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31 mars 2017 5 31 /03 /mars /2017 09:18

Glad to be unhappy

Paul Desmond featuring Jim Hall

Série Jazz Connoisseur ( Sony/Columbia Legacy)

Quel contraste dans ce disque choisi pour ma sélection de cette épatante série de Jazz Connoisseur qui ressort à prix très, très doux, il faut quand même le dire et le répéter. Les plus réfractaires au jazz devraient essayer du Paul Desmond : cela fait le plus grand bien et la thématique de cet album, enregistré à New York en 1963 et 1964, années fastes pour le jazz, concerne des « Torch songs » chantées au saxophone alto. Une « curiosité » américaine que l’on pourrait traduire, sans en restituer toutefois la saveur à la fois sentimentale et triste, par «chanson d’amour populaire». On le comprend assez vite, dès le titre de la première chanson et de l’album,«Glad to be unhappy» ou dès le subtil «Stranger in Town » de Mel Tormé. Du spleen heureux, en quelque sorte. Délicieux!

Et quel saxophone, que celui très « féminin », en repensant au titre de la belle biographie romancée d’Alain Gerber, Paul Desmond et le côté féminin du monde, car le jazz est un roman, pas vrai ?

On connaît évidemment l’altiste pour sa merveilleuse collaboration avec son ami, son alter ego complémentaire, le pianiste Dave Brubeck sur les hits «Take Five» (1)pour l’album Time Out de 1959 ou « Blue rondo a la Turk», mais là, sans pianiste, accompagné du délicat Jim Hall à la guitare, du vigoureux Connie Kay à la batterie et de Gene Wright à la contrebasse, il se livre à cet exercice de style, périlleux, où il excelle néanmoins.

Suave sans être mièvre, si vous ne fondez pas à l’écoute de ce formidable altiste, comme disait un ami collectionneur de jazz, consultez !

A noter deux bonus dont une composition de Jim Hall (« All Across The City ») qui ne figuraient pas sur le LP d’origine. Raison de plus pour savourer cette réédition…. avec les notes de pochettes originales de George Avakian, producteur émérite.

Sophie Chambon

 

 

[i] Répétons que c’est Paul Desmond qui composa ce hit planétaire !

 PAUL DESMOND  GLAD TO BE UNHAPPY
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31 mars 2017 5 31 /03 /mars /2017 08:56
4 to GO! André PREVIN Herb ELLIS Ray BROWN Shelly MANNE

4 TO GO !

Réédition Jazz connoisseur ( Sony-Columbia/Legacy)

André Previn (p), Herb Ellis (g), Ray Brown(cb), Shelly Manne (dms)

« Quatre garçons dans le vent du jazz west coast », voilà une jolie formule que je reprends volontiers pour qualifier la rencontre de ces musiciens, à Hollywood, pour une séance d’enregistrement détendue, brillante, swingante à souhait ! Quel bonheur que la réédition en CDs de la série Jazz Connoisseur qui reprend pochette originale et « liner notes » de Leonard Feather, s’il vous plaît.

Comment s’est produit ce petit miracle ? Tout simplement par une rencontre, lors d’une semaine de résidence dans le célébrissime show télévisé de Steve Allen, acteur, humoriste, vedette du petit écran, le dimanche soir en live, à partir de 1956.

Le guitariste Herb Ellis fait partie de l’orchestre habituel de l’émission. Il s’agit alors pour le pianiste André Previn (1) de monter une séance d’enregistrement, avec l’ami batteur Shelly Manne, en s’adjoignant Ray Brown (tournant alors avec Oscar Peterson), le seul des quatre à ne pas résider sur la côte ouest. Lors de l’un des passages du contrebassiste, la bande éphémère des quatre se retrouve avec, dans leur bagage, pour chacun, une composition originale. Pour le reste, ils tenteront l’aventure en reprenant six standards selon l’inspiration du moment. Notons qu’à part l’incontournable « Bye Bye Blackbird » qui permet d’entendre le jeu du guitariste, le choix est plutôt original, les compositions sélectionnées des célèbres Rogers & Hart, Harlen & Langdon, Burke & Van Heusen sont « originales » (2). Soit dix titres plutôt neufs (aujourd’hui) qui composent cet album au montage absolument parfait, commençant par un « No Moon at all » qui permet de se faire une idée du style du pianiste assurément influencé par Art Tatum, et se terminant par un « Don’t Sing Along » épatant, des plus bluesy, d’André Previn, sans oublier une certaine ardeur qui caractérise le style de cette musique. Et c’est ainsi que se constitua cet album LP, dans la plus grande simplicité, entre gens de talent et de bon goût. Chacun a l’occasion de s’exprimer à part égale, comme Ray Brown sur « Like someone in love ». L’interplay paraît couler de source. Mention spéciale pour le morceau de Shelly Manne, « Intersection » que je trouve trop court, tant j’aime ce batteur, coloriste, mélodiste, d’une vigueur rare. En fait, ils sont tous vibrants et vivants, et je vous assure qu’une saine nostalgie fait vraiment surface à l’écoute de cet album.

