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18 novembre 2023 6 18 /11 /novembre /2023 16:22
Vendredi 17 novembre, septième jour de D'Jazz Nevers.

 

 

Essor et Chute de notre civilisation

Café Charbon 12h15  Romain Baret Quintet

Il faut anticiper avec la pluie menaçante qui finit par tomber au moment où je me mets en route en direction du Café Charbon, ancien dépôt de locomotives d’une ligne SNCF locale. Transformé en scène de jazz actuelle à l’année, il accueille ce jour le concert de midi au titre quelque peu grandiloquent Essor et Chute (de notre civilisation) qui fait souvenir des considérations de Diderot sur la Grandeur et décadence de l’Empire romain, évoquant sans appel la Rome antique, ses forces politiques et ses inévitables abus d’où l’inexorable chute.

Le parallèle a quelque chose de vrai entre la situation actuelle de notre planète et le discours philosophique du grand penseur dixhuitiémiste. C’est en effet un projet éminemment politique que nous présente le leader de ce quintet jazz rock, le guitariste et chanteur Romain Baret  qui occupe le centre de la scène et qui est le narrateur de cette fresque épique : il a composé une suite en deux actes  avec prologue instrumental et épilogue,  si j'ai bien suivi, sur plus d’une heure dénonçant l’emballement vertigineux du capitalisme depuis les débuts de l’exode rural et de la première révolution industrielle jusqu’à notre course précipitée vers la catastrophe écologique, le réchauffement climatique, une plongée dans un inconnu terrifiant… La musique illustrerait un film imaginaire en un accéléré saisissant qui nous ferait revivre, même les yeux fermés, les étapes d’un désastre prévisible, la chronique de notre destruction annoncée.

Le véhicule emprunté, un quintet jazz rock prog ardent avec deux soufflants incandescents, la flûtiste Sophie Rodriguez qui se taille la part du lion avec une partition quasi ininterrompue, soutenue par le saxophoniste ténor mâconnais Eric Prost desservi par la sonorisation.

La rythmique puissante est la force de ce groupe avec une batteuse implacable Elvire Jouve qui avance avec détermination soutenue par un contrebassiste non moins solide Michel Molines qui passera sur le dernier morceau “The Rise of Hope” à la basse électrique, rappel peut être superflu après le relatif déluge de feu qui s’est abattu sur nous. Car la batteuse est un bâton de dynamite allumé quelques secondes avant explosion : quelque peu sauvage, elle allume la mèche, précise et mécanique . Ils sont cinq mais ça déménage comme un grand format et on est vite emporté dans ce flot qui nous charrie vers le vide!

 

 

Car dès le début qui acte le départ des champs, il m’a semblé entendre avec le grondement de la rythmique, l'envol des soufflants et le chant du guitariste comme un tableau précipité de notre fin. L'erreur pour le chroniqueur est de chercher dans la musique la traduction (un peu trop) littérale de cette présentation en deux parties qui suit la montée  en puissance dans l'allégresse du progrès avec le machinisme, l’exploitation intensive des travailleurs et d'attendre après un climax les guerres et crises diverses...

Le groupe qui sort un très bel objet CD numéroté avec le collectif Perce-oreilles chez Inouïe Distribution reçoit le soutien du  CRJ nouvelle mouture de 2016 (Centre Régional de Bourgogne Franche Comté). Cet outil de structuration du jazz, initialement créé  en 2000 pour la seule région Bourgogne accompagne le développement du jazz et des musiques improvisées par la mise en réseau des acteurs sur le terrain. Favoriser la création “au pays”, aurait-on dit avant, aider au développement “durable” du territoire. Ce qui va à merveille avec le sens de la marche du groupe qui croit à son projet. 

Cette bande soudée à six  car il faut compter avec les lumières stroboscopiques, les feux et fumées de Romain Bouez qui prédit l’apocalypse, en met plein les yeux dès le départ. Le titre du programme  peut se comprendre dans le désir de laisser affleurer les différents champs possibles, de réunir les contraires, de se déplacer, superposer les strates de sens, dérégler quand cela sonne trop juste, détourner, faire exploser les idées reçues.

Il ne laisse pas sa machine infernale assez respirer, certains thèmes semblent revenir, à moins que le traitement de chaque partie ne soit pas assez différencié mais ces musiciens vivent leur concert avec un engagement impressionnant qui plaît au public. C’est peut être cela l’essentiel après tout...

 

Emmanuel Borghi Trio

Théâtre 18h 30.

 

Changement radical avec le trio d’Emmanuel Borghi. Retour au théâtre municipal pour une  conversation triangulaire subtile sans le moindre cliché, avec cette élégance dans la persistance même de l’échange, toujours rebattu. Chacun donne la pleine mesure de son talent, dans une clarté d’articulation, de phrasé. Avec une confondante aisance, le trio navigue d’atmosphères feutrées à d’autres plus éclatantes parfois au sein de la même composition.

Tous trois n’ont cessé de jouer collectif tout en s’aménageant un parcours individuel original. C’est un trio tout neuf dont les personnalités semblent fonctionner pour essayer ensemble  autre chose. Leur univers a priori semblait éloigné, la rythmique étant composée de musiciens plus jeunes et prometteurs choisis par le sorcier des machines de Magma, Emmanuel Borghi  dont  le Watering The Good Seeds annonce un changement de cap dans la carrière. On entend une succession de thèmes prétextes à une expérimentation sur scène en constante évolution. Se remettre en question est la clé de la démarche du leader, il est vrai qu’on le voit chercher, presque hésiter avant de poser ses doigts sur le clavier, se laissant aller avec son expérience acquise au sein de multiples formations à jouer sans repères, sortir des passages balisés, refuser la facilité. Se mettre en danger avec des partenaires que l’on ne connaît pas. Ce goût du risque s’avère payant, le concert est une découverte formidablement excitante d’autant que ni le titre des morceaux ni le titre du Cd n’est annoncé par le leader  qui n'a pas la même aisance pour communiquer. Rien de grave, jouer suffit : ses compositions entêtantes font monter la tension avec une rythmique diabolique, d’une précision stupéfiante, les morceaux s’arrêtant brutalement dans un accord parfait.

