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17 octobre 2023 2 17 /10 /octobre /2023 17:59

Kuba Cichocki :  « FLOWING CIRCLES »

Brooklyn Jazz Underground Records

Kuba Cichocki (p, compositions), Lucas Pino (sax), Brandon Seabrook (g), Bogna Kicinska (vc), Edward Perez (ba), Colin Stranahan (dms), Rogerio Boccato (percus, tk 8), Patrick Breiner (sax, tk 8), Rose Ellis (vc, tk 8), Leonor Falcon, Sana Nagano (vl1,6,8), Benjamin von Gutzeit (viola, tks 1,6,8), Brian Sanders (cello, tks 1,6,8)

 

Attention DECOUVERTE !

Le pianiste et compositeur Kuba Cichoki vous est certainement aussi inconnu qu’il ne l’était pour nous il y a quelques jours à peine.

Ce pianiste polonais installé à New-York et intégré à la jeune scène de Big Apple n’en est pourtant pas à son coup d’essai puisqu’il avait déjà signé un album très remarqué de l’autre côté de l’atlantique (« Live at Spectrum »). Il revient ici avec un album étonnant, basé sur une écriture incroyable. On y navigue entre les univers de Jason Moran ou de Darcy James Argues sur des structure complexes sur lesquelles on découvre des solistes tous remarquables. 

Refus de toute linéarité, surprise à tous les étages, fascination de ce qui se cache toujours derrière. On est au plein cœur de l’innovation qui ne cède pourtant pas aux sirènes d’une modernité trop facile. Presque dans une démarche qui cherche et qui semble trouver. Sur des structures évolutives, la voix est, sur certains titres, utilisées comme une sorte de tapis instrumental sans aucun effet de manche. On navigue entre écriture et improvisation dans une cohérence qui n’exclut pas le bizarre, le destructuré, l’inattendu.

C’est foisonnant et toujours riche.

Une totale réussite à découvrir d’urgence.

Jean-Marc Gelin

 

 

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16 octobre 2023 1 16 /10 /octobre /2023 20:22

 

     Passionné sans exclusive, érudit sans suffisance, Philippe Carles, décédé ce week-end à 82 ans, aura brillamment défendu et illustré la cause du jazz pluriel pendant un bon demi-siècle dans ses formes écrites (Jazz Magazine dont il fut rédacteur en chef 35 ans, et plusieurs ouvrages de référence) et parlées (producteur à France Musique 37 ans durant).

 

 

     Né à Alger le 2 mars 1941, Philippe Carles avait découvert le jazz en écoutant la radio dans ses jeunes années. Arrivé en métropole, il entame des études de médecine à Paris vite interrompues (en 1963) pour se consacrer à sa passion. Entré à Jazz Magazine sur la recommandation de Jean-Louis Comolli, il contribue également à cette époque à différentes publications du groupe Filipacchi (y compris Mademoiselle Age Tendre, 20 ans, Union…) en tant que secrétaire de rédaction.

     Nommé rédacteur en chef du mensuel en 1971- succédant à Jean-Louis Ginibre dont il était l’adjoint- il tiendra ce poste jusqu’en 2006 et prêtera son concours au magazine encore de nombreuses années par des chroniques et la relecture du journal avant impression, figurant à l’ours sous le titre de Best Man (témoin, garçon d’honneur) dont il s’amusait (« mon ancienneté jazzmagazineuse m’oblige surtout à me considérer comme un témoin des avatars successifs de cette publication pendant un demi-siècle »).

 

    

     Grand connaisseur du Free Jazz dès son origine, Philippe Carles lui consacra en 1971, écrit à 4 mains avec Jean-Louis Comolli, un ouvrage devenu une référence « FREE JAZZ, BLACK POWER » (Éditions Champ Libre).  Réédité par deux fois en version poche (la dernière en 2020 chez Folio/Gallimard) le livre « reconsidère l’histoire du jazz dans son articulation avec l’histoire sociale et politique des Noirs américains ».  

     Philippe Carles n’avait jamais délaissé le free jazz et en 2019, il conseillait chaudement à l’auteur de ces lignes l’écoute d’un album de la saxophoniste allemande Ingrid Laubrock au titre évocateur (« Contemporary Chaos Practices. Two works for orchestra with soloists », Intakt Records).

