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10 juillet 2013 3 10 /07 /juillet /2013 15:31

 


MEDIONI-MFT-web.jpgLe Tour du Jazz en 80 écrivains
Alter Ego Editions
 270 pages. 19.50 €
 

La couverture, illustrée d’une affiche du grand Pierre Alechinsky  annonce la couleur : chacun des écrivains pressentis devra indiquer parmi ses « favorite things », l’album de jazz qu’il aime par dessus tout et écrire à son sujet. Soit un tour du (monde) jazz en 80 écrivains de Michel Arcens à Martin Winckler qui nous sauve  Bill Evans et son trio (Sunday at the Village Vanguard, Riverside 1961) .
Frank Medioni, l’auteur producteur sur France Musiques de Jazzistiques, entre autres, a rassemblé les impressions et improvisations de ceux qui aiment le jazz, qui ont un certain goût du jazz. Cette pleïade d’ écrivains (poètes, philosophes, essayistes, auteurs de polars) se raconte ainsi en livrant une expérience intime, essentielle et donne les raisons du choix d’un album de chevet ou à emporter sur la fameuse île déserte.
Bigre, la carte se resserre comme peau de chagrin. Comment rendre raison d’une préférence, nous glisse Yannick Seité dans la préface, « répondre à un disque par des phrases»? Mais le jazz, la littérature, la philosophie se sont toujours associés en toute liberté. On retiendra de ces multiples témoignages que ces auteurs envient aux jazzmen la liberté, l’individualité du timbre, la faculté de se lancer dans l’improvisation.
Sans être experts (il y a cependant dans la liste des critiques confirmés de cette musique), ces fans éprouvés de la Great Black Music projettent leurs élans du cœur et de l’âme dans des mots, des phrases tout ensemble spéculatifs, nostalgiques, intuitifs. Au seuil de cet itinéraire, traversée du pays du jazz, anthologie très spéciale, on entre dans l’intimité de textes, parfois surprenants, souvent émouvants, teintés d’une nuance autobiographique indéniable.
Ainsi, selon l’âge et le vécu des auteurs, s’attache un regard qui filtre évidemment.
Il y aura donc des oublis dans cette liste qui esquisse les contours du « roman » du jazz d’une époque, comme diraient les historiens, de 1928 ( Armstrong in Weather Bird, Odeon) à  2012 (Misha-Fitzgerald Michel in Time of no reply , No Format). 
Les noms jaillissent les uns après les autres comme un chapelet de perles, joli collier à porter cet été.
Qu’est-ce qui peut expliquer ces choix parfois curieux, où cohabitent des albums vinyles essentiellement ( trois  78 tours dans la liste) et très peu de Cds ( nécessairement après 1985). Peu de musiciens français et de jazz européen en général : une seule citation  pour notre Michel Portal avec son Dejarme solo ! (Dreyfus 1980), mais dans la poignée d’albums récents, de vraies surprises comme le Compass de Suzanne Abbuehl en 2001, Colin Vallon (Rruga, ECM 2011),Trombone Shorty, Marc Copland, Thomas Enhco (Fireflies, Label bleu 2012) , Aldo Romano (Il piacere), Marc Ducret tout de même. Très peu de jazz vocal  ( une triade nouvelle composée de Sarah Vaughan, Billie Holiday et…Jeanne Lee), des « classiques » du bop, hard bop et du free avec les inévitables  John Coltrane, Albert Ayler, Eric Dolphy, Ornette Coleman, Charles Mingus, T.S Monk, Charlie Parker. Si Ole de Coltrane revient trois fois, on ne retrouve pas le mythique Kind of Blue.
Miles Davis et Dizzy Gillespie ne sont pas cités, Louis Armstrong et Bud Powell in extremis.
En choisissant sans regret « seulement » 80 albums,  ce tour du jazz  évite la monotonie de la chronologie, bouscule pacifiquement les genres et époques. Il me reste une suggestion à faire à chaque lecteur, qu’il  fasse à son tour, non pas sa propre liste (trop facile) mais le choix unique de l’ album qui l’a marqué à jamais.

Sophie Chambon 

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