Le remarquable batteur Ariel Tessier que j’entends trop rarement, même s’il est passé dans deux groupes différents à l’Ajmi me stupéfie à chaque fois par sa mécanique d’horlogerie jurassienne. 

 

Un trio sans recherche d’effets d’amplification, de machine qui produit un jazz vibrant, qui vit tout simplement. Penser jazz en trio en oubliant la tonalité” dit fort justement Xavier Prévost dans sa chronique du disque sur ce site même. Du bruitisme parfois sur les traces du dodécaphonisme... un programme qui passe très bien. L’adhésion du public est immédiate, aucun risque avec ce trio que la formule reine en jazz, piano-basse-batterie tourne à l'académisme. Audacieuse est leur musique et pourtant accessible, du grand art. Une heure ne suffirait pas mais l’important est d’avoir découvert  ce groupe qui doit absolument persister dans sa démarche.

 

 

Duo Giovanni Guidi et Luca Aquino

Grande salle de la Maison, 20h 30

 

Sans avoir vu le titre du programme Amore bello, chez Musica Jazz en 2021, on pouvait presque s’en douter à l’écoute de ce duo italien. Un jazz transalpin que l’on a peu d’occasion d’entendre en France alors que nous sommes si proches.

Installée confortablement en hauteur dans la grande salle de la Maison de la Culture, si bien que je ne vois pas grand chose du couple sur la scène immense, j’essaie de deviner sans y arriver d’ailleurs quel est le leader et lequel est le  plus jeune. Je suis tout de suite attirée par les variations de jeu du trompetttiste qui capte toute mon attention. Il commence par siffler dans le micro . Connaîtrait-il la technique du "silbo" canarien de la Gomora pour communiquer en sifflant d’un village ou d’une île à l’autre? A moins tout simplement qu’il ne s’inspire de Morricone dans les films de Leone…Il fait encore bruiter sa sourdine dans le pavillon puis il se mettra à chanter, pratique aussi la respiration continue -c’est un autodidacte élève du Sarde Paolo Fresu. Une théâtralité dans la posture et les gestes, une technique et un son des plus captivants pour ce musicien adoubé par le maître Enrico Rava, et qui se dit amoureux de Chet Baker… La filiation est assumée. Sans connaître le titre de leur premier CD, je commence à me dire que le duo part en roue libre sans direction vers "l'art mineur" selon Gainsbourg, pourtant passé maître en la matière, du cantabile, de la canzonetta que les Italiens privilégient, puisqu' inscrite dans la forme même de leur langue.

 

Et quand il prend la parole pour présenter ce duo, le pianiste Giovanni Guidi confirme que leur unique objectif est de faire chanter leur instrument, qu’ils ne cherchent qu’à faire jazzer des chansons pop de leur patrimoine, méconnu ici. Selon le principe jazz de reprendre des thèmes “fossilisés” quelque peu dans leur version princeps et de les renouveller. “Amore bello” est par exemple un titre de Claudio Baglione. “Un giorno dopo l’altro” du grand Luigi Tenco . Mais ils reprennent aussi les standards de l’American Songbook gardant la ligne mélodique comme dans l’inoxydable “Over the Rainbow” d’Harold Arlen et E.Y. Harburg. Ils se saisissent aussi de “What a Wonderful World” ce qui constitue un défi pour un trompettiste, car les solos et les aigus d’Armstrong ont une force insurpassable. La fatigue me gagne car je n’ai pas reconnu le thème “I fall in love too easily”( Styne/ Cahn) qui serait logique dans la thématique de leur programme.

 

 

African Jazz Roots Seetu

Grande Salle 21h 30.

 

Si les Italiens ont charmé le public toujours aussi nombreux dans cette "cathédrale" des temps modernes qu'est une maison de la culture, il y aura du spirituel dans l'art avec le groupe suivant. Que dire aussi de la connivence immédiate du public avec cette formation mixte due à la rencontre de Simon Goubert avec le joueur de kora Ablaye Sissoko? Le jazz à la rencontre de l’Afrique occidentale. Un long compagnonnage de trois albums qui remonte à 2009, scellé lors du festival de St Louis du Sénégal d’ailleurs évoqué dans une composition “De Dakar à St Louis”.

Une complicité absolue, un plaisir de jouer ensemble, de vivre au Sénégal une aventure en terre africaine tout en remontant aux racines du jazz, entre des rythmiques issues du jazz américain et d’autres plus traditionnelles emmenées par les sabars (qui peuvent être percussions, style de musique et danse).

Seetu” en wolof est le reflet, miroir de l’autre dans lequel on se mire et se réfléchit? Mélodique, rythmée, percussive cette musique a toutes les qualités et révère la tradition. Le joueur de kora, cette harpe à 21 cordes et très long manche explique posément avec toute la sagesse des griots mandingues le sens de la vie, le respect de la famille et des ancêtres. Savoir reconnaître et accepter d’où l’on vient est une notion essentielle, souvent rejetée ici. Il prend le temps de décrire la leçon révélée dans les  traditionnels comme “Manssani Cisse” qu’il jouera avec Ibrahim Ibou Ndir, virtuose des calebasses qu'il manipule avec un doigté exceptionnel. On croirait parfois entendre  un cliquetis de claquettes sur ces gros bols au plat.

 

 

La complicité entre le piano de Sophia Domancich et la kora d' Ablaye Sissoko est manifeste : proches sur scène et dans la vie, le son du piano se confond même avec celui de la harpe.

Jean-Philippe Viret vieux complice du batteur est le pilier du quintet, le mât auquel ils se raccrochent tous et l’écriture de Simon Goubert met en valeur chacun de ses amis dans des duos basse-percussions, piano-harpe sans oublier de driver l'ensemble avec sa frappe toujours exceptionnelle .

Il me fait penser à un page, un gentil troubadour quand il présente avec humour et allégresse cette nouvelle aventure leur aventure dans des ballades émouvantes («La Langue de Barbarie», «Réflexions du jour»). Il n’oublie pas enfin de rappeler qu’African Jazz Roots (Cristal Records – 2022) fut enregistré à l’Institut Français de Dakar en compagnie de l’ami de toujours le contrebassiste Jean-Jacques Avenel et des musiciens sénégalais Ousmane Bâ - flûtiste peuhl - et Babou Ngom – percussionniste - tous trois disparus aujourd’hui…

 

A suivre….. le final du festival demain.

