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3 juillet 2022 7 03 /07 /juillet /2022 07:19

Ouverture de la 41ème édition de Jazz à Vienne : MC statique mais Cullum, Atomique !

MC SOLAAR le 29/06


Pour cette ouverture de la 41ème édition du festival de Jazz à Vienne, et dans un choix de programmation décalé,  le théâtre antique accueillait MC Solaar pour son grand come-back.
Le chanteur-rappeur qui avait un peu disparu des radars revenait d'une tournée qui l'avait mené aux Franco Folies de Montréal puis à New-York, en guise de tours de chauffe. Autant dire qu'il était particulièrement bien rodé pour proposer une relecture de ses grands tubes arrangés par Issam Krimi et son grand ensemble.
MC Solaar enquillait alors ses chansons mythiques (" Caroline", " Victime de la mode", " Bouge de là", " Nouveau western" etc....) dans un exercice sur lequel l'énergie semblait lui manquer un peu, peut-être marqué la lassitude de répéter ainsi son bréviaire. Sur une orchestration du pianiste (auquel l'orchestre régional de Savoie prêtait ses cordes), le chanteur, micro dans une main et l'autre dans la poche faisait les 100 pas sur scène et déambulait de long en large avec l'impression d'être venu ici faire le taff. Sans un seul mot pour le public médusé mais content de retrouver ses airs de jeunesse, MC Solaar emballait très mollement le public bienveillant et sortait de scène d'un petit geste de la main et toujours sans un mot. A la sortie on retenait surtout de ce concert la poésie et l'actualité des textes du chanteur. Pour une ouverture du festival, nous étions peu convaincus.


Et le lendemain....  ce fut un contraste saisissant.

JAMIE CULLUM le 30/06

 


Alors que le ciel grondait d'orage sur Vienne, 6000 personnes se pressaient au concert de Jamie Cullum qui, tel un sorcier faisait alors, et par magie cesser la pluie le temps d'un concert atomique ! Avec une énergie qui n'a d'égal que son énorme générosité, le chanteur britannique branché sur 3000 volts mettait le feu au théâtre antique, entre pop anglaise, rock et standards de jazz, sautant sur son piano et bondissant sur scène tel un bad boy exalté et heureux.

Passant en revue ses grands classiques ( don't stop the music), reprenant Ed Sheeran (Shape of you), jouant en combo quelques standards (I get a kick) ou enchantant avec une sensualité lascive (et malicieuse) un singin in the rain fort à propos, Jamie Cullum transformait ensuite les arènes en un gigantesque dance floor bouillonnant et faisait se lever 6000 personnes prêtes à danser jusqu'au bout de la nuit. 6000 personnes qui sortaient de là, juste heureux. La pluie se remettait alors à tomber. Mais tout le monde s'en foutait. On était bien et totalement galvanisés !

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1 juillet 2022 5 01 /07 /juillet /2022 10:05

Antoine Berjeaut (trompette, bugle,effets), Enzo Carniel (piano électrique, piano, synthétiseur), Gauthier Toux (synthétiseur), Csaba Palotaï (guitares, effets), Arnaud Dolmen (batterie, percussions)

invités : Samuel Laviso (percussions), Giani Caserotto (guitare), Guillaume Christophel (clarinette basse), Joce Mienniel (flûte basse)

Meudon, 2020

Menace Records / Sense

 

Le disque commence par un arrangement de Julien Lourau, manière de signifier que l’on est en territoire de passerelle : entre deux générations, entre différentes approches du jazz en son pluriel. Ce thème, P.P.D.Q., enregistré par le quartette de base en pleine pandémie, quand il était interdit de se réunir à plus de quatre (Pas Plus De Quatre!), révèle comme une source. Les compositions sont signées par Antoine Berjeaut, et si le discours d’escorte nous invite à prendre en compte le titre du disque comme un concept ou un projet (la chromesthésie, forme de synesthésie qui produit une perception subjective des couleurs par le son), la musique se libère de son programme qui demeure comme un flux subliminal. Très grande attention à la texture des sons de tous les instruments, à leur assemblage, dans un mouvement qui porte le soliste (à la trompette ou au bugle : la sonorité est toujours magnifique). Et pourtant la musique demeure foncièrement collective, dans ce flot qui nous porte. Je ne sais pas si mes oreilles ont vu des couleurs, mais en ce territoire de correspondances assumées Baudelaire me revient en mémoire. Pas celui du poème Correspondances, mais le rêveur qui écrit Harmonie du soir : «Les sons et les parfums tournent dans l’air du soir». Il y a , dans cette musique, un vrai pouvoir de fascination, et l’on ne saurait dire si c’est magie ou sorcellerie ; en tout cas, une belle réussite.

