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4 novembre 2023 6 04 /11 /novembre /2023 16:30

Henri Texier (contrebasse, compositions), Himiko Paganotti (voix), Carlo Nardozza (trompette & bugle), Sébastien Texier (saxophone alto, clarinette, clarinette alto), Sylvain Rifflet (saxophone ténor, clarinette), Manu Codjia (guitare), Gautier Garrigue (batterie)

Amiens, juin 2023

Label Bleu 1690818 / l’autre distribution

 

Retour du contrebassiste vers un sujet qui lui tient à cœur : les Indiens d’Amérique du Nord. Il y eut naguère «An Indian’s Week» (1993) & «Sky Dancers» (2016). C’est comme un nouvel écho d’un attachement, à une certaine idée de la liberté, de la résistance, et aussi le goût d’une pulsation qui surgit d’un tambour dès l’ouverture du premier titre. La musique est à l’image de ce que le contrebassiste aime, et fait vivre, depuis des lustres : des mélodies que l’on aimerait chanter, et qui sont de magnifiques tremplins à l’improvisation. Nouveau groupe, avec quelques nouveaux partenaires : la chanteuse Himiko Paganotti, voix instrumentiste dans la plupart des plages, mais aussi voix de texte sur la reprise du fameux Black and Blue de Fats Waller ; le trompettiste belge Carlo Nardozza, rencontré dans un festival des Flandres voici une quinzaine d’années ; et le saxophoniste-clarinettiste Sylvain Rifflet, adoubé comme un talent très singulier. Une seule reprise, mais des hommages aux grandes figures du jazz états-unien : Charles Mingus, et aussi le couple Carla Bley – Steve Swallow, des amis de longue date pour Henri Texier. Une fois encore, le contrebassiste signe un grand disque, où le fondamentaux de l’idiome se mêlent au désir, toujours ardent, de regarder vers le futur.

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Youtube

Lien pour écouter sur France Musique le concert du groupe, en septembre dernier, au festival de La Villette

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1 novembre 2023 3 01 /11 /novembre /2023 16:34

TONY HYMAS – CATHERINE DELAUNAY «No Borders»

Catherine Delaunay (clarinette, cor de basset), Tony Hymas (piano)

La Fraternelle, Saint-Claude (Jura), printemps 2023

nato 6109 / l’autre distribution

 

Une rencontre au sommet : l’esprit franc-tireur règne ici en maître, non qu’il s’agisse d’agir en solitaire, mais bien parce qu’il est question d’autonomie, de liberté, d’engagement. Quand on écoute de longtemps ces deux artistes, on sait évidemment que leur liberté est sans limites et leur talent sans égal. Talent sans frontière(s) bien entendu, il (elle) l’ont montré sans relâche depuis des années. Je garde le souvenir d’une émission sur France Musique que j’avais conclue par un extrait de la Symphony de Tony Hymas, dirigée par le compositeur à la tête du London Symphony Orchestra (KPM 280, 1995). Un chef d’orchestre de musique baroque, qui me succédait à l’antenne, fut séduit au point que je lui prêtai le CD, qu’il me rendit, parce que j’insistais, quelques semaines plus tard. Quant à Catherine Delaunay, je l’écoute depuis des années dans les contextes les plus divers et les plus aventureux, où elle fait toujours merveille de pertinence, de musicalité, d’inventivité. Je garde un souvenir très vif de sa présence, en qualité d’invitée, dans le groupe du batteur Matt Wilson en 2017 au festival Sons d’hiver : elle me bouleversa dans le répertoire de Sidney Bechet…. Leur duo s’était formé à plusieurs reprises depuis 2016, et l’an dernier encore, avant l’enregistrement de ce disque, au festival de Trois-Palis. Le CD qui paraît ces temps-ci procède de leurs talents respectifs, et réciproques, de ‘saute frontières’. Inclassable, assurément, conformément à l’ADN du label, qui revendique de fuir «...le triste débat sur l’identité musicale». C’est vif, profond, surprenant, engagé : infiniment libre ; chapeau les artistes !