NB : Les photos des artistes sont de Maxime François.

Sophie Chambon

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17 novembre 2023 5 17 /11 /novembre /2023 17:13
D’jazz Nevers 37ème édition du 11 au 18 novembre

D’jazz Nevers,  37ème édition du 11 au 18 novembre

 

 

De retour sur les bords de Loire avec un temps instable, une petite pluie qui crachine mais surtout en ce jeudi 16 novembre, 6ème jour du festival, un vent violent avec des bourrasques qui n’ébranlent ni la solidité du barnum du festival D’jazz Nevers planté solidement devant le théâtre et le Palais Ducal ni la bonne humeur du public fidèle et passionné .

Pour cette 37 ème édition, le programme est majestueux, 37 concerts en 8 jours -pas moins de quatre concerts par jour dont deux en soirée à la Maison de la Culture. La durée d’une heure environ est suffisante pour rendre compte du style de chaque concert, de l’éclectisme musical de toutes ces esthétiques des jazzs et musiques actuelles. C'est le choix du président du Festival Roger Fontanel qui tient à prouver que le jazz vif qu’on entend ici est tout sauf une musique élitiste, de la tradition quelque peu bousculée à l’improvisation la plus débridée, sans oublier les incursions en musique contemporaine aux sons plus ou moins "machiniques".

 

Jeudi 16 Novembre

Petite salle de la Maison, 12h 30

(Sur les bords de Loire).

DANDY, DANDIE

 

Un nom curieux que n’explicite pas immédiatement le sous-titre Hypnos et Morphée pour le quartet du saxophoniste Alban Darche qui pratique un jazz de chambre élégant, pas "blasé" pour un sou, même s'il se réfère au dandy incarné, Baudelaire dont Alban Darche a mis en musique “Brumes et Pluie”. Le quartet se réclame d’une certaine parité avec un duo de soufflants à la trompette (Olivier Laisné qui remplace ici Geoffroy Tamisier) et au saxophone (Alban Darche) et une pianiste (Nathalie Darche) qu’accompagne une chanteuse Chloe Cailleton. Des poésies symbolistes, d'autres comme cet "Opium" inspiré de Poe ou encore ce “Snake” de l’Américain Theodore Roethke transposent en jazz ces clairs-obscurs, couleurs en demi-teintes, assonances et autres rythmes impairs. Un titre curieux " Encyclies" nous a fait réfléchir... Voulez vous une devinette? Le titre a un rapport avec un tube de Michel Legrand.... où il est question d'eau...

C'est en effet l'heure exquise, apéritive, de nous laisser griser par ces mélodies langoureuses, légèrement inquiétantes: il n’est pas question de se laisser distraire ni de s'abandonner au sommeil, seulement à des visions oniriques où il serait question de figures du tarot de Marseille ou du "Printemps" de Verlaine. La petite salle est un écrin parfait pour cette musique de l'instant grave et doucement élégiaque quand on voit échapper ce qu'on ne reverra plus. Les poèmes choisis ne seraient que prétextes à une recréation jazz de ces belles mélodies du début du XXème. On pense à "l’Invitation au Voyage" de Duparc  me souffle fort à propos l’ami Prévost. Une musique qui glisse délicatement, soyeusement autour de la voix fraîche, bien timbrée de la jeune chanteuse.

 

NOCE

Théâtre municipal, 18h.30

 

C'est la première création du festival en collaboration avec le festival de Grenoble et Césarée de Reims.

Un dispositif esthétique et audacieux dans le délicieux petit théâtre à l’italienne. Deux “tables” dont celle surélevée des deux clusters de batterie (on ne peut plus vraiment parler de “set” à ce niveau) dominant deux pianos à queue qui se font face, soit cinq cents cordes frappées par 176 marteaux ( selon le dossier de presse ). Amusante précision qui n’est pas inutile car tout dans ce projet est cadré soigneusement semble-t-il et tient de la performance, voire du happening devant un public recueilli qui écoute religieusement, dodelinant de la tête, entrant très vite dans la transe que déclenche et entretient cette musique bruitiste, ni tout à fait"machinique"  puisqu'elle utilise surtout des objets et ustensiles divers, voire des outils, ni vraiment répétitive mais qui en variant les effets, en réglant volume et intensité de tous ces bruits chics émis, entretient un relatif mystère et des interrogations sur ce qui va advenir. C’est admirablement conçu, joué avec intelligence de toutes les façons possibles dans cette partie carrée, en symétrie, en opposition, en parallèle, en continuation… Les quatre musiciens concentrés et visiblement heureux ( du moins en ce qui concerne  Roberto Negro qui est dans mon champ de vision plus que son complice pianiste Denis Chouillet) connaissent et maîtrisent le programme sur le bout des doigts. L’ennui avec ce type de musique est qu’elle pourrait durer des heures, une nuit même, dans la douce et enveloppante ténèbre qui envahit le parterre. Un éclairage subtil délicat et bleuté, le son impeccable enregistré par l’orfèvre Boris Darley très à son affaire (que je retrouve ici après un long séjour en Provence ).

Un quadrilatère impeccable pour cette noce singulière (et au singulier) qui doit éviter tout excès de table qui guette pareille fête. Avec leur “cluster table” le duo de Sylvain Lemêtre et Benjamin Flament déploie un ensemble de percussions impressionnant (série de bols tibétains, gongs de toute taille, cymbales qui sembleraient presque banales, tambours et autres fûts) faisant la joie des photographes qui ne vont cesser d’évoluer au sein du théâtre, de grimper dans les loges jusqu’au paradis pour mitrailler, zoomer cet impressionnant attirail.

Je les envie d’ailleurs car même si je suis très bien placée, je me retrouve encastrée au milieu d’une rangée, et ce n’est pas la moindre des raisons qui me fait trouver le temps long... à 19h02 très exactement. Soyons précise et rendons hommage à la minutie du projet. Moi qui étais entrée très facilement dans cette transe, saisie par le vertige d’une cohérence que je pensais avoir comprise, je perds soudain les pédales ( façon de parler) et me met à penser à certaine pièce de John Cage inspirée des "Vexations" de Satie qui fait environ 7 heures en répétant la même phrase musicale 840 fois…Une performance musicale qui s’apparente aux longues nuits théâtrales du festival d’Avignon. Et dès lors il m’est impossible d' entrer en méditation.

