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20 novembre 2013 3 20 /11 /novembre /2013 17:40

Vingtième édition du  REIMS JAZZ FESTIVAL : du jazz dans les bulles
(14 au 23 novembre)

 

AfficheDjaz51.jpg

 Photo Alain Julien

 

OPEN JAZZ en direct
Cap sur Reims, à seulement quarante-cinq minutes en TGV pour assister au premier week end  du festival Djazz 51. Dans le train, j’ai retrouvé Alex Dutilh qui poursuit sa tournée Open Jazz sur France Musique, après Marseille et Nevers. Sans plus tarder, nous filons au Centre Culturel St Exupéry, plus précisément au  Bar éphémère de Pierre Roy-Camille, au comptoir duquel la radio s’installe. J’assiste à l’émission, comme les auditeurs ravis du direct : une heure de  conversation et d’échanges entrecoupés de longs extraits musicaux et le luxe d’un premier morceau de ...8mn, « Illinx Bassline » du contrebassiste Marc Buronfosse. Francis Le Bras, figure essentielle du festival, pianiste et directeur artistique, l’un des créateurs du label Vent d’Est est là, heureux de partager son amour du jazz, de donner à voir et entendre des musiques actuelles.
 Alex Dutilh, excellent maître de cérémonie, relance l’échange, divertit tout en instruisant, sans oublier les coups d‘œil dans le rétroviseur ( un titre de 1962 du trompettiste d’Howard Mc Ghee « Blue Duende » dans Nobody knows you when you’ re down and out).  Il commente avec ses invités l’évolution du jazz actuel, musique difficile à immobiliser dans une définition » ( Enzo Cormann).

 

Sophie-Chambon-Open-Jazz.jpg

 Open Jazz d'Alex Dutilh: Francis Le Bras, Alban Darche, Marc Buronfosse

 

Vendredi soir 15 novembre : J.A.S.S


Sébastien Boisseau (contrebasse), John Hollenbeck (batterie), Samuel Blaser (trombone), Alban Darche ( saxophone ténor)
A l’honneur ce soir, un groupe mixte franco-américano-suisse et  collaboratif  J.A.S.S  dans un programme inédit en disque du moins.  J.A.S.S   est l’acronyme des premières lettres des prénoms des musiciens : l’une des hypothèses étymologiques du mot  « jazz » remonte à  « jass »  (la chasse), pas loin de « jackass » si l’on s’intéresse aux noms d’oiseaux et autres expressions sexuellement connotées jusqu’à  « All that jazz » qui inspira le regretté Bob Fosse.
 Voilà une musique qui respire, intelligente, libre, affranchie  sur un répertoire de compositions originales. S’il  faut quelque temps pour s’immerger dans le magma du quartet, leur lave en fusion  ne consume  pas. Intense et enlevée, la musique ne se livre pas facilement,  comme un puzzle en pièces que l’on reconstitue peu à peu. On y entre sans toutefois en  percevoir tous les codes.  Voulant libérer la musique de ses propres carcans, ces expérimentateurs n’hésitent pas à la manière d’oulipiens, à se donner des contraintes pour  faire bouger les lignes comme dans  ce « No D » par exemple ( composition  sans la note ré), à la manière de Georges Perec qui s’était amusé à faire disparaître le « e ».
On prend plaisir à écouter en live ce quartet tant l’expression collective est essentielle. Pour ces arpenteurs de nouveaux territoires, il s’agit de se porter mutuellement, faisant exulter les fulgurances communes.  Cela démarre dans un espace rendu géométrique par l’expansion du souffle et du rythme, dans un rapport au temps des plus exacts. Un duo splendide de soufflants que la rythmique non seulement soutient mais propulse. Sébastien Boisseau, arrimé à sa basse comme au mât du navire, donne le cap à Alban Darche et Samuel Blaser, volubiles et pourtant précis, qui dialoguent sur le front : des lignes de force d’une douce violence tracées sous l’impulsion du batteur, dans une énergie continue. Il est impressionnant John Hollenbeck (Claudia Quintet entre autre), pas vraiment bavard mais sur scène, ce qu’il fait est éloquent. Jamais la tension ne retombe ou ne semble faiblir. Il y a une véritable « jazz envy » (titre d’un morceau), à moins que ce ne soit  « en vie », mais on ne va pas jouer sur les mots.  Suit l’une des compositions qui m’accroche le plus, celle du saxophoniste Alban Darche (c’est lui, le A de J.A.S.S) dont j’essaie de suivre le  déroulé: « L’eau » démarre par des petites « agaceries» ornementales du trombone et du sax en contrepoint, qui enflent ensuite sur accords ternaires et marche quasi-militaire dans un grondement continu. Cela roule en effet comme un cours d’eau qui divague sans perdre de vue son lit, se ressaisit, gagne en puissance et  s’emporte en atteignant les chutes. Samuel Blaser  souffle, feule, hoquète avec son trombone « complet » (une noix supplémentaire). En coulisse, j’apprendrai que les valves s’appellent aussi des « noix ». Rythmicien hors pair, il part du jazz et y revient sans cesse : extrême dans un élan continu, il peut tout obtenir de son instrument, du growl le plus classique aux stridences atonales. Il a un son moelleux alors qu’il se refuse à toute voluptueuse caresse, comme savent si bien en jouer les trombonistes dans les balades. Au pays du champagne, ça pétille, mais n’écoeure jamais.