TONY HYMAS «Flying Fortress & Back On The Fortress»

Tony Hymas (claviers, voix, programmation) et détail des autres artistes en suivant ce lien

http://www.natomusic.fr/catalogue/musique-jazz/cd/nato-disque.php?id=320

Londres 1987-1988, et un peu partout dans le monde ces dernières années

nato 1435 & 4660 (double CD) / l’autre distribution

 

On ne reviendra pas sur «Flying Fortress», dûment apprécié et louangé lors de sa parution voici 35 ans. Le sujet du jour, c’est cet objet très singulier, «Back In The Fortress» né de l’isolement provoqué par la pandémie, et qui fit sourdre chez Tony Hymas le désir de concevoir un écho au disque des années 80. Il médita, concocta, composa une série de thèmes offerts ensuite à ses partenaires anciens ou plus récents. Il enregistra sa partie et chacun (ou chacune), dans un autre lieu, un autre studio, déposa son offrande au projet individuel qui de ce fait devint éminemment collectif. C’est comme un voyage trans-esthétique, une aventure partagée où l’audace, la passion, mais aussi le recueillement, dessinent des paysages inexplorés. Inclassable encore, et c’est ce qui décuple la valeur de cet objet artistique qui, comme le duo évoqué ci-dessus, ne connaît nulles frontières !

Xavier Prévost

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1 novembre 2023 3 01 /11 /novembre /2023 08:05

Black Lives - from Generation to Generation
Marion Paoli / 31 octobre 2023
 

Courant fort et conscience

 

Black Lives - from Generation to Generation

Marion Paoli / 31 octobre 2023

 

« Band of the Year International » du Deutscher-jazzpreis 2023 (Prix allemand du jazz) pour son engagement contre le racisme, Black Lives - from Generation to Generation rappelle comment le jazz et la musique improvisée donnent vie à la liberté, aux idées de tolérance, de solidarité, d’égalité, de fraternité. Un souffle indispensable.

 

3 concerts en France ont lieu au mois de novembre : au Théâtre de Fontblanche à Vitrolles le vendredi 17, Au Jam Montpellier le samedi 18 et au Café de la Danse à Paris le dimanche 19.

 

Prenez vos places pour ce projet ambitieux créé en 2021 par Stefany Calembert et le bassiste Reggie Washington, qui rassemble une diaspora mêlant les voix de l’Afrique à celles de l’Amérique en passant par les Caraïbes et l’Europe. Une profusion stylistique effervescente qui compte vingt-cinq compositeurs, des douzaines de musiciens sur l’album et des line-up uniques, qui enflamment successivement les scènes. Parmi eux, outre la maîtrise du groove de Reggie Washington à la basse, de Jean-Paul Bourelly à la guitare et au chant, de Sonny Troupé au tambour, le Café de la Danse comptera deux saxophonistes hors pair, Jacques Schwarz-Bart et Pierrick Pédron, deux pianistes de folie, Grégory Privat et Federico Gonzalez Peña. Au total, trois guitares avec Adam Falcon & David Gilmore, trois batteries, avec Gene Lake et

Marque Gilmore… Au phrasé de Sharrif Simmons, premier poète de sa génération à être honoré en tant que membre du groupe de poésie THE LAST POETS, parrains du hip-hop et du Spoken Word aux USA, répondront les voix de l’américaine Christie Dashiell et de la Sud-Africaine Tutu Puoane, établie en Belgique depuis près de vingt ans. Sans oublier qu’aux platines sévira une autre figure tutélaire du rap belge, DJ Grazzhoppa lui-même, producteur spécialisé dans les collaborations transatlantiques et reconnu par ses pairs sans frontières.

 

Il est des propositions musicales décisives tout autant que subtiles, qui rallient les communautés d’artistes comme des spectateurs pour rappeler le meilleur de l’être humain.

 

À Paris toujours, le guitariste Hervé Samb ouvrira la première partie avec son nouveau projet All Star, auquel se joindront Olivier Temime, saxophone, Reggie Washington, basse, et Sonny Troupé, drums & ka.

 

https://linktr.ee/blacklivesfromgeneration

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30 octobre 2023 1 30 /10 /octobre /2023 10:55

JOEY ALEXANDER : «  Continuance »
Mack Avenue 2023
Joey Alexander (p, fder, mellotron), Kris Funn (cb), John Davis (dms) + Théo Crocker (tp on 4 tracks)

Contrairement à ce que semble indiquer le titre du nouvel album du pianiste de Bali, ce nouvel opus est pour nous bien plus qu’une simple continuité de ce que l’on savait de lui : à savoir qu’à 20 ans il est l’un des pianistes majeurs de sa génération qui se situe au gotha des 5 ou 6 plus grands pianistes qui font le jazz d’aujourd’hui.