 

      Fan de free jazz, Philippe Carles était aussi –et surtout- un passionné sans œillères. Ses goûts le portaient aussi bien sur Jimmy Giuffre, une de ses idoles, dont il vanta les mérites dans un article devenu culte titré « Jimmy joue free » et qu’il interviewera dans un double album sorti en 1992, une rareté (Jimmy Giuffre Talks and Plays, CELP) que sur Fletcher Henderson ou encore Anita O’Day qu’il défendit face aux « siffleurs » d’un concert parisien en 1970.

 

    

     Cette ouverture d’esprit le conduisit en 1985, toujours avec Jean-Louis Comolli, à proposer à Guy Schoeller, inventeur de la collection Bouquins chez Robert Laffont, l’écriture d’un Dictionnaire du Jazz. Engagée à deux puis à trois, avec l’arrivée d’André Clergeat, l’aventure menée avec l’appui de 67 contributeurs-experts, se concrétisa en 1988. La troisième et dernière édition, sortie en 2011, comprend 3300 articles dont 400 nouvelles entrées sur les artistes, courants musicaux... Cet ouvrage de près de 1500 pages en format poche constitue une encyclopédie œcuménique même si Philippe Carles reconnaissait des « oublis possibles et inévitables », citant George Bernard Shaw : « Un dictionnaire est comme une montre, indispensable mais jamais à l’heure ».

 

     Homme de convictions, Philippe Carles faisait partager ses passions à ses auditeurs à France Musique notamment lors d’une émission (Jazz à Contre Courant, lors de sa dernière saison 2007-2008) programmée le samedi aux alentours de minuit. Il était non seulement une plume mais une voix. Il n’abusait pas pour autant de son érudition, comme peuvent en témoigner ses collègues de l’Académie du Jazz notamment lors des travaux de la commission Livres.

 

     « Le jazz a l’avantage et l’inconvénient d’être une musique vivante », aimait à dire Philippe Carles. Une citation qui pourrait résumer la personnalité d’un héraut du jazz pleuré aujourd’hui par l’ensemble de la jazzosphère.

         On conseillera l'écoute de ce témoignage de Philippe Carles et son entretien avec Aldo ROMANO dans le disque INTERVISTA, sorti en 1997 chez Verve.

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

La cérémonie des adieux à Philippe aura lieu le mercredi 25 octobre à 11h30 au crématorium du Père Lachaise (75011).

 

 

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15 octobre 2023 7 15 /10 /octobre /2023 11:13
YVAN ROBILLIARD TRIO  Lifetimes  A Tribute to Tony Williams’ Lifetime7

YVAN ROBILLIARD TRIO

Lifetimes

A Tribute to Tony Williams’ Lifetime

Sortie le 13 Octobre 2023

 

Robi-Free-Le Triton/L’autre Distribution

 

Yvan Robilliard piano et claviers, Laurent David basse,

Justin Faulkner batterie.

 

Yvan Robilliard

YVAN ROBILLIARD - LIFETIMES - YouTube

 

Voilà un projet qui entre dans la série des hommages, consacré au batteur Tony Williams, prodige de cet instrument, dans sa période Lifetime qui débuta en 1969, après avoir quitté Miles dont il révolutionna quand même le second quintet. Une première version éphémère vit le jour en trio avec le guitariste John McLaughlin et l’organiste Larry Young, produisant des albums importants comme Lifetime et Emergency.

Jazz rock, fusion...une musique qui a un demi-siècle aujourd’hui mais qui connaît comme “un retour vers le futur”.

S’agit-il d’un rembobinage, d’un recyclage qu’effectue le pianiste claviériste Yvan Robilliard avec son trio Heartbeat, composé du fidèle bassiste Laurent David et de Justin Faulkner, un batteur hors norme de Philly qui accompagne Brandford Marsalis?

Le résultat est différent de ce que l’on aurait pu imaginer. Visiblement le pianiste ne cherche pas à faire des reprises, se refusant à copier Tony Williams. Il s’en inspire, l’esprit sans la lettre.

C’est la musique mise au point en trio qui seule compte, l’important c’est “faire, jouer avec” et ce n’est pas une vaine formule dans son cas. Ce sont ses dix compositions que l’on entend, mais pleinement vécues par les autres membres d’un trio incomparable, parfaitement équilatéral. Mais il partage avec ce formidable batteur et le non moins remarquable bassiste une prédilection pour les “sons machiniquesqui envoient loin, très loin dans l’espace.