Vraiment recommandé, vous l’aurez compris !

Sophie Chambon

 

 

 

[i] Revenons tout de même sur ce pianiste, compositeur et arrangeur étonnant qui fit de nombreux passages entre classique, musique de films et jazz ; quand on s’intéresse au cinéma américain de cette période, on a dans l’oreille immédiatement ces arrangements de My fair lady, en trio avec Shelly Manne et Leroy Vinegar (1956), d’Irma la douce. Ou des BO de films de Minelli comme ce surprenant The Four Horsemen of The Apocalypse, ou le célèbre Gigi.

 

[ii] L’occasion m’est donnée ici de m’interroger sur le pauvre choix des reprises de standards aujourd’hui. Ce sont toujours les mêmes qui sont repris et ressassés parfois jusqu’à écoeurement .


 

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30 mars 2017 4 30 /03 /mars /2017 22:54

Sony poursuit sa plongée dans un fonds presque inépuisable, surtout depuis qu'aux catalogues Columbia se sont ajoutés RCA, et donc Vogue. Legacy/Jazz Connoisseur, série pour connaisseurs effectivement, mêle à quelques classiques adoubés par la renommée des pépites un peu trop oubliées. Cette nouvelle livraison (25 albums) puise tout azimut dans les styles et les époques, de Woody Herman en 1945 jusqu'à Stan Getz en 1982, en passant par Sidney Bechet, Roy Eldridge, Lionel Hampton, Lee Konitz et Roy Haynes, à Paris dans les années 50, sans oublier nos compatriotes Barney Wilen et André Hodeir. Outre les disques d'André Previn, Paul Desmond et Bobby Jaspar, chroniqués sur ce blog par les soins attentifs de Sophie Chambon, la série offre quelques vrais trésors du jazz, comme ce disque de Carmen McRae qui, à la fin de sa carrière, pose ses mots (et quels mots : signés Jon Henricks, mais aussi Abbey Lincoln), sur les thèmes de Thelonious Monk («Carmen Sings Monk», enregistré en 1988, publié en 1990) ; ou encore «Tilt», le premier disque de Barney Wilen sous son nom en 1957, déjà réédité en CD mais toujours bienvenu ; ou le disque «Essais» (1954) d'André Hodeir, avec son Jazz Groupe de Paris (qui l'associait à Bobby Jaspar), couplé comme sur une édition précédente avec des musiques de films, l'une très ellingtonienne (1949, pour un film de Paul Paviot, Autour d'un Récif), l'autre dans le style du jazz cool (1953, pour un autre film du même réalisateur, Saint Tropez). Au côté de Lionel Hampton, dans son grand orchestre, il y avait lors du séjour parisien de 1953 Quincy Jones, Gigi Gryce et Lee Konitz, lesquels se sont empressés d'échapper à la surveillance de leur manager pour aller en douce faire des sessions chez Vogue. Avec Konitz le pianiste est Henri Renaud (qui fut plus tard le pilier artistique de Columbia CBS jazz en France). L'essentiel de la séance consistait en des variations en quartette sur I'll Remember April, le plus souvent sans que le thème soit exposé. Dans les premières éditions presque toutes les prises avaient un titre différent, et ne faisaient pas référence au standard (dont seules subsistaient les harmonies, fortement révisées). La cinquième, en trio sans piano, s'intitulait alors Lost Henri, car les musiciens avaient perdu le pianiste, sorti du studio pour une cigarette, ou un besoin naturel.... Cette réédition restitue ces titres.

