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1 février 2015 7 01 /02 /février /2015 08:39
HUBERT DUPONT Vox XL
Label Ultrack / Distribution Musea/UTK 1003

www.ultrabolic.com

Mike Ladd (rap, slam), Ibrahim Diassé (tassou, tama drums), Hubert Dupont (electric bass), Hervé Samb (acoustic guitar), Naïssam Jalal(flute), Maxime Zampieri (drums), Djengo Hartlap (live sound design)

En ces temps plus qu’agités, il est bon d’écouter une musique autre, au delà des frontières géographiques et musicales, se moquant des styles et des genres, les mixant en un mariage des plus heureux. Hubert Dupont est de ces musiciens qui prennent le monde pour un terrain de manœuvres, pacifiquement musicales sans faire cas des classements et autres étiquettes.

Mais au fait est-il si inclassable que cela, ce nouvel album à la voix majuscule, justement intitulé Vox XL, où deux voix magistrales se mêlent en une joute amicale , celles du slammeur blanc, anglophone Mike Ladd et du Sénégalais Ibrahima Diassé qui scande en tassou, slam traditionnel wolof ? On se laisse très vite embarquer (« multi kutsi ») par le chant particulièrement envoûtant, sans dates, références et figures mythiques évoquées- ce qu’a su très bien faire Mike Ladd dans ses expériences précédentes. Cette fois Mike Ladd s’est plongé dans la musique africaine en réponse à Ibrahima Diassé, pour créer un parcours personnel qu’ils égrènent au fil des titres et improvisations des amis qui l’entourent. Ils orientent différemment leur propos, tirant chacun le fil de leur pelote de mots. Slam, rap, sprech gesang, travail dans les marges, comment ne pas plonger dans ce vertige de mots, de sons qui prennent chair ? Le tempo qu’ils installent est stimulant avec les respirations logiques parfaitement marquées, soulignant rythmiquement l’agilité de la pensée qui court. Les parenthèses même sont pleines de vitalité et les pauses bienvenues pour entendre mieux la mélodie comme dans « Baisse la clim », que reprennent les autres musiciens, excellents dans chacune de leurs interventions ; pour les fragments ou fredons de ces musiques populaires retravaillées, c’est un texte de chair, une langue qui s’incarne dans un corps pensant et non dépourvu d’affect.

Après Jasmine qui évoquait les révolutions du monde arabe, nous nous enfonçons plus au sud, non loin du Timbuktou d’Abderrahmane Sissako. Un dialogue magnifique s’engage entre l’Américain devenu Parisien et le Sénégalais, sans pour autant que les cultures des deux mondes s’affrontent. C’est plutôt du côté des ressemblances et des affinités, bien évidemment électives, que se retrouvent les musiciens, pointures singulières choisissant de se présenter en collectif. Hubert Dupont, contrebassiste raffiné, est aux avant-postes accompagné comme dans le disque précédent de la splendide flûtiste Naïssam Jalal. Les tambours tama se joignent aux fûts virtuoses de Maxime Zampieri sans désordre aucun et la basse électrique s’allie à la guitare acoustique, délicate et sinueuse d’Hervé Samb, complice du contrebassiste jusque dans le final « Juska Juska » où pour une fois, on n’essaie pas de comprendre ce qui se dit, même si on capte quelques mots envoyés d’une bouche gourmande. Contrairement à l’expérience précédente de Ladd sur The waste Land de T.S.Eliot, ce ne sont pas les mots mais les rythmes qui prédominent et le flow qui évidemment swingue puisqu’il est réussi. La musique se déploie dans l’espace, vibrant en expansion, poétique et irrésistible, efficace et douce à la fois.

Ajoutons que cet album qui fut enregistré live aux Musiques au Comptoir en banlieue parisienne y sera également présenté en version concert le 6 février prochain. Un bon conseil, allez y nombreux ! Ce spectacle peu ordinaire mérite le détour.