 

La Maison de la Culture, Grande Salle, 20h 30

Full Solo Paul Lay

 

Juste à temps. Le pianiste, parti de Nantes le matin, arrive quelques minutes seulement avant d’entrer en scène, le train ne s’étant pas arrêté à Nevers mais à Bourges! Une voiture du festival  est dépêchée dans l’après midi pour “l’exfiltrer”. Ah la SNCF!

Encore toute au souvenir de son concert d’août dernier à Cluny sur Deep Rivers, j’attendais avec quelque inquiétude sa version solo de tubes de Beethoven. Mais qu’allait-il donc faire dans cette galère? Voulait-il s’attirer les foudres des classiques aussi puristes parfois que certains jazzeux? Bach remporte le pompon des reprises jazz depuis Jacques Loussier, on le sait. Paul Lay non seulement a évité l’ écueil mais il s’en tire à son avantage, faisant swinguer Ludwig van B. A moins que le compositeur n'ait jazzé avant l'heure sans le savoir. 

Et puis rejouer même en rappel “La lettre à Elise” massacrée par des générations de jeunes apprenants  ne fait pas peur au "Marvel du piano" selon la très juste formule du producteur du label Gazebo? Laurent de Wilde qui s’y connaît en claviers. S’attaquer à l’Annapurna du romantisme “L’hymne (européen) à la joie" de la 9ème Symphonie ou à la "Sonate au Clair de Lune" (dont les premières notes me font irrésistiblement penser à l’humoriste Bernard Haller dans son sketch le Concertiste) constituent sans doute un nouveau challenge. Ce n’est peut être pas fortuit car Paul Lay seul à son piano dans le halo lumineux de la grande salle est un concertiste ...de jazz. Cette musique peut être considérée comme un standard. Et en matière de standard, Paul Lay est insurpassable. Il sait faire! Sa technique et son imagination harmonique lui permettent de faire jaillir dans l’instant de nouvelles idées.

Un solo avec lui c’est un récital qui ne tombe pas dans l' exercice de style, plutôt dans la démonstration évidente qu’il sait phraser jazz, que la musique et la danse le traversent, qu’il sait tourner et retourner chaque pièce dans tous les sens avec un plaisir non feint, qu'il aime rompre la mélodie, se lancer dans des éclats vifs d’impro, lui qui a dans les doigts tous les trucs des grands ayant bossé sérieusement toute l’histoire du jazz. Paul Lay connaît ses classiques, attiré aussi bien par Jelly Roll et Earl Hines que Mc Coy Tyner.

Tout ce qu'il joue est recomposé à un point difficilement concevable. Le processus de démolition ou de déconstruction, les grands pianistes savent faire, à commencer par Martial Solal qui a adoubé le jeune Paul Lay qui sait irriguer d’airs de blues et jazz, lieder, sonates, symphonies. Il se lance dans ses propres réflexions musicales sur la musique du maître, pas pour se comparer au compositeur mais pour  lui rendre un hommage particulier à “Heiligenstadt”, quartier viennois où vécut Beethoven, puis dans ce “Blues in Vienna”, en somme son carnet de voyage en Beethovenland.

Une performance à savourer "live" évidemment. Merci à D’jazz Nevers de savoir aussi s’ouvrir à plus “classique”, à une musique populaire et exigeante.

 

L'autre Avishai Cohen, the trumpet player!

21h 30 Grande Salle.

 


Encore un moment exceptionnel dans un programme tellement nouveau qu’il n’existe pas encore! Cette bizarrerie est due à l'autre Avishai Cohen, the trumpet Player! C’est cet autre "Avishai Cohen" qui se présente ainsi non sans humour pour que l’on ne fasse pas erreur avec son homonyme contrebassiste. 

Musicien exceptionnel, né à Tel-Aviv dans une fratrie de musiciens qui a migré à New York, voilà un exilé qui ne s’est pas coupé de ses racines mais sait  prolonger en la vivifiant la tradition. Avishai Cohen, sa soeur Anat, clarinettiste et son frère Yuval, saxophoniste ont d’abord entretenu la tradition familiale au sein du trio des 3 Cohens. Mais le trompettiste tourne à présent avec son propre quartet que l’on sent encore plus soudé en ces temps dramatiques, une autre "famille" qu’il s’est constituée avec Yonathan Avishai au piano, Barak Mori à la contrebasse et Ziv Ravitz à la batterie.

Son approche singulière de l'espace musical est difficile à décrire, un jazz post-bop inspiré de Miles Davis certes. Mais il s'en détache par un phrasé différent, d'une douceur presqu’effrayante, tenue et même retenue, avant d’être proposée en offrande, ode à la liberté qui résonne étrangement après le jeu heureux de Paul Lay dans sa recréation de l’ode à la joie.

Tout tient peut être dans la clarté épurée d'un jeu qui intègre silence et vide -ce n’est pas pour rien qu’il a été repéré et signé chez ECM, le prestigieux et classieux label de Manfred Eicher.


 

Après son dernier album Naked Truth en 2022, nous avons la primeur ce soir du treizième opus à venir qui sera enregistré la semaine prochaine à La Buissonne de Pernes-les-Fontaines par Gérard de Haro, à la fin de ce tour européen commencé en Roumanie qui va ensuite de Cannes à Paris via Nevers qu’il affectionne particulièrement, Barcelone et Madrid...  Le trompettiste se plaît en quelque sorte à créer une musique nouvelle  sans prendre beaucoup de temps de préparation. Une prise de risque atténuée par le rodage de cette mini-tournée.