Chaque disque porte avec lui son moment d'histoire : The Four Brothers, dix ans après que cette célèbre section de sax avait enchanté l'orchestre de Woody Herman, mais avec Al Cohn à la place de Stan Getz ; Duke Ellington dans un florilège de ses tubes en 1966 («The Popular Ellington») ; Dizzy Gillespie, avec son big band, à New York (1946-1950, origine RCA) ; Bud Powell («Swinging with Bud», 1957, origine RCA), avant son retour ches Blue Note pour trois disques, puis son escapade parisienne (1959-1964) ; Sonny Rollins, dans sa rencontre décisive avec Don Cherry en 1962 au Village Gate ; et Roy Haynes, à Paris en 1954, sous son nom avec Barney Wilen, Henri Renaud, Jimmy Gourley.... Deux jours plus tard Roy Haynes enregistrait aussi comme batteur du trio de Martial Solal, mais ces plages ne sont reprises ici ; on le retrouve en revanche dans ce disque avec le trio du pianiste Jimmy Jones. Autres pépites : Maynard Ferguson et son Birdland Dream Band en 1956, Woody Herman et ses trois troupeaux, de 1945 à 1954 (Four Brothers, Early Autumn....), Tony Bennett avec une succession de (grands) batteurs et percussionnistes («The Beat Of My Heart», 1957), Kenny Burrell avec des plages de 1961-62 exhumées une première fois en 1984, et un Wayne Shorter aussi singulier que réussi, «Native Dancer» (enregistré en 1974, avec Milton Nascimento, Herbie Hancock....). Côté piano, un disque très atypique de Keith Jarrett (« Expectations », 1972), avec au fil des plages Dewey Redman, Paul Motian, Charlie Haden, mais aussi Airto Moreira, et des cordes. Plus classique dans la forme du trio, Bill Evans, avec Eddie Gomez et Marty Morell («The Bill Evans Album», 1971) : hyper-lyriques versions de Two Lonely People et Comrade Conrad, un régal. Et pour conclure un tromboniste (à piston) qui s'était offert un jour le luxe d'un disque en duo de pianos avec Bill Evans : Bob Brookmeyer. Ici il est avec Herbie Hancock, Stan Getz, Gary Burton, Ron Carter et Elvin Jones. Une session entre amis qui sent bon le plaisir de jouer («Bob Brookmeyer and Friends», 1964). Amateurs férus ou néophytes, il ya là des découvertes à faire, d'urgence.

Xavier Prévost

JAZZ CONNOISSEUR : 25 nouvelles références chez Sony-Columbia Legacy
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25 mars 2017 6 25 /03 /mars /2017 08:43

Heartcore 2017
Kurt Rosenwinkel (g, b, p, dms, perc, synth, vc), Pedro Martins (dms, vc, perc), Eric Clapton (g), Alex Komzidi (g), Mark Turner (ts), Kyra Garey (vc), Antonio Loureiro (vc), Zola Mennenöh (vc), Amanda Brecker (vc), Frederika Krier (vl), Chris Komer (cor), Andi Habert (dms)

Kurt Rosenwinkel s’engage dans une voie toute nouvelle pour lui en créant son propre label (Heartcore) et en se rapprochant de celui du contrebassiste Avisai Cohen (Razdaz records).
A 47 ans, le guitariste de Philadelphie emprunte dès aujourd’hui un réel tournant dans sa brillante carrière.
Avec « Caipi », Kurt Rosenwinkel est en terre inconnue inspiré parfois par les rythmes brésiliens et parfois par une pop éthérée et presque lounge. Son sens de la mélodie nous emporte sur des rivages lointains et aériens flottant sur une sorte de tapis vocal volant qui fait chatoyer les harmoniques. Kurt Rosenwinkell sur des terres jazz et pop entre Robert Wyatt et Radiohead. Le guitariste, qui se fait ici homme-orchestre prend des chemins Metheniens et se fait directeur musical talentueux, multi-intrumentiste organisant son monde autour d’une musique inspirée. Il convie pour l’occasion Eric Clapton mais aussi et surtout un Mark Turner qui allume la braise et porte haut le discours.
Dans cet albums il est de vrais moments d’allégresse comme sur cette tournerie légère sur Casino Vanguard où les voix mettent la guitare sur orbite. Ce qui prédomine dans « Caipi » c’est le soin porté  aux arrangements absolument superbes et à une orchestration savamment organisée. Une brise marine sur un rythme roulant. Les arrangements subtils lui permettent de partir sur des rythmes brésiliens, presque « bossa » pour évoluer vers le jazz harmonique qu’il affectionne et sur lequel il pose de bien élégants chorus. Et dans tout cela l’émotion qui émerge comme sur Ezra dont Mark Turner sait prolonger le chant.