Sophie Chambon Label Ultrack / Distribution Musea/UTK 1003

www.ultrabolic.com

Mike Ladd (rap, slam), Ibrahim Diassé (tassou, tama drums), Hubert Dupont (electric bass), Hervé Samb (acoustic guitar), Naïssam Jalal(flute), Maxime Zampieri (drums), Djengo Hartlap (live sound design)


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30 janvier 2015 5 30 /01 /janvier /2015 14:14
ICHIRO ONOE Wind Child

www.ichiroonoe.com

Promise land

Ichiro Onoe, batteur japonais devenu parisien depuis 17 ans, a longtemps tourné en sideman avec Bobby Few, Chris Cheek, Ron Carter, Makoto Ozone,Frank Lacy, Bruno Angelini, s’est fait remarquer dans le disque de Philippe Le Baraillec, sur le label de l’Ajmi. Des univers musicaux assez différents auxquels il a su apporter sa couleur et sa finesse rythmique.
Il sort son premier album en leader Wind child du nom du premier morceau autobiographique composé au Japon, où il nous livre ses souvenirs et émotions.... Il s’entoure de jeunes talentueux dont on devrait entendre parler, tant il est vrai que l’on dispose ici d’un vivier de musiciens impressionnants qui ne demandent qu’à jouer : Matyas Szandai à la contrebasse, Geoffroy Secco au saxophone ténor et Ludovic Allainmat au piano. Ce Wind Child nous entraîne avec des compositions variées, toutes du batteur, dans le terrain familier du jazz que l‘on joue en club des ballades délicates comme « Recesses of the heart », un « Playground » très fusion ( Ichiro Onoe est fan du saxophoniste des Yellowjackets Bob Mintzer), des giclées de free comme dans « What do you want ». Révélant un véritable talent d’accompagnateur aux capacités inventives, le batteur préfère l’interaction avec ses complices qu’il a même tendance à mettre en avant par son soutien rebondissant, son énergie canalisée finement. Vibrant et charnel, revigorant, cet album jazz dessine une histoire aux couleurs subtiles ; une simplicité apparente, une fluidité maruée mais une authentique déclaration d’amour pour cette musique.

Sophie Chambon
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24 janvier 2015 6 24 /01 /janvier /2015 18:14
Sons d'hiver 2015 : Anthony Braxton, l’Alchimist

Anthony Braxton – sax alto, soprano, sopranino, baryton
Mary Halvorson – guitare électrique
Taylor Bynum – cornet, bugle, trompette piccolo, trombone
James Fei – saxophones, effets

Les mots me faisaient défaut à la sortie du concert d’Anthony Braxton ce vendredi 23 Janvier. Comme un véritable procédé alchimique, avant le concert, j’étais matière une heure après, j’étais légère, illuminée.
Et puis l’attraction terrestre et le froid ont fini par me rendre ma chair et les mots.
Mais quels mots pour parler de la musique de Braxton ? Les mots sont bien trop réducteurs !
Appeler son Œuvre « musique » est déjà la réduire. Car c’est bien de cela dont il s’agit, du Grand Œuvre. La musique de Braxton est alchimique.
Ici, il est accompagné par 3 de ses anciens élèves. Sur leurs pupitres, une seule partition et un dessin.
La scène, c’est le laboratoire. Chacun des gestes de Braxton est fait en pleine conscience. Avant de prendre un saxophone, il prend soin de s’essuyer le visage, afin de ne laisser aucune empreinte de la vibration que l’instrument précédemment utilisé ait pu laisser.
Alors que dire de sa « musique » sinon qu’elle est à son image c’est à dire entière, radicale, puissante, sans résistance, vraie. Elle est.
Elle ne joue pas la vie, elle est la Vie.
D’abord elle fait sens. Mais très vite il transcende ce sens, le fait disparaître pour n’en garder que l’essence. Et cette essence relève du divin.
C’est en cela qu’Anthony Braxton est – non seulement un Maître pour les musiciens – mais véritablement un Créateur.

Julie-Anna Dallay Schwartzenberg

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20 janvier 2015 2 20 /01 /janvier /2015 22:11

Académie du Jazz 2014

Prix Django Reinhardt (musicien français de l’année) :
AIRELLE BESSON
Finalistes : Cécile McLorin Salvant, Paul Lay


Grand Prix de l’Académie du Jazz (meilleur disque de l’année) :
AMBROSE AKINMUSIRE « THE IMAGINED SAVIOR IS FAR EASIER TO PAINT » (Blue Note/Universal)
Finaliste : Ran Blake « Cocktails at Dusk, a Noir Tribute to Chris Connor » (Impulse !/Universal)


Prix du Disque Français (meilleur disque enregistré par un musicien français) :
STÉPHANE KERECKI « NOUVELLE VAGUE » (Out Note/Harmonia Mundi)
Finalistes : Caratini Jazz Ensemble « Body & Soul » (L’Autre Distribution), Thomas de Pourquery « Supersonic Play Sun Ra » (Quark Records/L’Autre Distribution)


