/image%2F1365231%2F20160306%2Fob_2c2905_avishai.jpg)
Perrine Mansuy (piano, composition, voix), Jean-Luc Difraya (percussions, voix),
Rémi Décrouy (guitare, effets électroniques) , Éric Longsworth (violoncelle),
Mathis Haug (voix)
Solignac (Haute-Vienne), 1er-6 avril 2015
Laborie Jazz CD LJ28 /Socadisc
Perrine Mansuy, pianiste et compositrice, aime la chanson. De longtemps elle a accompagné chanteuses et chanteurs, et donné aussi en duo instrumental (avec le saxophoniste François Cordas) des musiques de chanteurs (Jacques Brel notamment). Sa participation récente à la reprise, sous l'appellation « Over the Hills », de larges extrait d'Escalator over the hill de Carla Bley et Paul Haines, œuvre où la voix tient une place de choix, dit encore ce tropisme persistant. Son disque précédent, « Vertigo Songs » (Laborie Jazz), témoignait aussi de son attachement au chant. Et celui-ci, inspiré par un poème de Katherine Mansfield, qui évoque un coquillage arc-en-ciel qui gît au plus profond de l'océan, se veut lyrique et mélodique. Les thèmes, articulés sur une belle assise rythmique, sont un peu de cette veine folky qui prévalait chez Keith Jarrett au tout début des années 70 (« Facing You », et le disque co-signé avec Gary Burton, entre autres....). Le violoncelle apporte à cet univers teinté de pop-rock une note mélancolique, les percussions soulignent les aspérités d'un phrasé qui récuse toute mollesse, la guitare fleure bon parfois l'esprit seventies, et les voix vont de l'onirisme à la rugosité : belle reprise par Mathis Haug de la chanson du western d'Otto Preminger La Rivière sans retour, où s'affrontaient Marilyn Monroe et Robert Mitchum ; et superbe interprétation du même sur Paying my dues to the blues, également magnifié par un beau chorus de piano, et un swinguant tutti vocal. Un beau disque, en somme, cohérent, bien produit, et habité par de vrais interprètes-improvisateurs.
Xavier Prévost
Le groupe jouera le 8 mars 2016 à Limoges, le 9 mars à Paris, au studio de l'Ermitage, et le 31 mars à Marseille, au Cri du Port
La première plage du disque en vidéo sur Vimeo
Ramon Fossati (trombone & coquillages), Olivier Brandily (saxophone alto, flûte & cooquillages), Laurent Bronner (piano), Nicolas Rageau (contrebasse), Luc Insenmann (batterie)
Montoliu de Segarra (Catalogne), 21-23 septembre 2015
Fresh Sound New Talent FSNT 495 / Socadisc
Le tromboniste Ramon Fossati est un catalan de Paris, ou peut-être de l'Essonne, qui communique avec les autres (autres individus, autres nations, autres cultures....) par l'entremise de sa passion pour le jazz. Après Paris-Barcelona Swing Connection, il s'est retrouvé voici plus de 10 ans avec une autre équipe, aujourd'hui l'essentiel des membres de ce quintette, pour Five in Orbit. La communication, ou plutôt la communicabilité, paraît être la matière première de ce groupe : très forte expressivité, assumée, partagée, qui associe l'ensemble des instruments et des instrumentistes dans une expression très collective, selon ce qui pourrait être l'essence originelle du jazz (si tant est que le jazz ait une essence, alors qu'il est plutôt une musique d'existence, mais laissons là le débat philosophique....). Tout commence par de joyeuses dissonances, comme au début des Éléments de Jean-Féry Rebel (1737), tentative de description de la création du monde, laquelle commence bien entendu par le chaos qui précède l'édification du cosmos. Et le monde qui advient ici c'est le jazz, version hyper-expressive, comme au temps du jungle style de Duke Ellington et Bubber Miley, et jusqu'à Charles Mingus, et au-delà. Dès la première minute, la flûte aventurée dans des modes de