CamJazz - 2011
Giovanni Guidi (pn), Gianluca Petrella (tb), Michael Blake (ten sx), Thomas Morgan (cb), Gerald Cleaver (dr)
Encore inconnu du grand public, le jeune pianiste italien Giovanni Guidi nous donne une nouvelle fois l’occasion d’aller à la rencontre de sa Musique, marquée par une sagesse fortement précoce. A la première écoute, « We Don’t Live Here Anymore » est un disque que l’on pourrait croire revendicateur d’une certaine liberté de créer. En effet, il faudra quelques instants pour se soumettre à l’idée qu’il n’est autre qu’un noble manifeste pour une esthétique libérée des carcans populaires, orientée vers la Musique contemporaine et dénudée de toute convenance. Le mariage des soufflants s’opère d’une élégante manière grâce au talent incommensurable du tromboniste Gianluca Petrella et du saxophoniste Michael Blake, tous deux habitués à ce genre de contexte artistique, libérés de toutes les contraintes du politiquement correct. Leurs improvisations résonnent en nous de façon orgasmique. Aussi, les magnifiques compositions, finement arrangées, donnent la réplique à une économie de jeu relativement équivoque, comme cette douceur expectative dans Dess ou bien dans She Could Tell They Were Friends. Cette soi-disant langueur est mise en opposition à des furies démoniaques passagères (Furious Seasons, Disturbing The Peace), où la paire des musiciens rythmiques occupent un rôle majeur en la personne de Thomas Morgan à la contrebasse et Gerald Cleaver à la batterie. Par ailleurs, le côté dramatique de certaines compositions acquiert une immense sincérité lorsqu’il s’allie aux redoutables ostinatos empli de frénésie ravageuse, comme par exemple dans Overnight Revolution. Quel dommage que le mastering fut bâclé, le niveau général du volume sonore étant largement en dessous de ce que l’on peut attendre d’un disque issu d’un tel quintet. Malgré cela, ce projet musical est habité par la filiation avec l’esthétique musicale d’Ornette Coleman et de tous ses innombrables descendants. Avec un certain désordre en moins, ce qui manquera peut être. Mais il va sans dire qu’avec une telle créativité, cette folle, douce et lente révolution ne restera pas sans suite pour ce remarquable pianiste.
Tristan Loriaut