Prix du Musicien Européen (récompensé pour son œuvre ou son actualité récente) :
Ex-aequo JOHN TAYLOR, MICHAEL WOLLNY
Finaliste : Samuel Blaser


Prix de la Meilleure Réédition ou du Meilleur Inédit :
Ex-aequo PATRICK FRÉMEAUX pour l’ensemble de ses rééditions jazz, SIDNEY BECHET « IN SWITZERLAND / EN SUISSE » (Coffret de 4CDs United Music Foundation)
Finaliste : “The Keynote Jazz Collection “1941-1947” (Coffret de 11CDs Fresh Sound/Socadisc)


Prix du Jazz Classique :
TCHAVOLO SCHMITT « MÉLANCOLIES D’UN SOIR » (Label Ouest)
Finalistes : Tim Laughlin « The Trio Collection Vol.1 » (Gentilly Records), Preservation Hall Jazz Band « That’s It » (Legacy/Sony)



Prix du Jazz Vocal :
SINNE EEG « FACE THE MUSIC » (Stunt/UnaVolta Music)
Finalistes : Jamie Cullum « Interlude » (Island/Universal), André Minvielle « Suivez Minvielle If You Can » (Le Complexe Articole/L’Autre Distribution)


Prix Soul :
MALI MUSIC « MALI IS… » (ByStorm-RCA/Sony),
Finalistes : Leela James « Fall For You » (J&T), Liv Warfield « The Unexpected » (Property)


Prix Blues :
THE ROBERT CRAY BAND « IN MY SOUL » (Provogue/Wagram)
Finalistes : Dave Specter « Message in Blue » (Delmark/Socadisc), Vaneese Thomas « Blues For My Father » (Segue)


Prix du livre de Jazz :
Ex-aequo LAURENT CUGNY « UNE HISTOIRE DU JAZZ EN FRANCE TOME 1 : DU MILIEU DU XIXe SIÈCLE À 1929 » (Outre Mesure), JEAN-LUC KATCHOURA WITH MICHELE HYK-FARLOW « TAL FARLOW UN ACCORD PARFAIT A LIFE IN JAZZ GUITAR » (Paris Jazz Corner)
Finaliste : Mezzo – J.M. Dupont « Love In Vain, Robert Johnson 1911-1938 » (Glénat)


Ont Participé au vote : ​Jacques Aboucaya
​Reza Ackbaraly​
​Pascal Anquetil
​Pierre-Henri Ardonceau​Philippe Baudoin
​Philippe Bas-Rabérin
​Franck Bergerot
​Christian Bonnet
​Francis Capeau
​Philippe Carles
​Claude Carrière
​Frédéric Charbaut
​Guy Chauvier
​Anne Chepeau
​Pierre de Chocqueuse
​Gilles Coquempot
​Jean-Pierre Daubresse
​Jean Delmas
​Jean-Philippe Doret
​Jonathan Duclos-Arkilovitch
​Joël Dufour
​Alex Dutilh
​Lionel Eskenazi
​Ludovic Florin
​Joe Farmer
​André Francis
​Bob Garcia
​Jean-Marc Gelin
​Frédéric Goaty
​Jean-Pierre Jackson
​Matthieu Jouan
​Stéphane Kochoyan
​David Koperhant
​François Lacharme
​Anne Legrand
​Jean-Louis Lemarchand
​Isabelle Marquis
​Arnaud Merlin
​Philippe Meziat
​Joël Pailhé
​Dominique Perichon
​Jacques Périn
​Bruno Pfeiffer
​Stéphane Portet
​Xavier Prevost
​Jean-Michel Proust
​Thierry Quénum
​Marc Richard
​Pascal Rozat
​Laurent Sapir
​Jean-Jacques Taïb
​Nicolas Teurnier
​Alain Tomas
​Sébastien Vidal
​Philippe Vincent

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20 janvier 2015 2 20 /01 /janvier /2015 22:00
Académie du Jazz : les lauréats 2014 et hommage à Cabu
Moment fort de la saison jazzistique, la remise des prix de l’Académie du Jazz avait cette année une atmosphère particulière, empreinte de solidarité et de sympathie. Toute la communauté des professionnels du jazz a salué Cabu, une des victimes du 7 janvier, « grand ami de l’Académie » a souligné son président François Lacharme. Une standing ovation a été réservée à Cabu à l’issue d’une présentation de quelques-unes de ses caricatures de jazzmen y compris bien entendu son artiste préféré, le tonique Cab Calloway. L’émotion était palpable également lors de la projection d’un hommage musical- un solo de piano en forme de requiem- aux morts de Charlie Hebdo, adressé par le lauréat du Grand Prix de l’Académie, le trompettiste Ambrose Akinmusire.

