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30 mai 2012 3 30 /05 /mai /2012 17:41

29 mai 2012 : Kurt Elling Quintet. Concert à la maison des Cultures du Monde dans le cadre du festival de jazz de Saint Germain des Près.


Mardi 29 mai, vers 21h15, je marchais le long du boulevard Raspail en direction de la Maison des Cultures du Monde. Un homme me précédait. Je l’avais remarqué car il portait un costume beige avec des petits motifs rouges et blancs bizarrement cousus sur le dos. Je regardais ses chaussures : des chaussures noires avec une grosse semelle crème. Je me disais « c’est le style américain ». Puis l’homme tourna légèrement la tête vers la gauche. Je connaissais ce visage : c’était Kurt Elling ! Accélérant le pas et me retrouvant à ses côtés je lui dis, assez bêtement « I think you are Kurt Elling ». Il me répondit « Yes I am. Glad to meet you ». Une interview improvisée !
Moi : « Are you going to sing songs from your last album ? »
Lui : « Some of them but lots of new things too »
Moi : « How do you feel for tonight’s concert ? »
Lui : « Well, we’ll see……You can never know…. »
Même à son niveau, il ne savait pas……Assailli dès son entrée sur le parvis de la Maison des Cultures du Monde, je le laissais, émue, à ses fans.
Considéré comme l’un des meilleurs chanteurs de jazz de sa génération, il vient d’offrir un nouvel album : « The Gate », dans le lequel il nous restitue (enfin !) l’essence de son immense talent, après le court intermède de son opus précédent : « Dedicated to You », où il revêtait (à mon grand regret) les allures du crooner langoureux au service de ces dames.
Ce soir, le Kurt Elling que j’aimais, le « Man in the Air », était bien de retour.
Pour ce concert, donné  dans le cadre du Festival de Jazz de Saint Germain des Près – dont on ne peut que saluer l’excellence de l’édition 2012 - il s’était entouré de son ami, pianiste et arrangeur de toujours : Laurence Hobgood, ainsi que d’une belle rythmique composée de Quincy Davis à la batterie, John Mc Lean à la guitare et Clarck Sommers à la contrebasse.

 

Kurt Elling DSC8767 copie

 

Avec décontraction, chaleur et naturel, Kurt Elling remplit la salle comble de sa magnifique voix. Une voix de baryton suffisamment extensible pour atteindre, en voix de tête, les aigus du ténor. Tout le long du concert, il réalisa des prouesses techniques remarquables : notes tenues longtemps avec une puissance époustouflante, intervalles aux ambitus vertigineux parcourus avec une justesse sans faille, un souffle maîtrisé à la perfection, une virtuosité dans l’improvisation qu’on lui connaissait déjà si bien.
Les titres joués étaient parfois tirés de l’album The Gate, comme le très esthétique « Samouraï Cowboy », « After your love has gone » d’Earth Wind and Fire ou le « Golden Lady » de Stevie Wonder, mais aussi du répertoire des standards comme « Estate » ou « Body and Soul ». Mais un standard chanté par Kurt Elling n’est plus un standard, c’est…..du Kurt Elling ! Un Body And Soul complètement revisité, où l’on put entendre son propre texte qu’il chanta, comme il sait si bien le faire, en l’accélérant parfois jusqu’à donner l’impression d’un « scat de paroles ».
Le concert termina avec Golden Lady, sur lequel il imita la batterie, parfois des tablas, puis se lança dans un dialogue avec John Mc Lean dont il reprit les phrases musicales en imitant jusqu’aux distorsions et glissandos de la guitare.
Quelques messages semblaient parsemés ici et là  : « We think by feeling, what is there to know ? », ou « I won’t quit till I’m a star, till I’m a star, till I’m a star »…..
Le public, debout, presque en larmes, l’acclama, l’ovationna, cria son bonheur devant tant de talent. Après un petit tour derrière les rideaux où je pus voir, d’où j’étais placée, qu’il donnait quelques accolades d’encouragement à ses musiciens, Kurt Elling revint sur scène avec « La vie en rose ». Un hommage à Paris, à la chanson française, à son public français qui l’aime tant.
Au sortir du concert, en route vers ma voiture, j’entendis une vieille dame chanter le premier couplet de « Nature Boy ». Kurt Elling avait transmis sa musique et la rue faisait pour un temps encore entendre sa voix.
J’aurais eu envie de le rencontrer de nouveau, en sens inverse vers son hôtel et de lui dire : «You are a star ». Mais ce genre de hasard extraordinaire ne se produit généralement qu’une seule fois…...