Yvan Robilliard revisite le trio jazz avec un appétit pour cette formule électrique, il s’attable devant trois pianos et choisit le climat dans l’instant, plus joyeux et fonceur avec le Fender, poétique et lyrique avec le piano classique, spatial avec le Mini Moog.

Deux titres pourraient être de bons marqueurs du programme “The Train That Never Stopped” et “Frenzied Paradise” donnant le ton, frénésie assumée, trépidations effrénées, urgence réelle à occuper la scène et l’espace sonore. Ils ne sont que trois mais ça joue fort, vite, sans aucun temps mort dans l’ivresse que procure l’électricité. Mais avec la cohésion parfaite de jouer ensemble comme s’ils n’étaient qu’un. La formule a déjà été trouvée, mais je la reprends à mon compte avec plaisir, ce YR3 se transforme en YR au cube. Ce n’est possible qu’avec l’aide d’une rythmique essentielle qui libère le pianiste. Parfait dans la polyrythmie quel que soit le contexte, en binaire, Justin Faulkner martèle  métronomiquement,  alors qu'en ternaire, il cherche, élégant dans le cliquetis des baguettes, soutenu par Laurent David, pilier du trio.

Quand on sait que l’album enregistré live au Triton, en cercle rapproché et sans casque, pour une interaction efficace et maximale des trois instrumentistes, a été conçu en suivant les conseils de Daniel Yvinec, l’un des meilleurs D.A qui soient, on n’a plus de doute. Il explique d’ailleurs dans des liner-notes édifiantes la genèse du projet et le choix de se placer sous la bonne étoile de ce  dieu de la batterie Tony Williams, passionné de rock, intégrant funk, pop, musique psyché à son jazz libre et inspiré.

Les Lifetimes à l’improvisation maîtrisée du trio définissent une musique jamais flottante ou trop planante qui fonce avec des compos enlevées, une jubilation dans les rythmes, tempérée par des passages soudain délicats et classiques au piano. L’invention mélodique ne passe plus au second plan et reprend tous ses droits. Peut-être pour de trop courts moments. Mais le CD file à toute allure et le plaisir n’en est que décuplé.

 

Sophie Chambon

 

 

NB : Rappelons que le pianiste dans son grand éclectisme a sorti ce printemps Ikiru plays  Satie en forme de duo piano-saxophone avec Fabrice Theuillon du collectif Surnatural Orchestra.

 

 

 

 

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13 octobre 2023 5 13 /10 /octobre /2023 12:02


Editions Les Soleils Bleus, collection Les Témoins du Temps.

Disponible depuis le 3 octobre.


     Sans nostalgie ni acrimonie, Pierre de Chocqueuse nous livre ses impressions d’un amateur de jazz éclairé sur une décennie (2010-2020). Ce journal présenté de manière chronologique tire l’essentiel de sa substance du blog (www.blogdechoc.fr) tenu par un observateur-acteur de la jazzosphère : un temps attaché de presse d’une maison de disque, rédacteur en chef de Jazz Hot à la fin des années 80, chroniqueur régulier de revues, auteur et, ce qui n’est pas le moindre, cheville ouvrière de l’Académie du Jazz sur trois décennies.

 

     Personne ne s’étonnera donc que le jazz occupe la place centrale de cette chronique au long cours mais il y est aussi question de Claude Debussy, Charles Koechlin, ou encore Henri Dutilleux (objet d’un plaidoyer vibrant) et de Bertrand Tavernier qui « ouvre le bal » en 2010. Le titre (De jazz et d’autre) n’est pas usurpé. Préfacier, le pianiste-compositeur (et ancien élève de l’Ecole Normale) Laurent de Wilde salue « les pérégrinations artistiques de cet auteur aussi sagace que malicieux ».


     Au fil des pages, le lecteur découvrira ainsi les coups de cœur discographiques d’un expert qui ne cache pas son faible pour les pianistes, Chick Corea (qui figure en quatrième de couverture aux côtés de l’auteur) mais aussi des artistes délicats tels que Marc Copland, Dan Tepfer, Marc Benham ou encore le (trop) méconnu Philippe Le Baraillec. Un très utile index des personnes citées et des disques analysés permet d’ailleurs de naviguer à son aise dans l’ouvrage.