Au final un album heureux. Un vrai feel good album.

Jean-Marc Gelin

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17 mars 2017 5 17 /03 /mars /2017 19:39

Louis Sclavis (clarinette, clarinette basse), Dominique Pifarély (violon), Vincent Courtois (violoncelle)

Pernes-les-Fontaines, septembre 2016

ECM 2504 5732668 / Universal

 

Ces trois-là se sont rassemblés pour un nouveau trio, mais leurs relations sont tissées d'anciennes connivences avec le clarinettiste : depuis 1987 pour Dominique Pifarély, et depuis 1999 pour Vincent Courtois. Et ils s'étaient déjà rassemblés en 2000 pour l'album «Dans la nuit», musique qui avait accompagné des projections très beau film éponyme, et muet (1929), de Charles Vanel. J'avais eu la chance d'assister à la première reprise parisienne, en septembre 2016, à l'Atelier du Plateau, de ce programme inauguré six mois plus tôt au festival A Vaulx Jazz. L'univers est celui d'une espèce de jazz de chambre : chambriste par l'instrumentation, par l'esprit, par le savant dosage des dynamiques, par la science musicale qui se déploie sans la moindre ostentation ; et jazz par le goût des syncopes, par l'énergie fantasque des musiques improvisées, par l'absolue liberté toujours remise en jeu. Les thèmes sont signés par chacun des trois membres, à quoi s'ajoute une plage improvisée collectivement. La musique puise à toutes les sources : le lyrisme d'Alban Berg, les rythmes de Bartók ou Stravinski, les répétitifs de tous bords, les constructions savantes du contrepoint, l'horizon lointain des musiques du monde.... C'est une plongée dans un ailleurs de tous les instants, et cette plongée est fascinante. Expérience à tenter d'urgence pour ceux qui n'y ont pas encore goûté : plongée en eaux (très) profondes !

Xavier Prévost

 

Le groupe est en tournée dans le Grand Ouest du 17 mars au 9 avril dans le cadre de l'Europa Jazz festival du Mans http://europajazz.fr/regional-tour-programmation/ et aussi à Strasbourg (7 avril), Poitiers (30 mai)....

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17 mars 2017 5 17 /03 /mars /2017 18:47

 Son ultime oeuvre sortira le 5 mai prochain chez le label Verve (Universal, filiale de Vivendi) qu’il présida (1998-2004): Turn Up the Quiet,  disque de Diana Krall, chanteuse-pianiste, dont il avait lancé la carrière. Producteur de légende, Tommy LiPuma est décédé le 13 mars à New-York à l’âge de 80 ans.
Avec l’artiste canadienne, Tommy LiPuma a enregistré quelques-uns de ses plus beaux succès, When I look in Your Eyes, The Look of Love (4 millions d’exemplaires), ou encore Live in Paris, captation d’un concert de 2002 à l’Olympia. Mais ses états de service au sein de l’industrie musicale en plus d’un demi-siècle, pour les labels Liberty/Imperial, A&M, Blue Thumb Records, Warner, Elektra, Verve, révèlent une richesse artistique exceptionnelle –George Benson, Miles Davis, Jimmy Scott, dont il avait relancé la carrière, Barbara Streisand, Natalie Cole, Paul McCartney. Une ouverture d’esprit (et d’oreille) reconnue par la profession (5 Grammy Awards) et le public (75 millions d’albums vendus).
Tommy LiPuma n’avait, confiait-il, qu’une règle d’or: la seule musique qui me plait est celle qui me fait taper du pied (dans le texte, shake my ass).  Le goût de la musique avait saisi le jeune Thomas LiPuma au collège où il pratiqua le saxophone. Repoussant les souhaits de son père, fils d’immigré italien, qui le voyait épouser son métier de barbier à Cleveland, Tommy entra dans l’industrie de la musique au bas de l’échelle en emballant des vinyls dans un hangar. Vous connaissez la suite. Comme l’avait souligné le bassiste Christian McBride, LiPuma était passé de “cutting hair to cutting hit records” (ndlr: jeu de mots basé sur leverbe to cut qui se traduit aussi bien par couper qu’enregistrer un disque).
Grand collectionneur de tableaux, Tommy LiPuma était aussi un grand amateur de vins qui put apprécier les grands crus français lors d’un récent festival de jazz de Saint Emilion dont il était le parrain d’honneur.

