Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
13 mars 2018 2 13 /03 /mars /2018 21:04

Bill Frisell (g).

Attention : grand disque du guitariste en solo.

Bill Frisell réalise son premeier album solo depuis 20 ans. S'appuyant en grande partie sur une reprise des thèmes de son répertoire et pour partie sur de nouvelles compositions, le guitariste livre une oeuvre très personnelle mais jamais introspective. Au contraire.
Comme toujours chez Frisell cette inspiration, cette respiration des grands espaces américains, son  regard un pei fantasmé sur une Amérique lointaine et perdue.
Avec Frisell, grand maître de la mélodie, de la phrase belle, de la note chargée d'émotion, c'est comme prendre place dans un greyhound et traverser le pays le nez collé à la fenêtre pour voir defiler des paysages, des grandes plaines, des villages et des visages.

Chez le guitariste de Baltimore l'improvisation coule de source, au plus près de la ligne mélodique et des effets qui tapissent le son.Le voyage est alors captivant, riche en couleurs.

Poursuivant l'exploration de cet univers qui lui est si propre, syncretisme entre le jazz, le blues, la country et la folk music, Bill Frisell ecrit là un nouveau chapitre de son histoire musicale .

A découvrir absolument

 

Partager cet article
Repost0
13 mars 2018 2 13 /03 /mars /2018 20:19

Leila Martial, chanteuse « sur le fil »

les 13 et 14 à Paris (Atelier du Plateau)


Jazz Café Montparnasse (75014) le 10 mars, Baa Box : Leila Martial (vocal), Pierre Tereygeol (guitare), Eric Perez (batterie).
Chaussures montantes façon Doc Martens, pantalon noir bariolé, le micro dans la main droite et la gauche manipulant une console, Leila Martial attaque son tour de chant pied au plancher. Dans ce lieu revenu au jazz du quartier Montparnasse, ce samedi soir, le public- fans de l’artiste enthousiastes au bar et dineurs d’un genre  sérieux et attentif- va vibrer à l’unisson à une performance vocale d’une rare intensité. « Quand je suis sur scène, je suis sur un fil, je m’aventure toujours à la limite de ce que je suis capable de faire », confiait l’ancienne élève du collège musical de Marciac dans le livret de son premier album en leader, Dance Floor (OutNote Records.2012). Engagement  tenu ce 10 mars par Leila avec sa formation Baa Box, un trio  aux accents électroniques et aux couleurs de rock alternatif :le batteur Eric Perez (« mon alter ego », dit-elle) et le guitariste Pierre Tereygeol qui n’hésite pas à mordre les cordes de son instrument  « à la Jimi Hendrix ». Leila joue de sa voix comme d’un saxophone, s’aventure dans les aigus, exprime une énergie communicative permanente et dans la minute suivante fredonne avec ses deux comparses sur une mélodie suave (Oh Papa, composition d’Eric Perez). Ils sont en symbiose ces trois-là et se trouvent sur un répertoire fait uniquement de leurs œuvres (Baabel. Laborie.2017). A la fin du premier set, une cinquantaine de minutes, l’observateur retrouve la terre ferme, étourdi, transporté.  

Jean-Louis Lemarchand
Leila Martial en concert : en mars, le 30 à Aix en Provence, en avril, le 5 à Montbriçon, le 7 à Paris (La Générale), les 13 et 14 à Paris (Atelier du Plateau). La chanteuse sortira un nouveau album à l’automne pour le label Laborie.

 

Partager cet article
Repost0
12 mars 2018 1 12 /03 /mars /2018 17:58
TERRA NOVA Trio   OSTINATUM

TERRA NOVA TRIO

 

OSTINATUM

Sortie le 9 mars 2018 

Concert le 19 mars au studio de l'Ermitage

 

Black and Blue BB 856 2

Distribution Socadisc

 

Claude Terranova (composition, piano, voix)

Christian Lété (batterie, percussions)

Arnault Cuisinier (contrebasse, voix)

 

www.claudeterranova.com

 

On comprend qu'avec un tel patronyme, le pianiste Claude Terranova n'ait pas besoin d'aller chercher loin le titre de sa formation en trio (piano, basse, batterie) NOVA TRIO .