     Baignant dans le monde du jazz depuis les années 70, Pierre de Chocqueuse serait-il tenté d’entonner le refrain passéiste du « C’était mieux avant » et de regretter le temps des géants aujourd’hui disparus ?  Que nenni. « Ses grands créateurs n’étant plus là pour le faire aimer, le jazz est-il moins créatif ? Plongés dans le passé, dans le jazz de leur jeunesse, ceux qui le prétendent ne voient pas la richesse de ce jazz pluriel qui se joue aujourd’hui des deux côtés de l’Atlantique » (avril 2018, page 167).


     Avec « De jazz et d’autre », nous tenons un ouvrage au style vif et nerveux qui constitue une ode chaleureuse et engagée au jazz à déguster sans modération. A conseiller et pas seulement à ceux (ou celles) qui aiment le jazz.


Jean-Louis Lemarchand.

 

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13 octobre 2023 5 13 /10 /octobre /2023 10:57

Fabien Robbe (p), François Tusques (p)

Disponible sur www.fabienrobbe.bandcamp.com

 

 

C’est sûrement une histoire de rencontre qui va au-delà de la musique. On jurerait à entendre ce piano à 4 mains qu’il y a là bien plus qu’une symbiose musicale mais une rencontre humaine de longue date qui se joue entre deux pianistes issus de génération et de culture (pianistique) différentes. L’histoire ( c-a-d le communiqué de presse) ne nous le raconte pas et peut être faut il aller chercher dans quelques affinités bretonnes. A l’époque où le Robbe Gloaguen quartet jouait les compositions de François Tusques.  On ne sait pas.

Ce que l’on sait en revanche c’est que cette rencontre nous séduit. Certes on ne fait pas bien la différence quand c’est l’un ou l’autre qui joue mais on est séduits et émus tout à la fois d’entendre François Tusques ( pianiste de légende de la belle époque du free jazz) reprendre le clavier pour ces suites improvisées.

Les deux se complètent, se croisent, interagissent dans un mouvement permanent.

Où aussi l’on découvre François Robbe, par ailleurs multi-instrumentiste, se délecter sur des airs monkiens en diable.

Enregistré en juin 2022 en une prise et à la maison, cet album respire la complicité de l’instant. Celui où la musique se laisse aller « sans détours », comme elle vient, comme l’échange sous l’arbre à palabres.

Il y a chez les eux un vrai sens du blues aussi mutin que profond et bleu. « Sans détours » c’est aussi cent détours n passant de Bud Powell aux Gavottes, du classique au jazz, de la fumée des clubs de jazz aux ors des musiques de chambre.

Coup de cœur.

Jean-Marc Gelin

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10 octobre 2023 2 10 /10 /octobre /2023 22:17

Jean-Jacques Birgé (claviers & synthétiseurs, flûte, harmonica, guimbarde, inanga)

invite

Sophie Agnel (piano), Uriel Barthélémi (batterie, synthétiseur), Hélène Breschand (harpe électrique), Élise Caron (voix), François Corneloup (saxophone baryton), Gilles Coronado, Philippe Deschepper, David Fenech (guitares), Fidel Fourneyron (trombone), Naïssam Jalal (flûte), Olivier Lété (guitare basse), Mathias Lévy (violon), Violaine Lochu (voix), Lionel Martin (saxophone ténor), Fanny Meteier (tuba), Basile Naudet (saxophone soprano), Csaba Palotaï, Tatiana Paris (guitares), Gwennaëlle Roulleau (caisse claire, effets), Fabiana Striffler (violon)

Bagnolet, 2021-2023

GRRR 2036 / Orkhêstra

https://jjbirge.bandcamp.com/album/pique-nique-au-labo-3

 

La suite de «Pique-nique au labo 1/2», qui rassemblait des enregistrements échelonnés entre 2010 & 2019. Avec des partenaires nouveaux, sauf Mathias Lévy, récidiviste. Pour chaque plage Jean-Jacques Birgé rencontre un ou deux partenaires. À l’origine, avec chaque combinaison, il existait un album virtuel complet, accessible en mp3 sur le site drame.org. On les retrouve en suivant ce lien : http://www.drame.org/2/Musique.php?MP3. Et une plage est extraite de chaque album virtuel pour peupler cette compilation. La thématique de chaque pièce était tirée au sort avant de jouer. Le florilège qui nous est offert présente tous les possibles (et l’impossible même) d’une improvisation ouverte. Le résultat est étonnant, parfois confondant, toujours libre. Une visite s’impose dans ce bestiaire des images sonores. Plongez, vous ne le regretterez pas !

