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18 avril 2018 3 18 /04 /avril /2018 21:25

Deux pianistes, qui ont en commun une formation classique du plus haut niveau, et une indiscutable vie de jazzmen, choisissent au même moment (le centenaire de la mort du compositeur) de célébrer (en les détournant) les compositions de Claude Debussy, compositeur qui a tant influencé l'harmonie du jazz.

HERVÉ SELLIN «Claude Debussy, Jazz Impressions»

Hervé Sellin (piano), et sur 2 plages Yves Henri (piano à 4 mains)

Meudon, 3-5 novembre 2017 et 9 mars 2017

indéSENS INDE 107 / Socadisc

 

Il faut se rappeler que lorsque Gérard Badini rendit hommage à Debussy, en 1991 et en grand orchestre, dans son disque «Meets Claude Debussy» (Mantra Records), il fit appel à Hervé Sellin pour la dernière plage, avec la Toccata, étoffée d'un big band. L'an dernier, dans son disque «Passerelles» (chronique dans Les DNJ en suivant ce lien), qui était partiellement en dialogue avec la pianiste classique Fanny Azzuro, Hervé Sellin convoquait en solo sa version très personnelle du Prélude à l'après-midi d'un faune, qui côtoyait dans le CD Schumann, Dutilleux et Satie. Un Prélude que l'on retrouve dans ce disque entièrement consacré à Debussy, enregistré à Meudon dans deux lieux différents : l'Auditorium du conservatoire, et le Studio de Meudon, lequel est justement renommé pour la qualité de ses pianos. Le disque commence avec une relecture très libre de The Little Sheperd, avec inclusion d'un fragment de Golliwogg's Cakewalk (autre pièce tirées de Children's Corner). Puis vient le fameux Clair de lune (troisième mouvement de la Suite Bergamasque) dont les richesses harmoniques et mélodiques sont promenées sur les territoire du jazz avec bonheur. Après Le Petit Nègre (pièce tirée d'un recueil d'exercices) empreint de l'esprit du ragtime, c'est le Prélude à l'après-midi d'un faune déjà cité (formidable liberté!), puis Reflets dans l'eau (tiré des Images), qui nous rappelle combien Debussy est compatible avec le jazz de la seconde moitié du vingtième siècle (avec une discrète allusion à Blue in Green, versant Bill Evans plutôt que Miles Davis). Le Ballet de la Petite Suite part d'un énoncé littéral avant d'obliquer vers la jazz waltz : ici Hervé Sellin est rejoint par son confrère Yves Henry, avec lequel il avait proposé en 2012 un programme Debussy entre classique et jazz. Jazz waltz encore sur La fille aux cheveux de lin, et aussi dans Doctor Gradus at Parnassum (retour du second pianiste), avec une foule de ruptures très bienvenues, et une jubilation presque palpable. Hervé Sellin aborde ensuite la Sarabande, qu'il débarrasse de sa majesté un peu guindée tout en demeurant très debussiste dans ses improvisations. Puis c'est La plus que lente, une sorte de quintessence de ce projet, mêlant amour profond de cette musique et totale liberté de variation. Et en conclusion In a Mist, composition très debussiste de Bix Beiderbeke (qui l'avait enregistrée au piano en 1927), qui résume magnifiquement la démarche d'ensemble d'un disque qui se révèle une totale réussite.

 

ENRICO PIERANUNZI « Monsieur Claude [A Travel with Claude Debussy] »

Enrico Pieranunzi (piano), Diego Imbert (contrebasse), André Ceccarelli (batterie), avec Simona Severini (voix), David El Malek (saxophone ténor)

Meudon, 14-15 janvier 2018

Bonsaï Music BON 180301 / Sony Music

 