Bouleversé par les récents événements, il évoquera pendant un long préambule sa décision de continuer à jouer en dépit de tout une musique, alors qu’il pensait annuler sa tournée. Nous aurions perdu une longue suite à la mystérieuse beauté qui sans nul doute découle de son ressenti actuel. Quand il téléphone à ses enfants, il dit entendre le bruit des bombes et rockets... Il a choisi aussi de nous faire écouter sa composition de l’adagio du concerto en sol de Ravel, inspiré de “la plus belle musique qui soit”. Décontracté mais sérieux, il nous révèle pour finir qu’il a enregistré une composition de sa fille à son insu (décidément la musique est affaire de transmission dans cette famille) et que si le morceau plaît au public, il sera enregistré dans le Cd à venir. Si ce n'est pas le morceau le plus brillant, restera  gravé un formidable témoignage d'amour et de tendresse.

Comment ne pas être séduit par ce quartet qui sait d’entrée de jeu éveiller notre curiosité avec un pianiste hors catégorie qui touche en blues, un batteur à la gestuelle incroyablement plastique, voire élastique. Le contrebassiste aura son "moment" plus tard dans la suite, quand il se prend à chanter à la façon d’un Paul Chambers. 

Quant au trompettiste, il garde un son droit dépourvu de vibrato, phrase avec un lyrisme  mesuré, le pavillon pointé vers le sol, malgré des effets de sourdine, de wah wah essentiellement, peut être dispensables, l'espace musical étant suffisamment ouvert à la circulation et aux échanges. 

Gageons que pour beaucoup, ce concert aura ouvert d’autres portes de la perception.


A suivre... le marathon continue jusqu'à samedi soir.

Sophie Chambon

 

Un grand merci à Maxime François, le photographe attitré du festival!

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17 novembre 2023 5 17 /11 /novembre /2023 00:13

Samuel Blaser (trombone), Russ Lossing (piano) + Billy Mintz (batterie) en trio pour le CD 2

Hampton (New jersey), 19 mars 2022

Jazzdor Series 19 (double CD) / l’autre distribution

 

Le retour du tandem qui associe le tromboniste suisse et le pianiste américain. C’est le premier CD de ce double album. Ils sont ensuite rejoints par le batteur, partenaire régulier du pianiste (c’est le second CD). L’un comme l’autre disques sont l’exacte convergence de la liberté instrumentale et musicale avec un sens, bien présent, de la forme. Il y a, dans cette musique, une très forte expressivité. Mais elle ne se manifeste pas au détriment de la forme ou des choix mélodiques, rythmiques ou dynamiques, ni du système de référence (tonal ou pas). Une musique qui se dégage de tout enfermement esthétique, et qui pourtant n’oublie pas qu’elle vient d’une foule d’univers musicaux, mêlés, juxtaposés, ou vigoureusement remis en question. Très libre, et très cohérent, au fil des plages, que ce soit en duo ou en trio : une manière exemplaire de jouer la musique d’un instant qui déjà dessine le futur. Un pur régal pour des oreilles attentives.

Xavier Prévost

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Un avant ouïr sur Youtube

Le trio est en concert le samedi 18 novembre à Paris, Maison de la Radio, à 19h, en première partie de l’Umlaut Chamber Orchestra

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11 novembre 2023 6 11 /11 /novembre /2023 17:01

Mikko Innanen (saxophones sopranino, alto & baryton, hautbois), Cédric Piromalli (orgue), Stefan Pasborg (batterie). Invitée : Lori Freedman (voix off)

Sipoo (Finlande), 26 juillet 2022

Cleanfeed Records

https://cleanfeedrecords.bandcamp.com/album/can-you-hear-it

 

Le retour d’un trio qui nous avait déjà offert un opus (chronique ici). Et c’est à nouveau un savoureux mélange de groove à l’ancienne, celui des groupes avec orgues adoubés par le grand succès, mais aussi celui, plus aventureux, de Larry Young ; et puis des audaces sans fracas, avec détour par un folk revu et corrigé façon soul music (une sorte de folklore imaginaire, en somme). Lyrique jusqu’à l’hyper expressivité, comme le faisaient naguère les trios qui associaient l’orgue, le sax et la batterie. Mais il souffle ici un vent de folie transgressive qui déborde le cadre des références passées. Beaucoup de nuances aussi, comme pour nous dire que la musique ne saurait être monochrome. Très belle interactivité des solistes dans l’improvisation : ce disque fait vivre ce qui est habituellement l’effervescence du concert. C’est riche, intense, et subtil. Hautement recommandable !

Xavier Prévost

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Un extrait de concert sur Youtube

INNANEN – PASBORG – PIROMALLI «Can You Hear It ?»

Céric Piromalli est aussi partie prenante dans le nouveau disque de l’ensemble de musique baroque ‘Consonance’, qui pour le disque «Continuo» accueille des jazzmen. À découvrir ci-dessous

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11 novembre 2023 6 11 /11 /novembre /2023 10:52

Enregistré les 21 et 22 février 2023 au Studio de Meudon.

Camille Productions / Socadisc.
Paru le 20 octobre.


     « Pas d’esbroufe ni de virtuosité inutile et personne ne tire la couverture à soi, ce n’est pas le genre de la maison ». Qu’oserait-on ajouter à l’avis de Philippe Vincent (producteur discographique de Barney Wilen, Enrico Pieranunzi..), auteur des notes de pochette accompagnant « TIME TO DREAM », duo d’André Villéger (saxophones) et Alain Jean-Marie (piano) ?

     Ces deux-là sont de la même classe, et pas seulement par l’état-civil, natifs de la même année 1945, celle de la Libération. Allégés par les ans de ces tentations d’effets, les deux musiciens se donnent, s’abandonnent au temps du rêve, pour reprendre le titre de l’album. Loin de toute précipitation, ils prennent leur temps et on ne se plaindra pas que leur producteur (Michel Stochitch) ait choisi de leur accorder 78 minutes, frôlant la limite technique du CD.


      De quoi apprécier une sélection de compositions du grand répertoire (Ellington, Strayhorn, Fischer, Young, Rodgers, Van Heusen, Rowles avec l’insubmersible ‘The Peacock’s), mais aussi une (re)découverte signée d’un pianiste réputé des années 50-60,  Raymond Fol ‘Aquarius Mood’, et de quatre titres dus à André Villéger, dont un brévissime ‘Blues du Caméléon’ d’une petite minute ... Tout simplement un (grand) moment de grâce et de rêve salutaires.

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

©photo Zoé Forget.
 