Xavier Prévost

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30 juin 2022 4 30 /06 /juin /2022 22:21

Emmanuel Borghi (claviers), Philippe Buissonnet (guitare basse), Daniel Jeand’Heur (batterie), Bruno Ruder (claviers)

invité : Jim Grandcamp (guitare)

Les Lilas, 9 octobre 2021

Le Triton TRI-22567 / l’autre distribution

 

Les musiciens du groupe avaient joué au Triton 20 ans plus tôt, en compagnie de leur guitariste James Mac Gaw, qui partageait la scène avec eux depuis la fin des années 90, et grava en leur compagnie 5 albums. James Mac Gaw est mort en mars 2021, et le groupe s’est reformé pour lui rendre hommage quelques mois plus tard. Deux musiciens aux claviers : Emmanuel Borghi, historique du groupe, qu’il quitta pour Magma, et Bruno Ruder, arrivé dans le quartet en 2010. Mais l’hommage accueille pour un titre un guitariste, en la personne de Jim Grandcamp, proche de ces musiciens et de leur univers. Les titres sont repris du répertoire du groupe, de 1999 à 2010, et donné dans cette nouvelle configuration à deux claviers. On n’est pas dans ce format parfois superficiel que l’on appelait la fusion. Ici la musique se joue en profondeur, dans une esthétique qui s’apparenterait au rock progressif, mais que l’on serait plutôt tenté d’appeler jazz progressif. Richesse harmonique, rythmique et mélodique, effervescence produite par une savante combinaison de sophistication et d’évidence, c’est une musique de groupe, qui avance de manière très collective tout en laissant les solistes s’exprimer jusqu’à l’extrême. Et le dernier titre, qui accueille le guitariste invité, confirme cette impression de liberté partagée, à l’intérieur de ces cadres précis jusqu’au millimètre. De la grande musique, intensément vivante : quel plus bel hommage pouvait-il rendre à leur ami James ?

Xavier Prévost

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Entretien au Triton de Stéphane Ollivier avec Philippe Buissonnet et Emmanuel Borghi, le jour du concert enregistré pour ce CD

https://www.letriton.com/tritonline/one-shot-interview-avec-jazzmag-1192

Vidéo du concert, accès payant, 2€

https://vod.letriton.com/commande?ipa=324

et un extrait en libre accès

https://www.youtube.com/watch?v=TCohMUKb4NM

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23 juin 2022 4 23 /06 /juin /2022 17:37

Pierrick Menuau, Pierre-Yves Merel, François Ripoche (saxophones ténors), Emmanuel Bex (orgue), Simon Goubert (batterie)

Sarzeau (Morbihan), 24-25 septembre 2020

Tinker Label 0321005 / l’autre distribution

 