jeu hétérodoxes et des sonorités extrêmes (souvenir de Roland Kirk, qui fit un séjour furtif chez Mingus : pas de hasard!) donne le ton. C'est du jazz hot, dans toute la vitalité originelle de l'idiome afro-américain, et dans un langage musical d'aujourd'hui ; c'est ce que suggère le titre de ce premier thème, Tribulus Terrestris, plante aux vertus vivifiantes, stimulantes, pour ne pas dire plus. La mélancolie s'installe ensuite, sur les traces d'Ibn Khaldoun et de ses pérégrinations philosophiques, méditerranéennes et européennes. Et le disque se dévoile progressivement, en plages très libres, toujours animées de cette espèce de vocalité des instruments à vent (y compris les coquillages) qui donne à l'expression sa force. Les compositions sont signées par les trois piliers constitutifs du groupe : Ramon Fossati, le tromboniste , Olivier Brandily, le saxophoniste-flûtiste, et Lauren Bronner le pianiste. Mais leurs partenaires ne déméritent pas de vigueur, de finesses dans le jeu collectif et d'inventivité : Nicolas Rageau et Luc Isenmann sont totalement immergés dans le projet collectif, qui porte le disque jusqu'à son terme : Lonsome Lover, une composition de Max Roach et Abbey Lincoln, extraite du disque « It's Time » (Impulse, 1962). Jusqu'au bout la flamme est entretenue, avec force, par ces gardiens fidèles d'un jazz toujours vif, et vivant ; vitalité magnifiée sur la pochette du CD par les illustrations tout aussi expressives du plasticien catalan Marcel.Lí Antúnez Roca.
Xavier Prévost
Le groupe jouera le 5 mars 2016 à Barcelone au festival Jazz de Terrassa, et le 31 mars à Paris au studio de l'Ermitage.
Un extrait sur Youtube en avant-ouïr
Il émane d’Erik Truffaz une certaine force tranquille. Le succès ne lui a pas tourné la tête quand il remplissait les grandes salles voici deux décennies avec une musique pleine de fusion et d’échos (Dawn-Blue Note.1997), dans la mouvance du Miles Davis, période électrique. « Cela m’a fait plaisir mais pas planer. Je savais que c’était éphémère. Et puis, j’avais commencé sur scène à 25 ans et le succès est venu à 36 ans. Etait- ce tôt ? Non ».
La cinquantaine passée, le trompettiste savoyard né en Suisse s’avoue heureux d’être encore dans le métier d’artiste aujourd’hui. « Finalement je m’en suis bien sorti. Il y a tellement de groupes électriques qui ont disparu ». Il est vrai que la voie empruntée aujourd’hui appartient à d’autres contrées.
Son dernier album « Doni Doni » a pris naissance en Afrique du Sud lors d’un spectacle avec danseurs monté à Johannesbourg et repris au Musée du Quai Branly en 2014. Le titre, issu de la langue bambara, signifie « petit à petit ». Erik Truffaz s’y reconnaît pleinement : « on construit sa vie petit à petit ». On y retrouve le bassiste Marcello Giulani, complice d’un quart de siècle et co-directeur artistique du projet.
Acoustique et électronique se mèlent dans les parties instrumentales et trouvent une suite naturelle dans les chants de Rokia Traoré et du rappeur Oxmo Puccino. C’est ainsi qu’il voit son parcours, Erik Truffaz, dans un renouvellement des formes et des partenaires. « Le partage, c’est ce qui ce motive dans la vie ».
« Doni Doni » est disponible en CD et en vinyl. Quelle est la différence, lui demande son interlocuteur ? « La même que celle qui existe entre la chaleur du radiateur et d’une cheminée » , répond le jazzman philosophe qui a vécu quarante ans à Ferney Voltaire.
Jean-Louis Lemarchand
Doni Doni. Erik Truffaz quartet. Parlophone. 2015. Erik Truffaz, trompette, Marcello Giulani, basse, Benoit Corboz, claviers, Arthur Hnatek, batterie, et comme invités Rokia Traoré et Oxmo Puccino (chant).