Le pianiste italien a beaucoup de points communs avec son confrère Hervé Sellin : comme lui de formation classique du plus haut niveau, comme lui enseignant dans une grande institution, il s'est professionnellement partagé entre le classique (un peu) et le jazz (beaucoup, et avec les plus grands : Chet Baker, Art Farmer, Jim Hall, Johnny Griffin....). Hervé Sellin quant à lui a régulièrement accompagné Griffin, et aussi Gillespie, Dee Dee Bridgewater, Barney Wilen, Phil Woods.... Bref ce sont deux indiscutables jazzmen, qui ont aussi dans leur cœur Debussy. Enrico Pieranunzi avait déjà musardé du côté de Scarlatti, Bach, Haendel, Satie, Schumann, Fauré et Milhaud, et il saisit lui aussi le centenaire de la disparition de Debussy pour un hommage jazzistique. Son choix réside dans la formule du trio de jazz, qui accueille aussi alternativement la voix de Simona Severini et le saxophone de David El Malek. Le trio, c'est celui du disque «Ménage à trois», très rôdé par la scène. Le pianiste italien prend le parti de créer des compositions de jazz inspirées par des pièces de Debussy, restant parfois proche de l'original tout en le travaillant en jazzman (Bluemantique, d'après la Valse romantique ; Passepied nouveau ....), modifiant le tempo (L'autre ballade) ou transposant pour le confort de la vocaliste (Romance). Il va aussi transformer la Rêverie en une sorte de bossa nova avec voix sans paroles, ou doter La fille aux cheveux de lin d'un tempo plus vif, et le renfort du saxophone. Son Blues for Claude, blues hétérodoxe, se tourne à la fois vers les gammes par tons chères à Monsieur Claude, et vers les rugosités rythmiques et harmoniques de Monsieur Thelonious. Nuit d'étoiles, sur un texte de Théodore de Banville, se métamorphose en valse jazz et là, saxophone et voix cohabitent (ce qu'ignorent les infos du CD). Mr. Golliwogg (déjà enregistré sur le disque «Ménage à trois») ne cache pas sa source, mais le traitement est très différent de l'usage furtif adopté par Hervé Sellin. Et après un solo archi-debussiste intitulé My Travel with Claude, Enrico Pieranunzi conclut par une dernière composition originale, sur L'adieu, poème d'Apollinaire (comme l'avaient fait Arthur Honegger, Bohuslav Martinů.... et Léo Ferré). Ici encore la bossa nova fait entendre la langueur de son rythme détendu. Belle conclusion pour un hommage également totalement réussi. Décidément Monsieur Claude n'a pas fini d'inspirer les jazzmen !

Xavier Prévost

 

Le groupe d'Enrico Pieranunzi jouera à Paris, au Sunside, les 24 & 25 avril 2018

 

Sur Youtube, présentation de son disque par Enrico Pieranunzi

https://www.youtube.com/watch?v=b6dT-xpxK3s

 

Sur Youtube, présentation du disque d'Hervé Sellin

https://www.youtube.com/watch?v=0ClhDIprEQc

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15 avril 2018 7 15 /04 /avril /2018 08:53

Le rapports entre la musique (et plus précisément ici le jazz et son entour) et la littérature, voilà bien un sujet riche autant qu'insondable, depuis Pierre Reverdy donnant la réplique aux jazzmen jusqu'à Sade selon Jean-Rémy Guédon et Archimusic, en passant par Charlie Parker vu par Kerouac ou Cortazar. Dans les deux disques qui nous occupent en cet instant : une nouvelle d'Edgar Poe, Ligeia, (dans la traduction de Charles Baudelaire) vue par les membres de l'ARFI de Lyon (et Michael Lonsdale) , et des poèmes de François Cheng mis en espace musical par Yves Rousseau, la question n'est pas posée en termes d'illustration ou d'accompagnement, mais plutôt, peut-être, en termes de correspondance(s). Cela tombe presque sous le sens si l'on veut bien se rappeler ce que ce mot, et son pluriel, signifient dans l'œuvre du traducteur d'Edgar Allan Poe ; et aussi si l'on considère que le poète-calligraphe-linguiste et romancier François Cheng interroge l'essence même de la beauté sans la circonscrire à un objet, une technique ou un moyen d'expression. 

YVES ROUSSEAU «Murmures»

Anne Le Goff (voix), Pierrick Hardy (guitares), Thomas Savy (clarinette basse), Keyvan Chemirani (percussions), Yves Rousseau (contrebasse, composition, arrangement).