Car ici, Joey Alexander franchit un nouveau cap. On connaissait son talent incommensurable de pianiste et d’improvisateur qui, hors de tout effet de manche, respire le jazz et ses fondamentaux. Mais il va plus loin ici en s’attaquant à la compositions dans un album où chacune de ses pièces pourrait s’inscrire au futur répertoire du real book. Car Joey Alexander avec une sensibilité infinie et un supplément d’âme maîtrise absolument TOUT. Ceux qui ne le connaissent pas pourraient jurer en l’entendant qu’il s’agit d’un grand maître qui n’aurait plus rien à prouver. Et pourtant ce que l’on entend ce sont les doigts d’un tout jeune pianiste qui, déjà écume les plus grandes scènes internationales.


Ses compositions disions-nous ! Elles sont justes sublimes. Qu’il s’agisse d’un blues emprunt de tradition,d’un gospel à vous tirer des larmes ou d’une approche plus moderne d’un jazz plus électrique, Joey Alexander ne cesse de nous bluffer.
On l’a dit, chez ce pianiste aucun effet de manche mais comme une seconde respiration de lui même tout à son ouvrage ou à celui des autres où son accompagnement du trompettiste Theo Crocker (invité sur quatre titres) y est aussi purement et simplement lumineux.
Un autre pianiste que lui avait percé au berceau et Keith Jarrett a suivi la trajectoire fabuleuse qu’on lui connait. Joey Alexander en est au tout début de se situer sur la même voie.
On s’excuserait presque d’être aussi dithyrambique au sujet de Joey Alexander mais on s’en remet à la justesse de vos oreilles. Courez vous procurez cet album et savourez. Il y a peu de chances que vous soyez déçus.

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27 octobre 2023 5 27 /10 /octobre /2023 18:36

La cérémonie funéraire de Philippe Carles s’est déroulée le 25 octobre au funérarium du cimetière parisien du Père Lachaise en présence de nombreux ami(e) du monde du jazz. Jeanne Lee, Ella Fitzgerald, Miles Davis, John Coltrane et naturellement son artiste préféré Jimmy Giuffre constituaient la « bande-son » de cet hommage. Parmi les témoignages, celui de François-René Simon, contributeur de longue date de Jazz Magazine et grand connaisseur de John Coltrane. Voici les principaux extraits de son adresse à Michèle Carles-Scotto, la veuve de l’ancien rédacteur en chef du magazine.

 

«Chère, très chère Michèle, tu m’as proposé de dire quelques mots. J’avais tellement peur qu’au lieu de soulager ta douleur – comme si c’était possible ! – ils ne l’accentuent, que j’ai préféré les écrire. A d’autres l’improvisation , pourtant si chère à Philippe ! Résumer sa carrière ? Tu la connais mieux que quiconque. Je citerai quand même son défi, cet impossible Dictionnaire du jazz qu’il faudrait mettre à jour tous les jours et auquel il m’a demandé, avec beaucoup d’autres, de contribuer. Je mentionne tout de même une spécificité à laquelle Philippe tenait par-dessus tout : décrire au plus juste le style de chacun des musiciens qui avait droit à son “entrée” comme on dit. Eh bien c’est le style de Philippe que je voudrais sommairement évoquer ici, sa façon d’être ou plutôt de ne pas être chef, même s’il fut mon inoubliable rédacteur en chef de Jazz Magazine. Chef, il l’était si peu, qu’il n’osait pas dire, par exemple, à son metteur en page qu’il voyait les choses autrement, quitte à s’en vouloir de ne l’avoir pas dit une fois le numéro paru. Philippe avait commencé par des études de médecine, et il lui en est resté non seulement un goût pour l’auscultation profonde, mais aussi une grande connaissance des maux que peut subir notre corps et des moyens de les atténuer. (…) De ce penchant pour la médecine, il lui est resté ce visage de docteur, presque sévère, gardant son émotion pour l’intérieur, ou pour toi Michèle, ou pour une rencontre forcément joyeuse avec un musicien, Jimmy Giuffre par exemple, comme le montre la belle photo (de Christian Rose) que publiera Frédéric Goaty dans le prochain n° de Jazz Magazine… Pourtant je l’entends encore donner un coup de fil de colère et de rupture dont son interlocuteur, Gérard Bourgadier (ndlr : éditeur décédé en 2017), n’a pas du se remettre. Philippe, c’est bien sûr le co-auteur avec son alter-ego Jean-Louis Comolli de Free Jazz Black Power, défenseur d’un jazz si longtemps moqué, mais dont il défendit avec vigueur et rigueur, je le cite, les « beautés sans nom du hasard ». Philippe, c’est aussi l’homme de radio, producteur de 1971 à 2008 à France Musique, qui se débarrassa de lui pour cause de soi-disant retraite obligatoire. Car Philippe, c’est une voix, un timbre, ni racoleur ni vendeur, et il faut prêter bien plus qu’une oreille pour entendre les ombres d’un accent pied-noir qu’il ne récusa jamais car il n’oublia pas davantage son Alger natal, qui le rendit très tôt sensible au bleu de la Méditerranée.

