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20 décembre 2015 7 20 /12 /décembre /2015 00:52
Alain Gerber présente Sarah Vaughan

Sera & Aranthell

BDJAZZ www.bdmusic.fr

https://www.difymusic.com/bdmusic#!sarah-vaughan

http://www.francemusique.fr/jazz/jazz-culture-sarah-vaughan-en-bd-music-109865

Voilà une belle cargaison de bulles qui nous arrive pour cet hiver et les fêtes en particulier. La collection BDMusic est toujours bien identifiable même si elle a changé de distributeur : c’est le même concept de « long box » consacré à une BD inédite et 2 CDs (quintessence des enregistrements) consacrés à un musicien incontournable.

C’est au tour de Sarah Vaughan -chanteuse pour musiciens, celle qu’on appelait « matelot », qui se comportait comme un musicien de l’orchestre, d’être « racontée » par Sera, artiste cambodgien, auteur et enseignant sur la bande dessinée à Paris I. La plasticienne Aranthell met en couleurs les albums dessinés par Sera. Le résultat est assez saisissant : de grandes plages à la palette sombre, atmosphères hivernales et nocturnes, quadrillent les pages avec assez peu de textes, des titres forts comme « Ce monde si blanc », des références directes aux chansons et à la vie agitée et souvent difficile de « la divine égaleent appelée «Sassie», l’effrontée. On a le plaisir de retrouver Alain Gerber, le romancier du jazz, avec un texte superbe sur « la plus savante des chanteuses de jazz... refusant toute routine, recréant sans cesse un répertoire qui, lui-même, évoluait fort peu ». Il revient à son habitude sur certains repères biographiques, concluant sur l’été 1963, sans doute le plus heureux de sa vie, où elle se produisit en trio au Tivoli Garden de Copenhagen.

Pour la bande-son de ce livre-disque, les enregistrements du premier CD partent de 1944, avec un All Stars où joue Dizzy Gillespie, s’attardant ensuite sur son propre trio où le batteur Roy Haynes est une figure primordiale - Swingin’ Easy. Le deuxième CD illustre les années fastes 1957-1958, où elle triomphe en trio à Chicago (At Mr Kelly’s) puis, At the London House, avec des membres de l’orchestre de Count Basie. Pour Philippe Carles, son « Shulie a bop » de 1954 est un « condensé explosif de son talent, de sa vivacité rythmique » de son ample tessiture qui la fait passer des aigus les plus tendus à des graves proches de ceux d’un baryton.

Et sans doute, faudrait il rajouter que le swing était son arme absolue... ce qui nous facilite la transition avec Cabu.

Sophie Chambon

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20 décembre 2015 7 20 /12 /décembre /2015 00:50
Jazz Temptation

BLUE NOTE

Universal Music France

http://www.universalmusic.fr/2918-jazz-temptation-la-nouvelle-collection-jazz-par-blue-note.html

La nouvelle collection jazz de Blue note…

https://www.youtube.com/watch?v=VpfsT6CCiLo

Une couverture et un trailer ad hoc pour célébrer le jazz vocal, glamour évidemment, pour ces voix splendides féminines et masculines (Gregory Porter, Jamie Cullum ...) dans une proportion écrasante pour les divas du jazz : j’ai compté 21 chanteuses sur un total de 24. Cette compil chic et intelligente de 2 CDs met en effet en valeur les chanteurs et chanteuses d’aujourd’hui qui sont de plus en plus nombreux. Qui écouter ? Voilà une sélection plutôt brillante des CDs parmi les plus exemplaires de la carrière de ces musicienn(e)s. Par exemple, pour Youn Sun Nah, c’est sa version singulière et mémorable de « My favorite things » qui est retenue, Melody Gardot est impériale dans ce tube de 2004 « Your heart is as black as night », on remonte aussi très loin, en 1994 pour entendre la version superbe de Cassandra Wilson du standard « You don’t know what love is » ; on entend Laïka Fatien, révélation 2004, dans un album de 2011 sur un titre intitulé « Imagination». Kelly Lee Evans par contre est saisie dans son dernier album sur un titre coécrit avec le pianiste Eric Legnini « Hands up ». Une façon de retraverser l’histoire récente du jazz, du blues par le medium, l’instrument le plus sensible et fragile, la voix. Et puis quel formidable guide à placer dans la hotte du Père Noël, une mini-discothèque du jazz vocal. Madeleine Peyroux, la plus vivante incarnation de la voix de Billie Holiday, chante une de ses propres chansons « Don’t wait too long ». Il y aussi les nouvelles venues comme Melanie de Biasio, Cecile Mc Lorin Salvant qui reprend du Lennon « Oh My love » et puis cette Australienne extraordinaire découverte dans la playlist de France Inter (!) Sarah McKenzie dans ce très drôle et virtuose « Quoi, Quoi, Quoi ».