Pernes-les-Fontaines, julllet 2017

Abalone AB 032 / l'autre distribution

 

Ici la voix est à la fois celle qui dit le poème, et celle qui le chante, dans le dialogue avec les instruments. Celle aussi qui, sans les mots, par la vocalise, fait écho au texte et aux instruments, tout à la fois. La musique d'Yves Rousseau parle d'un monde où l'aventure sonore fait sens, quoi qu'en disent ceux qui s'accrochent au postulat stravinskien selon laquelle la musique n'exprime rien. D'ailleurs, de la musique comme de la poésie, on serait tenté de dire que nous ne lui demandons pas, fondamentalement, de nous délivrer un sens. Rien qu'une parole peut-être, une parole qui se prolonge et dont la durée nous parle. Alors écoutons la caresse de la clarinette qui fait écho au texte, l'emportement des percussions qui ouvrent la voie (voix?) au poème qui vient, dans l'absolu dénuement de la parole, avant que la basse obstinée ne remette le rythme cursif sur le chemin de notre écoute. Correspondance(s), vraiment, entre ces disciplines (arts, moyens d'expression....) qui nous parlent en dialoguant.


 

ARFI «DarkPoe»

Michael Lonsdale (récitant), Xavier Garcia (clavier, échantillonneur), Clément Gibert (clarinette, clarinette basse, saxophone alto, flûte à bec), Guillaume Grenard (trompette, trompette à coulisse, euphonium, flûte à bec), Géraldine Keller (voix, flûte traversière, objets), Nicolas Pelletier (batteries électronique et acoustique), Jean-Marc François (objets)

Paris, juillet 2016 & Brignais (Rhône), février 2017

Label Arfi AM 064 / l'autre distribution


 

Cette fois la voix est plurielle : celle de Michael Lonsdale, qui est en elle-même une aventure sonore, une musique, une dramaturgie sensorielle ; et celle de Géraldine Keller, coutumière des allers-retours entre diction et chant. Le texte d'Edgar Poe fait vivre cette fascinante Ligeia, qui meurt mais revient de cet au-delà spectral où elle semble avoir toujours élu domicile. La voix de Géraldine Keller lui donne corps aussi, dans un échange avec le texte littéraire, et la musique qui, mêlant le jazz contemporain et l'électro-acoustique, épouse le mystère de ces noces fatales. Il n'est pas non plus ici question d'illustrer ou d'accompagner un texte dont le pouvoir d'évocation est considérable. DarkPoe est aussi un spectacle sonore (donné à Lyon en avril 2017, puis en janvier 2018). Un dispositif pour l'ouïe, car les spectateurs y assistaient dans le noir complet. Peut-être faut-il écouter le CD dans l'obscurité, pour goûter pleinement les correspondances et les échanges qui se tissent dans ce dialogue mesmérique entre deux voix (le récitant, la chanteuse) et la musique de l'ARFI.

Xavier Prévost

 

Un avant ouïr de 'DarkPoe' sur Culturebox

https://culturebox.francetvinfo.fr/musique/dark-poe-michael-lonsdale-prete-sa-voix-a-un-ovni-litteraire-et-musical-268337

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15 avril 2018 7 15 /04 /avril /2018 08:35

Fresh sound new talent 2018
Yuval Amihai (g), Damien Varaillon (cb), Gauthier Garrigue (dms) + Hermon Mehari (tp), Amid Friedman (ts)


Il y a de ces moments de délicatesses, je vous dis pas ! Et quand ces moments de grâce entraînent dans leur sillage des thèmes que vous connaissez par coeur et qui résonnent comme la réminiscence de purs moments de bonheur, l’extase est complète, le nirvana pas loin.
Yuval Amihai est un jeune guitariste, que pour notre part nous avons contribué à révéler lors du Tremplin du Festival de St Germain. Il nous avait alors totalement charmé par sa façon, sans manière et sans chichis, de poser ses notes bleutés sur une musique, pas révolutionnaire mais totalement inscrite dans la tradition.
Dans ce nouvel album, Yuval Amihai avait en tête les duos d’Ella Fitzgerald avec Joe Pass dans cet album de légende où la chanteuse s’était lancée dans l’exercice du duo. C’est avec le même sens du blues et des chatoyances harmoniques que Yuval se lance dans un répertoire de standard sur lequel il s’amuse lui même à faire chanter sa guitare. Et c’est avec un sacré talent qu’il entreprend l’exercice. Faut dire ! Le guitariste a une façon rare de faire sonner la note, juste la note en lui donnant à la fois un son, une résonnance qui effleure comme une caresse. Avec un sens rare de la mélodie, il ne part jamais en vrille, reste totalement sous contrôle avec ce je-ne-sais-quoi de supplément d’âme qui fait que la musique est alors plus que la musique. Et pourtant on les connaît bien ces thèmes signés de quelques géants : Duke Ellington ( I ain’t nothin’ but the blues), Oliver Nelson ( stolen moment), Van Heusen ( Polka dots and moonbeams), Keith Jarrett ( So tender), Rodgers-Hart ( You are so beautiful) et même un époustouflant Michel Legrand ( De Delphine à l’ancien). Ca chante, ça balance, ça swingue avec légèreté et sans ostentation, ça vous  fait du bien par où ça passe.
Et puis lorsqu’il ne s’agit pas de ces thèmes emblématiques, Yuval Amihai compose et associe dans un registre assez différent deux compagnons de route au sax et à la trompette, qui viennent donner alors un autre relief, un autre volume.