Une belle brochette de saxophonistes ténors de l’Ouest de la France rassemblés à l’initiative de Pierrick Menuau. Le saxophoniste d’Angers, lors de sa formation à Washington D.C., avait rencontré Clyde Dickerson, saxophoniste qui l’avait invité à écouter le groupe ‘Three tenor sax for Lester Young’ dans lequel il jouait. De cette ancienne expérience est né le désir de créer ce trio de ténors qui donne la réplique à deux piliers de la scène française : Emmanuel Bex et Simon Goubert. On part bille en tête, en plein jazz ‘de stricte obédience’ : feeling, expressivité, harmonies du blues, tempo vif. C’est le jazz que nous aimons les uns et les autres, depuis les débuts de notre passion pour cette musique. Les solistes s’empoignent, s’interpellent, se défient et se stimulent les uns les autres. Emmanuel et Simon poussent les feux, ils adorent ça, et ils savent jouer ce jeu sur le bout des doigts. Puis c’est plus calme : contrepoint improvisé, unissons façon brothers, toute la mémoire est là, ravivée par le plaisir d’un présent éminemment vivant qui ne parodie pas le passé mais le célèbre et le vénère, en toute liberté. Bex et Goubert s’en donnent à cœur joie, dialoguant en toute intensité avant que les souffleurs ne reprennent la main. Des compositions de chacun des saxophonistes, quatre thèmes d’Ellington, et aussi One by One, de Mal Waldron. C’est comme une jam session idéale, sans flottements ni temps morts. Une fête du jazz, tout simplement….

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur le site du label

https://tinkerlabel.fr/discography/african-flower/

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22 juin 2022 3 22 /06 /juin /2022 08:03

Guillaume Orti (saxophones alto & baryton), Étienne Lecomte (flûte, flûte basse, piccolo), Tom Gareil (vibraphone, marimba), Claude Tchamitchian (contrebasse), Jean-Pierre Jullian (batterie, composition)

Pernes-les-Fontaines, 6-9 décembre 2021

Mazeto Square 3770005705305

https://www.mazeto-square.com/musique

 

 

le quintette, photo de Christophe Charpenel

 

C’est le troisième volet d’un triptyque consacré au Chiapas, et à la résistance zapatiste incarnée par le sous-commandant Marcos. La musique surgit d’une chant presque serein, dispensé par le marimba et les flûtes, puis le rythme s’en empare, attisé par les saxophones, l’effervescence gagne, et la musique avance, comme une insurrection sans heurts. Puis les énergies se libèrent dans les improvisations : la flûtiste Étienne Lecomte, que j’avais découvert dans ce même groupe, sur scène en septembre 2021, au festival 'Émouvances' de Marseille, m’impressionne par la vivacité, l’expressivité et la liberté de son jeu. Ses partenaires, qui me sont plus familiers, donnent la pleine mesure de leur créativité dans cette musique exigeante, complexe, et pourtant intensément vivante, qui s’offre à nous comme une évidence. Les rythmes s’emballent, se tendent et s’entrecroisent, toujours en parfaite lisibilité. Le mystère parcourt l’ensemble de l’œuvre, entre les incises en solo ou dialogue, et les formidables emballements rythmiques qui ravivent en moi la nostalgie de la grande époque de Stravinski, celle du Sacre. Cette musique élaborée, et formellement maîtrisée, respire pourtant la liberté des espaces indéchiffrables, ceux d’une forêt dont seuls les occupants légitimes pénètrent les arcanes. Musique fascinante, d’une formidable richesse, servie par des interprètes-improvisateurs de très haut vol.

Xavier Prévost

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Des avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=gtglSuXLhYc

https://www.youtube.com/watch?v=0178KjSLC8o

https://www.youtube.com/watch?v=XVdgfOzcidA

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20 juin 2022 1 20 /06 /juin /2022 10:37

Stefan Orins (piano), Christophe Hache (contrebasse), Peter Orins (batterie)

Tourcoing, 11 octobre 2021

Circum-Disc CIDI2201 / www.allumesdujazz.com

https://www.circum-disc.com/stefan-orins-trio-october-11/

 

