Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
20 octobre 2012 6 20 /10 /octobre /2012 19:34

Les Disque de Lily 2012

pierre-durand.jpg 

Il faut être sacrement audacieux et avoir un producteur totalement inconscient pour partir comme ça tout seul enregistrer en studio à la Nouvelle Orléans un album de guitare solo. Qui plus est lorsque cet album résonne comme un voyage existentiel au plus proche de ce que sont ses propres racines musicales, album introspectif s’il en est. Mais attention chez Pierre Durand introspectif ne veut pas dire roboratif et maniaco-dépressif. C’est tout le contraire. On est ici dans le domaine de la quête personnelle. Une mystique en quelque sorte. Et il n'y a rien d'étonnant à ce que l’album s'ouvre sur un thème dont le titre est "Coltrane", certes le moins orléanais des musiciens de jazz mais en qui Pierre Durand semble se trouver comme en fraternité, comme avec tout ces musiciens en quête de leur propre substrat musical.

 

Pierre Durand est un guitariste incroyable. Une sorte d’homme fait guitare. Artiste totalement investi dans son art comme on peut le voir, physiquement sur scène où la musique semble lui traverser le corps. Il traîne sa bosse dans le gotha du jazz depuis des années. Fidèle serviteur d'une musique qui n'est pas la sienne il s’est ainsi mis au service de formations prestigieuses comme celles de François Jeanneau ou encore de Daniel Yvinec. On l’a vu aussi  récemment dans le superbe album de David Patrois ou encore dans le staff d’Archie Shepp autour de Atica Blues revisited.

 

Il était temps de rentrer désormais dans l’univers propre du guitariste, dans sa propre intimité musicale. Et quoi de mieux pour cela que cette mise a nu totalement impudique, que cet l'exercice solitaire et néanmoins équivoque du solo.

Au cœur du Delta, Pierre Durand dans les studios mythiques de Piety Street s'aventure ainsi sur les terres du jazz, jette des ponts entre l'africanité et le blues du Croissant ( When i grow too old) ou s'offre un hommage à la musique de John Scofield-ce-heros objet d'une digression toute personnelle ( Who damn is john scofield). Porteur de couleurs et surtout travailleur acharné du son (sonorité et résonance) et architecte des espaces sonores (où les silences joue d'ailleurs un jeu essentiel) Pierre Durand sait tout faire avec sa guitare au point de donner parfois l’impression d’être plusieurd, de sembler dialoguer avec lui-même. Les cordes claquent, tranchantes parfois, moelleuses souvent, le son est glissando et Pierre Durand n'hésite pas a se salir parfois, a rendre le son un peu crade quand il le faut (il faut absolument qu’il aille le faire écouter a Scofield !). Mais il y a surtout de la profondeur dans cet album là. Et tout à son histoire égocentrée Pierre Durand s'offre même le luxe de faire venir dans le studio Nicholas Payton sans lui faire jouer la moindre note à la trompette mais juste pour la voix qu'il pose, aux côtés de John Boutè, sur un thème un peu décalé, beau presque religieux mais pas franchement réussi (et qui perso m'évoque plutôt une after avec I muvrini !).

Tout au long de cet album-ovni qui ne ressemble à rien, tout au long de cet espace méditatif, on est frappé par le gros travail d'écriture remarquable et par celui des explorations harmoniques hallucinantes (comme sur les amants). Et l’on reste impressionnés par la dimension de Pierre Durand, improvisateur assez dement !

Il resterait simplement à tous les programmateurs de franchir le pas. Il le mérite amplement. A condition que l’audace soit aussi partagée.

Jean-Marc Gelin

Partager cet article
Repost0

commentaires