Yaël Angel

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29 mai 2012 2 29 /05 /mai /2012 22:37

ECM 2012

Louis Sclavis (cl, clb), Benjamin Moussay (p, fder), Gilles Coronado (g)

  sclavis-sources.jpg

Evenement et Grand disque de Scalvis ! Une nouvelle fois.  Dire ce que l’on veut mais aujourd’hui personne n’écrit comme Sclavis. Sa musique est totalement unique. Vous aurez beau chercher, essayer de la raccrocher à une forme jazzistique connue, elle vous échappera toujours si vous essayez de la capturer dans ces grossiers filets.

Car Sclavis nous embarque, chaque fois dans une sorte de voyage onirique qui dégage une extraordinaire puissance poétique. Évocatrice de paysages mais aussi de ce que l’intime a d’insaisissable. Les terrains explorés semblent vierges. Les flottements structurels sont voulus et naviguent entre deux eaux. Les contours sont mouvants. Si Sclavis a apporté ses compositions, chaque membre du trio a aussi apporté sa pierre à l’édifice dans un  travail à la table pour déboucher sur un vrai travail collectif dont le clarinettiste est le géniteur. Et force est de constater que les trois se confondent dans une osmose musicale servie par des interprètes dont l’écoute, l’abnégation (au sens de servir l’autre) et la qualité des improvisations sont les matériaux les plus palpables. Tous les trois, dans cet instrumentum original font parler la musique. Tous les trois improvisent, jouent avec des silences inquiétants ( Outside of maps). Ils s’échangent tour à tour les rôles rythmiques et harmoniques. Parler de groove ou de pulse serait galvaudé. On entre dans des sortes de tourneries qui relèvent plutôt du flux vital. La guitare de Coronado est multiple, porteuse de sons très différents s’un morceau à l’autre. Et même ses incursions rock (A road to Karangada) sont hypnotiques. Benjamin Moussay quant à lui drappe le son au piano ou au fender d’un voile mystérieux, l’enveloppe et l’ensorcelle.

L’africanité qui hante Sclavis depuis longtemps est là, présente  même Près d’hagondange. Son Afrique est celle d’une danse sorcière.

Leur géographie est parfois celle de l’étrange dans une sorte de transport presque psychédélique. Comme si le langage des mots et les images devenaient superflus. L’émotion est là, subtile mais forte et dense. La musique exprime le désert, le voyage, la métamorphose ou la dérive poétique.

On pardonnera un morceau plus maniéré comme Dresseur de Nuage où l’on croit entendre sur l’intro la patte d’un Manfreid Eicher. Sorte de concession au label accueillant.

Sclavis débarrassé de ses furies free porte ici la musique à d’autres sommets. Jamais il n'a été aussi fort dans la pratique de son art de la clarinette. Et c'est une sorte d’amour suprême qui s’en dégage avec cette force presque chamanique qui fait parler les éléments imaginaires.

Jean-Marc Gelin

 

Pour pénétrer l’univers de Sclavis, se reporter à l’interview référence de près de 40 pages recueillie par Stéphane Olivier dans Jazzmagazine daté de mars 2012

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29 mai 2012 2 29 /05 /mai /2012 08:47

PIANO-SOLO-LEGENDS---Original-Sound-De-luxe.jpg
Original Sound De luxe
Cristal records
Sélection originale Claude Carrière
Illustrations originales de Christian Cailleaux