Jean-Louis Lemarchand

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17 mars 2017 5 17 /03 /mars /2017 18:41
Roberto Fonseca: « la musique cubaine est simple et… compliquée »

Propos recueillis par Jean-Louis Lemarchand
Il a choisi de titrer son dernier album, Abuc, palindrome pour Cuba. Natif de La Havane, Roberto Fonseca entend bien jouer avec la musique cubaine en toute liberté, quitte à secouer les traditions. Le pianiste quadragénaire a mobilisé ses complices de l’Orquesta Aragon, un percussionniste brésilien (Zé Luis Nascimento) et le (remuant) tromboniste néo-orléanais Trombone Shorty pour un voyage musical à sa guise, au fil de ses propres compositions à l’exception (notable) d’un titre-hommage de Ray Bryant (Cubano Chant).
Les DNJ: Comment expliquez-vous que la musique cubaine résiste aux modes ?
Roberto Fonseca: Il y a quelque chose de magique qui n’a pas besoin d’explication (sourire). Nous les cubains venons d’un petit pays mais nous avons une forte tradition rythmique et mélodique. Quand vous mariez ces deux éléments, vous avez la musique cubaine, qui est belle et rend les gens heureux. Pour nous, c’est simple mais pour ceux qui ne connaissent pas le rythme cubain c’est compliqué. C’est un peu comme le reggae, cela paraît simple.
-Vous résidez toujours à Cuba. N’êtes-vous pas tenté  de vivre à New-York, à l’instar de nombreux musiciens cubains dans le passé ?
-Je vis à La Havane où je suis né et je n’ai jamais pensé à m’installer à New York. Mais nous sommes très proches des Etats-Unis. Les relations entre les musiciens cubains et nord-américains ne datent pas d’hier. Et aujourd’hui beaucoup de musiciens cubains vont jouer aux Etats-Unis et nombreux sont les musiciens américains qui aimeraient venir à Cuba.  Quant à moi, actuellement, j’aimerais bien vivre deux-trois mois par an à Paris, une ville plus romantique.  Plus généralement, je suis toujours ouvert à de nouvelles collaborations. C’est la meilleure façon d’enrichir ma musique.
-Quels sont les avantages de la notoriété que vous avez acquise ?
-C’est beaucoup plus facile. Je peux me concentrer sur un projet. Je n’avais pas vraiment l’intention de diriger un groupe mais c’est arrivé comme cela quand Ibrahim Ferrer m’a demandé de devenir directeur artistique du Buena Vista Social Club. En tant que leader, j’essaie toujours d’écouter les autres musiciens du groupe. Se comporter en artiste, c’est être capable de prendre conseil et d’avoir l’esprit ouvert.
-Sur ce dernier album, vous revenez à vos premières amours avec les percussions …
-Dans ma jeunesse, j’ai commencé à jouer des congas mais j’avais un frère qui était déjà percussionniste. Mon père, qui lui-même jouait des percussions, a estimé qu’il suffisait d’un seul autre percussionniste dans la maison où nous vivions à cinq  ! Il m’a convaincu d’apprendre le piano, un instrument plus mélodique et qui m’a permis aussi de pratiquer les claviers. Je dois beaucoup à ma famille qui baigne littéralement dans la musique, ma mère  chante, et j’ai un frère et un oncle musiciens.