Le palmarès 2014, dévoilé ce 19 janvier au Théâtre du Chatelet, confirme l’œcuménisme et la sélectivité de l’Académie du Jazz. La jeune génération –Airelle Besson, prix Django Reinhardt du meilleur musicien français, Sinne Eeg, prix du Jazz Vocal, Stéphane Kerecki, bassiste, prix du meilleur disque français - cohabite avec des artistes confirmés tels le guitariste Tchavolo Schmitt ou le bluesman Robert Cray. Le plus bel exemple en est peut-être donné par le Prix du Musicien européen partagé entre deux pianistes, John Taylor et Michael Wollny : le premier, britannique affichant un demi-siècle de carrière ayant été le professeur du second, brillant soliste allemand découvert en France par un duo avec Joachim Kühn. C’est l’esprit de l’Académie du Jazz, l’illustration du patrimoine et le soutien-éclairé- aux tendances actuelles de « la plus populaire des musiques savantes ».

Jean-Louis Lemarchand

Jean-Louis Lemarchand

Académie du Jazz : les lauréats 2014 et hommage à Cabu
Académie du Jazz : les lauréats 2014 et hommage à Cabu
Académie du Jazz : les lauréats 2014 et hommage à Cabu
Académie du Jazz : les lauréats 2014 et hommage à Cabu
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12 janvier 2015 1 12 /01 /janvier /2015 07:12
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12 janvier 2015 1 12 /01 /janvier /2015 07:10
Autour de Nina
1 CD Verve /Universal
www.autourdenina.com
Voilà un album qui rend hommage avec sensibilité et talent à Nina Simone, la grande prêtresse du chant noir, la sauvage, la révoltée, « la maudite du blues » qui ne connut jamais assez, de son vivant du moins, la reconnaissance à laquelle elle aspirait désespérément. Son destin ressemble en effet à un roman tragique, une « mine de malheurs » qu’elle a décrit dans son autobiographie intitulée ‘I put a spell on you’.
Dix artistes se sont essayés à chanter, non pas comme elle, mais avec leur voix qui ne ressemble justement pas à la sienne, au timbre très riche, puissamment expressive, imprimant une grande liberté mélodique aux thèmes qu’elle reprit dans tous les répertoires, folk, jazz, blues et variétés. Sauf peut-être curieusement Keziah Jones qui évoque le plus l’interprétation de Nina dans un de ses tubes, le traditionnel gospel « Sinner man ». a moins que ce ne soit Ben L’oncle Soul dont la voix étonnante évoque aussi Billie Holiday dans « Feeling good ».
Il faut souligner les arrangements superbes du pianiste Clément Ducol ; quant aux musiciens qui accompagnent, ils appartiennent de plus ou moins près à l’univers du jazz et des musiques actuelles : on retrouve avec plaisir dans cette aventure, le pianiste Bojan Z, le percussionniste Cyril Atef, le tromboniste Sébastien Llado sur 2 titres, et on pourra découvrir comme moi le travail remarquable de Christophe Minck à la basse et à la harpe, ainsi que l’ensemble de chambre Archipel .
L’agencement de l’objet CD donne envie de se procurer cet album. Le livret est tout simplement réussi, élégant même dans sa conception. Une introduction sobrement intitulée « Une vie » de David Brun Lambert pose un regard juste sur la diva à la voix et au toucher de piano uniques. Chacun des chanteurs et chanteuses est ensuite présenté avec une photo en regard de laquelle est décrit le contexte, le sens de la chanson choisie, suivi du « line up ». Rien à redire à cette présentation, épatante.
Le choix des interprètes est assez varié pour provoquer la surprise, voire une certaine appréhension. Et puis voilà que le doute se dissipe à l’écoute de l’album qui a tourné, et ce n’est pas fréquent, plusieurs fois de suite en boucle dans le lecteur. C’est qu’il n’y a aucune fausse note dans l’enchaînement des thèmes, l’album atteignant ainsi une cohérence harmonieuse. Les voix sont utilisées avec leur qualités intrinsèques, leur faiblesses aussi peut-être, mais avec sincérité d’où le sentiment de justesse et d’authenticité.
De « Baltimore » composée par Randy Newman en 1977 interprétée par Lianne La Havas qui commence l’album à la surprise finale, le formidable « Lilac Wine » où Camille parvient à faire oublier dans sa sobriété pure, non seulement Nina mais aussi Jeff Buckley qui avait réussi à s’approprier la chanson.
Selon les goûts on aura tendance à préférer l’une ou l’autre de ces chansons mais la sélection est habilement faite dans un répertoire riche et plutôt « casse gueule » pour les reprises des plus gros succès commerciaux. On ne trouve pas heureusement « Ne me quitte pas » mais par contre, certains traditionnels comme le délicieux chant écossais « Black is the color » (...of my true love’s hair) sont magnifiés par la voix gravement sombre et chaude de Gregory Porter sur un tempo ralenti qui sied à ce poème en prose. En background, Mélody Gardot est ensorcelante et l’accompagnement à la harpe fait de cette version l’une des plus saisissantes, totalement adaptées à l’univers de la chanson. Youn sun Nah dans « Plain Gold Rain » et Melody Gardot dans « Four Women » prouvent une fois encore qu’elles ont plus d’une corde à leur arc vocal, intégrant à leur manière leur fragilité. Olivia Ruiz se sort très finement, avec l’impertinence et l’humour qu’on lui connaît, de cette bluette jazzy qui fut, presqu’à son corps défendant, l’un des plus gros hits de l’immense Nina.
Pour le thème délirant de Screamin Jay Hawkins, c’est la Suissesse Sophie Hunger qui s’y colle, dans une version qui fait entendre toute l’étendue(énorme) de ses possibilités vocales et de sa folie, proche de l’original. Elle nous gratifie heureusement d’un bonus « Thandewye », autre traditionnel de la diva nomade et imprévisible.
On vous le redit, voilà l’une des meilleures surprises de la fin 2014 et, en ce début tragique d’année, écouter cet album lumineux peut aider (momentanément) à retrouver une certaine sérénité.
NB : Si vous voulez en savoir plus, lisez Nina Simone, roman de Gilles Leroy qui clôt sa trilogie américaine (dont Alabama Song lui valut le Goncourt en 2007).C’est une œuvre de fiction inspirée de la vie d’ Eunice Kathleen Waymon ( 1933-2003).
Sophie Chambon
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11 janvier 2015 7 11 /01 /janvier /2015 08:31
Pour Cabu