Enregistré en concert à l’Hospice d’Havré dans le cadre du Tourcoing Jazz festival, ce disque résonne de multiples échos. Le concert a lieu 25 ans après l’enregistrement de la première maquette du trio. Avec aussi un autre symbole : l’un des thèmes est dédié au philosophe bouddhiste Daisaku Ikeda, arrivé en France exactement 60 ans plus tôt, le 11 octobre 1961. Le répertoire emprunte à différentes périodes, et différents disques, du trio. Avec aussi un inédit inspiré par l’Inde, où le pianiste à effectué des tournées avec un autre groupe. Mais il serait sans doute vain de projeter ces tropismes comme grille de lecture, ou plutôt d’écoute. Reste dans ce trio une intensité, une intériorité qui envahissent la musique et la font exploser en une foule d’instants privilégiés. Cela commence souvent par une ligne sinueuse, jouée par l’un des instruments, puis le paysage s’anime en de multiples détours, dialogues, tensions ou résolutions apaisées, comme une sorte d’épiphanie, surgissement d’un éclat de beauté singulière. Je suis constamment surpris, et touché, par ce cheminement collectif, interactif, qui toujours se résout dans l’évidence d’une forme. Décidément, ce trio est d’une qualité, et d’une inspiration, rares. Bien des programmateurs de festivals devraient prendre la peine d’y tendre vraiment l’oreille. Mais la fureur du temps, hélas, tend à noyer les pépites dans le flot des urgences autoproclamées. Reste aux amateurs que nous sommes à savourer ces instants musicaux pour ce qu’ils ont d’exceptionnel.

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Youtube 

 

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17 juin 2022 5 17 /06 /juin /2022 08:38
John Corbett    IMPROVISATION   MANUEL LIBRE D’ECOUTE

John Corbett

IMPROVISATION MANUEL LIBRE D’ECOUTE

Edition LENKA LENTE

www.lenkalente.com

Improvisation libre : Manuel d'écoute de John Corbett / Editions Lenka lente

 

C’est le livre que j’attendais, que j’espérais inconsciemment. Il vient de paraître aux éditions Lenka Lente, maison que l’on vous recommande chaudement aux Dernières Nouvelles du Jazz. Son auteur, John Corbett est écrivain, critique, directeur d’un label qui a réédité des pointures du free jazz, et il est traduit de façon impeccable par Ludovic Florin. Son titre est en soi un programme, sans ambiguïté : Improvisation Manuel libre d’écoute. Corbett s’adresse à tous ceux qui aiment écouter et voir de la musique, partager le temps et l’espace du concert avec les musiciens, tout en naviguant dans la complexité des modes, des manières et des styles. C’est un bréviaire, un viatique, le mode d’emploi pour comprendre et apprécier ce que l’on appelle l’improvisation ( à ne pas confondre avec l’abréviation “impro” pratiquée couramment au théâtre en particulier).

Si vous êtes néophyte ou amateur peu éclairé, ce manuel très pratique que l’on peut emporter partout, vous donnera les clés du royaume de cette musique performative qui bouscule la temporalité, les idées reçues, une nouvelle façon de penser le son, l’espace, l’expérience temporelle et l’interaction personnelle.

Mais si vous étiez comme moi intéressée, étonnée à chaque fois, mais jamais fondamentalement convaincue, vous comprendrez d’où venaient vos réticences, vos objections. C’est le premier pas vers la l’appropriation et la connaissance, "cercle vertueux qui chasse l'ennui".

Avec un sens pédagogique affirmé que pourraient lui envier nombre d’enseignants, Corbett, non sans humour, use dans une première partie de métaphores triviales mais parfaitement accessibles pour définir les fondamentaux. En tentant une synthèse, on commence par se débarrasser des principaux obstacles comme le rythme, la durée, l’identification (qui joue quoi et comment), puis on se concentre sur la dynamique des interactions, le coeur du système et tout cela en temps réel, cet éternel présent  idéalisé. Parvenu à ce stade, on peut passer alors aux techniques avancées,  attentif au point de glisser vers d’autres voies d’audition.

 

Plus délicat, comment distinguer l’improvisation libre de l’improvisation structurée, du free Jazz ou même de la noise? Et aussi de ce que l’on nomme Polyfree, forme hybride entre improvisation et composition dont Steve Lacy a dessiné les contours pour sortir du piège de la routine. Intégrer des éléments prédéterminés pour permettre à la musique libre de ne pas l’être. “Eviter la cosmétique”, pour ne pas dénaturer cette pratique et rendre la musique inintéressante. 

Corbett conseille de choisir de façon tout à fait décomplexée, après avoir écouté les différents types de jeu, les musiciens qui vous correspondent.

