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20 avril 2011 3 20 /04 /avril /2011 22:10

 

Columbia 1972-1979

Coffret de 7 Cd’s

stan getz
 

A la veille de célébrer les 20 ans de la disparition de Stan Getz en juin, Sony Music a la bonne idée de rééditer, dans un coffret de 7 Cd’s, l’intégrale des enregistrements réalisés par le saxophoniste entre 1972 et 1979 pour le compte de Columbia. 7 années de parenthèses où la grande maison chercha, dans la folie de la fusion éthérée du jazz et du rock qui secouait la scène du jazz à l’époque, à remettre le pied à l’étrier de celui que l’on surnomme «  The Sound », le plus fidèle héritier de Lester Young. Sans doute les arrières pensées commerciales n’étaient elles pas absentes dans ce souhait d’utiliser le filon «Getz », jazzman universellement populaire tout en le mettant à un goût du jour plus jeune et plus moderne.

Alors que l‘esthétique dominante était en effet électrique avec Miles Davis, avec Return To Forever, avec Weather Report ou encore John Mc Laughin, le pari de ce come back était risqué tant la musique de Getz semblait éloigné de cette esthétique. C’était sans compter sur le fait que la génie de Stan Getz le rendait capable de jouer à peu près tout ce qu’on lui proposait avec un lyrisme qui pouvait topt transcender, tout magnifier. Sans s’approprier tout à fait les codes de ces musiques modernes, le jeu et la sonorité de Stan Getz, ce grain au velours sensuel pouvait à lui seul mettre dans le (son) rang toute les formes musicales plus ou moins proches du jazz. Il y a du caméléon chez Getz tant le saxophoniste semble en effet incarner à lui seul l’instrument, le sax ténor.

 

Et le premier de ces enregistrements est d’emblée un coup gagnant (quoiqu’éphémère) avec ce « Captain marvel », groupe constitué avec l’ossature de Return To Forever. Parenthèse pour son meneur, Chick Corea qui ne poursuivra pas loin l’aventure mais expérience superbe où le saxophoniste s’approprie les nappes sonores du clavier et de la rythmique surexpressive menée par Tony Williams.  Entre jazz-rock et thèmes hispanisants (The Fiesta), Getz semble être là comme dans son jardin. La sensualité de son verbe est exhalée. Mais malheureusement l’expérience ne sera pas prolongée très longtemps, le pianiste préférant poursuivre son chemin autrement.

Pourquoi ne pas alors utiliser les bonnes vieilles recettes. Puisque la piste du jazz fusion semble se dérober, Getz, poussé en cela par sa maison de disque décide de ré-ouvrir, 3 ans après cette expérience, la page de la Bossa-Nova qui fut l’une de ses plus fructueuses (auprès du grand public s’entend). Retrouvailles donc avec Joao Gilberto. Mais retrouvailles un peu réchauffées dans lesquelles Getz aurait pu se perdre dans l’inévitable exploitation du filon «  grand public ». La magie opère quand même mais on pourrait s’enfermer dans un easy listening un peu trop marketé si Getz justement ne restait vigilant à éclairer de sa magic touch, toutes ses interventions. On est en 1975.

La même année se produit, toujours en studio une rencontre sublime, celle avec le pianiste Jimmy Rowles. Langage et histoire totalement partagés. A 57 ans le pianiste, digne héritier de Teddy Wilson et de Hank Jones apporte une grande fraîcheur dans la lecture du jeu de Stan Getz et leur complicité est évidente. Un peu de celle que l’on retrouvera plus tard entre Getz et Kenny Barron.  Stan Getz et Jimmy Rowles restent tous les deux sur leur terrain, celui des standards magnifiés (avec notamment un Body and Soul renversant) et ajoutent une composition absolument sublimissime de Jimmy Rowles, The Peacocks. On aurait pu allègrement se passer en revanche des interventions vocales de John Hendricks qui vient pousser quelques refrains pas toujours essentiels et parfois même très évitables comme cette version de Rose Marie d’opérette qui vient un peu gâcher l’esprit de ce magnifique album.

