Soweto Kinch recordings - 2012
C'est un peu par défaut que j'ai acheté le dernier cd de Soweto Kinch intitulé The New Emancipation, mais sans regret. En effet, les disques dont j’envisageais me sustenter pour le week end, étaient absents des bacs de la Fnac: décidément la distribution n'est plus ce qu'elle était, la Fnac non plus…
Plutôt content de trouver The New Emancipation dont l'auteur m'était malencontreusement sorti de l'esprit pour une bonne raison : loin des yeux, loin du cœur ! En ses deux premiers cds Conversations With The Unseen et A Life in the Day of B19: Tales of the Tower Block ont déserté ma musicothèque, après que des camarades d'écoute les aient emportés … je ne sais où.
J'avoue avoir une faiblesse pour ce saxophoniste britannique noir, sorti des banlieues londoniennes - qui n'ont rien à envier à notre grande couronne parisienne – et qui est le sujet central abordé par Kinch sur ces albums.
Cette faiblesse, je la dois au festival Banlieues Bleues un jour où Soweto Kinch, alors totalement inconnu en France, avait fait une trop brève apparition à un concert de Hugh Masakela en 2006 si ma mémoire est bonne. C'était pour moi Le choc de cette soirée! Ce soir-là Kinch, débonnaire et tranquille, dévoile un jeu de sax météorite et apaisant à la fois; du genre inexplicable. Xavier Lemettre, directeur du festival, me le conseille sur disque. Il a d’ailleurs programmé sa formation en 2010.
Kinch est très attaché à sa culture urbaine: mélange de jazz / hiphop / rap avec des sonorités résolument modernes, des scansions à l'accent londonien de banlieues à couper au couteau, des gimmicks mélodiques impossibles à chanter, "un gros son" comme on dit là-bas. C'est surtout un gars talentueux, touche à tout, saxophoniste doué qui ne manque pas d'écorcher de sa verve autodérisoire les banlieues qui l'ont vu grandir.
Comme l’indique le titre du cd, Kinch s'est effectivement émancipé: il change le look de sa pochette, moins urbaine et moins graffée que le sprécédentes, a créé son propre label, met un costume et une cravate, a pris de la hauteur ("Raise tour Spirit") et évoque certaines formes de tyrannie. Respectueux de ses pères du jazz américain, il évoque l'esclavage des noirs ("An Ancient Worksong"), l'esclavage au travail ("Paris Heights"), la dictature de la banlieue, la cupidité ("love of Money").
Musicalement, The New Emancipation ressemble à s'y méprendre aux deux ces précédents, alors que les morceaux ou passages de pur jazz s’affirment en authenticité. Il dévoile un groupe, à géométrie variable, lyrique et plutôt inventif dans le son qui s'exprime brillamment entre jazz bien trempé, hiphop et lignes de basses très groovy ; de celles qui nous font hocher la tête sans discontinuité. Notre attention se focalise essentiellement sur le guitariste Femi Temowo et le trompettiste Byron Wallen, en plus du leader très agile dans la forme et finalement classique dans le fond.
Une fois de plus gourmand et généreux, Kinch livre un album long comme à son habitude, riche en style, en mélodie, et dont le contenu a gagné en profondeur. Un vrai plaisir.
JG