Xavier Prévost

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9 octobre 2023 1 09 /10 /octobre /2023 22:37

Clément Janinet (violon, composition), Élodie Pasquier (clarinettes), Bruno Ducret (violoncelle)

Budapest, 24-26 mai 2022

BMC CD314 / Socadisc

Comme dans le précédent disque publié en 2021 (chronique ici), ce jazz un peu chambriste accueille la musique afro-américaine, en intégrant un blues a cappella de Sophronie Miller Greer. L’inspiration puise à toutes les sources, du jazz de Pharoah Sanders aux musiques répétitives en passant par les métamorphoses de la musique africaine. Densité musicale des compositions et des improvisations, liberté stylistique toujours en action, mais dans une cohérence esthétique remarquable. Les solistes, extrêmement investis, avancent avec une fougue et une force qui nous emportent. Décidément cet inclassable trio nous submerge de sa singularité et nous entraîne loin de nos bases. Et c’est sans doute le propre de l’Art, au vrai sens du terme, de nous envahir de ce grand vertige.

Xavier Prévost

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Le trio est en concert le mardi 10 octobre à Paris, Studio de l’Ermitage ; puis le 17 novembre à l’Abbaye de Corbigny (Nièvre), le 8 décembre à Belfort et le 9 décembre au Galpon de Tournus (Saône-et-Loire)

 

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9 octobre 2023 1 09 /10 /octobre /2023 11:16

Steve LEHMAN et L'ONJ : " Ex-machina'"
ONJ 2023


Frédéric Maurin (dir), Steve Lehman (as, élec), Fabien Norbert (tp, bugle), Jonathan Finlayson (tp, Daniel Zimmermann (tb), Christine Bopp (tb), Fanny Meteier (tuba), Julien Soro (ts, cl), Fabien Debellefontaine (bs, cl, fl), Catherine Delaunay (cl, cor de basset), Fanny Ménégoz (fl, piccolo),Bruno Ruder (p, synth), Chris Dingman (vb), Stéphan Caracci (vb, marimba, glockenspiel, percus, synthétiseur), Sarah Murcia (cb), Rafaël Koerner (dms), Jérôme Nika (création électronique générative et collaboration artistique), Dionysios Papanikolaou (élect IRCAM)

Dès les premières notes de ce nouvel opus signé de l’ONJ, on sait qu’il va se passer quelque chose de fort.

En effet pour l’occasion, l’Orchestre National de Jazz a décidé de mettre en lumière l’exceptionnel saxophoniste Steve Lehman comme invité vedette. Et ce choix apparaît d’emblée alors comme d’une limpide évidence tant l’émule d’Antony Braxton et de Steve Coleman semble se retrouver dans la musique de Fred Maurin.

Tout est ici affaire de textures, de tuilages et d’imbrications sonores. Mais cela ne serait pas assez s’il n’y avait aussi une véritable narration onirique, futuriste et carrément radicale.

Où l’on se sait plus trop qui se met au service de qui : le saxophoniste New-yorkais joue pour le big band qui en retour lui déroule le tapis comme un échange de bons procédés. Steve Lehman avec sa science de l’improvisation, du placement et de la phrase ciselée s’engage alors avec une énergie galvanisante. En face ( ou derrière. Ou devant c’est selon) c’est l’ensemble du big band qui propulse le soliste sur des motifs complexes (de fou !) et qui échange avec Steve Lehman ( Los angeles imaginary) jusqu’à ce que les deux ne fassent plus qu’un et sans que les ‘ formidables) solistes de l’ONJ ne disparaissent, au contraire.

 

Les paysages changent et se meuvent comme une lumière qui se refléterait sur des mobiles suspendus ( Chimera) et c’est passionnant de bout en bout. Cet album nous bouscule. Bouscule nos habitudes d’écoute assagie. Bouscule nos repères pour nous embarquer dans une sorte de voyage Carrollien au pays des merveilles.

