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6 février 2011 7 06 /02 /février /2011 11:23

 

Tous les deux jouaient  ce soir-là. Deux de ces monstres sacrés qui font le jazz outre-atlantique, dans les clubs les plus huppés de la ville. Pièges à touristes ou vitrine de ce qui se fait de mieux dans la ville du jazz. Cassandra Wilson était au club légendaire du Blue Note pour 5 jours d'affilés. Le Mingus Big Band quant à lui était au Jazz Standard comme tous les lundis de chaque semaine que dieu fait. De quoi appâter le chaland assurément mais aussi de quoi nous donner l'occasion de nous plonger dans les dernières (super)production de ces deux "monstres" du jazz justement enregistrées chacune en live. Et dans l’un ou l’autre cas, le témoignage de ce savoir faire à l'américaine de ces super stars.

 

 

 

MINGUS BIG BAND : «  Live at Jazz Standard»

www.mingusmingusmingus.com

www.jazzstandard.com

Randy Brecker, Kenny Hampton, Earl Gardner (t), Wayne Escoffery, Abraham Burton (ts), Vincent Herring (as), Douglas Yates (as, ss, fl), Lauren Seivan (bs), Ku-Umba Frank Lacy, Conrad Herwig (tb), Earl McIntyre (btb, tuba), David Kikoski (p), Boris Kozlov (cb), Jeff « Tain » Watts (dm)

MingusBigBandalbum.jpg Du côté de la formation que Sue Mingus s'évertue à maintenir en vie pour perpétuer l'esprit de son contrebassiste de mari, c'est du lourd et même du très lourd. En témoigne le dernier album du Big band, très justement nominé pour les Grammy's et enregistré en "live" dans le club New-Yorkais. Esprit de Mingus es tu là ? Assurément répondent en choeur la bande des 14 allumés du jazz, bourrés chacun d'une énergie cataclysmique et prêts tous ensemble à vous dynamiter une cohorte entière de touristes et toute la salle avec. Atomic Mingus Big Band. Et ceux qui étaient là pour cette soirée de réveillon ont rapidement lâché leurs assiettes de spare ribs, conquis qu’ils étaient par ce Big band New-old-New style. Orchestre titanesque du genre des all stars comme on en fait plus beaucoup. Pensez, si vous alignez côte à côte des gars comme Randy Brecker, Vincent Herring, Abraham Burton, Jeff Tain Watts, Wayne Escoffery et Franck Lacy, il y a de quoi déclencher la prochaine explosion nucléaire. Sur des compositions de Mingus (cela va de soi) cet orchestre-là lâche prise avec néanmoins une révérence absolue pour la tradition de Basie. C’est à la fois classe et viril. C’est collectif en diable et ça exhibe ses attributs dans des chorus qui mériteraient chacun de figurer dans tous les manuels. Rien de machiste pourtant puisque dans le lot, une femme, Lauren Sevian tient le baryton et s’acquitte même d’un moment de gloire sur Moanin’. L’entame de Randy Brecker sur Never Know How auquel répond Kenny Hampton sur des arrangements subtils fait date. La machine bien réglée sait aussi partir dans ces folies Mingusienne où la masse orchestrale envahit tout dans un apparent désordre calculé au poil près (Moanin’p. ex). Esprit de Mingus es tu là ? Découverte ce soir-là aussi du jeune ténor anglais Wayne Escoffery que l’on affiche comme l’une des étoiles montantes de la scène New-Yorkaise.

Portés collectivement par cette soirée du nouvel an, les gars ne font pas le job, ils l’incarnent avec un enthousiasme intact et sacrément communicatif. Comme toujours Franck Lacy est un indéboulonnable pivot du MBB, à la fois tromboniste et chanteur ( sur Good bye Pork Pie hat mis en paroles par Joni Mitchell ou encore sur E’s Flat ah’s flat too dont le texte a été écrit par Elvis Costello). En guise de final sur Song with Orange, on sent tout l’orchestre mobilisé dans un vrai esprit festif, dans une joie à jouer, dans un plaisir gourmand à balancer le swing, à faire exploser les riffs. Et pour tout dire c’est totalement irrésistible.

Malheureusement cet album risque d’être difficilement trouvable sauf à avoir quelques copains prêts à vous le ramener d’une de leur virée New Yorkaise du Lundi au jazz standard où l’album est vendu en fin de chaque concert ( essayez néanmoins sur le site www.mingusmingusmingus.com ou encore sur www.jazzstandard.com)

 

 

 

 

Cassandra Wilson : «  Silver Pony »

Blue Note 2010

Cassandra Wilson (vc et Synthé), Marvin Sewell (g), Herlin Riley ( dm), Reginald Veal 

(cb)

  cassandrawilson.jpg

D’un autre côté; une autre facette de ces pros du jazz qui savent tout transformer en or : Cassandra Wilson dont le dernier album  en grande  partie “live” est, de notre point de vue l’un des meilleurs depuis plusieurs années. Cassandra Wilson, “The Voice”. Unique. L’héritière, celle qui prolonge Abbey Lincoln ( héritage totalement revendiqué), est , on le sait une fille du Delta, une chanteuse du Mississipi dont elle affirme sans cesse les racines. Elle modernise la tradition comme dans ce Saint James Infirmary tiré vers un blues moderne ou encore ce thème du voeux maître du blues, Charley Patton ( 1981-1934) Saddle up my pony que Marvin Sewell envoie dans l’espace avec une introduction au slide tiré des bouges les plus crados du Delta. Il faut dire que le guitariste qui accompagne la chanteuse est devenu absolument essentiel à la Diva au point de la voir, elle, se glisser dans le chant de sa guitare comme le prolongement naturel de la voix. Genial Marvin Sewell qui à lui seul imprime toute la couleur. Guitariste boulverdant sur A Day in the Night of the Fool où son slide et une lamentation poignante.

Mais la chanteuse ne fait pas que du neuf dans des vieux pots. Elle sait aussi faire le contraire et remettre un coup de patine sur des thèmes tiré d’un repértoire plus récent comme Blackbirdde Mc Cartney ou encore le sublime If it’s magic de Stevie Wonder sur laquelle la chanteuse suspend le temps de toute contrainte. Embarquant elle même au synthé un Night in Seville qu’elle prolonge au chant sur Beneath a Silver moon totalement lunaire, Cassandra Wilson se montre aussi une musicienne née, créatrice des atmosphères les plus sensuelles du jazz.

L’album se termine sur une prise studio de Watch the sunrise enregistré avec des cordes et en duo avec la voix celeste de John Legend, où la version proposée surpasse de loin l’original. Morceau qui vient cloturer avec grande grâce cet album où la Diva se fait diva. Un peu lointaine dans sa façon d’être au plus intime. Un peu distante lorsqu’elle murmure, elle est là sur son piedestal avec une élégance sublime. Je pense à Bilie dans cette posture-là. Dans leur façon de nous dire qu’il y a, c’est sûr beaucoup plus que du chant dans leur chant.

Jean-Marc Gelin 

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