Mike Ladd (rap, slam), Ibrahim Diassé (tassou, tama drums), Hubert Dupont (electric bass), Hervé Samb (acoustic guitar), Naïssam Jalal(flute), Maxime Zampieri (drums), Djengo Hartlap (live sound design)
En ces temps plus qu’agités, il est bon d’écouter une musique autre, au delà des frontières géographiques et musicales, se moquant des styles et des genres, les mixant en un mariage des plus heureux. Hubert Dupont est de ces musiciens qui prennent le monde pour un terrain de manœuvres, pacifiquement musicales sans faire cas des classements et autres étiquettes.
Mais au fait est-il si inclassable que cela, ce nouvel album à la voix majuscule, justement intitulé Vox XL, où deux voix magistrales se mêlent en une joute amicale , celles du slammeur blanc, anglophone Mike Ladd et du Sénégalais Ibrahima Diassé qui scande en tassou, slam traditionnel wolof ? On se laisse très vite embarquer (« multi kutsi ») par le chant particulièrement envoûtant, sans dates, références et figures mythiques évoquées- ce qu’a su très bien faire Mike Ladd dans ses expériences précédentes. Cette fois Mike Ladd s’est plongé dans la musique africaine en réponse à Ibrahima Diassé, pour créer un parcours personnel qu’ils égrènent au fil des titres et improvisations des amis qui l’entourent. Ils orientent différemment leur propos, tirant chacun le fil de leur pelote de mots. Slam, rap, sprech gesang, travail dans les marges, comment ne pas plonger dans ce vertige de mots, de sons qui prennent chair ? Le tempo qu’ils installent est stimulant avec les respirations logiques parfaitement marquées, soulignant rythmiquement l’agilité de la pensée qui court. Les parenthèses même sont pleines de vitalité et les pauses bienvenues pour entendre mieux la mélodie comme dans « Baisse la clim », que reprennent les autres musiciens, excellents dans chacune de leurs interventions ; pour les fragments ou fredons de ces musiques populaires retravaillées, c’est un texte de chair, une langue qui s’incarne dans un corps pensant et non dépourvu d’affect.
Après Jasmine qui évoquait les révolutions du monde arabe, nous nous enfonçons plus au sud, non loin du Timbuktou d’Abderrahmane Sissako. Un dialogue magnifique s’engage entre l’Américain devenu Parisien et le Sénégalais, sans pour autant que les cultures des deux mondes s’affrontent. C’est plutôt du côté des ressemblances et des affinités, bien évidemment électives, que se retrouvent les musiciens, pointures singulières choisissant de se présenter en collectif. Hubert Dupont, contrebassiste raffiné, est aux avant-postes accompagné comme dans le disque précédent de la splendide flûtiste Naïssam Jalal. Les tambours tama se joignent aux fûts virtuoses de Maxime Zampieri sans désordre aucun et la basse électrique s’allie à la guitare acoustique, délicate et sinueuse d’Hervé Samb, complice du contrebassiste jusque dans le final « Juska Juska » où pour une fois, on n’essaie pas de comprendre ce qui se dit, même si on capte quelques mots envoyés d’une bouche gourmande. Contrairement à l’expérience précédente de Ladd sur The waste Land de T.S.Eliot, ce ne sont pas les mots mais les rythmes qui prédominent et le flow qui évidemment swingue puisqu’il est réussi. La musique se déploie dans l’espace, vibrant en expansion, poétique et irrésistible, efficace et douce à la fois.
Ajoutons que cet album qui fut enregistré live aux Musiques au Comptoir en banlieue parisienne y sera également présenté en version concert le 6 février prochain. Un bon conseil, allez y nombreux ! Ce spectacle peu ordinaire mérite le détour.
Sophie Chambon Label Ultrack / Distribution Musea/UTK 1003
www.ultrabolic.com
Mike Ladd (rap, slam), Ibrahim Diassé (tassou, tama drums), Hubert Dupont (electric bass), Hervé Samb (acoustic guitar), Naïssam Jalal(flute), Maxime Zampieri (drums), Djengo Hartlap (live sound design)