Alors, n’hésitez plus et bonne écoute.

Sophie Chambon

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16 décembre 2015 3 16 /12 /décembre /2015 14:16
UN CADEAU IDÉAL POUR LES AMATEURS DE PIANO : BRAD MEHLDAU « 10 Years Solo Live »

Brad Mehldau (piano solo) Enregistré en concert, en Europe, entre 2004 & 2014

Nonesuch 549103 / Warner Music

Pour élaborer ce coffret (4 CD ou 8 vinyles), Brad Mehldau a réécouté 40 concerts donnés en Europe entre 2004 et 2014, enregistrés par son ingénieur du son, et aussi par les radios publiques (Radio Danoise, BBC & Radio France). Il a ensuite sélectionné des extraits de 19 d'entre eux, qu'il a organisés pour l'édition phonographique en 4 grands chapitres : l'un associant le sombre et le lumineux, l'autre redessinant un concert idéal, le troisième associant l'idée d'intermède à celle de regard rétrospectif, et le dernier mettant en relation des musiques, en Mi mineur et Mi majeur, empruntées à Léo Ferré, Brahms, Pink Floyd, les Rolling Stones.... Le tout est, comme souvent chez le pianiste, accompagné d'un copieux commentaire rédigé par ses soins : à la faveur d'une de ses compositions intitulée Meditation I - Lord Watch Over Me, Brad Mehldau évoque Dieu, comme coexistence de l'ombre et de la lumière, comme le silence qui rend possible la musique, le négatif qui suscite l'affirmation de l'être. Et le propos dérive de titre en titre, d'inspiration en concrétisation, sans que l'on sache toujours si c'est le discours qui structure cette fresque musicale, ou la musique qui serait la source de ce discours, voire son simple prétexte. Quoi qu'il en soit, c'est la musique que l'on évoquera, en survol, car l'abondance rend un commentaire détaillé illusoire en une telle chronique. C'est une vision panoramique de tout ce que l'on peut déceler des tropismes du pianiste : les nouveaux standards issus de la pop et du rock (Le cher Radiohead bien sûr, mais aussi Jeff Buckley, les Beatles, Massive Attack, Nirvana, les Beach Boys....) ; les « vrais » standards comme le jazz les chérit depuis des décennies (ceux de Richard Rodgers, Harold Arlen, Jerome Kern, Jobim....) ; les « standards du jazz » (Coltrane, Bobby Timmons ; Monk, avec deux thèmes, un Monk's Mood réharmonisé avec révérence, et Think of One, entraîné progressivement de sa claudication originelle vers une sorte de tempête rythmique et de déconstruction amoureuse). À quoi s'ajoutent deux pièces de Brahms, jouées dans leur littéralité originelle, et bien sûr quelques compositions de Mehldau, pour baliser mieux encore son univers. On se penchera avec délices sur deux versions de Knives Out de Radiohead (Rome 2011 & Londres 2004), très différentes, entre furia romantique et vertige contrapuntique. Les contraintes du vinyle ont obligé à intervertir à deux reprises des plages en raison de durées dissymétriques, mais le tout restitue bien le désir de Brad Mehldau d'offrir une vision, un ordre, une cohérence, une voyage ou une dérive. Et l'on est conduit progressivement vers les longues plages finales, en apothéose, qui concluent l'objet, à grand renfort d'ostinato et de transe hypnotique. Le voyage est envoûtant, vertigineux : c'est du grand piano de jazz, du grand piano tout court, bref de la grande musique au sens le plus œcuménique du terme.