Faire du neuf avec de l'ancien? Remodeler l'art du trio, aller défricher des nouveaux terrains en poussant toujours plus loin un étonnant équilibre minimaliste, où la mélodie surgit, se fixe dans la répétition, comme dans le titre inaugural "Ostinatum". On entend au plus près les timbres et textures, sans oublier les voix de Claude Terranova et Arnault Cuisinier, "instrumentales", légères, jamais intrusives.

L'album est de saison, un "soleil d'hiver" sous latitude septentrionale, doux et revigorant. Un certain raffinement depuis les lignes de la pochette travaillées dans l'abstraction jusqu'à l'ensemble architecturé de ces dix compositions.

 

Trois voix donc (au propre et au figuré) qui savent chanter et construire un discours éloquent : une écriture au phrasé délié, limpide d'un pianiste tout en nuances, mélodique et mélancolique, les ponctuations décisives d'un contrebassiste attentif à ne pas être seulement accompagnateur, le travail sensible d'un batteur qui contribue à régler la mécanique rythmique.

 

Dans cette musique élégante, les trois musiciens ne suggèrent-ils pas leur "grille", à la façon d'une signature, d'une identité au risque de se laisser enfermer ? A nous de ne pas écouter cette musique à la lettre...

 

Sophie Chambon

Partager cet article
Repost0
12 mars 2018 1 12 /03 /mars /2018 13:55

Marc Ducret (guitares), Kasper Tranberg (trompette, cornet), Simon Toldam (claviers), Peter Brunn (batterie, synthétiseur basse, composition)

Copenhague, avril 2017

Ayler Records AYLCD-155 / http://www.ayler.com/peter-bruun-all-too-human-vernacular-avantgarde.html

 

Un disque qui scelle une ancienne connivence entre les membres du quartette : le batteur et le trompettiste ont joué dans deux groupes du guitariste, et le clavier a participé à plusieurs projets du batteur. On peut s'interroger sur la référence nietzschéenne que révèlerait le nom du groupe, mais l'essentiel est probablement ailleurs : le titre de l'album, et son caractère oxymoronique, semblent exalter une conception de l'avant-garde qui s'exprimerait dans un langage supposé être l'ordinaire d'un groupe, d'une région, d'un pays, bref s'adressant au plus grand nombre des individus d'un espace déterminé. Beau projet esthétique autant que politique, et qui se révèle pertinent, voire réalisé dès les premières notes. Les rythmes et les sons parlent une langue commune à bien des auditeurs de ce temps, mais leurs combinaisons révèlent très rapidement l'ambition divergente, le désir de s'éloigner des codes ambiants pour élaborer une poétique, exprimer une singularité qui impose son évidence au fil des plages. Des sons de claviers, de batterie, de trompette et de guitare qui sembleront familiers au plus grand nombre, mais une combinatoire harmonique et rythmique, et un choix d'intervalles dans les lignes mélodiques, qui tirent souvent vers l'ailleurs : là s'exprime pleinement la nature délibérément paradoxale du projet. Les uns et les autres, dans le groupe, sont familiers de ce grand écart rhétorique et esthétique qui fonde bien des aventures artistiques depuis des lustres. Le plus important est que cette combinatoire soit féconde, et elle l'est, au delà de toute espérance : un geste accompli, une cohérence, une singularité, bref une œuvre d'art....