Abuc. Roberto Fonseca (piano, claviers, vocal, percussions),Yandy Martinez (basse), Ramsès “Dynamite”Rodriguez (batterie, percussions), Trombone Shorty (trombone), Eliades Ochoa, Rafael Lay Bravo, Roberto Espinosa Rodriguez, Daymé Arocena, Carlos Calunga (vocal), Manuel “Guajiro”Mirabal (trompette), Zé Luis Nascimento (percussions). Impulse-Universal. Octobre 2016.
Roberto Fonseca est en concert à La Cigale (Paris) le 21 mars.

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17 mars 2017 5 17 /03 /mars /2017 17:30
JAZZ LADIES 1924-1962

Jazz Ladies 1924-1962

Frémeaux et associés

3CD (Livret de 32 pages en français et anglais)

Saluons la sortie d’un coffret de 3 CDS chez FREMEAUX qui redonne enfin aux femmes dans le jazz un rôle plus conséquent, réparant ainsi une énorme injustice.  Nombreuses furent les instrumentistes pionnières à avoir contribué au développement de cette musique : souvent pianistes (Lil Harding, Mary Lou Williams, Marian Mc Partland , Barbara Caroll, Lorraine Geller, Carla Bley…. ) mais pas uniquement. Pourtant, le jazz reste encore trop souvent masculin et la femme, fatale comme dans le roman et le film noirs. Dans le meilleur des cas, on la considère comme admiratrice, inspiratrice, compagne, ou créature idéale,donc rêvée. Quand on parle des femmes dans le jazz, ce sont les chanteuses qui occupent toute la place, ce sont elles, les véritables stars.

Jean-Paul Ricard, le Président fondateur de l’AJMI ( la scène de jazz d’Avignon), s’est toujours intéressé aux femmes du jazz[i] et à « leur longue marche », ainsi qu’il titre ses érudites notes de pochette qui comprennent un petit dictionnaire biographique des musiciennes citées. Il tente ainsi une réévaluation de ces jazz women dont le nom nous est souvent inconnu. Ce sont elles qui ont ouvert la voie, défriché le terrain pour les musiciennes d’aujourd’hui, dont le nombre est en augmentation constante.

Cette formidable compilation commence par les pianistes (1936-1961), sans oublier les autres instrumentistes (1924-1962) et les Girls Bands (1934-1954) . Il ne sera pas question des chanteuses, qui, si elles ne sont pas du tout dédaignées par les créateurs de ce coffret, n’ont jamais eu ce problème de visibilité. Pour le grand public, les femmes dans le jazz sont avant tout chanteuses, s’exposent sur le devant de la scène, en pleine lumière. Cette position qui peut paraître avantageuse les cantonne à une discrimination machiste et misogyne, aujourd’hui encore, avec des photos de couverture dans des poses et des robes volontairement glamour[ii]. Car la femme est vue avant la musicienne. N’entendait-on pas encore couramment … «elle joue bien pour une femme»?

Revenons à cette distinction en 3 catégories : les pianistes forment le premier groupe, car la présence d’une femme au piano est plus communément admise que sur d’autres instruments, d’autant plus quand elle chante. Ainsi dans le premier CD, sont mises en avant Lil Hardin, qui eut, sur la carrière de son mari, Louis Armstrong une certaine influence, la grande Mary Lou Williams, figure emblématique dès les années 30, compositrice, arrangeuse des plus brillantes, qui ouvrit la voie à Marian Mc Partland, à Barbara Carroll(qui se produisait essentiellement dans des clubs new yorkais). Mais le mérite de cette sélection soignée est de nous faire découvrir de belles personnalités comme Dorothy Donegan, Hazel Scott, Beryl Booker, Lorraine Geller qui s’illustra sur la West Coast, Terry Pollard ( également vibraphoniste) et Jutta Hipp, née à Leipzig. Quant à Toshiko Akiyoshi, venue de son Japon natal, elle monta un big band à New York toujours actif.

Le deuxième CD fait la part belle aux trompettistes Dolly Jones, Valaida Snow (qui connut une existence des plus aventureuses), Clora Bryant, à la tromboniste Melba Liston qui collabora aux orchestres de Randy Weston et Dizzie Gillespie, aux saxophonistes Kathy Stobart, Vi Redd. Si la harpiste Dorothy Ashby parvint à s’imposer comme soliste, c’est qu’aux femmes étaient réservés les instruments peu présents dans le jazz.