Ajoutons pour finir une présentation claire, des jeux de typographie faciles à suivre, des photos des principaux artistes avec, en couverture le grand Evan Parker. Une bibliographie sélective, une liste des 20 premiers albums, plus les références de Polyfree, soit une liste de survie à emporter sur l’île déserte.

Que demander de plus? N’hésitez plus, suivez mon conseil, procurez-vous ce livre...

Sophie Chambon

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14 juin 2022 2 14 /06 /juin /2022 20:53

    Ludivine Issambourg (flûtes), Nicolas Derand (claviers), Timothée Robert (basse), Julien Sérié (batterie) et en invités Théo Ceccaldi (violon), Ellinoa (voix), et Dj Green (scratch).
Loops Production/L’autre distribution.
Paru le 20 mai.

    Voilà dix ans que Ludivine Issambourg mène le groupe Antiloops, devenu une référence dans l’univers électro jazz. Flutiste précoce –premiers pas avec l’instrument à 6 ans et premier enregistrement à 14 ans dans un big band de sa région natale, la Normandie- l’artiste voit dès lors ses qualités reconnues, notamment par un trophée du Sunset, révélateur des jeunes talents.

 

    Mariant jazz, hip-hop et funk, la musique qu'elle développe avec ses trois acolytes, Timothée Robert (basse), Julien Sérié (batterie) et Nicolas Derand (claviers), se révèle planante, envoûtante, entêtante. Nous sommes (bien) loin des exercices en boucles hypertrophiés assourdissants avec force décibels qui ont droit de cité sur les plages estivales à toute heure du jour (et surtout de la nuit). La sensibilité est au rendez-vous avec Ludivine Issambourg avec des accents qui évoquent l’univers de Steve Reich ou de Philip Glass.

    Après un album en solo remarqué en 2020 consacré au légendaire flutiste texan Hubert Laws (Outlaws), « Supernova », disque co-signé avec Nicolas Derand, vient confirmer la voix originale de Ludivine Issambourg, propre à rassembler les fans de jazz et autres musiques improvisées contemporaines.
 

Jean-Louis Lemarchand.

 

Concerts prévus :

 

Le 15 juin au New Morning (75010),
Le 18 juin, le Normandy, St Lô (50),
Le 10 juillet St Omer (62),
Le 29 juillet Juan les Pins (06),
Le 16 août, Parfum de Jazz, Montbrun-Les-Bains (26),
Le 24 août  Festival les Jazzitudes, Lisieux (14),
Le 8 septembre, Festival Volcans de Nuits, Nuits-Saint-    Georges (21).

 

©photo X. (D.R.)

 

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13 juin 2022 1 13 /06 /juin /2022 14:57
 ALL INDIANS?   IMPERIAL QUARTET

ALL INDIANS ?    IMPERIAL QUARTET

Damien Sabatier (sax alto, sopranino), Gérald Chevillon (sax ténor), Joachim Florent (contrebasse), Adrien Leymarie (batterie). 

Compagnie Imperial/ Inouïe Distribution

https://compagnieimperial.com

"White Keys" - Nouveau clip ! - Compagnie Impérial (compagnieimperial.com)

 

Le site de la Compagnie Impérial regroupe plusieurs formations Impérial, l’Imperial quartet des origines créé en 2003, GRIO (Grand Impérial Orchestra), Pulsar pour l’Afrique, et Imperial Orphéon.

Impérial quartet qui nous intéresse aujourd’hui avec la sortie de cet ALL INDIANS ? est identifiable par le son du groupe : un trio de musiciens qui se rencontrèrent dans la Compagnie Tous Dehors, Gérard Chevillon, Damien Sabatier et Antonin Leymarie, un saxophoniste pluriel à deux têtes et un batteur hyper actif ( Supernatural Orchestra, TTPKC, Wild Mimi). Joachim Florent, le contrebassiste est arrivé plus tard, du collectif COAX (l’expérimental RadiationX), Métal-O-Phone, Jean-Louis.

