Rémi Panossian (p), Maxime Delporte (b), Frédéric Petitprez (dm)
BBANG
S’agit- il du Big bang ? D’une reprise de Bang Bang ? Quel titre énigmatique pour ce second album de Rémy Panossian après Add fiction. Le pianiste garde la formule du trio avec Maxime Delporte à la contrebasse et Frédéric Petitprez à la batterie (on ne change pas une équipe qui joue bien). Avec toujours cette volonté de raconter en musique des micro fictions, comme cet intrigant « Islay Smoky notes » , ces fragments rock sur « Shikiori », du funk sur ce « BBQ » très caliente. Ou le final au crescendo exposif justement, avec aussi des improvisations inspirées, comme il se doit en jazz.
Beaucoup de ruptures de rythmes, d’embardées suivies de moments plus tendrement méditatifs. Pour nous accrocher et nous entraîner dans ce tourbillon, car on ne connaît pas l’ennui quand ça virevolte. Pas le temps. Quelle est la ligne conductrice ? Le goût de la mélodie qui chante, dont la ligne claire se retient et permet autant de variantes que de volutes.
Il y a aussi cette énigmatique « Blue box » dans laquelle les trois musiciens vont puiser, une boîte à idées, à outils, un talisman : les musiciens semblent ne pas s’en séparer ou restent tout près même quand ils plongent dans l’eau bleue de la piscine (photo de la pochette). C’est le coffre des souvenirs remisé au grenier. Ou la malle de voyage bien utile en tournée, pour enregistrer des sensations, surtout en Asie où l’on est vite happé, sujet à un certain flottement... Lost in translation
Le trio y puise en tous les cas l’inspiration de ce plaisant story telling. Bien sûr, nous ne disposons que des images qu’éveillent la musique dans notre imaginaire et l’explication des titres de chacun d es morceaux ne nous en apprendra pas tellement plus. Peu importe !
On est vraiment emporté par l’irrésistible vigueur, la fougue musicale du trio qui brasse intelligemment les influences. Très accessible au meilleur sens du terme, on se laisse prendre par ces climats changeants!
A noter une très belle qualité d’enregistrement, très équitable pour chaque instrument. La contrebasse n’est jamais étouffée et elle vibre superbement, aérienne et chantante, au côté d’un batteur véloce, puissant et contrôlé, qui groove de la belle manière. Le piano est lyrique, fluide. Intrépide même et séduisant.
La musique parvient à un certain équilibre dans la force et la simplicité apparente de son propos, et pourtant les compositions ont juste ce qu’il faut de petits décalages, de délicates surprises jouées par un groupe qui fonctionne parfaitement en interaction, et non en progression parallèle.
Ce qui prouve que la leçon du jazz n’est ni perdue ni oubliée. Et c’est bien.
Sophie Chambon