En concerts en France : en mars, 26 à Aurillac, 29 à Lille, 31 à St Brieuc ; en avril, 7 à Besançon, 8 à Châlons/Saône, 9 à Rive de Gier, 10 à La Teste de Buch ; en mai, 6 à La Rochelle, 10 à Charleville-Mézières.
Sébastien Texier (saxophone alto, clarinette alto, clarinette), François Corneloup (saxophone baryton), Nguyên Lê (guitare), Armel Dupas (piano, piano électrique), Henri Texier (contrebasse, composition), Louis Moutin (batterie)
Amiens, septembre 2015
Label Bleu LBLC6720 / L'Autre Distribution
Henri Texier a retrouvé en septembre dernier le studio Gil Evans de la Maison de la Culture d'Amiens, lieu pour lui coutumier en raison d'un fidèle compagnonnage avec Label Bleu ; un studio récemment rénové après une longue période d'inactivité. Le groupe respire l'intimité et la familiarité : il est construit autour du Hope Quartet , rejoint par deux musiciens que le contrebassiste apprécie tout particulièrement : le guitariste Nguyên Lê, et son univers de lyrisme et d'expressivité inimitables ; et le jeune pianiste Armel Dupas, qui conjugue magnifiquement maîtrise instrumentale, et profonde musicalité, avec une fougue qui fait merveille. Le groupe parfois se subdivise : ici le quartette originel, sans piano ni guitare ; ailleurs un quintette avec piano. Mais toujours l'exacte pertinence de l'effectif, en adéquation avec l'esprit et l'énergie du thème choisi. Beaucoup de compositions inspirées par les Amérindiens chers au cœur du contrebassiste, et souvent évoqués dans des albums précédents. Le répertoire est nouveau, élaboré au cours des concerts qui ont succédé au disque précédent. Le musique est souvent vive, d'un engagement rythmique profond, sans pour autant négliger le chant : Henri Texier excelle dans l'art de jouer le jazz au plein sens du terme (swing, cursivité, goût de l'aventure...) en conservant l'esprit des musiques populaires d'Europe et d'ailleurs. Ça commence sur un tempo vif, par un échange entre le piano électrique et la batterie, et le premier thème est exactement dans l'esprit évoqué à la phrase précédente. Le baryton prend sa liberté, tout en inflexions et relances ; l'alto le rejoint, d'un lyrisme torride, avant que le piano poursuive la course, en décontraction savante, pour construire la dramaturgie du solo. Puis vient la contrebasse du boss, plein jazz, mais libre, et la batterie enfin vient confirmer la tension rythmique, et la vitalité qui toujours doit prévaloir : un scénario familier, celui du jazz qui, comme la mer du Cimetière marin de Paul Valéry, est toujours recommencé … mais aussi, quand le vent se lève, il s'anime « Rompez, vagues ! Rompez d'eaux réjouies... ». Et tout le disque est à l'avenant de cet élan vital : dans un thème écrit en hommage à Paul Motian, joué en quartette sans piano, chaque saxophone répond au solo de l'autre d'un contrechant lointain ; dans Hopi, en quartette sans les sax, commencé tempo di jazz, la densité des échanges s'installe, sans violence, et la musique pourtant vibre de mille frissons.
Dans Comanche, la fureur expressive reprend ses droits, et ça déménage sérieusement ; et dans Paco Atao, à la mémoire du percussionniste martiniquais Paco Charlery, le recueillement reprend ses droits, dans une mélodie solennelle où clarinette et contrebasse portent un rythme de marche funèbre. Ainsi va ce nouveau disque concocté par Henri Texier : de l'expression la plus vive à l'émoi le plus tendre ; grande cuvée, assurément !
Xavier Prévost
« Sky Dancers » sera sur scène la 4 mars 2016 à la Maison de la Culture d'Amiens pour les 30 ans de Label Bleu. La veille Henri Texier aura carte blanche avec quelques compagnons de route, dont Michel Portal et Bojan Z.
