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29 juin 2014 7 29 /06 /juin /2014 21:05

 

Guillaume Belhomme

Jackie McLean

 Editions Lenka Lente

www.lenkalente.com

(117 pages/ 11 euros)

 mc-lean.jpg

 

Ce petit livre des éditions Lenka Lente peut paraître court comparé aux copieuses biographies de certaines maisons d’édition. C’est que son auteur Guillaume Belhomme s’en tient à la seule musique, sans tomber dans les anecdotes plus ou moins sordides sur les démons et autres addictions qui hantèrent les jazzmen. Ce qui l’intéresse, c’est le parcours d’une aventure humaine, avant tout musicale.

De «Don’t explain» à «Closing», en 42 courts chapitres, de deux pages en général, il dresse un portrait sensible du saxophoniste  Jackie Mc Lean et le révèle musicalement sous toutes les coutures, tous les profils.  Une écriture dense, brûlante qui colle au sujet. Guillaume Belhomme ne pouvait que s’intéresser à ce musicien à risques, dont la passion pour le jazz qui défrise, déstructure, l’approche du free, le goût pour les dissonances, lui sont chers. Il aime ce musicien qui a « une sonorité propre, un goût pour l’audace et l’iconoclastie, enfin un mépris des anathèmes ».On comprend de quel côté il se place en lisant par exemple « aux joliesses du trompettiste (Kenny Dorham), Mclean oppose quelques solos récalcitrants sur « Lover Man » ou Let’s Face the Music and Dance »

Les titres de ces courts chapitres ou vignettes, empruntés le plus souvent à la discographie du saxophoniste, sont de précieux repères chronologiques pour baliser le parcours d’une vie bien remplie. (1931-2006).

On voit à l’œuvre le processus opiniâtre d’auto-engendrement de l’artiste, l’histoire authentique d’un musicien qui assuma vite sa singularité, objectant une résistance aussi ferme que discrète, sans cesser d’être bienveillant aux autres. Jackie McLean eut très vite conscience d’un but à poursuivre qui pouvait s’exercer sous diverses formes, d’une œuvre à créer. Il est de ces « seconds couteaux » devenu malgré lui un musicien de légende: « il ne tarda pas à se faire entendre et.... il fit beaucoup pour le jazz à une époque où il y avait encore tant à faire ».  Influencé par Lester Young, Bud Powell, Thelonius Monk, et bien entendu Charlie Parker, il eut le courage, sans renier cet héritage, de s’en affranchir. Il écouta et assimila le travail de Coltrane, Sonny Rollins, Andy Kirk Jr. Il tenta de trouver sa propre voie, stimulé  par des rencontres décisives, celle de Miles Davis[i], et plus encore, de Charles Mingus, musicien hors norme qui le fit sortir de sa réserve et l’aida à s’émanciper de façon irrévocable. Il joua avec tous ceux qui devaient compter à l’époque (Art Blakey entre autre et les hard boppers). Guillaume Belhomme montre bien la belle complexité de son jeu et de son inspiration : il ne perdit jamais de vue les fondamentaux du bop et hard bop aussi straight et clinquants soient ils. Et sortit sous son nom entre 1959 et 1963 les pépites suivantes au titre emblématique Let Freedom Ring, One Step Beyond, Destination Out, It’s time ! Action, Right Now

Il enregistra beaucoup sur Blue Note car les dirigeants du label, le classant très vite dans la catégorie des novateurs, le soutinrent dans sa quête de liberté ». Jusqu’à un certain point d’où son désir d’aller voir  ailleurs sur le label Steeple Chase de Nils Winther ( Dr.Jackle,  A Ghetto Lullaby.)

 Plus encore, il voulait que l’on se souvienne de ses autres réalisations, époux et père, musicien et professeur, activiste et éducateur...  Sorti de la dépendance à l’héroïne (The Connection), il se consacra à l’enseignement avec passion et lutta pour la réhabilitation des toxicomanes par la musique  dans son quartier d’Hartford.

Vous l’aurez compris, ce livre est conseillé à tous ceux qui veulent en savoir plus, avoir les clés de la discographie de Jackie  McLean. Connaître un musicien au plus près, et approcher musicalement une trajectoire singulière et toujours actuelle. Une belle rencontre.

 

Sophie Chambon



[i][i] Mc Lean refusait par exemple de jouer les standards et sortait donc de scène quand Miles attaquait «Yesterdays».

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commentaires

A
<br /> merci pour ce papier, McLean, Mingus et Blakey, trois jazzmen de mon Hall of Fame !<br />
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