 

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10 novembre 2023 5 10 /11 /novembre /2023 16:06
ZODIAC SUITE MARY LOU WILLIAMS  UMLAUT CHAMBER ORCHESTRA

ZODIAC SUITE          MARY LOU WILLIAMS

UMLAUT CHAMBER ORCHESTRA

Direction Pierre Antoine Badaroux

 

Label Umlaut Records/ L’Autre Distribution

www.umlautrecords.com

www.umlaut-bigband.com

 

Umlaut Chamber Orchestra :

Pierre-Antoine Badaroux : direction Agathe Peyrat : chant Chloé Tallet : flûte Guillaume Retail : hautbois Geoffroy Gesser : clarinette, clarinette basse, saxophone ténor Pierre Fatus : basson Brice Pichard : trompette Harmonie Moreau : cor Michaël Ballue : trombone Stéphanie Padel, Florian Perret, Emilie Sauzeau, Raphaël Coqblin, Clémentine Bousquet, Clara Jaszczyszyn, Lucie Pierrard : violon Elsa Seger, Valentine Garilli : violon alto Myrtille Hetzel, Pablo Tognan : violoncelle Matthieu Naulleau : piano Sébastien Beliah : contrebasse Antonin Gerbal : batterie.

 

 

Sortie du CD le 10 novembre

Concert le 18 novembre au Studio 104 de la Maison de la Radio.

 

 

Rembobinage :

La pianiste Mary Lou Williams est l’une de ces instrumentistes pionnières qui contribua au développement du jazz et ouvrit la voie aux musiciennes d’aujourd’hui. Dans cette longue marche, les tentatives de réévaluation de ces jazz women ne sont pas si nombreuses.

L’Umlaut Big Band avec Mary’s Ideas (2021) dressait le portrait de cette femme exceptionnelle qui a traversé l’histoire du jazz, évoluant avec cette musique sur près de cinq décennies, reprenant ses compositions, les réécrivant dans un ressassement étonnant, “a work in eternal process and progress”. Si son oeuvre enregistrée est plus que fragmentée, elle a obstinément gardé toutes les traces possibles de son travail, document rare sur l’histoire du jazz dont elle s'estimait partie prenante. Ses archives personnelles léguées à l’Institute of Jazz Studies de Newark (New Jersey) furent la source du travail époustouflant de collecte et de reconstitution de deux saxophonistes Benjamin Dousteyssier et Pierre Antoine Badaroux, également directeur artistique de l’Umlaut Big Band créé en 2011.

 

 

Pierre Antoine Badaroux s’attaque aujourd'hui à un autre morceau de bravoure, la Zodiac Suite, réunissant 22 musiciens dont 7 violons, 2 altos, 2 violoncelles et une chanteuse sur le dernier mouvement “Pisces”. Certains faisaient déjà partie du CD précédent comme Geoffroy Gesser (clarinettes et sax ténor) ainsi que la section rythmique Matthieu Naulleau (piano), Sébastien Beliah ( contrebasse) et Antonin Gerbal (drums).

La Zodiac Suite pour orchestre de chambre développe douze portraits selon leur signe zodiacal d’artistes du Cafe Society à Greenwich Village créé par Barney Josephson où Mary Lou Williams travailla quotidiennement après avoir quitté l'orchestre très formateur d’Andy Kirk en 1942. C’est encore Barney Josephson qui loua la salle du Town Hall le 30 décembre 1945 et finança l’orchestre de 18 musiciens dont la plupart venaient du classique, section rythmique exceptée.

Faute de répétitions suffisantes, le concert ne fut cepedant pas un succès mais la Zodiac Suite est devenue légendaire, saluée comme un exemple précoce du mouvement Third-Stream, reprise plusieurs fois de Geri Allen à Dave Douglas...

Mary Lou Williams soulignait en 1975 l’importance de cette musique dans son oeuvre: “En tant que compositrice et musicienne, j’ai travaillé toute ma vie pour développer une musique à la fois inventive et originale. C’est avec la Zodiac Suite que j’ai pu commencer à mener vraiment à bien cette ambition.”

 

Ce sont des pièces particulièrement intéressantes, de forme libre dans lesquelles le rôle de Mary Lou est central, le piano faisant toutes les transitions. Mais jusqu’ à aujourd’hui, il était imposssible d’entendre la Suite dans sa version initiale. Merci donc à l'Umlaut Chamber Orchestra et à son chef, fin limier, musicologue et arrangeur qui a recomposé ce puzzle compliqué après écoute de tous les enregistrements possibles, déchiffrage des divers manuscrits, souvent aide-mémoires où chaque nouvelle interprétation donnait lieu à d’autres formes souvent improvisées au piano comme l' impromptu  “Capricorn” ou  comme  la dernière pièce composée en direct à la radio “Pisces”, sans structure définie, en l’honneur de Josephson.

Les choix de Pierre Antoine Badaroux (tempi, instrumentation, orchestration) soulignent l’hétérogénéité, le caractère protéiforme unique et terriblement audacieux, l'originalité d’une artiste afro-américaine autodidacte. Tous les mouvements de la suite n’ont en effet aucun lien formel entre eux, et pourtant à écouter ces douze petites pièces qui ne doivent pas atteindre 40mn*, on a une impression de fluidité et de cohérence, emporté par un souffle et un rythme continus. Mary Lou fut sans doute influencée par la Suite Black Brown and Beige de Duke Ellington jouée à Carnegie Hall en 1943 d’autant que cette artiste singulière “post moderne” en un sens avait été repérée par le Duke qui lui commandait des pièces qu’il paya rarement et enregistra tout aussi peu, alors qu’il la considérait comme “en avance sur son époque”. “Taurus” sous-titrée “A study in the Blues” est le signe à la fois de Mary Lou et du Duke. Pour traduire ce caractère obstiné, la musique commence et finit par le même thème.

On ne peut s’empêcher de penser aux comédies musicales avec “Virgo”aux fluidités harmoniques et rythmiques, une pièce qui danse et swingue littéralement aux accents de la clarinette et de la trompette en hommage à Leonard Feather grand critique et producteur de jazz…

On peut vraiment parler de jazz de chambre et de la légèreté des vents dans “Aquarius” en hommage à Franklin D. Roosevelt, série de variations sans section rythmique.

