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3 novembre 2010 3 03 /11 /novembre /2010 08:16

3 Cd Greenleaf 2010

Distribué par Orkhestrâ

Dave Douglas (tp), Markus Strickland (ts), Adam Benjamin (fder), Brad Jones (b), Gene Lake (dm), DJ Olive (ord, tntbles), Ingenieur du son Geoff Countryman

 SparkOfBeing_BoxCover72.jpg

Le  point  de  départ pour Dave Douglas était de créer, avec le réalisateur vidéaste Bill Morrison un projet tournant autour du thème de la création humaine. Morrisson pour les images en montage-collage auquel il est familier ( tiré notamment de séquences de films anciens) et Dave Douglas pour la musique, avec son groupe, Keystone. Vaste sujet que les deux artistes décidèrent  d’aborder sous l’angle métaphorique du Frankenstein de Mary Shelley. Chacun travailla alors de son côté et les images de Bill Morrisson et la musique de Dave Douglas se retrouvèrent en janvier 2010 pour  une session  de 5 jours au CCRMA (Center for Computer Research in Music and Acoustics à l’Université de Stanford) sous la houlette de l’ingénieur du son Geoff Countryman, auteur ici d’un véritable tour de force.

On  ne  sait  pas  trop  si  Dave  Douglas a  composé pour le film ou pour les musiciens tant la symbiose entre les deux est ici parfaite et offre à Keystone, une musique écrite sur des nappes fantasmagoriques et lunaires, volontairement inspirées du Silent way de Miles Davis. Où il est fondamentalement question de l’espace laissé au jeu développé sur des trames musicales.

L’univers  s’adapte alors  aux collages vidéos réalisés par Bill Morrisson et déploie avec une force évocatrice saisissante, un univers volontairement étrange, souvent inquiétant, relevant de sourdes angoisses sans pour autant n’être jamais totalement terrifiant ( Dave Douglas n’est pas John Zorn).

Dans  ce magma sonore où l’électronique joue un rôle énorme, Dave Douglas laisse ses musiciens jouer tout en cadrant leurs interventions. Markus Strickland au ténor y est particulièrement brillant et Dave Douglas, le trompettiste de Masada, toujours exceptionnel, rendant toujours hommage aux maîtres anciens (Miles, Don Cherry on le sait) mais aussi à ses jeunes compagnons d’armes  (comme Ambrose Akinmusire ou Ibrahim Malouf qu’il cite dans ses liners notes). Mais dans cet objet musical fantomatique, la prouesse vient aussi du traitement du son assuré par l’apport énorme de DJ Olive qui aux turntables se démultiplie et fait naître les atmosphères de l’album, l‘angoisse de l’apparition de bruits lointains et urbains, de cris suggérés, et d’une brume électronique inquiétante (Prologue) qui nous plonge un peu dans un Londres nébuleux et modernisé. Un univers parfois liquide aussi, flottant entre eau et espace et qui relève presque de l’expérience sensorielle ( Is it You ?).

On  peut  certes s’étonner  de  la  réunion  de  3 CD qui forcément comportent pas mal de redites dont le thème central « Creature » qui revient à de multiples occasions. En réalité ces trois albums, édités d’abord séparément relevaient chacun d’une logique différente : le premier était la bande originale jouée lors de la projection. Le deuxième était sa version  purement  «  jazz  »,  de  studio.  Le  3ème enfin,  comportait  les  thèmes finalement non retenus par Bill Morrisson. Alors certes la musique se suffit largement à elle-même, mais l’on ne peut éviter la frustration d’être privé du film et l’on se dit que finalement il aurait été bon d’ ajouter au coffret le DVD du film sans lequel le projet perd un peu de son sens. Choix éditorial curieux.

Reste que la musique est tout simplement superbe dans toutes ses dimensions. Dans sa dimension narratrice, on l’a dit. Mais aussi dans son écriture remarquable, ses arrangements, ses solistes et le traitement du son digne des plus grandes épopées du jazz.  Nous  nous  étions  il  y  a quelques temps enflammés pour le Moonshine de Keystone. Ce groupe définitivement s’impose à nos yeux comme l’une des formations les plus excitantes du moment, poursuivant la démarche de Miles par d’autres moyens. Il faut pour cela s’appuyer sur un collectif de musiciens exceptionnels qui se fondent avec brio dans la masse sonore qui se révèle à son tour un écrin superbe pour l’émergence de la musique. Ce magma est pétri sous la main d’un Dave Douglas génialement inspiré.

Jean-Marc Gelin

 

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