Ah le plaisir de voir dans la pile de Cds à chroniquer les deux nouveaux numéros de la série OSD (Original Sound De Luxe ), de retrouver ces « oldies but so goldies ». On introduit le CD dans le lecteur (pas de lecteur MP3 ou autre baladeur). Et, sans regarder les titres, on attaque  par le numéro consacré au piano solo, exercice de style difficile mais de règle dans les premiers temps du piano jazz : après un rapide et éblouissant Jelly Roll Morton de 1939 dans le hit « King Porter Stomp », un James P. Johnson  very « modernistic » de la même année. Dès les premières notes de l’introduction du troisième morceau, c’est « Echoes of Spring » et dans le cœur se disputent émotion et gratitude envers Claude Carrière pour avoir choisi cette éblouissante mélodie de Willie « the Lion » Smith, un des rois du stride, thème insidieusement mélancolique, également de 1939 ( j’aurais envie de lui demander ce qu’il pense de l’arrangement en quintet des  formidables Stephan Oliva et François Raulin ?).
Le quatrième morceau va être dur à passer tant la tentation de reprendre en boucle est forte mais c’est le bouleversant « Solitude » de Duke Ellington. Et après, le cœur continue de battre un peu plus vite avec la version de 1927 d’un Bix Beiderbecke exalté, au piano,  dans son unique composition pour cet instrument  « In the mist ». La partie est gagnée, une fois encore, le numéro a démarré sur les chapeaux de roue et on peut s’amuser au blind fold test qui se déroule sur les 24 titres de cette anthologie qui s’arrête avec un Martial Solal cuvée 1960, inspiré par le chef d’œuvre de Cole Porter  «  Anything goes ».  Ne boudons pas notre plaisir et demandons nous avec les pianistes actuels, qui ne se font pas prier pour écouter ce jazz des origines, quelle sera leur contribution à l’avenir de cette musique. Cet album s’écoute d’une traite évidemment et c’est sans nul doute la meilleure leçon de piano (pardon Antoine Hervé) qui nous soit donnée, un aperçu brillant de l’histoire du jazz sur plus d’un demi-siècle,  sur un des instruments de prédilection. Swing, enthousiasme, virtuosité, intelligence du phrasé et sens de la mélodie : des classiques incontournables « Round Midnight » de T.S Monk mais aussi des grands du piano, méconnus injustement comme le bouillonnant Bernard Peiffer dans « Montmartre » de Cole Porter, ou  la sensible Mary Lou Williams dans ce « Taurus » extrait de sa Zodiac suite . Tous les styles de piano jazz sont ainsi représentés en une seule galette de Fats Waller à Lennie Tristano, de Hank Jones à Herbie Nichols , sans oublier Randy Weston et Phineas Newborn Jr. Ce qui n’empêche pas d’aller ressortir tel Lp ou Cd si le cœur vous en dit, pour réécouter un pianiste aimé. Festival de virtuosité et d’élégance avec Bud Powell dans un « Just One of these things » (encore Cole Porter) méconnaissable. 
A conseiller absolument à tous, une fois encore,  passionnés ou  néophytes. INDISPENSABLE !
NB : Et en plus, ces merveilles sont à de tout petits prix, n’hésitez plus, faites leur une place dans votre discothèque...
Sophie Chambon

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29 mai 2012 2 29 /05 /mai /2012 07:47


Marthouret-Matthieu-Quartet_Upbeats_w.jpgDouble Moon records 2012
Matthieu Marthouret  (Hammond); Nicolas Kummert (ts,vc), David Prez (ts), Sandro Zerafa (g), ; Manuel Franchi (dm), David Fettmann (as).



Mathieu Marthouret a le groove efficace et jamais ostentatoire. Sur un répertoire issu de ses propres compositions, il balance un groove et une pulse discrète. Car l'organiste grenoblois qui a récemment fait son année de classe à New York se situe dans la lignée d'un jazz smooth post-hard bop où le raffinement des harmonies le dispute à l'élégance des solistes. Marthouret est dans la lignée des joueurs d'hammond qui savent se faire oublier pour assurer le liant de la musique et la tapisser d'un groove moelleux. Son entente avec le guitariste Sandro Zerapha contribue d’ailleurs beaucoup à ce son de velours. Du coup l'album, sans révolutionner les codes est d'une grande fraîcheur, limpide comme de l'eau coulant de source. Cela tient aussi à la spontanéité d’une session de ce type que l’on croirait réalisée en live. Tout y est d'une belle fluidité. On y entend le respect d'une tradition qui va de Wes Montgomery à Jimmy Smith mais aussi, discrètement et (trop) timidement une ouverture sur un jazz plus actuel.
Au départ pianiste, il paraît que Marthouret est devenu organiste par défaut de bassiste lui convenant. Serait-ce cette raison qui expliquerait cette magnifique main gauche et cette superbe ligne de basse qui impose dès lors une formation bassless. Dans la rondeur du son émerge parfois le tranchant du son acéré de David Prez ou de Nicolas Kummert, les deux ténors de l'album aussi efficaces l’un que l’autre.
C'est bien écrit, bien réglé et c'est aussi élégant que raffiné. L'album tourne en boucle sur ma chaîne. Il se fait parfois oublier. Mais j’y reviens, attiré parfois par l’évidence classieuse sans toutefois que l’émotion ne perce réellement. Du bureau où j’écris, je bats le rythme discrètement sous la table.
Un petit poil d’humour un tantinet dandy comme sur Weird Monk, une petite dose de funk, des réminiscences Blue Note façon 60’s : de quoi prendre un agréable petit pied.
Le groupe vient de passer au Sunside. Il sera de toute évidence à suivre. En tous cas pour tout ceux qui aime le jazz qui aime le jazz.
Jean-marc Gelin