Avec l’Umlaut Chamber, cette musique du passé ne contredit pas une musique de création sophistiquée, évolutive et actualisée. L’orchestre rend merveilleusement les audaces sonores. Ces musiciens formidables font ainsi réparation à Mary Lou qui, au paradis des musiciens, dans la section jazz, doit écouter rassérénée ce bel orchestre français.

 

“Sagittarius” fait par exemple 01 :33 , “Aries” le portrait de Billie Holiday et Ben Webster 02:26, “Leo” inspiré par le tromboniste Vic Dickenson composé de nombreuses ruptures et divers styles tient en seulement 02:35, “Virgo” est l'une des plus longues pièces avec “Cancer” un peu plus de 4mn...

 

 

Sophie Chambon

 

TRACKLIST

1. Introduction (00:28)

2. I. Aries. (02:26)

3. II. Taurus (02:48)

4. III.Gemini (03:29)

5. IV. Cancer (04:37)

6. V. Leo (02:35)

7. VI. Virgo. (04:31)

8. VII. Libra (03:20)

9. VIII. Scorpio (03:37)

10. IX. Sagittarius (01:33)

11. X. Capricorn (03:18)

12. XI. Aquarius (03:25)

13. XII. Pisces (03:01)

 

 

 

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10 novembre 2023 5 10 /11 /novembre /2023 16:06
FABIEN MARY  Never Let Me Go

FABIEN MARY  Never Let Me Go

For Musicians Only Label Caramba records

Distribution / Universal

 

Fabien Mary – trompettiste / compositeur / arrangeur

Point de “révélation” avec le nouvelles sorties qui concernent le trompettiste Fabien Mary en ce début d’année, plutôt des retrouvaillesce musicien chevronné et inspiré qui trace son sillon, continuant obstinément sa route…

Une formation en quartet qui fait resurgir ce que on attend toujours mais n’entend plus guère. Sous les auspices du véritable For musicians only enregistré en 1956 par la dream team de Dizzy Gillespie, Sonny Stitt et Stan Getz, entourés d’une rythmique aux petits oignons: John Lewis, Herb Ellis, Ray Brown et Stan Levey.

Dans la présente production discographique- pléthorique-, pourquoi ne pas s’accorder un retour de temps à autre vers des choses connues et aimées ? D’ailleurs, si la recherche d’une musique enfuie anime certains d’entre nous, il ne semble pas que ce soit la nostalgie qui motive le trompettiste Fabien Mary. C’est simplement le goût d’une musique et d’une esthétique jugées à l’écart des modes et donc peu «actuelles». Le trompettiste écrit en référence à un jazz qui le conduit sur le versant bop et hard bop, ainsi que West Coast.

Une technique brillante qui donne à ses partitions- il est arrangeur , compositeur, leader et sideman, fraîcheur et élégance. Sans jamais verser dans la brillance des suraigus et la seule virtuosité, sur certains thèmes, il entre sans éclat, avec une sonorité légèrement voilée sur ces standards l’émouvant “Never let me go” de Nat King Cole. Ou “I’ve never been in love before” que maîtrisait Chet Baker. Un son plein, une articulation ciselée, un phrasé mélodique rapide et sûr, une tenue énergique. On ne sera donc pas surpris qu’il ait choisi de reprendre ensuite non des tubes mais des thèmes racés de connaisseurs, “Ceora de Lee Morgan, “I'm Glad There Is You de Jimmy Dorsey ou le poignant “Invitation de B. Kaper qu’il revitalise avec son pianiste inconnu jusque là mais à suivre soigneusement sur un tempo beaucoup plus vif. Pas sûr que l’on puisse encore les appeler standards ces reprises singulières... C’est un répertoire joué pour le plaisir et cela s’entend, sobrement et c’est ainsi d’ailleurs que naquit sur le label Caramba la collection For Musicians Only, un soir de la fin 2023 dans un club parisien pour enregistrer ce concert et le diffuser à un public plus large. “Avec Gael Rakotondrabe à la batterie, Laurent Vernerey a la contrebasse, Stéphane Chandelier à la batterie, trois des musiciens français qui font de l'accompagnement un art majeur”. Pour mieux entendre Fabien.” dit le dossier de presse. Pas faux! Aucun étalage mais une fluidité et une musicalité parfaitement maîtrisées. Ils jouent tous avec une belle conviction et nous rendent ce Never let me go formidablement accessible. Un quartet vibrant et sophistiqué.

Sophie Chambon

 

 

 

 

 

 

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8 novembre 2023 3 08 /11 /novembre /2023 16:02

 

Mark Turner (saxophone ténor), Jason Palmer (trompette), Joe Martin (contrebasse), Jonathan Pinson (batterie)

New York, juin 2022

Giant Step Arts GSA 010

https://markturnerjazz.bandcamp.com/album/live-at-the-village-vanguard

 

Quelques semaines après la publication par ECM au printemps 2022 d’un enregistrement de studio réalisé en 2019 («Return from the Stars», chronique ici), Mark Turner était avec la même équipe pour un série de plusieurs soirées au Village Vanguard de New York. Huit thèmes du disque récemment paru y furent joués, avec aussi de plus anciennes compositions, et une toute nouvelle. Des versions plus longues, plus détendues dans les exposés parfois complexes, et encore plus libres dans les improvisations. L’amateur que je suis est une fois encore impressionné par le niveau musical du répertoire et de sa mise en œuvre, et par la liberté qui s’affirme dans le développement d’une musique aussi fluide qu’ambitieuse. Pur régal donc pour moi, et pour vous je l’espère si vous choisissez de tendre l’oreille à l’Art de ce saxophoniste et de son groupe. La dernière plage, Lennie Groove, reprise d’un thème que le saxophoniste avait composé, et enregistré, voici plus de 25 ans, dit assez le chemin parcouru par celui qui, de très brillant espoir, est devenu un Grand Maître.