Xavier Prévost

 

Le groupe est en concert au Triton (près de la Mairie des Lilas), le 17 mars à 20h, et à la Fondation danoise de la Cité Internationale Universitaire de Paris, boulevard Jourdan, le 18 mars à 20h

 

Un avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=aWsgAm_QV4w

Partager cet article
Repost0
Published by Xavier Prévost - dans Chroniques CD
11 mars 2018 7 11 /03 /mars /2018 18:40

Martial Solal (piano solo)

Gütersloh, 17 novembre 2017

Intuition INTCHR 71327 / Socadisc

 

Enfin !!! Après Enrico Pieranunzi, Louis Sclavis, Henri Texier, Daniel Humair et Michel Portal (parmi beaucoup d'autres européens), Martial Solal fait son entrée dans cette collection 'European Jazz Legends' qui associe un théâtre de Westphalie, le magazine allemand Jazzthing, la WDR, radio publique de Cologne, et le label Intuition épaulé par Challenge Records. Un concert qui date de l'automne dernier, et dont Martial était enchanté, avant de le donner car il attendait avec gourmandise ce nouveau rendez-vous en solo avec le public, et plus encore après l'avoir joué, et enregistré, car le résultat atteignait ses espérances (et pourtant Martial est sévère, surtout avec lui-même!) . Devant un public hyper attentif, ce maître de la fantaisie (fantaisie alliée à l'humour, à la surprise, et au désir de perfection) s'en est donné à cœur joie, bouleversant les standards avec sa verve habituelle (et toujours avec de nouvelles idées), nous offrant une de ses plus belles compositions (Coming Yesterday, créée au disque dans un studio allemand en 1978 pour MPS), improvisant une ballade, renouvelant une fois de plus son approche d'Ellington dans un pot-pourri qui piège nos attentes, à nous qui l'avons si souvent écouté en concert (pour ma part, depuis l'adolescence, des dizaines et des dizaines de fois, du solo au big band....). C'est cela qui est merveilleux : à chaque fois, il parvient à me surprendre. Au même concert, à deux reprise, et à près de 50 minutes d'intervalle, il va s'esbaudir sur Frère Jacques (retitré Sir Jack), trouvant à nouveau des échappatoires qui touchent au vertige. Sur Body and Soul, maintes fois joué par lui, et tant d'autres, il ouvre une porte mystérieuse. Sur Night And Day ou All The Things You Are, tant ressassés par tous les jazzmen, il parvient encore à entrer de plain-pied dans l'inouï, et pourtant le standard est là, joué avec cette amoureuse distance qui est la marque de quelques musiciens d'exception, dont il fait évidemment partie. Une brève fantaisie sur la Marche Turque, et Mozart passé à la moulinette comme jamais ; un feu d'artifice à la gloire du bebop sur Night in Tunisia, et là encore le hachoir est passé, mais pour magnifier ce monument plus qu'historique ; et juste après viendra un Tea For Two qui déconstruit, tout en le célébrant avec amour, le jazz classique, vu d'un surplomb cubiste. Et comme sur chaque disque de la collection, la dernière plage accueille un entretien (en anglais) de l'artiste avec Götz Bühler, de la WDR : là encore le pianiste expose avec son humour pince-sans-rire son itinéraire personnel avec et dans le jazz. Ce disque est décidément un régal, et un GRAND disque de Martial Solal, une fois encore.

Xavier Prévost

Partager cet article
Repost0
8 mars 2018 4 08 /03 /mars /2018 20:23

Shed Music 2018
Sonia Cat-Berro (vc), Tony Paelman (p), Pierre Perchaud (g), Christophe Panzani (ts, clb), Nicolas Moreaux (cb) ,Karl Jannuska (dms) + Simon Tailleu (cb), Serena Fisseau ( vc), Baptiste Germser (cor), Guillaume Poncelet ( fchn, euphm)