« Sky Dancers » jouera également le 6 mai à Coutances pour Jazz sous les pommiers
Blue Note 2016
Logan Richardson (as), Pat Metheny (g), Jason Moran (p), Harish Raghavan (cb), Nasheet Waits (dms).
Cela faisait bien longtemps que nous n'avions pas entendu un album que nous n'hésitons pas un seul instant à qualifier d'Oeuvre tant on sait d'emblée qu'elle fera date dans la carrière du musicien.
Il y a un an, alors que nous déjeunions tous les deux dans un petit restaurant non loin du Sunside, il m'avait parlé de ce projet et de ce formidable line-up. Tout en me pinçant j'avais un peu de mal à croire que Pat Metheny allait accepter ainsi d'intervenir en sideman sous le nom d'un jeune saxophoniste.
Et ce n'est pas là le moindre des exploits que de voir Logan Richardson aligner le guitariste du Missouri aux côtés de ce fabuleux all-stars. Et si parfois le name dropping donne des résultats qui ne dépassent pas l'effet d'annonce, ici c'est carrément l'inverse. C'est comme si la réunion de ces génies du jazz les avait amené à (re) découvrir la pierre philosophale. A se transcender.
Alors c'est tempétueux. Comme sur Creeper où Logan laisse son monde totalement
abasourdi par un solo d'anthologie sur lequel Metheny embraye le pas avec autant de feu que de flamme. A eux cinq ils font parler la poudre. Grand moment lunaire aussi sur Locked out of heaven où les espaces s'étirent en un moment de profonde nostalgie émouvante.
Et puis au travers des magnifiques compositions il y a de l'épaisseur et une réelle intensité dramatique tout au long de cet album. Ils tutoient le ciel. Il faut écouter la puissance de cette machine en marche qui explose sous le lyrisme de Metheny et de Logan. L'entente fusionnelle de ces deux-là y est admirable et si powerful. Il faut aussi écouter le jeu de Logan sur Alone. Absolument renversant. Quel son et quel phrasé ! Album superlatif s'il en est.
Rien qu'à l'ouverture avec Slow où cette intensité est portée à son plus haut point dramatique. C'est si fort qu'on en reste au bord des larmes. Et ça continue avec Imagine où la fusion est totale entre le son de Logan et celui de Metheny tous les deux arrivés à une sorte de summit sublime. Prenant !
On pourrait passer en revue les morceaux de cet album où chaque chef d'oeuvre succède à celui qui le précède.
Grosse claque nous vous disions.
Immense moment de jazz qui ne pourra pas vous laisser de marbre. D'ores et déjà inscrit dans les albums qui marqueront au moins l’année à venir et bien au delà.
Slow est un sommet d'intensité à la puissance quasi mystique.
Un choc.
Jean-Marc Gelin
Joachim Florent (contrebasse solo & électronique)
Couffoulens (Aude), avril 2014 & Le Mans
Coax Records COAX029JOA1 / www.collectifcoax.com
L'exercice du solo de contrebasse est assurément périlleux, et pourtant Joachim Florent s'en tire à merveille. Ces plages, enregistrées au Théâtre dans les vignes de Couffollens, dans l'Aude, et à la Collégiale St Pierre la Cour du Mans (où le musicien avait joué en mai 2012) recèlent une diversité d'inspirations et de pratiques qui forcent le respect, et même l'admiration. Entre solo absolu, très acoustique, et solo démultiplié par les machines en un large spectre de sonorités mêlées, c'est une déclinaison des horizons possibles de l'instrument. En une trentaine de minutes, le contrebassiste parcourt des univers sonores et esthétiques parfois insoupçonnables (et en tout cas largement insoupçonnés). Une psalmodie suggérée par le souvenir du chant d'un muezzin va conduire, par développements successifs, à une large spectre de résonances presque polyphoniques. Une mise en boucle de pizzicati va créer un espace répétitif riche en variations, hypnotique et vivant tout à la fois. Ensuite un son très acoustique, largement réverbéré (l'électronique ? L'abbatiale du Mans ? L'une et l'autre à la fois?) va produire une brève marche majestueuse, où la mélodie porte en elle l'exacte perception de l'harmonie. Puis l'électronique reprend ses droits, à coup d'échos et de traitements, effet wah-wah, riches harmoniques, jusqu'à ce que le son acoustique établisse sur cet empire technologique et furtif toute sa majesté. Vient ensuite une partita virtuose que l'on jurerait de violoncelle, puis un jeu de percussions qui faite parler les cordes et le bois de l'instrument. Peu après, ce serait presque une viole de gambe élisabéthaine, avant de glisser de nouveau vers l'univers contemporain. Plus loin encore, l'électronique transforme l'instrument en une sorte d'orgue futuriste pour concert sous-marin, et conclusif. Cette laborieuse tentative de description de l'objet, ou d'épuisement d'un réel insaisissable, a pour seul but de donner l'envie d'en savoir plus en écoutant la musique (voir le lien en bas de page). Ce que suggère le titre, c'est peut-être que, lorsque la science musicale et le savoir instrumental sont conquis, maîtrisés, puis sublimés, un au-delà est atteint, qui ressemblerait à l'enfance de l'Art.
