BMC 2009
C’est un album curieusement construit que cet opus du quartet Kuhn/Monniot/Boisseau/ Marguet avec ses reliefs sur lesquels on passe et ceux sur lesquels on s’arrête. Si homogénéité il y a dans cet album il faut la voir dans le sens du collectif. D'abord parce que le quartet, qui tourne ensemble depuis quelque temps, participe collectivement au travail d'écriture. Ensuite parce que ce collectif s'exprime aussi dans cette façon "homogène" de jouer ensemble dans des configurations d'écriture assez différentes. Comme on dit, « ça tourne » merveilleusement bien, malgré l’émergence évidente de 4 personnalités bien distinctes. Il peut s’agir de cette façon qu’à Christophe Marguet d’apporter du relief à chacune des compositions. Avec une sorte de diction bien à lui, une façon de faire rouler les « R », orfèvre dans son travail de mise en évidence. Christophe Monniot plus inégal se révèle totalement libéré et sauvage dans une fin d’album magnifique. Si l'on est un peu décus par la composition de Monniot (Have you met mystic) qui frôlait un peu l’ennui, en revanche Marguet signe un Song for Bacon absolument magistral tant dans son écriture que par la façon qu'à Monniot d’empoigner le sax avec un « son » d’une rare densité. Lyrisme déchiré. Déchirant. Boisseau quand à lui donne du corps à ce quartet avec un mélange de présence affirmée et discrète. Avec la stabilité et la rondeur des grands contrebassistes. Et puis dans cet album qui manque parfois de fil conducteur, il y a Joachim Kuhn qui est ici le véritable centre nerveux. Pièce centrale du dispositif. Intelligence du jeu. Brillance de ses interventions. Brillance dans le sens littéral du terme " lumière vive et éclatante". Qu’il s’agisse de ses interventions de pianiste ou de ses compositions, le contraste et la puissance qu’il apporte au discours est tout simplement magique. Un catalyseur d’énergie. Dans une fin d’album décidément bien construite, Léo mélodie toute simple du pianiste achève le cycle de cette rencontre comme en amenant les musiciens à revenir avec plus de force à leur point de départ. Sauf qu’entre l’ouverture de l’album et sa conclusion, c’est un instant de vie et de fusion qui s’est opéré sous nos yeux. Construction efficace du temps.
Jean-Marc Gelin