On ne s’étonne pas alors que Jordi Pujol, grand découvreur de talent devant l’éternel, ait jeté une oreille enamourée sur les sonorités bleues de ce guitariste rare. Ce fils naturel de Joe Pass, de Tal Farlow et même un peu de Wes Montgomery ou Georges Benson.
Il est assurément de cette trempe-là.
Jean-Marc Gelin

 

Concerts de sortie

- 20 et 21 avril au Bemol à Lyon

- 25 avril au Sunset à Paris

- 26 avril au Jazz Fola à Aix en Provence

 


Chronique de son précédent album :
http://lesdnj.over-blog.com/2015/06/yuval-amihai-trio-longing.html

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12 avril 2018 4 12 /04 /avril /2018 15:36

Josiah Woodson (trompette, bugle, flûte), Ricardo Izquierdo (saxophone ténor, clarinette), Mario Canonge (piano), Arnaud Dolmen (batterie), Michel Zenino (contrebasse)

Villejuif, 7-8 mars 2017

Aztec Music CM 2520 / Pias

 

Dix bonnes années qu'ils jouaient en duo, avec un enregistrement (DVD & CD) en 2011 au festival de Porquerolles, et plus de trois ans qu'ils se produisaient avec ce quintette au Baiser Salé. Deux musiciens aux parcours en partie divergents : Mario Canonge est à la fois un Maître de tous les claviers dans la fusion et les musiques latines ou caribéennes (depuis Ultramarine au début des années 80, jusqu'à Sakésho 20 ans plus tard, en passant par Kassav et Malavoi), mais aussi un formidable pianiste de Jazz (qui a donné la réplique à Alain Jean-Marie, Dee Dee Bridgewater, Jacques Schwarz-Bart, Roy Hargrove ou Chico Freeman....). Ceux qui l'ont entendu jouer Monk connaissent l'étendue de ce talent-ci. Michel Zenino peut paraître un jazzman de plus stricte obédience (à Marseille le conservatoire, et les groupes de là-bas, mais aussi la guitare Basse et le Berklee College de Boston....), avec des collaborations par dizaines auprès de ceux qui comptent dans cette musique, et aussi quelques très bons disques en leader. . .. Bref ces deux-là ont un territoire commun en jazz, qu'ils partagent chaque mercredi en duo à Paris, au Baiser Salé, et assez régulièrement avec ce quintette qui fleure bon le jazz estampillé Blue Note des années 60, mais pas seulement. Le hard bop est très présent sur quelques plages, mais dans une version enrichie de densité harmonique, et de sophistication de la forme. Les deux leaders se partagent le répertoire, mais c'est le contrebassiste qui va concevoir un calypso, et le pianiste un blues un peu hétérodoxe. La musique est très nerveuse, même si une belle ballade offre un moment de suave mélancolie. Les deux 'souffleurs' sont parfaitement en phase avec l'esprit de la musique, et l'on sent que le groupe tire sa cohésion d'une déjà longue pratique sur scène. L'album se conclut par un très bel hommage au regretté Jean-François Jenny-Clark avec une sorte de lamento sobrement intitulé J.F. (composition de Michel Zenino). Émouvante conclusion pour un disque vraiment réussi.

