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22 décembre 2012 6 22 /12 /décembre /2012 20:45

Mouratoglou-Philippe_Steady-Rollin-Man_w002.jpgLabel vision fugitive


Musique Robert Johnson, arrangements Philippe Mouratoglou avec la collaboration active de Bruno Chevilon et Jean Marc Foltz
Pochette Emmanuel Guibert
Graphisme Philippe Ghielmetti

Avec le troisième opus du tout nouveau label Vision fugitive, dont nous avons déjà chroniqué le duo « Visions fugitives » de Stephan OLIVA et Jean Marc FOLTZ et « Le long de la plage », tandem inédit de l’écrivain Michel BUTOR et du pianiste Marc COPLAND…
Changement  de décor. Changement de ton, virage au pays de Robert Johnson et de William Faulkner. Trains et gares, désolation du vagabond solitaire, du clochard qui n’a rien de céleste. Voix rauque et râpeuse du blues man  dont les cordes vocales ont été trop longtemps traitées à l’alcool. Guitare folk et bluesy, contrebasse et clarinette, voilà un somptueux trio, étrange, qui fait raisonner les accents du blues, en écho à Robert Johnson, cette autre figure de légende disparue si vite, à 27 ans (autre membre du club des 27), roi des chanteurs du Delta  qui enregistra en un temps record 29 chansons, heureusement gravées dans la cire.
Son « Terraplane blues » par exemple se vendra à plus de 5000 copies dans les grandes villes.
Steady Rollin Man est une relecture de l’œuvre de Robert Johnson qui a fasciné   les Clapton, Beck, Page,  les Stones, Hendrix , Dylan… Revenir aux racines du rock and roll, prendre la route du delta du Mississipi, la route du blues, non loin de Clarksdale, Mississipi.

On voulait « partir de ce blues très singulier et découvrir un angle et des perspectives » raconte Philippe Mouratoglou, à l’origine de ce projet.
Ce guitariste classique (pour faire vite) ne vient pas du blues, mais il s’est investi dans l’enregistrement d’un projet étonnant, déconcertant même. Il a  voulu pour l’aventure s’engager aux côtés de musiciens sans « a priori » esthétiques. On ne pouvait rêver mieux que Bruno Chevillon et Jean Marc Foltz qui ont prouvé leur talent d’ouverture pour créer du neuf avec de l’ancien, écrire à propos du blues johnsonnien et laisser aussi des plages d’improvisation. Trio idéal pour interpréter librement et poétiquement ces pièces de vie. Affinité, complicité créative, assurément, dans un parti-pris résolument acoustique.
Le résultat peu académique mérite attention :  cela devient quelque chose d’autre,  un projet qui unit une guitare folk (jouée classique ) à la contrebasse, hybride à cordes étendu, qui utilise la clarinette comme la basse « diabolique » du blues man.  Et puis, surgit la voix fascinante, incandescente de Philippe Mouratoglou qui accompagne ces chansons mythiques où il est question du diable, de rendez-vous avec l’au-delà à des carrefours initiatiques. Si un frisson ne vous parcourt pas l’échine à l’écoute de « Love in vain », « Crossroad blues », « Me and the devil blues »,  passez votre chemin, vous n’avez aucune « Sympathy for the devil » !
Sinon, embarquez  pour cette traversée au pays du blues, des petits blancs et des « cotton pickers »,  laissez vous bercer d’accords mystérieux et troublants, de sonorités étrangères à une perception « classique » de cette musique.
Apre et vibrant, cet album est à recommander fortement !

NB :
Et puis, il est temps aussi de souligner que pour chaque album, figurent des pochettes illustrées de peintures d’Emmanuel Guibert, réalisées après avoir écouté la musique.
Pour le livret de ces beaux objets, vous apprécierez des textes de Michel Butor, des peintures pour Visions fugitives, et pour  Steady Rollin Man, des photos noir et blanc de Ben Shawn (1898-1969) réalisées dans le cadre d’une mission photographique de la Farm Security Administration, entre 1935 et 1942.
C’est le témoignage  impressionnant de la vie dans le sud de cet artiste réaliste, également peintre, qui travaillait dans la tradition de l’école dite de la Poubelle. Il montre des employés fatigués, des scènes de rue, des clochards et des « cotton pickers », des musiciens aveugles, la ségrégation ordinaire dans l’armée…
Le pays plongé dans la tourmente des années trente, l’autre face du « rêve américain » …


Sophie Chambon

(1)« Robert Johnson joue en virtuose absolu, raclant une rythmique féroce tout en asticotant les aigus, produisant de curieuses lignes mélodiques qui soulignent, intensifient ou contredisent moqueusement son propos. » Philippe Manœuvre.

Coffret Rock aux éditions TANA.

 

(2) Pour mieux comprendre l’argot des musiciens et des noirs américains, il est urgent de lire l’excellent Talkin that talk (le langage du blues, du jazz et du rap ) de Jean Paul Levet dans la non moins excellente collection Outre mesure.




 







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