Xavier Prévost

Infos et extrait sur le site de Nonesuch

http://www.nonesuch.com/albums/10-years-solo-live-cd

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15 décembre 2015 2 15 /12 /décembre /2015 22:41
ANDRÉ VILLÉGER – PHILIPPE MILANTA « For Duke and Paul »

André Villéger (saxophones ténor, soprano et alto), Philippe Milanta (piano)

Meudon, 29-30 juin 2015

Camille Prod MS062015CD / Socadisc

Ces deux-là sont, dans leurs générations respectives, des maîtres en jazz de stricte obédience : jazz classique, mais pas que ; jazz moderne, là aussi ils en connaissent un fameux rayon. André Villéger, c'est le saxophoniste qui peut tout aborder, avec le même naturel, la même authenticité, la même pertinence, parce qu'il s'immerge chaque fois dans l'amour du jazz. Et dans ce domaine, Philippe Milanta n'a rien à prouver : adolescent, il hantait les coulisses de concerts, traquant les musiciens de Basie pour satisfaire sa curiosité musicale si bien que, des années plus tard, il eut le plaisir d'entendre le Count Basie Orchestra jouer un de ses arrangements. Il joue du piano comme un orchestre, et ça tombe bien, car le duo rend hommage à un homme orchestre, Duke Ellington, et à un musicien qui fut un pilier de l'orchestre du Duke : le ténor Paul Gonsalves. André Villéger connaît ce répertoire, cette esthétique, cette école, mais il se garde bien de mimer le grand Gonsalves : il joue simplement avec le même engagement, qui donne cette faculté de capter l'écoute. Au ténor, velouté, mais aussi acuité, quand il le faut ; au soprano, un brin de vibrato surexpressif à la Bechet, ce qu'il fait magnifiquement, et sans emphase ; à l'alto pour une seule plage, le doux rappel que l'histoire de l'instrument dans le jazz n'a pas commencé avec Charlie Parker. Côté piano, Philippe Milanta déploie tantôt les fastes d'accords larges, tantôt des traits incisifs, percussifs, avec un à propos qui force l'admiration. Le répertoire est magnifiquement choisi, des tubes de l'orchestre jusqu'à ses thèmes les plus secrets, avec une place de choix pour Billy Strayhorn, l'homme sans qui le Duke n'aurait pas été tout à fait Ellington. Et en plus, le texte du livret est signé Claude Carrière, connaisseur mondialement reconnu de la musique du Duke. Alors, ellingtoniens néophytes ou fans de père en fils, on se rue sur la précieuse galette !

Xavier Prévost

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14 décembre 2015 1 14 /12 /décembre /2015 19:39
Jazz From America on disques Vogue : Entretien avec Daniel Richard

Coup de projecteur sur la production 1951-56

Les lecteurs des DNJ ont déjà pris connaissance de la sortie du coffret Jazz from America on Disques Vogue (chez Sony Music) qui présente en 20 CD 41 albums originaux diffusés par le mythique label français entre 1951 et 1956. « Un panorama qui impressionne par sa qualité », écrivait Jean-Marc Gélin.

Co-réalisateur du coffret avec François Lê Xuân, Daniel Richard nous en dit plus sur la genèse de cette œuvre patrimoniale qui doit figurer dans la discothèque de tout amateur de jazz digne de ce nom.

Les DNJ : Pourquoi avoir retenu cette courte période ?

Daniel Richard : Nous avons souhaité démontrer la diversité de la production de Vogue dans cette période de six ans. Les trois patrons de Vogue, label fondé en 1947, Léon Cabat, Charles Delaunay et Albert Ferreri sont des collectionneurs qui adorent tous les jazz et le démontrent en « passant à l’acte ».On retrouve aussi bien du blues, du gospel, du be-bop, du boogie-woogie, du New Orleans revival, du cool et même l’avant-garde avec ce trio de Red Norvo où figurent Charles Mingus et Tal Farlow.

-En quoi cette période est déterminante dans l’histoire du jazz enregistré ?