Xavier Prévost

 

Le groupe est en concert au Triton (Les Lilas, Seine-Saint-Denis) le 13 avril, et le duo le 15 avril à Gif-sur-Yvette (Le Canapé), ainsi que tous les mercredis jusqu'à la fin de juin à Paris au Baiser Salé

 

Un avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=6z2wZAO5wPs

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11 avril 2018 3 11 /04 /avril /2018 23:34

Alban Darche (saxophones alto, soprano & baryton), Chloé Cailleton (voix), Nathalie Darche (piano), Didier Ithursarry (accordéon), Stéphane Payen (saxophone alto), Olivier Laisney (trompette), Christophe Lavergne (batterie), Sébastien Boisseau (contrebasse)

Languidic, avril 2017

Yolk Records J 2074 / l'autre distribution

 

Encore une belle surprise à nous réservée par Alban Darche. Fidèle à son goût de saute-frontières, le saxophoniste-compositeur-arrangeur-chef d'orchestre mêle les compositions, les styles et les langages avec une pertinence virtuose, tout en donnant à cette matière polymorphe une unité qui est assurément une signature. Ici se croisent la java, le musette, le tango et le ragtime, revus et (sévèrement mais talentueusement) corrigés, Gabriel Fauré et Verlaine, les rythmes ensauvagés du Stravinski d'avant guerre (celle que j'préfère mon colon : celle de 14-18), les ballades énamourées du songbook états-unien (I'm A Fool To Want You, I'll Be Seeing You), et La Paloma.... en allemand ! Entouré de très bons musiciens, choisis pour leur singularité autant que pour leur plasticité musicale, et leur faculté d'adhésion à un univers, Alban Darche s'en donne à cœur joie, tissant des couleurs orchestrales mélancoliques, créant des phrases assez vertigineuses sur des intervalles distendus, élaborant des rythmes inconfortables pour les sublimer dans une pure musicalité. Bref il imprime sa marque sur chaque pièce, sans pour autant priver ses interprètes de leur latitude créatrice. Et la voix délicieusement fragile de Chloé Cailleton plane sur bien des plages, contribuant pour une part non négligeable à la singularité du projet. C'est un régal destiné à ceux dont les oreilles n'ont pas d'œillères....

Xavier Prévost

 

L'orchestre est en tournée : le 12 avril à Paris (Espace Selmer), le 13 à Messei (Orne), le 15 à Saint Nazaire (Loire-Atlantique), puis le 6 mai à Coutances (Manche, festival Jazz sous les pommiers) et le 8 mai à Argentan (Orne)

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11 avril 2018 3 11 /04 /avril /2018 16:53

Jacky Molard (violon, guitare), Yannick Jory (saxophones alto & soprano), Hélène Labarrière (contrebasse), Janick Martin (accordéon diatonique)

invités : François Corneloup (saxophone baryton), Albert Marcoeur (voix, percussions), Christophe Marguet (batterie), Serge Teyssot-Gay (guitare électrique), Jean-Michel Veillon (flûte traversière en bois)

Langonnet, janvier 2017

Innacor Records INNA 11720 / l'autre distribution

 

Une sorte de manifeste de la part de Jacky Molard, violoniste-compositeur-improvisateur, et activiste des musiques populaires de Bretagne qu'il fait rayonner depuis des lustres en les confrontant à tous les univers musicaux. En évoquant (invoquant?) le système de réseau racinaire qui donne vie aux champignons, il nous propose peut-être une métaphore de cette vie musicale qui se défie des cloisons et autres frontières pour rassembler des musiciens d'horizons divers autour d'une même musique (ce qu'il fait, avec constance et talent, depuis pas mal de temps). Ici des musiciens venus du jazz, du rock transgressif ou de l'improvisation radicale, apportent leurs compositions, leurs interprétations et improvisations, à l'élaboration d'un objet commun, sublimé par le partage. Danses de Bretagne, grondement du jazz libre et lyrique, hardis contrepoints, rock décalé d'influence répétitive ou poésie à tiroirs multiples, tout concourt à une ferveur insolite en forme de beauté. Une expérience authentique, dans laquelle il faut s'immerger.

Xavier Prévost

 

Le groupe est en concert, avec ses invités, le 12 avril à Quimper (Théâtre de Cornouaille), et le 17 avril à Paris (Café de la Danse)

 

Un avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=K6AWO_oIeug&feature=youtu.be


 

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9 avril 2018 1 09 /04 /avril /2018 22:45

Quentin Ghomari (trompette), Raphaël Quenehen (saxophones alto & ténor), Sébastien Palis (orgue, piano électrique), Thibault Cellier (contrebasse), Jérémie Piazza (batterie)

Roy Nathanson (saxophones alto & baryton, voix), Marc Ribot (guitares)

Invitée sur un titre : Linda Olah (voix)