Il y a des albums qui vous arrivent comme une évidence. Comme un murmure ou une caresse.
Celui-là touche au coeur.
On connaissait Sonia Cat-Berro dans un registre plus funk et plus en lien avec le jazz new-yorkais de ces temps-ci. Avec « Lonely Siren », la chanteuse aborde un tout nouveau registre, plus intime, un peu plus en clair-obscur, teinté de je-ne-sais-quoi de nostalgie douce.
C’est en famille pourrait t-on dire que cet album a été conçu. Ou plutôt devrait on dire, en tribu puisque pour ce nouvel album paru sous le label Shed Music, Sonia Cat-Berro a associé les compagnons artisans créateurs du label fondé sur l’aura de Watershed, formidable groupe qui a récemment marqué les esprits et qui nous avait littéralement conquis. Et pour que cet esprit de famille soit complet, les musiciens de ce collectif ont tous mis la main à la pâte et ont contribué à l’élaboration de ces belles compositions dont l’esthétique reste justement très proche de celle de Watershed. Ce collectif fonctionne si bien que l’on ne sait plus trop d'ailleurs qui sert l’autre, si les musiciens servent la chanteuse ou si c’est le contraire.
Cet album, on l’a dit, touche en plein coeur.
Les mélodies, douces-amères sont toutes sublimes, évidentes mélodies aux harmonies subtiles et parfois complexes. On est sous le charme de ce Very simple song dont les méandres  nous sont offerts en offrande et sur lequel Tony Paelman se montre lumineux dans son accompagnement.
Le chant de Sonia Cat-Berro quand à lui, débarrassé de toute fioriture et de tout effet a quelque chose d’intime parce qu’il est comme dénudé et murmuré au plus près de l’âme. Less is more. Les paroles en anglais (presque) toutes signées par la chanteuse racontent ainsi des histoires d’une sensualité envoûtante. Ainsi la douceur de Scar d’abord en duo avec Simon Tailleu puis rejoint par le contre -chant de Christophe Panzani.
Il y a dans le chant de Sonia quelque chose qui fait penser parfois à Joni Mitchell ( Walls and pieces) ou à Norma Winstone comme dans le climat sombre d’After the storm. En douceur porté par les envolées de Pierre Perchaud ou plus loin celles de Panzani. Ou encore Around my shoulders, ode à l’amitié sublimé par les magnifiques arrangements de Tony Paeleman.

Tout au long de cet album les mélodies sont si fascinantes, si aériennes qu’elles sont comme une invitation à entrer dans l’univers de Sonia Cat-Berro. Un monde qui s’imprègne et ne vous quitte pas. Cette sirène-là vous entraîne loin. Très loin. A vous de vous perdre avec elle.
Jean-Marc Gelin

Sonia Cat-Berro sera le 12 avril au Studio de l’Ermitage. A ne pas manquer.

NB : une mention toute particulière pour les magnifiques phots d'Elodie Winter qui signe une là un superbe cover.

 

 

Partager cet article
Repost0
8 mars 2018 4 08 /03 /mars /2018 18:30

Le jazz bonifie la chanson populaire. Et vice-versa. Que serait en effet la musique que nous aimons sans les  « standards » qui en font le sel et le miel ? Sans ces mélodies, ces  ballades venues de Broadway ou du répertoire courant, que tout amateur de jazz reconnait instantanément en buvant un gin tonic au Sunside,  au Ronnie Scott’s ou au Village Vanguard ?  Les musiciens de jazz, les jeunes notamment,  ne devraient-ils pas jouer plus régulièrement ces standards, quitte à négliger leurs propres compositions, histoire de se confronter à leurs collègues qui ont travaillé sur ce matériau historique ?
             Il y a mille façons d’interpréter ces mélodies. Au fil des ans, fan de jazz de (très) longue date, je me suis efforcé par curiosité d’identifier  la version la plus « décalée »ou  la plus intéressante de quelques-uns  des  nombreux standards de la planète jazz.  Youtube, Deezer ou Spotify facilitent désormais grandement ces recherches en affichant des listes qui permettent la comparaison.
            L’excellente émission de France Musique,  Repassez-moi l’standard, diffuse de bonnes compilations tous les dimanches, mais l’objectif est ici différent : trouver l’interprétation qui sort vraiment des sentiers battus, celle qu’on conserve précieusement pour l’écouter sans se lasser, toujours et encore.
            L’exercice est forcément subjectif et certainement périlleux, car en jazz, tout autant que dans les  autres domaines musicaux, les avis sont tranchés, les critiques aiguisées. Essayons tout de même ici d’identifier pour une quinzaine de « standards », choisis arbitrairement,  des versions à la fois remarquables et originales.  Quitte à alimenter la discussion, à défaut de faire l’unanimité…
          Satin Doll. Pour ce thème immortalisé par Duke Ellington (son auteur), Ella Fitzgerald ou Oscar Peterson, il existe une version  qui ne cesse de m’enchanter, celle de Terry Callier, l’interprète par trop méconnu de What Color is Love, une des plus belles chansons du répertoire américain.  Ce chanteur multicarte (soul et pop) ralentit à souhait Satin Doll, le jazz vocal dans toute son experte nonchalance.
         April in Paris. Là, c’est tout le contraire. Ce standard sirupeux de Broadway a été repris par tous les grands du jazz, de Count Basie à  Sarah Vaughan, en passant  bien sûr par le duo Ella Fitzgerald – Louis Armstrong.  Mais c’est un remarquable chanteur de jazz – le plus grand en fait – Kurt Elling, qui m’épate avec  une version dynamique, énergique de ce titre amorti. On en sort ragaillardi.
          Body and Soul.  Un standard impérissable venu également de Broadway et que tout le monde a enregistré.  Le  duo Tony Bennett – Amy Winehouse  (Le crooner et la chanteuse pop les plus proches du jazz) en a fait une version intrigante. Mais c’est encore Kurt Elling, lequel  donne un tour original à chacune de ses interprétations,  qui emporte mon adhésion, en triturant à sa façon A new body and soul.