 

 

 

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28 mai 2012 1 28 /05 /mai /2012 19:54

 

Soul Note & Black Saint 1986 et 1989

malwaldron.jpg

Attention aux fausses appellations. N'allez pas croire que ce petit coffret de 4 cd's regroupe l'intégrale des enregistrements chez Soul note puisque notamment, manquent à l'appel le "Sempre Amore" magnifique duo avec Steve Lacy (1986) ou encore "Our colline's treasure" avec Leonard Jones et Sangoma Everett (1987).

 

Ce coffret regroupe 4 enregistrements, les deux premiers volumes étant enregistrés en live en septembre 1986 au Village Vanguard,  les deux derniers en studio le 10 juin 1989 à New York.

Côté live, le pianiste regroupait alors autour de lui Woody Shaw (tp), Charlie Rouse (ts), Reggie Workman (cb) et Ed Blackwell (dm). Cest une de ces sessions mémorables au Village Vanguard où la musique respire la sueur, la fumée des cigarettes et l'odeur de l'alcool. On est au coeur du volcan, au plus chaud bouillant du direct.  En regroupant les deux Cd, ce sont 4 titres fleuves qui totalisent à eux seuls plus dune heure de musique. Celle-ci a des relents de post hard bop et de revival davant-garde de ce jazz des années 70s qui en 86 ne lest plus réellement. Sur des motifs simples, Mal Waldron laisse ses compagnons sexprimer dans des solos de très très haute volée. Lensemble de ces compositions est signé du pianiste et lon notera particulièrement un Seaguls of Kristiansund au tempo ralenti à lextrême ou encore un Snake out  bien plus emmené et qui porte la marque dun grand chorus de Woody Shaw qui tout au long de cette soirée affirme une niaque décapante, celle de la marque des plus grands. Charlie Rouse reste le grand ténor que lon sait, moins monkien quau cours des 11 années passées avec Thelonious ou avec son trio Sphère mais capable ici dun lyrisme puissant et saisissant. Il est dailleurs curieux que Charlie Rouse soit à ce point sous-estimé, napparaissant jamais comme ceux qui ont fait école, alors que son jeu reconnaissable entre milles porte la marque des vrais créateurs.  Toute la musique est basée sur des ostinatos rythmiques sur lesquels la précision implacable et métronomique emmenée par cette belle association ultra-efficace de Reggie Workman et d Ed Blackwell. L'accompagnateur de Billie Holiday que l'on a souvent taxé de minimalisme montre au contraire ici, dans ces sessions live un powerful quintet sur des thèmes marathon qui confinent au tour de force. Ca joue àun niveau exceptionnel et même si l'on doit bien admettre la longueur interminable des chorus, cela nous ramène en plein à cette urgence qui fait souvent les plus belles sessions de jazz.

 

 

 

 

Pas illogique alors de mettre en regard ces deux sessions studio dont seul Reggie Workman reste du staff de 86. A lalto cest Sonny Fortune qui prend la place de Shaw alors que le ténor est pris par Ricky Ford, la batterie par Eddie Moore. Curieusement jadhère moins à ce son-là qui me semble débarrassé de ses imperfections de la scène. Un peu moins authentique même sil faut bien admettre que ces prises ont la puissance dun enregistrement spontané. C’était le temps où quelques éditeurs audacieux nhésitaient pas à proposer des thèmes de plus de 20 minutes dimprovisation.