Brooklyn, 13 janvier 2017

Enja yellow bird YEB 7753 / l'autre distribution

 

Le retour du quintette rouennais, avec à nouveau la complicité décapante de Roy Nathanson, augmentée cette fois de la présence de Marc Ribot. Fidèles à leurs pulsions constitutives (énergie, liberté, groove et audace) les membres du groupe (qui appartiennent au collectif 'Les Vibrants Défricheurs', lequel associe musique et arts plastiques) se retrouvent dans un langage qui mêle la ferveur de la Soul Music, les éclats du rock, et l'essor improvisé du jazz. Autant dire que, de plage en plage, l'atmosphère est chaude, riche d'expressivité et de tensions musicales. En conclusion du CD Roy Nathanson dit ses mots en forme de requiem litanique sur une longue plainte instrumentale (Whenever Lento). Juste avant cela (King Of The World), sur une rythmique et des riffs qui rappellent ce que le rock a retenu de la quintessence du rhythm'n'blues, Marc Ribot part dans une improvisation torride. Plus tôt un thème mélancolique de Raphaël Quenehen (Les Colchiques) nous a fait suivre un chemin harmonique familier, propice à des improvisations volubiles. Et l'on pourrait ainsi, à rebours, évoquer chaque plage, parler d'une autre séquence où les spoken words de Roy Nathanson ouvrent un espace où le saxophone va s'engouffrer avec un lyrisme très libérateur. Sans oublier la mélodie populaire bolivienne sur laquelle Linda Olah a déposé des mots de sa langue natale et suédoise ; ni une composition du pianiste qui rappelle un temps (béni ? peut-être....) où le rock mâtiné de soul (Chicago Transit Authority....) accueillait des envolées du jazz le plus libre. Sans oublier le thème un peu mingusien (sa texture musicale, sa ferveur....) qui ouvre le disque. Bref c'est un voyage qui secoue, chahute et transporte : un beau voyage !

Xavier Prévost

 

Le groupe jouera le 11 avril 2018 à Clichy-sous-Bois, Espace 93 Victor Hugo (festival Banlieues Bleues) avec Roy Nathanson et Napoleon Maddox, puis le 14 à Strasbourg, Fossé des Treize (saison Jazzdor), et le 17 à Rouen (Le 106)

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9 avril 2018 1 09 /04 /avril /2018 21:57

Stéphane Koechlin. 320 pages. Le Castor Astral. 20 euros.
Jean-Louis Lemarchand

 

Elle avait hérité du sobriquet de « l’impératrice du blues » trouvaille d’un attaché de presse au sens aigu du markéting. Elle le méritait bien à l’époque et encore (plus) aujourd’hui, Bessie Smith (1894-1937). « Une voix pleine de hurlements, de gémissements, de prières et de souffrances, sauvage, âpre, stridente, volcanique », décrivait l’un de ses admirateurs, l’écrivain Carl Van Vechten.
Chroniqueur musical spécialisé, auteur de « Le blues, les musiciens du diable « (Ed Le Castor Astral), Stéphane Koechlin retrace la vie trépidante de Bessie Smith, de la pauvreté du Tennessee à la gloire de Harlem (surnommée alors « la vallée heureuse »). Sa voix d’une puissance rare lui permit de conquérir les spectateurs à une époque où la sonorisation n’avait pas encore droit de cité. Mise au service de textes forts évoquant les drames de la vie quotidienne, la condition des noirs, elle lui ouvrit le chemin du succès dans les bacs des disquaires : enregistré en 1923 aux studios Columbia de New York, Down Hearted Blues, composition d’Alberta Hunter, s’écoulera à 800.000 exemplaires en six mois. Quelque 160 titres seront gravés dans les quinze années suivantes au premier desquels les classiques Saint Louis Blues et Careless Love et deux chansons spécialement poignantes, Back Water Blues (consacré aux inondations géantes de 1927) et Empty Bed Blues. Au-delà du parcours de l’artiste, Stéphane Koechlin traite largement de la personnalité de Bessie Smith, une femme de caractère (aimant les alcools forts et l’amour, masculin et féminin, n’hésitant à faire le coup de poing). « Elle avait toujours envie de se bagarrer avec moi et avec la musique aussi », témoigna Sidney Bechet, amant passager. Fortement documenté, l’ouvrage de Stéphane Koechlin présente également l’avantage de replacer la vie de la chanteuse dans son contexte historique, une époque marquée par la Prohibition, la pègre, et la ségrégation. Enfin, et ce n’est pas le moindre sujet d’intérêt, Koechlin démolit la légende bâtie autour de la mort de Bessie Smith. Les premiers récits indiquaient que la chanteuse, victime d’un accident de la route dans le Mississippi le 26 septembre 1937, avait été refusée à l’hôpital en raison de sa couleur de peau. La légende de l’artiste noire assassinée par le Sud raciste a longtemps persisté, véhiculée notamment par Mezz Mezzrow dans La rage de vivre. La vérité plus prosaïque, et pas plus réjouissante, est tout autre : le temps perdu à transporter en pleine nuit Bessie Smith  dans un hôpital lui aura été fatal. L’amputation d’un bras par un chirurgien n’aura pas permis de sauver l’ »impératrice du blues «  qui rend son dernier souffle à 22 h30 dans une petite chambre de Clarksdale.
Jean-Louis Lemarchand