François-René Simon, 25 octobre 2023, Cimetière du Père Lachaise, Paris.

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26 octobre 2023 4 26 /10 /octobre /2023 19:25
  Xavier Richardeau   A Caribbean Thing

XAVIER RICHARDEAU
A CARIBBEAN THING
Label Continuo Jazz / UVM Distribution
 

 

Sortie du CD le 20 Octobre
Concerts le 30 novembre et le 1er décembre au Duc des Lombards

 


Xavier Richardeau revient avec un album tout indiqué pour ces vacances d’automne, un album qui parle de la Caraïbe qu’il aime et connaît bien puisqu’il réside à Gosier depuis quelques années.
Personnalité originale, ce natif de Charente-Maritime a un parcours plutôt atypique, une passion chevillée au corps pour le saxophone baryton et ses graves puissants dans la lignée de Gerry Mulligan et du  bebop après Harry Carney chez Duke Ellington. Quand il a commencé, les barytons n’étaient pas légion (François Corneloup bien sûr) et n n’avaient pas la côte … aujourd’hui les temps ont changé, Céline Bonacina a su s’imposer.
D'un apprentissage à la dure, dans les orchestres de bal, le goût lui est resté d’un jazz qui swingue, de la chanson et des belles mélodies.

Avant de se prendre d’amour pour les rythmes et musiques des îles, Xavier Richardeau, soliste au seul baryton, était connu dans la capitale pour animer des clubs : si le concert de présentation de son prochain CD a lieu au Duc des Lombards, c’est une scène qu’il connaît bien puisqu’il y a dirigé quelque temps son orchestre.
Les boîtes de jazz, il aime toujours puisqu’il a recréé un New Ti Paris en Guadeloupe où il programme encore des concerts. Déterminé et incorrigible. 

A Caribbean Thing est son hommage en sextet aux musiques d’une vie, musiques antillaises, jazz qui pulse et fait danser : dix compositions de la plume  du saxophoniste dont certaines sont co-écrites avec la chanteuse Véronique Sambin et une seule reprise “Sous le ciel de Paris” transformée en reggae plus encore qu’en biguine dans un arrangement qui modernise et intensifie la valse originelle. 
Autre surprise d’importance, cette fois Xavier Richardeau ne s’entête plus au seul baryton mais joue plutôt du soprano pendant tout l’album  en résonance avec le ténor de Jocelyn Ménard, un Québecois bien acclimaté lui aussi à la Guadeloupe. La seule occasion d’entendre son instrument de prédilection, ce sera sur “Waves and Wind”  très structuré hard bop. 
Xavier Richardeau semble avoir changé de cap avec ce nouvel instrument de la famille des sax et dans des titres comme “Sonnélavérité”, il aime à combiner les timbres du soprano et du ténor avec une intervention enlevée de Leonardo Montana au piano. 
 Si sa musique a évolué, “Linea Oceanica” reste une ballade nostalgique, rappel des origines et de son tropisme pour l’océan. Le saxophoniste n’hésite pas à reprendre certains titres d’un des premiers albums qui l’ont fait connaître en 2002, Hit and Run  en les fortifiant :  “a Caribbean Thing” ouvre l’album auquel il donne naturellement son nom en laissant place à la rythmique antillaise de Régis Therese et Yoann De Danier qui groovent de façon tendue mais réjouissante. “Broussanova” est devenu une vibrante “Broussa Samba” des plus festives. Sur “Blue Sunlight”  c’est au tour d’Anthony Jambon de laisser parler sa guitare. Car le saxophoniste a su écrire pour mettre en valeur chacun de ses complices.  
Les compositions s’enchaînent en une  tresse plutôt organique et s’écoutent d’un trait : elles donnent un aperçu des terres et imaginaires arpentés depuis toutes ces années sans verser pour autant dans la nostalgie. Un album qui sait rassembler et faire tenir les épisodes et étapes d' une vie de musique.