            The Gipsy.  Une chanson moins connue et toute simple, « croonée »  laborieusement par Franck Sinatra et reprise par Louis Armstrong ou Charlie Parker.  C’est Archie Shepp, aussi bon chanteur que saxophoniste, qui en livre de loin la meilleure version (à ne pas confondre avec son Black Gipsy) dans son album Chooldy Chooldy, où il interprète aussi remarquablement This is always.
          My foolish heart. Une ballade sentimentale très populaire malaxée à l’envie par Bill Evans, Keith Jarrett et toujours Kurt Elling. Mais ici, c’est Chet Baker qui emporte la palme, émotion en prime. Tout ce qu’il chante et « trompette » est de toutes façons original.  Parmi ses multiples versions connues de ce standard, j’aime bien – un peu de cocorico ! – celle du Chet avec Michel Graillier aux ivoires.
         Tea for two. Un autre succès de Broadway très apprécié du monde du jazz, parfois en version cha-cha-cha, mais interprété généralement de manière convenue.  Quelques exceptions : Anita O’Day, mais surtout la version enregistrée en studio par Erroll Garner fin 1971. Un rythme époustouflant, combinaison  magique de force et de finesse propre à l’autodidacte du piano jazz. A écouter le matin pour sautiller d’allégresse.
      Poinciana. Fatigués d’entendre pour la nième fois  Ahmad Jamal  jouer ce standard aux racines cubaines, dont il s’est fait le spécialiste ?  Allons voir du côté de Keith Jarrett,  qui « réinterprète » ce titre d’une manière impressionnante, accompagné de Gary Peacock et Jack DeJohnette.  Un groove étourdissant.  Adios Nat King Cole…
     Never let me go.  Le “Ne me quitte pas” américain, chanté superbement par Shirley Horne ou Nancy Wilson. Mais c’est un autre pianiste de génie, Bill Evans, qui me séduit avec sa longue version en solo de cette ballade écrite pour Hollywood. Près d’un quart d’heure  de rêve et de nostalgie
     Giant Steps. Une composition de John Coltrane reprise par les virtuoses du piano. Peut-on jouer différemment ce standard, ou même le chanter ? Oui, et c’est l’imprévisible et géniale  Betty Carter qui le fait, lors d’un concert à Hambourg en 1993, visible sur Youtube. Sa voix comme un instrument. Dix minutes envoûtantes d’improvisation et de scat, avec Geri Allen au piano. Wow !  
      Just friends.  De Charlie Parker à Martial Solal, ils ont tous joué cette entraînante mélodie des années 1930. Une version un peu originale ? Celle de Chet Baker et Stan Getz en 1983 à Stockholm ? Non, plutôt un arrangement ébouriffant du Big Band de la WDR allemande en 2000 (YouTube), avec une superbe intro au piano de Frank Chastenier et un vigoureux solo de James Moody.
    Summertime. Un standard absolu, adapté de George Gershwin (Porgy and Bess), mais souvent repris de manière compassée et grandiloquente, dans le sillage de Paul Robeson. Heureusement, l’ami Albert Ayler a revisité avec bonheur cette mélodie, qu’il  a déconstruite dans son style bien particulier. Un enchantement pour les amateurs de jazz sans concession.
    La vie en rose.  Cette chanson d’Edith Piaf est devenue standard quand Louis Armstrong l’a jouée  au début des années 1950. Elle a ronronné jusqu’à ce que Richard Galliano et Wynton Marsalis en présentent une version intéressante en 2009 à Marciac. Richard Galliano, c’est quand même mieux que Richard Clayderman  (lui aussi joue La vie en rose …).