On comprend ainsi d’où vient le goût d‘une musique populaire et décalée.Si leurs concerts sont festifs, cette musique est aussi très accrocheuse en disque. On est au bal, mais à un bal moderne qui fait voir du pays, cherche l’aventure, aimant le métissage pas sage, les folklores réels ou imaginaires, à l’ombre de l’ARFI, le plus vieux collectif de jazz en Rhône Alpes qui a nourri tant d’aventures collectives. Le quartet puise des musiques glanées dans un espace ouvert aux quatre vents et au monde.

Ce quatrième album est un retour à quelque chose de plus essentiel, une formation resserrée, un quartet jazz où Joachim Florent quitte la basse électrique pour reprendre la contrebasse.Tous les quatre rêvaient d’aller dans le grand sud des Etats-Unis, à la Nouvelle Orleans, fantasmant pas mal sur ce territoire exotique dont la culture et la musique ne peuvent que fasciner. Ils ont donc construit leur répertoire autour d' un voyage pour l’instant impossible, imaginant comment le groupe pourrait sonner là-bas.

Huit compos où l’imaginaire a pleinement fonctionné, tout en puisant très sérieusement dans ce creuset musical d’influences et de styles créolisés : acadien, antillais, cajun, Zydeco (d’abord appelé dans les années trente “Zarico” qui mixe jazz, swing et R&B), Marching bands, Black Indians. S’ils ne sont que quatre, leur énergie est telle qu’ils peuvent aisément faire penser à un brass band néo-orléanais. Dès le premier titre, “Procession”, on se croirait au milieu de jazz funerals, ou de célébrations des Second lines. Les quatre cherchent en utilisant couleurs et timbres différents à démultiplier sons et effets, à construire et déconstruire. Virevoltant dans la rigueur et tiraillés entre diverses polarités, les musiciens cultivent un goût du paradoxe, puisque leur musique ne fait pas croire longtemps à la légèreté d’un divertissement.

Avec une stricte répartition des rôles, ils nous entraînent dans leur sillage, avec des rythmes très soutenus, une énergie folle mais constamment canalisée. Ainsi Rouge baton” est un morceau attachant dès les élucubrations suraiguës du sopranino contrebalancées par une basse très chantante. Mais cela vire vite à autre chose, grand fest noz avec binious déchaînés ou stridences de free... Animés de ce goût du risque, ces quatre là vont (bien) ensemble, les nuances, la danse, le rythme sont au rendez vous. Assurément, ils ne manquent pas d’air, de ce souffle joyeux qui fait vibrer l’ensemble avec ces ruptures et changements de rythme constants, cette justesse qui requalifie à chaque virage le son. Etonnant “White keys” à l’ambiance foutraque que traduit le clip sur le site de leur Compagnie Imperial. Indian’s first” est le triomphe d’une batterie survoltée, hypnotique jusque dans le tempo plutôt vif qu’elle impose. Moins dansant assurément mais tout aussi captivant, le rythme à l’état pur, les soufflants se font plus discrets, moins effervescents et free sonnants.Aïe Coco” démarre comme un rock avec une basse tellurique et des klaxons de sax puis s'ajuste à un traditionnel avec des citations décontractées, chantantes, empruntées à James “Sugar Boy” Crawford, musicien de Rythm&Blues, figure du carnaval de New Orleans,que l'on aperçoit dans la mythique série Treme de David Simon.

Plus apaisé est ce “Chant du matin” qui clôt l’album, le tempo restant soutenu, où se détache un chant plus mélancolique à l’unisson des sax, d’une douceur exquise en contraste avec la vivacité générale de l’album plutôt chahuteur. Cet ALL Indians? des plus savoureux confirme une impression de dérèglement raisonné au service d'une musique drôle,déjantée, baroque. Vivante en un mot !