Sophie Chambon

 

 

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24 octobre 2023 2 24 /10 /octobre /2023 13:04

 Autoprod à écouter sur le bandcamp du groupe.


Remi Denis (p, compos), Christophe Leloil ( tp, bugle), Sai Nagoya (ts, ss), David Carniel (dms), Damien Boutonnet -cb)

 

Gros coup de cœur du moment en découvrant cet album dont on ne savait pas grand-chose avant de l’écouter.

Oni Giri c’est le deuxième album de ce groupe composé de 5 musiciens de la Cité Phocéenne qui se retrouvent ici autour de superbes compositions signées du pianiste Remi Denis. Et ce qu’il faut dire d’emblée c’est que l’on se trouve immédiatement portés et emportés par ces compositions où la ligne mélodique des soufflants se retrouve sur les harmonies de Remi Denis dans une sorte de danse onirique ( comme semble l’indiquer le titre de l’album).

On est facilement happés par cette musique et par la qualité de ceux qui l’interprètent. Au premier rang desquels, celui qui ferait presque office de vieux briscard de la bande , Christophe Leloil égal à lui-même dans la flamboyance et l’amplitude du souffle. Avec Christophe Leloil, chaque note est comme une déclaration d’amour. Où l’on découvre aussi, dans un registre un peu plus discret, le saxophoniste Sai Nagoya dont on entend qu’avec Raphael Imbert, il a été bonne école, celle de la finesse et de l’épure.

La section rythmique est à l’écoute et ouvre les portes de ce jardin des rêves sur des reliefs subtils.

Quant à Remi Denis, ses compositions ont cette sorte de supplément d’âme qui font que la musique est capable de nous embarquer loin, bien loin.

Pour cet album « découverte », la séduction est totale.
Jean-marc Gelin

https://youtu.be/8chTQ4aDGQo?si=GEx8OiUutOzydxNT

 

 

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19 octobre 2023 4 19 /10 /octobre /2023 16:02

 Voix majestueuse du jazz contemporain, cheffe d’orchestre-compositrice, pianiste, Carla Bley s’est éteinte le 17 octobre à Willow (état de New-York) à l’âge de 85 ans.

     Une seule œuvre, monumentale (et pas seulement par sa durée, supérieure à 100 minutes), aura suffi pour la faire entrer dans l’histoire du jazz : ESCALATOR OVER THE HILL (EOTH).


     Basée sur une poésie de Paul Haines, cette composition qualifiée parfois d’opéra-jazz, aura nécessité trois ans de travail en studio de Carla Bley entre 1968 et 1971. Mobilisant près de 60 musiciens américains et européens venus du jazz, de la pop, du rock (Don Cherry, Linda Ronstadt, Enrico Rava, Gato Barbieri…), EOTH se présente comme une mosaïque musicale reflétant la liberté d’expression de cette période « post soixante huitarde ». L’Académie du Jazz lui attribua en 1972 « l’Oscar du meilleur disque de jazz moderne ».

 

     Sa contribution à la « plus savante des musiques populaires » était saluée dès 1971 par Philippe Carles (disparu le 14 octobre dernier) et Jean-Louis Comolli dans Free Jazz/Black Power : « des œuvres qui comptent, remarquables par la richesse de leur imagination mélodique ».

     Née en Californie (Oakland) le 11 mai 1938 dans une famille d’origine suédoise, Karen Borg devenue Carla Bley après son mariage à 19 ans avec le pianiste canadien Paul Bley (1932-2016) s’était déjà illustrée par son travail dans la communauté new-yorkaise avec George Russell, Jimmy Giuffre, Charlie Haden (et le Liberation Music Orchestra) ou encore Mike Mantler avec lequel elle fondera le Jazz Composer’s Orchestra Asssociation et qu’elle épousera en 1968.

