Je sais bien que je devrais m’abstenir de citer Richard Galliano dans cet éditorial de rentrée. Je risque encore d'avoir des problèmes avec les édiles du jazz. Pas d’attaques nominatives et comme le rappelait récemment Philippe Val à Stéphane Guillon qui s’en prenait à Eric Besson avant que l’humoriste ne prenne la porte des studios de France Inter, pas d’attaques sur le physique. Et donc, non je ne dirais rien sur la musique de Richard Galliano.
En plus, même si je le voulais ( et je ne le veux pas) j’aurais beaucoup de mal à attaquer de front la musique de l’accordéoniste. Car il faut bien reconnaître que ce quinqua boulimique qui multiplie des projets et les rencontres brillantes avec les plus grands jazzmen et les plus grands compositeurs, phagocyte les festivals et inonde le marché du disque avec une production plus que prolifique, fait partie de ceux qui ont écrit depuis plusieurs années parmi les plus belles histoires du jazz en France.
La question de sa légitimité ne se pose donc évidemment pas.
Mais pour autant ce statut privilégié s’il en est (j’aurais voulu écrire statue), permet-il à cet illustre, à ce monument, à ce consensuel du jazz de porter un jugement docte et sans appel sur la musique qui n’est pas la sienne, à l’heure où il est si difficile pour de jeunes musiciens d’avancer avec intégrité et de vivre de leur musique. Et surtout quelle serait cette sorte de légitimité si celle-ci lui permettait de balancer aux lecteurs de la Dépêche du Midi quelques « vérités » sans être le moins du monde obligé de les justifier un seul instant.
Citation :
« Marsalis, c'est toujours structuré, ça tombe jamais dans le free, c'est très honnête. Une rythmique magnifique. Avec Paco de Lucia, c'est la même chose. (…) Je dis toujours que la musique doit aller avec la danse. On doit donner envie de danser. Le bal est aussi important que le conservatoire. Je ne suis pas un ayatollah, mais j'ai écouté Emile Parisien sur la place, qui singe un peu John Zorn et Michel Portal. C'est leur histoire, mais ce que j'ai entendu, c'était un peu de la musique inutile, et j'ai peur qu'ils aillent dans le mur avec çà. La révolution doit être porteuse de message, là c'est une révolution dans le vide. C'est pas parce que l'on joue quelque chose de moderne que l'on doit se couper du passé. »
La Dépêche du Midi : Galliano rhabille Parisien
Mais il y a derrière les propos de l’accordéoniste une notion qui mériterait de sa part quelques éclaircissements tant nous avouons êtres un peu perdus: il s’agit de la notion de musique « utile ». Car là j’avoue, je pige pas. Zero. Le voile blanc. No comprendo. Si M’sieur Galliano ou tout autre lecteur d’ailleurs pouvait éclairer notre lanterne ce serait fort aimable.
Car faut-il penser, en filigrane que ce jazz utile serait celui si consensuel qui remplit les salles ? Serait-ce celui qui vend des disques ? Celui qui fait danser ? Cela voudrait-il dire qu’il y a une finalité sans laquelle la vacuité de l’art serait non signifiant voire insignifiant ? Quand au message que la musique véhicule, quelle devrait en être la teneur pour trouver grâve aux yeux de l’accordéoniste.
Et si la musique s’achève pour celui qui l’écoute par une forme d’interrogation, cela la rend elle moins utile qu’une musique disons, plus prévisible.
Admettons alors que Richard Galliano se soit un peu gonflé d’orgueil devant les journalistes. Qu’il se soit senti, dans son jardin de Marciac et avec la position magistrale qui lui était réservée sur cette édition, obligé de remettre à l’heure des pendules qui tournent de toute façon sans lui.
Admettons et écoutons la belle musique de Galliano et d’Emile Parisien. Chacun a tant de choses à dire à travers sa propre musique que nous pouvons toujours rêver les voir bientôt réunis sur scène. Du passé de l’un et de l’avenir de l’autre peut naître l’inutilité essentielle de la musique.
JMG