 

Découvrez le diaporama du J.A.S.S quartet par Alain Julien

 

 

 Le SOUNDS QUARTET du contrebassiste Marc Buronfosse sur le label ABALONE de Régis Huby, distribué par les Allumés du Jazz :   FACE THE MUSIC  avec Benjamin Moussay ( piano, keyboards) Antoine Banville ( drums, percussions).

 
On attend maintenant la suite et... on ne sera pas déçu. Un équilibre de funambule s’instaure vite dans le groupe qui suit le « blast » de JASS. La guitare ailée de Marc-Antoine Perrio (on ne discutera pas de ses préférences électriques  Fender ou Gibson) est la surprise de ce concert : le  contrebassiste Marc Buronfosse  a en effet décidé de ne pas remplacer Jean Charles Richard  qui joue sur l’album, épatant au demeurant, de tenter l’expérience avec un jeune guitariste qu’il a  entendu jouer, autant du classique sur une guitare à cordes en nylon que de la dobro. Intuition qui fonctionne en tous les cas : advient autre chose, une musique vraie et complexe où s’affirme une fois encore que l’on joue comme l’on est, avec de la  pudeur griffée d’une belle audace pour le leader-contrebassiste. Contrôlant la vision particulière de l’ensemble, Marc Buronfosse réussit à faire sonner la forme, en changeant les basses et l’instrumentarium comme dans cet étonnant « AOC » (à Ornette Coleman, précisons). Le quartet  déménage avec ferveur et musicalité, entre épure et passion, sur le versant d’un romantisme (échevelé ) de Benjamin Moussay  dans « Jennifer’s mood » par exemple. Sans oublier tout le travail précis de modulation du son, de recherche de résonance, d’ effets et autres boucles qui résiste à la déferlante d’un batteur solaire, Antoine Banville. Une suite en deux parties au titre énigmatique (« Before and After the second round ») achève de nous convaincre, le jazz a toujours été une musique d’urgence, de liberté, de prise de risque.
 Le festival démarre bien, et  Francis Le Bras confirme qu’en dépit de difficultés rencontrées ces dernières années (baisse drastique des subventions de près de 60%), le public reste fidèle et se montre plutôt heureux de ce qui advient, faisant confiance à la programmation innovante. Le Directeur artistique souligne qu’il fait, à chaque fois, l’effort de programmer deux concerts très différents le même soir pour croiser les publics, et tenter d’élargir la vision du jazz, des jazzs, faire découvrir ces musiques plurielles. C’était bien le cas ce soir avec deux groupes complémentaires qui s’ajustent au foisonnement actuel. Plus de première et deuxième partie, encore moins de vedette américaine. Novembre est le mois de grands festivals dans le réseau A.J.C  (ex  Afijma)  , réunissant des propositions artistiques très diverses, mais toujours en recherche de qualité et qui prouvent que le jazz peut encore toucher corps et âme... 
NB : Mention spéciale au travail d’ALAIN JULIEN sur www.djaz51.com.  Il est aussi l’auteur du DVD dont nous avons déjà évoqué toute la beauté radicale dans le projet PATCHWORK de Francis Le Bras et Daniel Erdmann sur le label VENT D’EST (enregistré en tournée au Mali et Guinée Bissau)

 

Découvrez le diaporama du SOUNDS Quartet par Alain Julien

 

( A suivre...)

Sophie CHAMBON    
   
   
   
   
   
 

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