-On se trouve à une époque où apparaît un nouveau support, le microsillon- le premier 25 cm date de 1948- et où les 78 tours sont toujours disponibles, ils disparaîtront en 1958. Vogue va sortir en France des albums publiés aux Etats-Unis en piochant dans les labels indépendants (Aladdin, Commodore, Dial, Fantasy, Blue Note….) et en apportant sa propre touche graphique avec des pochettes dessinées signées Pierre Merlin, surtout, mais aussi Michel David, Pierre Noury ou même Charles Delaunay pour un album de Sidney Bechet. Les albums qui sortent en France chez Vogue sont aussi bien des disques d’actualité chaude tout juste sortis aux Etats-Unis –un Chet Baker dans les bacs à New York en juillet 1953 disponible en septembre à Paris chez Vogue- que des 78 tours repris sous microsillon comme des Jelly Roll Morton ou des Tatum.

-Quels furent les grands succès parmi ces disques ?

-Le premier album publié par Vogue et consacré à Sidney Bechet a été bien accueilli. Le disque de Mahalia Jackson, des sessions de 1947 à 1950 publiées originellement sous le label américain Apollo, a fait un tabac. Vogue a aussi été le premier label à publier en France le bluesman John Lee Hooker. Mais l’objectif des patrons de Vogue n’était pas du tout commercial, même si leurs disques étaient aussi distribués au Royaume-Uni et en Scandinavie.

Propos recueillis par Jean-Louis Lemarchand

41 albums originaux en 20 CD

Noël ! Noël ! C’est encore Noël avant l’heure qu’on vous dit !

Le label Legacy a eu en effet cette merveilleuse idée d’éditer dans un coffret de 20 CD, quelques-uns des enregistrements originaux du très célèbre label Vogue. Avec Charles Delaunay aux commandes les éditions Jazz-Disques (Vogue, Jazz-Selection et Swing) avaient en effet, dans les années 50 un directeur artistique de luxe dont l’éclectisme gourmand le disputait à sa connaissance encyclopédique du jazz. Qui d’autre mieux que lui pour éditer dans la même foulée des albums de Duke Ellington, Mahalia Jackson, Wynonie Harris, Stan Getz, Red Norvo, The Spirit of Memphis quartet, Artt Tatum, Charlie Christian, Dixiland Jubilee, Charlie Parker, Originators of Modern Jazz, Erroll Garner, Kings of Boogie Woogie, Jerry Roll Morton, Dave Brubeck, Miles Davis, Red Norvo, Gerry Mulligan, Chet Baker, Syndey Bechet et enfin Lester Young.

Grâcve aux accords que delaunay avaits pu nouer avec des labels étrangers Vogue pu ainsi constituer un ilpressionant catalogue où les productions maisons côtoyaient les éditions d’Outre Atlantique. C’est ainsi que les Français purent profiter des accords passés avec Blue Norte, Dial, Aladdin ou encore Pacific Jazz

Legacy, sous la direction de Daniel Richard et François Lê Xuan a la bonne idée de rééditer ces albums avec la pochette originale dont les fameux dessins étaient notamment signés Pierre Merlin qui marquait de sa superbe signature des couvertures pleines d’à-propos et d’humour à l’image de cette couverture très drôle et un poil irrespectueuse de Jerry Roll Morton.

Ce panorama du jazz impressionne encore par la qualité de ce qui compose ce coffret.

Un cadeau essentiel à mettre au pied du sapin et à mettre absolument entre toutes les mains.

Jean-Marc Gelin

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13 décembre 2015 7 13 /12 /décembre /2015 20:23
JOHN TAYLOR-KENNY WHEELER « On The Way to Two »

Kenny Wheeler (trompette, bugle), John Taylor (piano)