Et il y avait toute cette bande de joyeux provocateurs, cette bande d'insolents qui ne respectaient rien sauf l'amour , sauf le cul des jolies filles qui s'appelaient toutes Paulette ou la candeur des grands deguingandés gentils qui s'appelaient tous Duduche. Cette bande qui se foutait de la gueule des cul benis et des sergent kronenbourg.
Car ces hommes qui nous ont quittés sont un peu comme des copains ou plutôt comme la bande d'adolsecents insolents qui viennent foutre le bordel dans les réunions de famille. Et nous, dans ces réunions de famille ont préférait plutôt sortir fumer un pétard avec eux plutôt que de parler de la France qui fout le camp avec les ancêtres attablés devant la dinde aux marrons.
C'est comme si on avait perdu des copains.

Et dans cette bande de joyeux 68ards pour qui 68 était une philosophie, un art de vivre, dans cette bande d'adorables irrespectueux, il y avait Cabu.
Et nous dans le jazz Cabu on l'aimait bien.
On l'aimait tendrement. Sa coupe au bol comme on n'en fait plus aujourd'hui et ses airs d'eternel etudiant, son sourire d'enfant et son humour potache. Cabu aimait le jazz qui bande et qui pétille. Il signait avec Claude Carriere ces formidables séries "Cabu Jazz". Son temps là aussi s'était un peu, délicieusement bloqué a Duke, Cab Calloway et Ella. Il fallait comme dans ses dessins que ça bouge, que ça swingue, que ça rigole. Regardez bien ses dessins, ils dansent commez une nana sur un solo de Paul Quinichette dans l'orchestre de Duke.