         Midnight Sun. Le soleil de minuit ne se couchera jamais sur ce grand standard de Lionel Hampton et Johnny Mercer, surtout quand il est chanté par Sarah Vaughan. L’indolente « Divine », celle qui chantait comme si de rien était, était au sommet de son art dans la meilleure interprétation jamais réalisée de ce titre – en 1978 avec Oscar Peterson et Joe Pass.  Sorry, Ella….
         Golden Lady. Une des grandes compositions de Stevie Wonder, adoptée par le jazz.  J’hésite ici entre la superbe version d’Abbey Lincoln accompagnée d’Archie Shepp et une interprétation plus intimiste  du pianiste Robert Glasper, accompagné seulement d’un contrebassiste, visible sur YouTube.  Un bijou d’improvisation en toute décontraction.
          The end of a love affair.  Un dernier titre en hommage à celui qui vient de nous quitter. Didier Lockwood aux côtés de Dee Dee Bridgewater : c’est ma version préférée de ce standard plein d’ironie et de mélancolie, parfait écrin pour un  violoniste sans pareil, trop tôt disparu. La fin d’une histoire  d’amour…

 Gilbert Grellet
Satin Doll - Terry Callier  - I just can’t help myself  ( 1998 - MCA)
The Gipsy – Archie Shepp – Choodly Choodly  (2002 – Azzurra Music)
April in Paris – Kurt Elling – The Messenger (1997 – Blue Note)
A new body and soul – Kurt Elling – Nightmoves  (2007 – Concord)
My foolish heart – Chet Baker/Michel Graillier – Live and rare (2011 – Master Classics Records)
Tea for two - Erroll Garner - Turin Concert   (Remastered 2007 – Gambit)-
Poinciana – Keith Jarrett – Whisper not (2000 – ECM)
Never let me go – Bill Evans – Alone (1968 – Verve)
Giant Steps – Betty Carter – 1993 Youtube
Just friends – Big Band WDR – 2000 Youtube
Summertime –Albert Ayler – My name is Albert Ayler (1964 - Debut )
La vie en rose – Richard Galliano/Wynton Marsalis – From Billie Holiday to Edith Piaf: Live in Marciac (2010 – Futur Acoustic)
Midnight Sun – Sarah Vaughan – How long has this been going on?  (1978 - Pablo Records)
Golden Lady – Abbey Lincoln – Painted Lady (1995 - ITM)
Golden Lady – Robert Glasper – 2013 Youtube  
The end of a love affair – Didier Lockwood/ Dee Dee Bridgewater – For Stéphane (2008 – Ames Production/Frémeaux et Associés)
 

 

Partager cet article
Repost0
8 mars 2018 4 08 /03 /mars /2018 10:31

Stephan Oliva (piano, piano électrique), Stéphane Oskeritzian (montage)

Pernes-les-Fontaines, 14 novembre 2017

Illusions Music ILL 313008 / http://www.illusionsmusic.fr/invisible.html

 