Ludwigsburg (Allemagne), 21-22 mars 2005

Cam Jazz CAMJ 7892-2 / Harmonia Mundi

C'étaient deux compagnons de route, infatigables, depuis le début des années 70, et notamment à partir de 1977 et du premier disque du groupe Azimuth, qui les associait à la chanteuse Norma Winstone ; ils se retrouvaient régulièrement pour ce trio, mais aussi en d'autres contextes. Kenny Wheeler nous a quittés en septembre 2014, et John Taylor en juillet 2015. Le pianiste avait préparé l'édition de ce duo inédit, enregistré en 2005, et il avait aussi écrit pour le livret du CD un petit texte (comme l'on fait également Norma Winstone et Evan Parker) à la mémoire de son vieil ami, le trompettiste canadien devenu londonien, soulignant son jeu éminemment vivant et brillamment créatif, et insistant sur le fait que ce fut pour lui-même une source d'inspiration. L'exhumation tardive de ce disque, et le fait qu'il paraisse finalement après la disparition des deux protagonistes, tout cela augmente assurément la charge émotionnelle qu'il porte, pour les amateurs que nous sommes. La musique est à leur image, qu'il s'agisse des compositions du trompettiste, de celle du pianiste, de leur trois improvisations, ou du choix d'un des grands thèmes de Billy Strayhorn, A Flower Is A Lovesome Thing. Chaque plage révèle leur goût commun pour le lyrisme, l'introspection liée à l'expressivité, une forme d'abstraction douce, et une certaine mélancolie. Il est urgent de succomber au charme et au recueillement de cet inédit, pour ce qu'il résume des qualités des deux musiciens, pour les souvenirs qu'il ravive, et pour la promesse qu'il nous fait de nous aider à les garder vivants en nos mémoires.

Xavier Prévost

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11 décembre 2015 5 11 /12 /décembre /2015 07:53
Das Kapital  : " Kind of Red"

Das Kapital Kind of Red

Hasse Poulsen/ Edward Perraud /Daniel Erdmann

Label bleu/ L’Autre distribution www.label-bleu.com www.das-kapital.com

www.youtube.com/watch?v=uMSXqxrtx20

Quatrième album de ce trio européen atypique créé en 2002, formé d’un guitariste danois, d’un batteur nantais et d’un saxophoniste allemand. Si leurs deux premiers albums étaient consacrés aux compositions de ce musicien au parcours extraordinaire et pourtant peu connu, Hans Eisler, exilé à Hollywood avant de revenir à l’Est (créateur de l’hymne national), ils s’abandonnent à présent à leur propre partition, des chansons sans parole d’une grande beauté. Une musique toujours toujours aussi énergique grâce à la batterie de Perraud, à la gestuelle si visuelle, donc photogénique, lyrique en diable avec les saxophones ténor et soprano de Daniel Erdmann, et la guitare maîtresse de Hasse Poulsen. La lutte n’est donc pas finie et cette fois, elle se pare de compositions originales d’un triangle plutôt équilatéral, un « power trio » qui ne respecte pas l’arrangement habituel de guitare/basse/batterie. Le choc n’en est pas moins fort ! Ça commence directement par un rock amplement électrifié, ce « Webstern » de Perraud, figure d’un ouest parodique et actualisé? Poulsen est loin des gratouillis de ce Sound Kitchen dans lequel je l’avais découvert ... Ça continue aussi prestement sur «Iris » le deuxième titre du batteur qui est le troisième en fait, explosant en tempête de cordes, propulsé par une batterie d’une violence douce. Puis Erdmann prend la main, nous rassurant vaguement « au milieu il y a encore de la place », une ambiance différente...est-il plus en retrait sur cet album avec seulement deux compositions de son cru ? Ecoutez- le donc dans ce titre nitzschéen, «Jenseits von Gut und Böse» qui taraude l’esprit, tant la recherche est lancinante,progressive. Un accord en demi-teinte intimiste et quand même un peu rebelle avec l’arrière-pays brossé largement par un batteur qui ne tient pas en place. Cet album semble une parfaite illustration d’un cinéma virtuel qui se projette dans votre tête : trois voix, souvent irréelles, se répondent dans ce «How long, so low » aux sonorités travaillées ou dans «Just like that » par exemple. Un volet plus onirique incite les musiciens à une improvisation complice, où la guitare écraserait bien le ténor. Ce serait sans compter les effleurements, la construction ascendante de Poulsen, intégrant avec bonheur tous les imprévus d’une musique souple mais invasive, constamment sous tension jusqu’au final intense, déchirant.... On ne comprend pas toujours comment fonctionne ce mix de folk/jazz/ rock. Qu’importe ! L’album conserve une unité, une dimension originale et poétique, une inquiétude qui vous trouble et transporte dans cette sorte de rouge....qui imprime un certain bleu à l’âme.