Le dernier CD évoque les orchestres de femmes obligés de se constituer pour exister c’est-à-dire enregistrer. Ainsi, pour les blanches, Ina Ray Hutton and Her Melodears , pour les afro-américaines, The Harlem Playgirls. L’un des meilleurs orchestres, The International Sweethearts of Rhythm, était mixte : composé de 17 musiciennes, il se produisit avec succès de 1939 à 1949, ne connaissant des problèmes que lors des déplacements dans le sud, ségrégation oblige!

En s’appuyant sur l’expertise de connaisseurs comme JP Ricard et Jean Buzelin qui a supervisé la discographie, on se constituera ainsi avec ce coffret, un petit bréviaire du jazz des plus instructifs. Sans argumenter indéfiniment sur la situation des femmes dans le jazz, sujet qui revient régulièrement sur le devant de la scène, peut même être «tendance», comme lors de la sortie du film de Gilles Corre, il faudrait arriver à ne plus se poser de question, du genre s’agit-il d’un disque de femme, ou d’un album féminin? Les jazzwomen n’ont donc rien à envier aux jazzmen, la femme étant un homme comme les autres. La féminisation du milieu jazz progresse mais beaucoup de musiciennes ont encore du mal à se faire entendre. Ou alors comme pendant la journée des femmes le 8 mars chaque année, pour permettre de mieux les oublier ensuite pendant 364 jours…

Merci donc messieurs de nous avoir permis de les écouter dans une sélection musicale des plus soignées qui leur rend un hommage à la mesure de leur talent !

Sophie Chambon

 

 

 

[i] Jean Paul Ricard avait déjà choisi de rendre hommage aux femmes dans cette musique, en 2006 et pour la traversée du « continent noir », il avait programmé une semaine de concerts à Arles, au Méjan qui se conjuguait au féminin.

 

[ii] Pour preuve, dans le livret, la photo aguicheuse de Valaida Snow, trompettiste, surnommée « Little Louis » en référence à Armstrong, chanteuse, danseuse également avec Joséphine Baker dans la revue des Chocolate Dandies.

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16 mars 2017 4 16 /03 /mars /2017 09:12

 

Paru en mai dernier, mais introuvable dès sa sortie par la faute d'une entreprise de logistique défaillante, le nouveau CD en duo de JEAN-MARC FOLTZ & STEPHAN OLIVA sera enfin disponible le 31 mars grâce à L'Autre Distribution. Retour de la chronique publiée le 14 mai 2016

JEAN-MARC FOLTZ : STEPHAN OLIVA « Gershwin »

Jean-Marc Foltz (clarinette, clarinette basse), Stephan Oliva (piano)

Pernes-les-Fontaines, décembre 2015

Vision Fugitive VF 313012 / L'Autre Distribution

 

On est souvent avec eux du côté d'une musique qui privilégie l'extrême nuance, la mise en suspens, le silence ou le bruissement imperceptible d'un monde en (re)naissance : une sorte de jazz de chambre si l'on veut. Ce qui n'écarte nul éclat, nulle intensité expressive. Le choix est fait ici de s'en remettre pour le répertoire aux frères Gershwin : George bien sûr, mais aussi Ira qui était, seul, signataire d'un texte pour un thème ( I Can't Get Started ) dont la musique est signée Vernon Duke. Mais c'est bien plus qu'une thématique, un concept ou un fil conducteur. C'est une plongée dans l'âme d'une époque, soulignée par un livret iconographique qui fait revivre Gershwin en son temps. Dans l'âme assurément : pas question de mimer les contours de thèmes familier, mais au contraire d'interroger leurs tréfonds et leurs mystères. Car nous sommes bien ici en présence de jazzmen, et le propre du jazz est de transfigurer, de dévoyer, de gauchir ou de sublimer (et parfois tout cela d'un seul geste).