Cette drôle de machine a vraiment de drôles de rouages et de drôles de délires.

C’est signé Fred Maurin et c’est galvanisant !

Jean-Marc Gelin

 

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7 octobre 2023 6 07 /10 /octobre /2023 17:08

Gylain Deppe (piano hybride)

Perthes (Seine-et-Marne),6-8 février 2023

Klarthe Records KRJ 044

https://www.klarthe.com/index.php/fr/deep-from-deppe-detail

 

Pianiste rare, et pas seulement parce qu’il publie peu, Guylain Deppe a enregistré ces solos sur un piano hybride (mécanique de piano acoustique et échantillonnage haut de gamme), Yamaha modèle AvantGrand N3X. Le rendu sonore est bluffant (peut-être un spectre qui tire un peu trop, globalement, vers l’aigu). Le pianiste est tout aussi étonnant. J’ai le souvenir de l’avoir écouté dès les années 80 du côté du Mans, et il m’avait, à cette époque, déjà impressionné. Avec une très grande liberté de langages et de ‘styles’, il parcourt une sorte d’arc-en-ciel des possibles en matière de piano-jazz. Libre, audacieux, mais toujours en vue de l’idiome originel. Une série de compositions originales (où affleurent de temps à autre l’écho de standards, ou un arpège qui nous ramène furtivement au dix-neuvième siècle) aux titres fourbis avec les armes de l’humour culinaire (Tartare de Demi-Thon Chromatique, Farandole Des Trilles aux Pointes d’Arpèges….). Le chef Guy Savoy signe un court commentaire musico-culinaire, mais c’est surtout le bonheur de retrouver la plume d’Alain Gerber qui fait tout le sel du livret. Gerber était naguère chroniqueur gastronomique, et la musique de ce disque enchante ses oreilles comme autant de mets précieux. Ça chante, ça bout et ça bouscule -en pleine maîtrise évidemment-, et les nuances sont légion, comme les éclats. À découvrir, déguster, goûter et regoûter, jusqu’à satiété !

Xavier Prévost

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Un avant ouïr sur Youtube 

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26 septembre 2023 2 26 /09 /septembre /2023 18:31

JAMES BRANDON LEWIS & histoire Red Lily quintet : " For Mahalia with love"
Tao forms 2023
James Brandon Lewis (ts), William Parker (cb), Chad Taylor (dms), Kirk Knuffke (cnet), Chris Hoffman (cello)


Nous nous sommes émus récemment dans ces colonnes du nouvel album de Joshua Redman tout en rondeur Lesterienne. Dans notre gotha des saxophonistes qui nous éblouissent à chacun de leur album, il y a un autre saxophoniste ténor qui ne cesse de nous prendre aux tripes à chacune des ses parutions c'est James Brandon Lewis dans une veine qui, pour le coup le rapprocherait plutôt d'un Albert Ayler.

Effectivement chaque album du saxophoniste nous laisse abasourdis comme après un choc au plexus. Cela avait été le cas après son Jesup wagon absolument magistral. C'est encore le cas avec cet hommage qu'il rend à Mahalia Jackson, accompagné de son quintet. Comme pour l’album de Joshua redman, on est dans la tradition mais plutôt dans celle que nous nommions jadis « l’avant-garde » New-yorkaise qui sortait à l’époque du free jazz tout en conservant sa liberté et ses impulsions tripales.

James brandon lewis est de cette trempe-là. Avec lui et ses acolytes ( au premier rang desquels l’incomparable Knirk Knuffe), l’hommage à Mahalia Jackson est une sorte de cri d’amour libre, farouche et sauvage.

Et dans cet hommage, c’est l’énergie qui règne avec une forme d’urgence. Il y a aussi chez James Brandon Lewis une sorte d’urgence à dire. Les cinq acteurs semblent comme transcendés par le propos tels des prêcheurs d’église haranguant les foules de ceux venus en pèlerinage à la mémoire de la grande chanteuse de Gospel.

L’association de James Brandon Lewis et de Knirk Knuffe, s’il évoque parfois Ornette Coleman/Don Cherry, porte le propos à un niveau d’incandescence et de lâcher prise qui vient vous prendre corps et âme.

Un album fort et puissant.

Jean-marc Gelin

 

 

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