Sophie Chambon

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10 décembre 2015 4 10 /12 /décembre /2015 16:35
MARC DUCRET  TRIO + 3 « Métatonal »

Marc Ducret (guitare), Bruno Chevillon (contrebasse), Éric Échampard (batterie), Christophe Monniot (saxophones alto & sopranino), Fabrice Martinez (trompette), Samuel Blaser (trombone)

Les Lilas, 2-6 décembre 2014

Ayler Records AYLCD-148 / www.ayler.com

Cela fait presque vingt ans que le fantastique trio qui associe Marc Ducret à Bruno Chevillon et Éric Échampard s'est constitué. Et depuis, sa vitalité créative et sa faculté de renouvellement n'ont jamais désemparé. Tandis que d'autres projets suivaient leur cours, le trio se produisait régulièrement en concert. Absents au disque depuis les enregistrements de 2004 & 2005 publiés confidentiellement par le guitariste, ils reviennent en force, avec renfort : deux compagnons de route déjà familiers (Christophe Monniot & Samuel Blaser) et un nouveau venu dans l'univers de Marc (Fabrice Martinez). La connivence est totale : la guitare mène la danse, la rythmique est au plus près, stimulant, anticipant ou redoublant les éclats comme les nuances ; puis les souffleurs trouvent leur exacte place dans cet ensemble de haute précision libertaire. Le répertoire conjugue hier et demain, avec évidence : Dialectes, enregistré naguère pour « L'Ombra di Verdi », puis sur l'un des « Trio Live » auto-produits, et aussi avec Big Satan ; deux reprises de Dylan (souvenir du groupe « Seven Songs From The Sixties » voici près de 20 ans) , reprises rassemblées et amoureusement corrigées, en un ensemble intitulé 64 ; Porteurs de lanternes, que le trio jouait régulièrement en concert depuis une dizaine d'années ; et deux nouveaux thèmes, Inflammable et Kumiho. C'est dans ce dernier morceau que les trois invités sont conviés à dialoguer en toute liberté avec le trio, avant que le thème fétiche des concerts du trio ne donne sa conclusion. Éclatant de bout en bout, ce disque nous rappelle, s'il en était besoin, que Marc Ducret pourrait à lui seul incarner la musique à venir, « The Shape of Jazz to Come », en quelque sorte.... Enregistré voici tout juste un an à la faveur d'une série de concerts au Triton, avec le trio dans l'ancien puis le nouveau répertoire, trio rejoint ensuite par les invités, ce disque est magistral, de bout en bout !

Xavier Prévost

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8 décembre 2015 2 08 /12 /décembre /2015 19:25
YVES ROUSSEAU « Wanderer Septet »

Xavier Desandre-Navarre (percussions), Édouard Ferlet (piano), Régis Huby (violon), Jean-Marc Larché (saxophone soprano), Thierry Péala (chant, diction), Pierre-François Roussillon (clarinette basse), Yves Rousseau (contrebasse, composition et adaptation)