Cabu aimait la vie et il aimait le jazz.
Manquerait plus qu'une bande d'abrutis enturbannés essaient de nous empêcher ça aussi, l'amour du jazz et de la déconne. L'amour tout court.
Cabu , Wolin, Charb, Tignous, Maris, Honore, ce sont pas des gars que l'on efface à la Kalach. Ils nous étaient précieux et indispensables. Ils nous sont aujourd'hui éternels.
C'est pour cela et pour que leur courage ne fut pas inutile qu'on sera là, pour eux dimanche et qu'on se dressera devant ces ignobles que l'on méprise aujourd'hui sur un air de jazz un peu comme si à ces abrutis on leur tirait la langue, un peu comme si on leur montrait nos fesses.
Parce que nous ici, comme vous tous, nous sommes Charlie.
Jean-Marc Gelin

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5 janvier 2015 1 05 /01 /janvier /2015 21:36
WHIPLASH Film de Damien Chazell


https://www.youtube.com/watch?v=f_bmXeLbr7k



Faut- il aller voir Whiplash ?

Sans vouloir parodier les duels de certains chroniqueurs de la presse écrite au sujet des films ou des livres qui sortent, la question se posait au moment de la sortie en France, le jour de Noël du deuxième film du jeune franco américain Damien Chazelle . Précédé d’un buzz très favorable, Whiplash a raflé de très nombreux prix du cinéma indépendant. Il est tellement rare de voir un film actuel sur le jazz, dont la B.O fait entendre du jazz et le thème traite de l’apprentissage d’un jeune musicien au cœur d’une des plus célèbres écoles de musique de Manhattan ( Shaffer pour Julliard ?) qu’on ne va pas faire la sourde oreille.

Avouons d’abord que le film est réussi cinématographiquement, électrisant, avec une mise en scène sous tension, des éclairages de film noir, orchestrant un terrible affrontement psychologique. Comme tout bon thriller, il réveille littéralement, fouette les nerfs et le sang ( « whiplash » signifie d’ailleurs « coup de fouet »). Le duel entre un maître sadisant son étudiant est haletant. L’extraordinaire J.K Simmons (qui a une certaine ressemblance, seulement physique, précisons- le, avec Marc Ducret) joue au chat et à la souris avec son étudiant Andrew (le jeune Miles Teller, qui savait déjà jouer en autodidacte de la batterie !). L’éducation se fait dans la douleur, comme s’il fallait payer le prix fort pour révéler le talent, voire le génie. Avec la référence répétée du jeune Charlie Parker qui manqua de se faire décapiter lors d’un « cutting contest » au Reno Club par une cymbale du vénéré Jo Jones . Rentré chez lui, il se mit au travail très sérieusement et donna un an plus tard un solo mémorable... comme dans le final où Andrew éclabousse de son talent (et de sa sueur) l’orchestre entier et son chef au JVC Festival. On l’aura compris, c’est un peu « Blood, Sweat and Tears » et c’est la première des réserves que je formulerai, mettant en doute l’efficacité d’une telle méthode d’apprentissage. C’est avant tout aux notions de compétition et de transmission d’un état d’esprit que le film s’intéresse. Et les conséquences de ce formatage peuvent être cruelles, voire dramatiques.

Ensuite, le film sert-il véritablement le jazz ? Ceux qui ne connaissent rien à cette musique retiendront que les batteurs, certes gardiens du tempo, sont essentiels. Outre la boutade, cette lutte acharnée pour être le meilleur, donne une image quelque peu déformée de la pratique musicale, même à un très haut niveau. Selon le professeur qui agit comme un sergent instructeur des marines, les étudiants ne sont jamais dans son tempo, « not quite my tempo » martèle t-il avec insistance. Ou alors, il leur hurle dans les oreilles « rushing or dragging » ? Sportif de combat, obsessionnel du je(u), le personnage d’Andrew est antipathique, arrogant dans sa recherche effrénée de perfection, et très seul. Où est donc l’ « interplay », l’improvisation collective, le désir d’écouter et de répondre à l’autre ?

Quant à la place de la femme, elle est cruellement inexistante : la seule musicienne de la classe de jazz qui auditionne, au premier rang dans le pupitre des vents, se voit rabrouer par le tortionnaire enseignant sous le prétexte qu’elle n’est là que pour son physique. Il est vrai que tous les musiciens de l’orchestre se font humilier, encore plus violemment même. Quant à la délicieuse petite amie avec laquelle Andrew tente d’avoir une relation, elle se révèle vite, de son point de vue, un obstacle à son ambition. Alors... exit Nicole.