Un projet issu d'un fantasme, ou plutôt d'un rêve, celui d'un cinéma pour l'oreille. Un rêve partagé avec le producteur Philippe Ghielmetti, du label Illusions Music (les CD sont exclusivement disponibles sur le site). Un rêve ancien et déjà souvent matérialisé par les disques précédents sous la même étiquette : « Ghosts of Bernard Hermann » (2007), « Film Noir » (2011) et « Vaguement Godard » (2013). Un rêve qui prenait peut-être sa source dans un coffret de solos de piano autour de l'image conçu par un autre producteur, Jean-Jacques Pussiau, où Stephan Oliva rejoignait alors Martial Solal, Paul Bley, Steve Kuhn et Alain Jean-Marie : « Jazz'n (e) motion » (1998 BMG/RCA Victor). Une sorte de manifeste musique-image : la galette qui tourne sur nos platines CD porte en grand caractère cette citation de Michel Butor (extraite de son recueil Répertoire II , Seuil, 1964) : «Le son étant dès l'origine avertissement, signe, tout est toujours susceptible, passible d'interprétation, rien n'est plus à l'abri de de la lumière ou de l'intelligence». Et le digipack qui reçoit la galette arbore fièrement une photo extraite d'un film de Minelli, The Bad and the Beautiful (en V.F. Les Ensorcelés). Une sorte de manifeste donc, et un processus d'élaboration très sophistiqué : le pianiste entre au studio de La Buissonne sans connaître exactement le projet, sauf qu'il a trait au cinéma. Philippe Ghielmetti et Stéphane Oskeritzian (également coproducteur de l'enregistrement) donnent au pianiste des mots sur lesquels il improvise, et Gérard de Haro (lui aussi coproducteur) recueille sur sa console et ses machines les sons issus majoritairement du magnifique piano qui trône dans cet étonnant studio-salon. De ces cinq heures d'enregistrement Stéphane Oskeritzian va extraire, par sélection et montage, 24 séquences titrées (Générique sur fond rouge, Arrêt sur image, Musique de film, Ralenti, Fondu au noir, Flashback....). Le coproducteur-monteur écrit «Parler un peu le langage de Stephan, voir avec ses oreilles, regarder son clavier comme une caméra....». On pense, même si le propos est différent, à la manière dont Teo Macero assemblait les extraits des séances de Miles Davis avec la totale confiance de l'artiste. Difficile de décrire ce qui est avant tout une expérience d'écoute pour l'imaginaire, cette faculté qui génère des images, même dans l'obscurité. Une musique pour salles obscures en quelque sorte. Obscurité complète, écouter-voir, dans le noir absolu, il n'y a rien d'autre à faire que de guetter le rêve, éveillé, de cette équipe de doux dingues. Le bonheur sera total, même quand la lumière reviendra, après 45 minutes et 3 secondes d'images mentales.

Xavier Prévost

 

Stephan Oliva jouera son programme « Vaguement Godard », issu du disque éponyme, le samedi 10 mars à 16h, à la Grande Passerelle de Saint Malo, dans le cadre du festival 'Jazz à l'Étage'

Un avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=0S1Ib_1Da0o

Partager cet article
Repost0
7 mars 2018 3 07 /03 /mars /2018 18:42

 

Jan Schumacher (trompette, bugle, composition), Richard Turegano (piano), Blaise Chevallier), Jean-Pascal Molina (batterie), Gueorgui Kornazov (trombone), Émilie Lesbros (voix), Didier Malherbe (saxophone soprano, flûte, doudouk, oulousi), Jean-Baptiste Renaux (beatbox, tuba)

Malakoff, 2-3 février 2017 & Paris 23 septembre 2017

JAZZENVUE 01 / Bernett Records 

Disponible sur le site du trompettiste

http://janschumacher0.wixsite.com/janschumacher

et sur les plateformes numériques

 