Malakoff, juillet 2014

Abalone AB 020 / L'autre distribution

Yves Rousseau aime Schubert, passionnément. Et il a eu l'idée, ou plutôt le désir, d'élaborer une musique qui se nourrirait de ce grand compositeur, tirant vers le jazz certains fragments, restituant d'autres extraits dans leur caractère originel, et mêlant le tout dans une tissage savamment amoureux de thèmes originaux. Aventure risquée, et même osée, mais menée à bien d'éclatante manière. Par delà la passion, et la connaissance de cette œuvre, ce qui paraît déterminant, c'est le choix des partenaires, tous imprégnés de cette profonde musicalité sans quoi un tel projet ne serait que démonstration ou divertissement : Xavier Desandre-Navarre, qui joue batterie et percussions en rêveur impénitent ; Édouard Ferlet, coutumier des détournements de la musique classique par le jazz, ardemment musicien jusqu'au tréfonds de l'âme ; Régis Huby, passeur d'univers toujours aux aguets ; Jean-Marc Larché, virtuose de l'improvisation, résolument lyrique, et trop rare dans le jazz ; Thierry Péala, dont la voix et la sensibilité épousent exactement la beauté mélancolique de cet univers ; Pierre-François Roussillon, soliste classique qui a choisi de diriger de belles institutions culturelles, et renoue ici avec les musiques qu'il aime ; et Yves Rousseau, qui depuis quelques lustres trace entre les musiques une voie singulière, qui conjugue le goût et le talent. Lieder, musique de chambre et fragments symphoniques se télescopent avec bonheur. Ici l'on croirait entendre recycler un accord dissonant de l'Allegretto pour piano en do mineur. Ailleurs, explicitement ou allusivement, une bribe de quatuor ou de sonate. Quelques textes émaillent ce festin mélancolique : inventaire d'après décès, épitaphe rédigée par un ami, et courts récits du quotidien.... Le tout procède de ce mouvement irrépressible propre au jazz, où le rythme, les syncopes et l'improvisation aspirent à tutoyer la beauté. J'ai coutume, quand j'écoute du jazz contaminé par l'esprit de la musique de chambre, de dire à ceux qui l'écoutent avec moi « c'est beau comme du Schubert ». Eh bien, je persiste et signe : comme du Schubert, vous dis-je !

Xavier Prévost

Le groupe sera en tournée en janvier et février 2016 : Nancy, Lausanne, énart, Bagneux....

On peut également écouter Yves Rousseau dans la récente réédition du Mop Trio du batteur Bertrand Renaudin, avec le pianiste Hervé Sellin ( « New Acoustic » , www.opmusic.fr )

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8 décembre 2015 2 08 /12 /décembre /2015 18:44
Franck Tortiller/François Corneloup  :"Singingfellows"

www.labelmco.com

www.francktortiller.com

Franck Tortiller et le label indépendant MCO, émanation de l’association Musiques à ciel ouvert, se donnent «les moyens de création et de diffusion indispensables aujourd’hui pour assurer une certaine visibilité». En voici un exemple avec ce Singingfellows dont on aime la présentation sobre, les compositions complices à part égales, « le son acoustique, électrique, vivant, dynamique et brillant ». Les musiciens ? Un duo original d’experts du vibraphone-marimba (Franck Tortiller) et du saxophone baryton François Corneloup.

Deux musiciens qui savent animer, au sens premier, leurs échanges, avec un sens mélodique rare, exploitant la combinaison de deux instruments un peu particuliers, dépoussiérés de certaines images trop convenues. Le baryton ne sert pas seulement à assurer une rythmique, écoutez donc sa capacité de soliste dès le premier titre, ce solo moelleux et rond de « Walking fellows », hommage indirect au Walking Shoes du grand Mulligan qui a donné ses lettres de noblesse à l’instrument, même si on ne peut passer sous silence les noms d’Harry Carney, Serge Chaloff, ou Pepper Adams. La capacité exceptionnelle due à la respiration continue entraîne une progression dramatique, autorise souvent d’amples spirales mélodiques.

Les mélodies prenantes sont lyriques, tintinnabulantes comme dans la ballade «Aux charmes». Un rythme très vif contredit le titre « l’esprit d’escalier » où on verrait bien un Tomcat dévaler l’escalier tant l’agilité de Tortiller est confondante, ce qui se confirme sur le titre suivant où il s’appuie sur la basse pour nous livrer un « Presque rien » qui dit à peu près tout. Un mood chaleureux, irrésistiblement entraînant. C’est que cette musique sans prétention, coule sans le moindre effort apparent. On passe de climats feutrés à d’autres vraiment éclatants, dans un équilibre intelligent. Si un « Temps gris » vraiment très doux est un brin contemplatif, un lyrisme enivrant irrigue « la nuit est un son». La « valse à deux têtes » finit en beauté cet album tendre, souvent émouvant, virtuose toujours et en tous les cas, expressif d’un exemple réussi de dialogue et d’improvisation. Vivement conseillé.

Sophie Chambon

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