     En plus d’un demi-siècle d’activité artistique, Carla Bley aura alterné les projets en big band et en petite formation notamment avec le bassiste électrique Steve Swallow -son compagnon sur scène et à la ville depuis le milieu des années 70- ou en trio avec le saxophoniste britannique Andy Sheppard.

     Dans sa production foisonnante, réalisée pour l’essentiel sur le label Watt (fondé en 1973 avec Michael Mantler) et distribué par ECM, figure également un des grands classiques de la musique populaire nord-américaine, les chants de Noël (« Carla’s Christmas Carols », avec Steve Swallow et le quintet Partyka brass. Watt-ECM. Décembre 2009) ... Un souvenir, confiait Carla, de ses jeunes années en Californie et de son père, professeur de piano qui tenait l’orgue à l’église ce jour de fête chrétienne.  


     Cet orgue (un Hammond ce soir-là), dont jouait Carla le 13 novembre 2014 au D’Jazz Nevers Festival à la tête d’un quintet … après une relecture de Escalator Over The Hill par un nonette français co-conduit par Bruno Tocanne et Bernard Santacruz.

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

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18 octobre 2023 3 18 /10 /octobre /2023 18:15

 

photo de Gérard Rouy

 

Si je mets en exergue cette photo de Philippe Carles en compagnie de Jimmy Giuffre à Amiens en 1990, c’est que, jeune amateur de 19 ans, j’avais avec émerveillement dévoré son article intitulé ‘Jimmy joue free’ dans le Jazz Magazine n° 154 de mai 1968…. Je lisais ses articles depuis mes années-lycée, et dès le début des année 70 je l’avais écouté sur France Musique. Jazzophile forcené, j’avais publié deux ou trois bricoles dans la presse régionale de Lille vers l’âge de 20 ans, et j’avais aussi donné dans la radio-pirate quelques années plus tard. En participant activement, fin 1980, à la création de Radio K, radio francophone émettant d’Italie, près de San Remo, j’avais fait la connaissance de Barney Wilen, à l’époque encore basé à Nice. Barney avait conseillé à Philippe de me recruter, et dans le numéro de février 1982 j’écrivais pour la première fois dans JazzMag. Radio K venait de fermer pour des raisons liées au fait que le nouveau pouvoir français voyait d’un mauvais œil une radio autogérée, de droit coopératif italien, qui s’obstinait à faire de la publicité, sa structure autogérée la protégeant des pressions commerciales, politiques, et autres…. En ce même février, postulant à France Musique, je fus reçus par son directeur René Koering. Et manifestement pour lui le fait que, en plus d’une vraie expérience de radio, je collabore à Jazz Magazine, compta pour beaucoup dans sa décision de m’engager quelques semaines plus tard. Il faut dire que Philippe était un pilier des programmes-jazz de la station musicale depuis plus de dix ans (tout comme plusieurs autres collaborateurs du magazine), et ce fut probablement décisif. Je devais donc à Philippe l’ultime ’coup de pouce’ qui me ferait entrer pour 32 ans dans le métier de radioteur sur une chaîne nationale et, jusqu’à aujourd’hui, de chroniqueur de la chose syncopée. Philippe me fit confiance très tôt. En mai 1982 j’étais au festival Du Mans pour le magazine. La grande époque : un compte rendu de deux pages, avec des photos signées Horace. Je rends mon papier : c’était une année italienne, et je qualifie de décevante la prestation d’Enrico Rava (que je vénère). Philippe me dit son embarras, car Enrico est pour lui un ami de longue date. Je lui dis : n’édulcore pas mon compte-rendu, mais si le paragraphe qui concerne ce groupe te gêne, supprime-le…. Philippe me fit confiance, et la chronique parut en septembre (il y avait un temps de latence lié aux festivals d’été). En octobre de la même année je suis à New York. Je viens écouter le groupe de tubas rassemblé par Howard Johnson (groupe qui deviendra ‘Gravity’). Je parle avec le tubiste qui me décrit son projet quand arrive un musicien que je tarde à reconnaître. Il a désormais les cheveux courts, et plus de moustache. Howard Johnson fait les présentations. ‘Ah c’est vous’ me dit Enrico Rava. ‘Vous avez été plutôt gentil, car j’ai joué beaucoup plus mal que vous ne l’avez suggéré’. À mon retour Philippe adora l’anecdote. Philippe me fit toujours confiance,et ce vieux souvenir dit assez l’importance qu’il a pu avoir dans mon parcours, et la peine que m’ont causées sa maladie, puis sa disparition le 14 octobre. So long, Philippe.