Xavier Prévost
Lien vers la musique du CD :
http://collectifcoax.bandcamp.com/album/after-science-joachim-florent
Joachim Florent jouera en solo à Rennes, le 25 février 2016, à la Maison de la Grève
Charles Lloyd (saxophone ténor, flûte alto), Bill Frisell (guitare) , Greg Leisz (pedal steel guitar), Reuben Rogers (contrebasse), Eric Harland( batterie)
Invités : Willie Nelson (voix), Norah Jones (voix)
Santa Barbara, 27-28 avril 2015
Blue Note 0602547652577 / Universal
Deuxième Cd pour Blue Note de Charles Lloyd, depuis son retour dans le giron de l'historique label. Après « Wild Man Dance », publié l'an dernier avec un groupe différent, le saxophoniste-flûtiste conserve le binôme basse-batterie qui l'accompagnait voici peu d'années, et s'adjoint un tandem guitaristique de haute atmosphère : Bill Frisell, et son compère Greg Leisz, lequel avec sa pedal steel guitar apporte indiscutablement une couleur qui oriente l'ensemble de l'album. Frisell est évidemment déterminant dans ce dispositif, qui nous entraîne vers les grands espaces du Sud-Ouest états-unien, avec la mélancolie attachée à ces paysages sonores. Car ici l'image crépusculaire et l'étendue des espaces semblent prévaloir. Le répertoire emprunte à l'univers pacifiste (Dylan, entre autres, avec une reprise instrumentale de Masters Of War ; et Last Night I Had the Strangest Dream de Ed McCurdy, ici chanté par l'inoxydable Willie Nelson). Il y a aussi des thèmes traditionnels, aux effluves d'Espagne, d'Amérique profonde ou de prière bouddhistes, et une surprenante reprise de You Are So Beautiful (naguère immortalisé par Joe Cocker) dans la voix de Norah Jones, totalement au diapason de cette ambiance diaphane. En prime, Charles Lloyd offre aux nostalgiques de son début de carrière une nouvelle version de Sombrero Sam, par lui gravé en 1966 aux côtés de Keith Jarrett, Cecil McBee & Jack DeJohnette pour l'album « Dream Weaver » chez Atlantic ; ainsi qu'une belle version, à la flûte alto, de Of Course, Of Course, enregistré l'année précédente avec Gabor Szabo, Ron Carter et Tony Willams pour Columbia. En somme, c'est un bon album, homogène et très bien produit, mais qui ne surpasse pas, quoi que l'on ait pu en dire ici ou là, les publications ECM de la période précédente.