Quelques jours auparavant Stan Getz était entré en studio pour graver un autre album avec 4 titres et un autre pianiste, Albert Dailey.

Le reste du coffret est plus anecdotique et moins plaisant. Ca se gâte un peu et cela donne un peu l’impression de quelques errances. En 1977, « Another World » album signé avec le pianiste américain un peu oublié, Andy Laverne se réessaie parfois à l’électrique. Getz y bidouille les effets de type « delay ». L’année suivante c’est un grand orchestre que rencontre le saxophoniste sous la baguette du célèbre compositeur argentin d’Hollywood Lalo Schiffrin. Si certaines de ses compositions continuent de faire mouche, d’autres en revanche qui ne sont pas de sa plume, vieillissent mal comme cette version de Don’t cry for me argentina ( composé par  Andrew Llyod Weber pour Eva Peron) qui à l’époque pouvait peut être trouver pour le compositeur Argentin, un écho politique mais qui n’a plus guère de résonnance aujourd’hui.

Dernière pierre à cet édifice, un enregistrement de 1979 beaucoup plus anodin réalisé par Stan Getz en Hollande sous l’égide d’un jeune compositeur de 27 ans, Jurre Haanstra qui débutait alors une carrière de compositeur de musique de film. Une orchestration d’assez mauvais goût qui évoque les orchestres à cordes  rend l’album très très moyen, voire kitchissime. Sauf que là, comme toujours Getz trouve le moyen de se créer ses espaces qui sont toujours l’occasion de quelques enveloppées sublimes de Stan Getz.

 

Et c’est bien là la magie et la force de Stan Getz, celle de réunir autant les afficionados et autres Getzophiles (dont je fais partie) que les néophytes, ceux qui ne connaissent pas vraiment le jazz et à qui, lorsqu’ils demandent «  qu’est ce que tu peux me faire écouter pour découvrir le jazz » on passe toujours du Stan Getz parce que l’on est sûr de rallier les suffrages universels, de faire l’unanimité, de mettre dans le mille. Car avec Getz même avec le plus kitsh des écrins :  tu meurs toujours. Le son te fait mourir comme s’il s’agissait de la projection de la voix et du sentiment incarné. Le « verbe » en quelque sorte. Le lyrisme de Stan Getz s’enveloppe de ce grain de son, de ce « palpable » émoi, de cette suavité à faire tomber les femmes jeunes et moins jeunes, à faire aimer ou pleurer. C’est ce qui rend le saxophone ténor de Stan Getz auquel il est resté fidèle, indispensable à l’histoire du jazz. Magnifiant les plus belles mélodies. Et même les moins belles.

 

Et quoique l’on en dise, ce coffret aura le mérite d’en apporter une belle démonstration. Quel qu’en soit le contexte. Quels que soient les mondes de Stan Getz.

Jean-marc Gelin

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commentaires

L
<br /> <br /> Il me semble que les magnifiques albums que sont "The Master" (1975) et "Another World" (1977) auraient mérités d'être un peu plus développés dans cette chronique et que les excellentes<br /> liner-notes de Vincent Bessières auraient pu être mentionnées, mais ce n'est pas très grave car il fallait de toutes façons parler de ce magnifique coffret (très bon marché au demeurant) et de la<br /> très bonne idée de Sony de rééditer ces albums qui étaient plutôt introuvables et méconnus pour la plupart. Je rattrapperai le coup pour ma part en consacrant une émission radiophonique de deux<br /> heures sur ce coffret de Stan Getz dans "Opus Jazzis" de Jean-Philippe Doret sur Vallée FM (diffusion le dimanche 10 juillet de 16 h à 18h ).<br /> <br /> <br /> <br />
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