Xavier Prévost

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18 octobre 2023 3 18 /10 /octobre /2023 11:31
Yoann Loustalot      Oiseau Rare

OISEAU RARE

BRUIT CHIC / L’Autre Distribution

Sortie du CD le 13 octobre.

Concert de sortie au Studio de l’Ermitage (Paris) le 18 octobre.

 

Pratiquant l'alternance dans la longueur des dix compositions, toutes de sa plume, peaufinées lors du confinement, Yoann Loustalot nous présente son Oiseau rare sorti sur le label Bruit Chic. La pochette du CD n’est plus vraiment un voyage dans l’imaginaire du groupe mais fait référence à de drôles de volatiles. C’est par un trio de cordes frottées que commence le concert, mais avec son bugle Loustalot ne flâne pas hors du temps, il s'enroule plutôt dans ce “Nom de plume”qui semble imager le titre, en écho à la pochette.

Que lui est il donc arrivé? Un désir soudain d’écrire pour les cordes, de se frotter à des sons et textures nouveaux avec ces traits d’archet qui tranchent et découpent dans “Tango de Fuga”?

S’est il pris pour Bird? A-t-il cédé pendant cette période si incertaine et angoissante à l’appel du règne animal? L’envol est la figure la plus appropriée quand on évoque le style du trompettiste-bugliste. Son univers poétique nous est à présent familier, l’ayant suivi dans des formations diverses en leader ou sideman. Mais quel que soit le répertoire, son jeu se reconnaît très vite, à la trompette et au bugle : il sait à merveille envelopper de brume la force du souvenir, répondant encore dans cet album à un besoin de douceur, explorant le détail sans faire trop de notes (“Balcon de Malte”) s’abandonnant volontiers à un certain impressionnisme des sensations.

Soutenu par une rythmique essentielle indispensable à son envol (le regretté Matyas Sandaï tient la contrebasse sur trois titres...Yvan Gelugne sur les autres) le trompettiste se pousse vers le ciel dans une palette nuancée de couleurs plutôt similaires. Le temps s’étire comme une aile et on se laisse prendre au charme de certaines pièces en forme de plume et non plus de flocon comme dans l’un de ses albums antérieurs.

Si le trio de cordes est parfait, on appréciera la délicatesse du toucher de Julien Touéry, alter ego du leader. Souple et précis, il a le sens des nuances et sonne toujours juste.

Une des pièces préférées est “A la dérive”, ballade introduite subtilement, en accord parfait avec le piano avant de dérouler un thème qui ferait une B.O de film noir impeccable, encore plus nostalgique que mélancolique. Les cordes parachèvent le travail en pizz sautillants qui annoncent une échappée  brillante, plus décisive. La composition est longue et on ne s’en plaindra pas tant elle se transforme pour finir sur des notes inquiétantes. Les cordes en aucun cas ne constituent un écrin moelleux et lénifiant, toujours franches d'attaque. Le trompettiste semble lutter avec elles dans un “Oiseau rare” court et convaincant qui installe le décor. Mais il trouve un refuge avec l’ouverture du violoncelle d’Atsushi Sakaï dans ce “Peaceful wood” où l’on aimerait bien se perdre, en apesanteur.  Le voyage musical de ce drôle d'oiseau se conclut sur un “Baïkal Blue Ice” (souvenir de la tournée épique qui donna Sleeper train ?) les cordes frottant en contrepoint  sur ce miroir de glace.

En écoutant cette musique intrigante dont on cerne moins facilement contours comme dans ce “Perdersi e perdere”, on sent que le trompettiste suit des chemins qui bifurquent. Il prend de la hauteur, créant à sa manière une ode à la fragilité de la vie.

 

A noter que cet Oiseau Rare sort aussi en Vinyle avec 5 titres exclusifs et 4 du CD “Nom de Plume”, “When We Say Goodbye”, “Trick in a Dream”, “Peaceful Forest”.

 

 

Sophie Chambon

 

 

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