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9 avril 2018 1 09 /04 /avril /2018 18:28

Lionel Suarez (accordéon), Airelle Besson (trompette), Vincent Segal (violoncelle), Minino Gray (percussions, voix)

Villetaneuse, septembre 2017

Bretelles Prod BP 06190101 / l'autre distribution

 

L'aventure commence en 2009, avec une commande du festival 'Jazz sur son 31', à Toulouse et son entour. Parce que la Ville Rose était supposément le territoire d'origine de Carlos Gardel, père présumé du tango, Lionel Suarez décide de construire son projet autour de cette figure singulière, tissée de légendes et de faits réels. Le choix des partenaires n'est pas anodin : la trompettiste, le violoncelliste et le percussionniste-chanteur aiment la mélodie, et s'emploient aussi constamment à la magnifier, parfois en transgressant ses limites et ses codes. Des thèmes de Carlos Gardel donc, mais aussi des compositions de Lionel Suarez, Airelle Besson, Vincent Segal et Gerardo Di Giusto (et aussi des mots de Minino Garay). Avec en primeur un air d'Emmanuel Chabrier (Feuillet d'album) d'une exquise mélancolie. D'ailleurs c'est bien là le maître-mot, qui rassemble tout à la fois les plaines de l'Argentine et la saveurs de ses villes, le goût profond des interprètes et compositeurs de ce disque pour une expression teintée de nostalgie, et le goût de Gardel pour ce clair-obscur où le timbres et les inflexions mélodiques tendent toujours vers un horizon qui nous échappe. Un disque inclassable évidemment (et c'est tant mieux), que ses interprètes et son atmosphère rattachent au jazz, même si ce n'est pas strictement l'idiome d'une telle musique. Inclassable mais très attachant.

Xavier Prévost

 

Le groupe est en concert le 10 avril au Prisme à Élancourt (Yvelines), le 11 à Toulouse (Salle Nougaro), le 13 à Caen (Théâtre-La Nuit du Jazz) et le 14 à Paris, au New Morning

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8 avril 2018 7 08 /04 /avril /2018 18:26
@Anna Webber

Au sommet de son art vocal, Kurt Elling se pose des questions sur l’état du monde, la pauvreté extrême côtoyant la richesse énorme, la montée des extrémismes. Le lauréat de l’Académie du Jazz et des Grammy Awards reste influencé par le diplôme de philosophie de la religion obtenu dans sa ville natale de Chicago. Le baryton admirateur de Jon Hendricks et …Jean Sablon apporte sa réponse au climat général anxiogène avec un répertoire allant de Leonard Bernstein à Bob Dylan. A la veille d’une tournée en France pour présenter « The questions » (Okeh-Sony)-dont Jean-Marc Gélin vous a fait un compte-rendu enchanteur- Kurt Elling se confie aux DNJ.
 

 

Les DNJ: Diplômé à l’Université en philosophie de la religion, êtes vous influencé par vos connaissances dans votre expression artistique ?
Kurt Elling. La philosophie de la religion n’a jamais été aussi présente dans mon univers que maintenant. Ce disque, The Questions, traite de la confrontation à laquelle nous devons faire face dans cette époque effrayante et perplexe. C’est un défi politique, idéologique, financier à relever. Depuis la création du monde, nous n’avons jamais eu autant de pouvoir pour détruire et pour créer, ni jamais autant d’incroyable richesse et en même temps une telle pauvreté. En tant que citoyen, j’ai besoin de comprendre ce que je suis supposé faire. Je ne peux être un homme politique, je ne peux être un roi. Je peux à peine me contrôler moi-même, je peux voir et ressentir la souffrance. Et cela, c’est là une question idéologique.