 

Sophie Chambon

 

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11 juin 2022 6 11 /06 /juin /2022 17:40
ÔTRIUM   QUENTIN GHOMARI Trio

ÔTRIUM QUENTIN GHOMARI

Quentin Ghomari (tp), Yoni Zelnik (cb), Antoine Paganotti (dms)

NeuKlang Future

Sortie le 10 juin 2022

ÔTRIUM - Striptyque - YouTube

 

Quentin Ghomari? C’est le trompettiste que l’on a entendu dans de multiples formations, toutes fort appréciées, le ludique Papanosh, le vibrant Big Four de Julien Soro, les formidables ensembles Grand Schwab, la Ping Machine de Fred Maurin avant qu’il ne prenne la direction de l’ONJ… le collectif Pégazz & l'Hélicon ou encore, et ce n’est pas le moins mémorable, dans le duo poétique Gonam City avec le pianiste Marc Benham... Le trompettiste revient avec un nouveau trio et un album de compositions originales, ÔTRIUM, contraction maligne entre trio et “otium”, ce fameux loisir que les Romains opposaient à "Neg-otium", le commerce. Le plaisir commence dès la pochette dessinée ( Claire Detallante), des bols qui s’animent dans un univers cartoonesque, à la Lewis Carroll.

Du loisir forcément, pendant un "temps libre mais imposé", ce temps suspendu, obligé du confinement qui résulta en de nombreuses projets, plus restreints mais non moins créatifs. Une certaine vacance mais utilement employée quand il s’agit de composer avec un trio (trompette-batterie-contrebasse) intéressant par son instrumentation, soulignant les échanges féconds entre des musiciens doués qui s'autorisent à pousser assez loin leurs recherches. On ressent constamment une énergie frémissante au sein de leurs conversations, une suite de questions-réponses où chacun prend la parole, se sachant compris dans cet engagement complice, ces impros sous tension.

Neuf compositions, des petites pièces alertes mais sans précipitation excessive, souvent lyriques: elle mettent en valeur le jeu plein, charnu, sans vibrato du leader selon une ligne mélodique pure qu’il tient sans trop d’effets. Des mélodies qui sinuent, serpentent (“Kenny and Jim”), du petit solo bruitiste de l’intro “Knock, Knock” qui frappe à notre imaginaire au “Scratched disk”, référence au crissement d’un 33T qui tourne sans fin quand on ne se relève pas pour changer le disque… Si la trompette peut exulter et se forcer un passage dans les aigus, elle est aussi délicate dans le titre éponyme qui vient à point, à la mitan de l'album, plus méditatif, élégiaque.

La rythmique tient parfaitement son rôle, elle sait brosser tout un arrière-pays propice à l'envol du soliste :  le contrebassiste Yoni Zelnik est impérial dans ses interventions ( "Kenny and Jim") que l’on capte avec précision. Gardien du tempo, il sait  donner cette pulsation essentielle, doté d'un sens métronomique pour régler la cadence. Le batteur Antoine Paganotti est le troisième homme, vif, précis, bondissant quand il le faut, réactif et subtil aux balais, décisif aux baguettes. Le trompettiste qui s’adosse à pareil duo rythmique peut  oser toutes les variations dans l’instant, en un élan spontané, jamais à bout de souffle.

La musique du trio, jamais hybride, fait advenir des expressivités individuelles qui se fondent dans le collectif. Le montage est réussi, les titres alternent les climats, les compositions sont d’une longueur parfaite, sans baisse de régime pour l’auditeur. Un album au charme persistant d’un bout à l’autre, intelligent et raffiné qui se déguste pour qui sait prendre le temps, les “Babillages”(qui n’en sont pas vraiment) sont exquis. Le final plus que réussi, “Striptyque” marquera les esprits, entretenant un groove irrésistible, après quelques impulsions au triangle, un solo bienvenu de batterie qui ne paraît pas superflu dans l’architecture du morceau. Tout paraît parfaitement réglé, des brusques changements opérés avec maestria aux collages audacieux qui s’emboîtent dans le puzzle d'un travail d'ensemble, maîtrisé magnifiquement.

Quentin Ghomari aime différentes esthétiques, avouant suivre en cela sa référence,  Dave Douglas : peu soucieux de choisir une ligne exclusive par trop tranchante, il ne dédaigne pas de revenir aux standards, apprécie évidemment Miles-son hommage "Charms of Miles’ Skies” en dit long sur sa révérence aux ainés. Il fait entendre sa voix, parvenant en gage d’unité, à une manière de jouer d’une singulière fluidité, gracieuse sans être trop fragile. 

Sophie Chambon

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