On ne pas dire que Jan Schumacher encombre les bacs des disquaires : sauf erreur, c'est le troisième disque sous son nom, en dix ans, de ce trompettiste allemand établi dans nos parages. Mais la chose est mûrement réfléchie, fondée sur l'évolution d'une équipe plutôt stable, augmentée d'invités soigneusement choisis pour un projet esthétique patiemment élaboré. Ici le vent d'Est domine, peut-être celui des Monts Tara, en Serbie, l'un des lieux où le trompettiste puise son inspiration. Ce qui frappe, c'est qu'il s'agit d'abord d'un disque de compositeur, ou plutôt de dramaturge, qui organise un spectacle sonore dont le déroulement est soigneusement élaboré, et où le trompettiste-leader ne cherche pas le premier rôle mais la place pertinente dans un ensemble très cohérent, où chaque soliste cependant dispose d'espaces de liberté d'expression, et même d'expressivité (le doudouk de Didier Malherbe en ouverture, et plus loin le trombone de Gueorgui Kornazov, la voix d'Émilie Lesbros...). La trompette et le bugle trouvent aussi leur place dans cette scénographie imaginative où l'improvisation modale libérée fait bon ménage avec des changements d'accords sinueux. Une place parfois plus rythmique que mélodique, avec le trombone, comme revendiqué explicitement par Jan Schumacher dans la vidéo ci-après. Ce disque est à écouter comme un voyage sonore dans un imaginaire très intériorisé, où les paysages seraient allusifs. Embarquez : l'aventure en vaut la peine. Après une pénultième plage très jazz sur tempo vif, le disque se conclut par un extrait de concert (avec le renfort de Jean-Baptiste Renaux) à la Maison Heinrich Heine de la Cité Internationale Universitaire de Paris. Belle manière de rappeler que ce jazz, comme tous les jazz(s), est sans frontières.

Xavier Prévost

 

Le groupe est en concert le jeudi 8 mars à Paris au Sunside

Un avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=7QhWcWUN2Sk 

 

 

Partager cet article
Repost0
6 mars 2018 2 06 /03 /mars /2018 16:21

Camille Bertault (voix, compositions, textes, arrangements), Michael Leonhart (arrangements, direction, trompette, bugle, claviers, percussion), Dan Tepfer (piano), Christophe 'Disco' Minck (contrebasse, guitare basse, harpe, synthétiseur), Joe Sanders (contrebasse), Jeff Ballard (batterie), Stéphane Guillaume (saxophones, flûte, clarinette basse), Daniel Mille (accordéon), Mathias Mahler (trombone), François Salque (violoncelle)

Paris, 2-10 mars 2017

Okeh 889854223229 / Sony Music

 

Le grand retour - ou le vrai début? - d'une chanteuse hors-norme. Après un premier disque sous le plus français des labels new-yorkais, Sunnyside («En Vie», 2016), elle revient sous un label au nom historique, Okeh, et la complicité d'un trompettiste-arrangeur, et d'un pianiste, qui sont des compagnons de route du label Sunnyside : Michael Leonhart et Dan Tepfer. L'album est à l'image de cette chanteuse inclassable : très jazz, mais reprenant aussi la chanson (Brassens, Gainsbourg adaptateur pour Françoise Hardy, Michel Legrand, Brigitte Fontaine....), faisant un pot-pourri magistral de Ravel, et du funambulisme vocal sur la première des trente Variations Goldberg de Bach, posant des paroles françaises sur Coltrane- Giant Steps : Mimi Perrin aurait sûrement aimé cette version- ou Bill Evans - Very Early -, et du portugais aux consonances brésiliennes sur Wayne Shorter, composant des mélodies parées de ses textes, teintés d'humour et de mélancolie (Nouvelle York) et de vertigineuse prosodie syncopée (Comptes de fées, Entre les deux immeubles....), osant des ballades francophones aux accents de standard sophistiqué (Tantôt), et enfin évoquant en anglais l'hiver alpin. Bref Camille Bertault joue, chante, interprète, écrit, compose, improvise et arrange avec un talent confondant, une liberté insolente : irréductible, insaisissable, et magnifiquement déjantée !

Xavier Prévost

 

Camille Bertault est en concert le 8 mars à Paris au Café de la Danse, mais c'est COMPLET ! Ensuite elle sera en tournée (Brésil, Italie, Allemagne, New York....), et de retour à Paris le 2 juin pour le Festival Jazz à Saint-Germain


 

Un avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=p6w12ecMN54

Partager cet article
Repost0