Les musiciens conçoivent aussi quelques courtes séquences de leur cru, pour introduire un thème, installer un climat.... Ainsi fait Stephan Oliva, dès la première plage, en esquissant quelques secondes durant une voie d'accès à l'inoxydable The Man I Love : comme un prélude au renouveau dans l'inconnu. La clarinette étire le thème dans un absolu recueillement, le piano détaille les harmonies en y mettant ce qu'il faut d'altérations pour créer une tension. Ensuite Fascinating Rhythm révèle sa vitalité syncopée, entre clarinette basse et piano, mais les deux musiciens se jouent des accents attendus, et nous emportent vers l'ailleurs : c'est bon signe. It's Wonderful, usuellement donné en version joyeusement dansante, est ici étiré, version plus que lente, comme une introduction idéale au sublime My Man's Gone Now , quintessence de toutes les nostalgies. Une première évocation du thème de la Rhapsody in Blue suit un prélude qui, une fois encore, nous à montré la voie des harmonies célestes.... Et tout se poursuit dans l'intense beauté d'un déroulement cohérent, où pourtant chaque transition garde sa part de mystère. Le ressassé Summertime est donné dans une apparente littéralité par la Jean-Marc Foltz, mais les harmonies distillées par Stephan Oliva le parent de charmes inédits, et la clarinette s'évade à son tour. Et ainsi de suite jusqu'au conclusif I Love(s) You Porgy, qui nous fait aimer ce disque, magnifique, de bout en bout.

Xavier Prévost

 

Le duo donne un concert à Paris au Sunside, le vendredi 17 mars 2017 à 19h30, dans le cadre de Paris Music Festival

 

Pour découvrir le CD sur Youtube :

https://www.youtube.com/watch?v=Y-jtC9MSuME

 

Le compte rendu du concert du festival 'Jazz in Arles' par Sophie Chambon en mai dernier

http://lesdnj.over-blog.com/2016/05/gershwin-jazz-in-arles-au-mejan.html

 

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15 mars 2017 3 15 /03 /mars /2017 17:23

Giovanni Mirabassi (piano solo)

Ludwigsburg, 16 septembre 2014

Cam Jazz CAMJ 7910-2 / Harmonia Mundi

 

D'entrée, j'ai préféré ce disque de Giovanni Mirabassi à ses précédents solos («Avanti !», 2000, «Cantopiano», 2006 & «¡Adelante !», 2011). Le lyrisme est le même, le choix de partir de chansons est identique : est-ce la maturité qui fait la différence ? Je ne sais. Le premier et le troisième reprenaient des chansons de luttes. Le deuxième des chansons françaises : là ne résidait pas la différence. Dans ce nouveau solo, ce sont des chansons popularisées par trois icônes de l'interprétation : Piaf (Édith), Ella (Fitzgerald) et Mercedes Sosa, chanteuse d'Argentine, très aimée dans toute l'Amérique Latine, et bien au-delà. Et il semblerait que le lyrisme du pianiste se nourrisse cette fois de la très singulière expressivité de chacune de ces chanteuses. On commence avec Sous Le Ciel De Paris : le pianiste italien s'est-il souvenu qu'en 1963 Martial Solal avait joué cette valse.... à 4 temps («Concert à Gaveau»)? En tout cas, après une intro-mystère, il en traite le rythme et le phrasé à sa fantaisie, et c'est un régal. Il est sûr que pour nous autres jazzophiles français, Édith et Ella sont des références plus que familières. Mais l'on comprend très vite que le pianiste va nous rendre plus que proche Mercedes Sosa, par le même processus de métamorphose lyrique. Et pour intensifier l'hommage, Giovanni Mirabassi a composé trois plages, intitulées Mercedes, Ella et Édith : pour la première, ce sera en forme de contrepoint ; pour la deuxième, en langueurs harmoniques de ballade ; et pour la troisième, après une introduction en forme de jeux d'eau virtuose, en chant d'amour mélancolique sur un rythme de valse. Le public présent dans la salle de concert du studio Bauer ne s'y est pas trompé : l'écoute est palpable, et l'accueil d'une chaleur intense.

Xavier Prévost

 

Giovanni Mirabassi jouera au Sunside en solo le 16 mars 2017, en duo avec Flavio Boltro le 17 , et en trio avec Thomas Bramerie et Lukmil Perez le 18

 

Des détail sur le site du label Cam Jazz : http://www.camjazz.com/releases/8052405142580-live-in-germany-cd.html

 

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