Les DNJ: Ces questions vous ont motivés dans le choix des titres pour cet album ?
 

KE : Tout ce que je savais, c’est que je voulais faire quelque chose qui vaille la peine en cette époque où se posent les questions de la valeur, du sens, de la moralité dans la relation que nous avons avec nous-mêmes et les autres. Nous devons faire face à cet aspect autodestructeur qui se trouve en chacun de nous et qui se manifeste dans tous les extrémismes et fanatismes ainsi qu’on le constate avec l’émergence du fascisme en Autriche ou encore avec les risques de frappes nucléaires, d’un désastre écologique ou même de guerre civile aux Etats-Unis.

Les DNJ : C’est un album que vous n’auriez peut-être pas fait il y a 20 ans ..
 

KE :  Peut-être ! Je ne sais pas. Cet album a été réalisé avec Branford Marsalis, une deuxième collaboration après Upward Spirals (Okeh-Sony)en 2016, et qui reflète une relation forte entre nous. Le fait est que je ne peux ignorer ce qui se passe dans le monde, comme par exemple (et il montre la « une » d’un quotidien) ces massacres d’enfants en Syrie ou en Floride. Quand vous atteignez la cinquantaine (ndlr : il est né en 1967) et que le monde est horrible et dangereux comme il se trouve maintenant, est ce que je dois en prendre conscience ou passer mon chemin et faire comme si de rien n’était ? Je ne suis pas un bon chanteur engagé (“a good protest singer”), c’est donc un véritable combat pour moi de faire référence à ces questions. C’est un gros défi personnel. Je ne chante pas un Requiem mais je dois chanter ce que je ressens.

Les DNJ: Mais vous restez un chanteur de charme, un crooner …
 

KE : La période actuelle est aussi favorable au romanesque. Une des questions idéologiques les plus graves n’est elle pas, qu’est ce que l’amour ? comment nous trouvons l’amour, comment nous manifestons l’amour ? Je veux également divertir le public. Je veux que les spectateurs prennent du plaisir, qu’ils sortent du concert le plus heureux possible, qu’ils gardent un bon souvenir. Je suis très reconnaissant au public qui vient m’écouter, à Paris ou  Copenhague. Je me sens responsable auprès du public. Je pense que le public attend que je poursuive dans cette voie. Je continue à apprendre autant que je peux, à présenter des chansons qui aient du sens et à progresser. C’est mon job. Je sais que je ne peux changer le monde… j’aimerais bien (rires)

Les DNJ: Avez-vous l’intention d’inscrire d’autres chansons françaises à votre répertoire, après des titres de Claude Nougaro et Jean Sablon ?
 

KE: J’aime beaucoup « Je tire ma révérence » de Jean Sablon, c’est agréable, un peu piquant, c’est ok. Mais avec les chansons en Français, il est difficile de rendre les nuances. Je ne connais pas assez bien le répertoire pour être assez précis dans l’expression. J’aimerais bien connaître toutes les langues. Quand je serai au ciel, je serai polyglotte ! (rires)

Propos recueillis par Jean-Louis Lemarchand

 

Kurt Elling. The Questions. Kurt Elling (voix, producteur), John McLean (guitares), Stuart Mindeman (claviers), Joey Calderazzo (piano), Clark Sommers (basse), Jeff « Tain » Watts (batterie), Branford Marsalis (producteur, saxophones), Marquis Hill (trompette, bugle). 5-12 octobre 2017. New York. Okeh-Sony.

 

En concert en avril en France, le 10 à Schiltigheim (Cheval Blanc) le 11 à Cholet (Théâtre Saint-Louis), le 13 à Caen (Théâtre), le 14 à Saint Nazaire (Théâtre), le 16 à Nice (Opéra Nice Côte d’Azur)et le 17 à Boulogne-Billancourt (La Seine Musicale) avec Stuart Mindeman, Clark Sommers, Jeff "Tain" Watts, John McLean et en invité à La Seine Musicale Rick Margitza (saxophones).

 

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