SYLVAIN RIFFLET
Mechanics
Celebrating Moondog
2 films inédits
LA HUIT
Collection dédiée au jazz français et européen
Sortie DVD le 27 mars 2018
http://www.lahuit.com/fr/content/sylvain-rifflet-2-films
La huit présente deux films sur le travail du saxophoniste Sylvain Rifflet, révélant son goût des explorations expérimentales. S'il vient du jazz, il n'hésite pas en sortir pour mieux coller à l'époque en développant une véritable mécanique de groupe, aux rythmes cycliques et poétiques.
Le premier film, de Guillaume Dero (48'), intitulé à juste titre MECHANICS, montre un live au Paris Jazz festival du Parc Floral, le 11 juin 2013. S'intercalent aussi trois solos sans décor, où le saxophoniste dans son manteau rouge, actionnant les clés de son sax, nous offre "Double", "Tout dit" (Camille), O grande Amor ( Antonio Carlos Jobim). Les compositions du concert sont aussi interrompues par les propres commentaires du leader qui révèlent un registre large, mixant musique improvisée (l'apport du jazz), répétitive, pop, rock ...
Le concert est filmé au plus près avec de gros plans du flûtiste Joce Menniel, compagnon infatigable du groupe, ou le travail sur les percussions et métaux traités de Benjamin Flament, soutenu par la guitare de Philippe Gordiani.
On s'immerge ainsi dans ce rapport physique à l'instrument, à cette illusion sonore constamment entretenue par l'action réversible des musiciens qui endossent plusieurs rôles. Une véritable dramaturgie de la musique, pas seulement dans l'architecture des solos, mais aussi dans l'art de mener des ruptures franches et surprenantes.
Insolite, toujours imprévisible dans ses intonations, le saxophoniste invente ses pensées, prétendant à une certaine vérité quand tout est imaginé....
Si le concert commence par "2nd West 46th Street" de Moondog, ce n'est pas vraiment un hasard et nous passons ainsi tout naturellement, vers le second projet, un autre film d'Arthur Rifflet cette fois (51'), Perpetual Motion, a celebration of Moondog, qui reprend les tutti saccadés, caractéristiques du groupe, cette fois avec des enfants.
https://www.rythmes-croises.org/sylvain-rifflet-jon-irabagon-perpetual-motion-a-celebration-of-moondog/
Fasciné par la personnalité hors norme de Moondog, autrement dit Louis Thomas Harding, "clochard céleste" qui vécut dans la rue, à New York pendant trois décennies. Aveugle, habillé en Viking, il jouait dans la 6ème rue, et à ce jour, près de 800 partitions sont encore à déchiffrer.
Une quinzaine de morceaux sont repris par les musiciens, mitonnés"à leur sauce" avec des sons contemporains, pour les mettre en une sorte de "mouvement perpétuel" en 2013. Beaucoup de ces titres intemporels sont encore actuels From the JB n°2 Jazz Book avec changements d'accords et harmonies accrocheuses.
Le film bouscule la chronologie : duos en différents lieux, scènes de rue avec des passants, recréant ainsi les conditions véritables de jeu de Moondog. Des fragments saisissants montrent des ouvriers au travail, l'un en particulier déblayant la neige avec une pelle qui frappe en rythme le trottoir; il ya encore un mendiant secouant son gobelet, un Noir qui tape en plein milieu de la rue, sur des bidons en plastique sur un rythme 4/4.
Chaque année le festival de Banlieues Bleues mène des actions pédagogiques en Seine Saint-Denis. D'où l'intervention de plusieurs chorales collégiennes de Bobigny et La Courneuve. On assiste ainsi aux premières et dernières répétitions avant le concert final, qui eut lieu le 12 avril 2013 à Bobigny, salle Pablo Neruda. Histoire de voir le travail en cours, l'évolution et l'implication des participants. Ajoutez à tout cela une interview de Moondog lui-même, en 1971, où il explique comment il écrivait la musique qui lui plaisait, aux rythmes avant-gardistes en 5/4, 7/4, sur des harmonies et mélodies du XIXème siècle. D'où son surnom en Grande Bretagne de "Beethoven du beat".
Un document passionnant, sur le vif, qui donne à entendre "Heat on the Heather", "Askame", "Santa Fe" avec Eve Risser, "Elf dance" avec kalimba, guitare et sacs plastiques. Le groupe est en effet constitué des fidèles auxquels s'ajoute la pianiste Eve Risser et le saxophoniste Jon Irabagon.
Un DVD absolument indispensable pour aller au plus près de la façon dont travaille le saxophoniste, investi d'un beau projet de musique, et d'un véritable désir d'oeuvre qu'il est en train de façonner. Pour preuve, rappelons le parcours de DJANGO d'OR 2008, catégorie nouveau talent, à Meilleur Album de l'année 2016 aux Victoires du jazz...
Sophie Chambon