suffisant pour relancer l'intérêt de l'écoute. Ca ronronne un peu de temps en temps. Mais quand même de quoi se lover confortablement dans une écoute toujours délicieuse et brillante à la fois.
Jean-Marc Gelin