Xavier Prévost
Anne Quillier (piano, piano électrique, synthétiseur analogique, composition)
Pierre Horckmans (clarinette, clarinette basse, effets électroniques, composition)
Bourgoin Jallieu, juin 2015
Label Pince Oreilles / www.collectifpinceoreilles.com
Un duo, démultiplié par la pluralité des instruments de chacun et chacune. Ils avaient convaincu dans le sextette de la pianiste, qui jouait ses propres compositions, et dans le trio Blast. Les revoici, dans l'apparent dépouillement d'un binôme instrumental où il faut décupler les énergies et la présence pour occuper l'espace musical. Et ils y parviennent, sans coup férir. Volutes de clarinette et sons mystérieux sur ostinato de piano Fender Rhodes, relayé par des lignes improvisées sur le piano acoustique : dès l'abord, l'intérêt s'impose, et ne faiblit pas au cours de la première pièce, joliment scénarisée, et même dramatisée. Des slaps de clarinette basse engagent la suivante, tandis que la petite clarinette s'égare dans l'aigu, sur un piano obstiné et rythmique, avant que le piano acoustique ne s'aventure dans une ligne anguleuse, soutenu dans la magie du multi-piste par le piano électrique. Et le parcours se poursuit sur la plage suivante, qui donne au duo son nom. Les pièces sont concises, la forme maîtrisée, les choix musicaux ambitieux, et pourtant la musique respire une liberté réjouissante. Ici ce sera, après une introduction électronique rythmée par la clarinette basse, un interlude mélodiquement sinueux, et plus tard un danse exotique, mi-habanera, mi-mambo. On hésitera plus loin entre la valse et le rythme afro-cubain, mais toujours le propos musical est dense, tendu, requérant. L'invention improvisée est au rendez-vous, l'expressivité aussi, et le CD nous conduit, de plage en plage, au terme d'un parcours d'une trentaine de minutes : suffisamment pour goûter la richesse et le talent de ce duo, qu'il convient de découvrir d'urgence.
Xavier Prévost
Le duo Watchdog jouera le 25 février 2016 au Cassiton, Auberge de Rosset-Longchaumois (Jura) ; le 10 avril au Rex de Toulouse ; le 27 avril au Siman Jazz Cub de Bordeaux ; et en juillet au festival « Jazz à Vienne »
Extrait de la musique, pour un avant-ouïr :
Cristal 2016 - Dist. Harmonia Mundi
Stephane Tsapis (p, Compos), Marc Buronfosse (cb), Arnaud Biscay (dms)
Il y a plusieurs années nous avions été émus par l’album du pianiste grec, "Kamaiki" qui aujourd’hui nous semble d’une actualité encore plus brûlante dans ce qu’il racontait de l’histoire des migrants grecs après la guerre (http://www.lesdnj.com/article-kaimaki-mataora-106690805.html) Il y avait alors une vision quasi prophétique qui résonne aujourd’hui avec force.
Aujourd’hui c’est encore le sujet des frontières qui semble obséder le pianiste qui continue de naviguer, tel Ulysse entre plusieurs univers musicaux qui forment ses racines, sa culture. Profondément grec mais aussi profondément ancré dans la culture française. Toujours entre deux.
Le pianiste , professeur de création musicale pour l’image au Conservatoire de la ville de Paris a cette force évocatrice des sentiments. On l’avait trouvé dans Kaimaiki, on la retrouve ici.
Ici en trio, Stephane Tsapis met du sentiment, met son coeur à l’ouvrage. Met son coeur sur une table où l’on trouve posés pêle-mêle poésie, chants traditionnels ( Macédoniens -Patrounino ou d’Asie Mineure - Giorgitsa), blues gras (To praktorio, border blues) nappes électriques un peu plus rock. Le pianiste y créé des climats et surtout respire fort son envie de vivre, de dire et de danser aussi.
Border line comme il l’explique dans ses liner cela veut aussi être à la limite de tout. A la limite de soi même. il y donc comme un voyage introspectif ( Fièvres) dans lequel on suit le pianiste.
Encore peu trop peu connu en France , Stephane Tsapis mérite que l’on parle de lui.
Ce qu’il dit est rare et précieux.
Une totale réussite qui confirme le chemin très personnel de cet artiste.
Jean-Marc Gelin
Les Dernières Nouvelles du Jazz