Xavier Prévost

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Mark Turner joue également sur le récent disque de la pianiste Miki Yamanaka

 

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8 novembre 2023 3 08 /11 /novembre /2023 10:28


     BOULOU et ELIOS FERRE, frères et guitaristes ont choisi de rendre hommage à leur père MATELO (1918-1989) et leurs oncles BARO (1908-1976) et SARANE (1912-1970), une fratrie innovatrice dans l’histoire de la musique manouche.
     Interprètes et compositeurs, virtuoses et inspirés, Boulou (né en 1951) et Elios son cadet de cinq ans, ont retrouvé des inédits qu’ils proposent avec un esprit d’aujourd’hui. « On ne va pas jouer comme dans les années 50 ! » assurent-ils à l’unisson eux qui élevés dans la tradition et …la musique classique ont joué dans leur carrière swing, hard bop, free, fusion ….

 

     A l’occasion de la parution de leur nouvel album « FATHERS & SONS »*, les deux frères soulignent l’originalité de leurs trois aînés, témoignage d’une certaine atmosphère parisienne.

 

 

Les DNJ : Quel était votre état d’esprit en vous lançant dans cet hommage à votre famille ?

 

Elios Ferré : Nous voulions saluer la mémoire des trois frères Ferré, Matelo, notre père, et nos oncles, Baro et Sarane. Les Ferré étaient proches de Django mais ils avaient une certaine articulation dans leur jeu, un son différent.


Boulou Ferré : Ils avaient une autre manière de parler à la guitare. Il y avait deux grandes familles de gypsies, les Reinhardt et les Ferré. Avec ce disque, nous voulons rendre hommage à ces trois frères, des hommes de l’ombre, pourrait-on dire, si l’on établit une comparaison avec les Reinhardt. C’est pour nous, un devoir de mémoire, un mémoire de devoir, une forme de réhabilitation.

 

Les DNJ : Quel héritage retenez-vous des trois frères Ferré ?

 

Elios : Baro quand il jouait ses « valses swing » était be-bop avant l’heure, comme l’a dit le guitariste Philip Catherine. Sarane était un innovateur quand il fonde à la fin des années 30 le Quintette de Paris qui avait un son très différent de celui du Hot Club de France de Django et Stéphane Grappelli. Quant à Matelo, notre père, il est l’un des créateurs de la valse manouche et joua dès ses débuts aux côtés d’Edith Piaf, Jean et Germaine Sablon, les vedettes de l’époque.


Boulou : Mon père était un enseignant à l’oral, il savait déléguer son savoir. Il nous disait : il faut d’abord respecter le thème, les structures. Avec lui, c’était guidé… mais pas guindé.   

 

 

Les DNJ : Comment s’est opéré le choix des titres ?

 

Elios : Notre père enregistrait sur des cassettes que nous avons retrouvées. Nous présentons ainsi des inédits comme Rue du Poteau (ndlr : son domicile parisien dans le 18 ème arrondissement), Paris Swing Valse, Place Pigalle - écrit avec Sarane - et reprenons une autre de ses œuvres, Djungalo.  Baro est aussi présent par quatre autres compositions (La Folle, Survol de nuit, Swing Valse, Minch Valse).  Et nous avons ajouté des titres personnels, Laurent pour Boulou (salut à Laurent Goddet, ancien rédacteur en chef de Jazz Hot) et pour moi Rue des trois frères, clin d’œil à nos aînés et Rue d’Odessa.

 

 Les DNJ : Le jazz manouche a retrouvé une grande popularité. Vous avez une explication ?

 

Elios : C’est une musique d’émotion, intemporelle.


Boulou : Nous les gypsies -c’est le terme que j’emploie- nous sommes des fils du vent, des voyageurs. Et personnellement je retiens le conseil que m’avait donné dans les années 60 le saxophoniste Dexter Gordon, j’avais alors 17 ans, « Il ne suffit pas d’être un homme dans la musique, il faut l’être dans la vie ».

 

Propos recueillis par Jean-Louis Lemarchand.

 


*BOULOU & ELIOS FERRE, « FATHERS & SONS », avec Boulou et Elios Ferré (guitares), Ludovic Beier (accordéon) et Stéphane Belmondo (bugle).
À signaler, un livret proposant quelques photos familiales remontant à 1913.
Continuo Jazz/ UVM Distribution.
À paraitre le 17 novembre.
Concert prévu le 12 décembre à la Péniche "Le SON de la TERRE"(75005).

 

©Couverture Album avec l’aimable autorisation de Monique Ferré & The Ferré Family, DR : Baro Ferré (gauche), Chocola Ferré (droite) et un cousin (centre), Ca. 1913.


©photo Jean-Baptiste Millot & X. (D.R.)

 

 

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5 novembre 2023 7 05 /11 /novembre /2023 16:05

Edouard Ferlet ( p, et autres)


2eme volet de Pianoid d''Edouard Ferlet.

Edouard Ferlet avec sa drôle de machine,   
piano solo à quatre mains organisé autour d’un dispositif construit avec un piano Silent, un contrôleur midi, le logiciel Ableton et un Dysklavier, nous embarque en rêve dans cette sorte de pays fantasmé qui éveille les sentiments les plus paradoxaux, dans un univers entre le réel et l'imaginaire des rêves.
Comme dans le volume 1 c'est fort. Puissant. Entêtant parfois comme une obsession tenace à base d'ostinatos comme des invitations à la transe.
Entre la douceur acoustique et l'étrangeté de sons électriques venus d'ailleurs, Edouard Ferlet nous amène en territoire inconnu.
Ferlet le dit lui-même : "Avec Pianoïd, j’utilise la phrase robotique pour faire éclore le poétique, et aller vers l’inimaginable et l'injouable. J’utilise aussi l’instabilité du robot causée par le poids de la mécanique, sa latence, ses changements de dynamiques et de vitesses, toutes les réactions inattendues du piano Disklavier. La machine prend vie et me surprend. La musique devient alors un dialogue organique"

C'est alors un peu comme marcher à l'aveugle dans un endroit très sombre et mystérieux. Edouard Ferlet nous prend la main dans ce territoire fait d'angoisses enfouies et de moments de clarté un peu mélancoliques.
Comme une oeuvre d'art, comme une installation qui fait naître en nous des émotions primaires, primitives et parfois paradoxale.
Où quelque part, imprégnant l'album de bout en bout c'est la beauté qui s'invite avec sa poésie, ses errances et ses fulgurances.
Jean-Marc Gelin

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