Et la musique ? Dans sa composition et la sélection même des thèmes, elle souligne avec cohérence l’angle d’attaque du cinéaste. La musique originale est de Justin Hurwitz et Tim Simonec, musiciens intéressants à découvrir ici. Le batteur percussionniste vedette et leader qui inspire Andrew est Buddy Rich, surnommé « Traps, the drum wonder » à ses débuts, au professionnalisme plus qu’exigeant dont on voit le portrait et le CD Birdland, que le jeune batteur écoute en boucle. Un batteur qui pouvait privilégier le côté spectaculaire de l’instrument...ce à quoi aboutit Andrew dans son solo final sur le thème de Juan Tizol et Duke Ellington « Caravan », morceau de bravoure très long et de plus en plus angoissant. Quant au rendu orchestral, il m’a semblé y entendre des réminiscences schiffriennes, le maître de la Bo Jazz fin des sixties /seventies. Mais incontestablement, le thème qui revient le plus souvent est « Whiplash », du saxophoniste Hank Levy, compositeur, arrangeur pour les orchestres de Stan Kenton et Don Ellis. Musicien original, créatif, enseignant à la Towson University, Maryland, c’est musicalement la meilleure inspiration du film et c’est une trouvaille que de lui rendre ainsi hommage.
Sophie Chambon
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30 décembre 2014 2 30 /12 /décembre /2014 09:52
JAMES FARM : " City folk"

JAMES F Joshua Redman (ts, ss), Aaron Parks (p), Matt Penmann( cb), Eric Harland (dms)
Nonsuch Records 2014

James Farm c'est le nom de ce groupe, ou plutôt de ce collectif devrait-on dire crée en 2011. Collectif dans la mesure où chacun des membres du quartet apporte ses propres compositions avec le même esprit que celui qui animait le saxophoniste lorsqu'il sortit "Momentum" avec son Elastic Band.
Ici c'est un jazz classieux et élégant qui se met en oeuvre. Une sorte de must dans le raffinement du groove. Le nectar suave d'un jazz un tantinet funky. Une façon de jouer chic les lignes d'improvisation en costume de soie. Le blues est toujours là mais jamais très sale. Le groupe y exalte des mélodies absolument magnifiques et parfois renversantes ancrées dans une réelle profondeur du jouage collectif.
Joshua Redman s'y taille la part du lion puisqu'il s'expose en soliste remarquable. Véritable star de la scène du jazz, le saxophoniste y montre une nouvelle fois l'immense étendue de son talent. Grand Maître du son "droit" autant que des courbes élastiques et sinueuses sur lesquelles il se ballade avec l'agilité d'un vieux félin assagi. Incroyable machine à groover funk ce Redman. En revanche on l'aime un peu moins lorsqu'il se vautre dans le son d'un soprano auquel il ne peut s'empêcher de donner des airs classiques que je trouve pour ma part, un peu mièvres. Aaron Parks, s'il est plus en retrait est toutefois lumineux et apporte une couleur totalement contrastée et toujours très intelligente.
L'ensemble nous semble néanmoins un peu moins mordant que le précédent album que nous avions chroniqué ici même. De quoi émettre des réserves ? Peut être. Car si ces 4 là font souvent dans le joli, il y manque quelques piliers qui nous font vibrer quand on est amateur de jazz et notamment le lâcher prise lorsque tout semble en effet si maîtrisé et contrôlé qu'il impose une sorte de distance avec l'auditeur. Une rythmique excellente sur le papier, certes mais à qui on semble avoir donné instruction de ne pas trop en faire. De rester sagement derrière. Eric Harland ainsi que l'on connaît plus prolixe et plus puissant semble un peu "pêter dans la soie" au gré d'une p^rise de son qui le relègue un peu loin.

Restent les compositions qui révèlent une écriture collective sublime. Reste le jeu inspiré de Josha Redman dont le ténor évoque de plus en plus la sensualité de Lester par d'autres moyens.Reste le jouage collectif. Rentent quelques beaux moements comme cet irresistible North Star où tout semble redevenir possible.
De quoi finalement s'enthousiasmer.... avec modération pour ce James farm aux tonalités si urbaines.
C'est déjà ça.
Jean-marc Gelin

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