Ici le quintet a un tout autre aspect puisque lalto y remplace la trompette. Et là encore les solistes peuvent sy donner à coeur joie. Mais là où on entendait une rythmique qui, sur des ostinatos graves donnait une profondeur tellurique, celle-ci semble un peu moins àla hauteur. L’écoute des albums en parallèle oblige à comparer Blackwell et Eddie Moore, ce dernier étant très en dessous. Ce qui nempêche Sonny Fortune dy dérouler avec un lyrisme torrentiel un solo hallucinant et dense au lyrisme torrentiel capable demporter tout le groupe dans son sillage( Yin and young). Et il faut un très grand Ricky Ford pour sinscrire dans ses pas sans dénaturer le son densemble. Un thème pour piano solo un peu décalé et plus old style, Where were you, laisse entendre toute la sensibilité du pianiste dans un registre plus classique. Pour conclure, un joli Waltz for Marianne avec  un Ricky Ford au son déchiré  et âpre, au grain mat et rugueux, entre Rollins et Getz et là encore Sonny Fortune qui y joue avec un syncrétisme qui englobe les altistes les plus classiques avec les plus modernes dans un seul et même discours.

 

Deux très belles éditions dnc, un peu oubliées et que lon se félicite de retrouver ici réunies.

Mauvaise note en revanche pour le travail documentaire. L’éditeur ayant été au plus juste reproduisant, sans aucun travail éditorial les fac similédes albums obligeant le lecteur un peu myope à lire les indications dorigine à la pince à épiler....... L’éditeur objectera certainement le prix assez modique de 18 euros et le beau travail de remastering de ces moments de musique de très haute volée. Témoignage de ce jazz qui avait cette fraîcheur et cette passion de lexpression urgente. Une sorte de jazz de la foi.

Jean-Marc Gelin

 

 

Lacquisition du catalogue complet par le Kepah Music Group (Cam Jazz) en 2008 de ces beaux labels italiens que furent Black Saint et Soulote a donné lieu à la réédition de plusieurs beaux coffrets  réunissant

Don Pullen

Jimmy Giuffre

Mal Waldron

World Saxophone Quartet

Sur des enregistrements exceptionnels et remastérisés.

On aimerait , au titre des pépites, la réédition possible du « Parrallel World » de Dave Douglas, le For Olim de Cecil Taylor et le « Eugene 1989 » de Antony Braxton ou encore le superbe « To Them to us » de Jacki Byard.

jimmy-giuffre-the-complete-remastered-recordings-on-black-s.jpg don-pullen-the-complete-remastered-recordings-on-black-sain.jpg

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26 mai 2012 6 26 /05 /mai /2012 16:00

 

Concert à l’Eglise de Saint Germain des Près dans le cadre du Festival de Jazz de Saint Germain des Pres

24 mai 2012

dewildedibattista.jpg

Par une nuit de printemps où la lune faisait un fin croissant dans le ciel se rencontraient deux musiciens phares de la scène du jazz européen : Laurent de Wilde au piano et Stefano Di Battista aux saxophones soprano et alto. Le Festival de Jazz de Saint Germain des Près avait la primeur d’une rencontre inédite puisque c’était la première fois que ces deux grands musiciens jouaient ensemble. Une première donc, pourtant si surprenante de maturité. En effet, tout au long du concert, la fluidité des échanges laissait à penser que le duo avait déjà derrière lui plusieurs mois de travail et de scène.

Le concert commença en douceur par une ballade composée par Stefano Di Battista, issue de son album « Woman’s Land », afin probablement d’apprivoiser l’acoustique particulière des ogives romanes. Mais le duo ne tarda pas à s’enflammer dès le deuxième morceau : un arrangement original et fiévreux du très beau « Invitation » de Bronislau Kaper, dont Laurent de Wilde avait déjà donné une version frappante dans son album Spoon-a-Rythm. Une invitation certes, sur laquelle le magnifique chorus du pianiste fit courir un frisson de grâce parmi le public. A la coda, comme sur beaucoup d’autres titres joués, le duo se lança dans une improvisation entremêlée sur laquelle le saxophoniste italien parcourut de longs arpèges et fit bruiter son saxophone alto.

Arriva ensuite une composition de Laurent de Wilde, « Over the Clouds », qui figure sur son dernier album du même nom. Une fois quelques bandes de patafix posées sur les cordes de son instrument, le pianiste transforma son Steinway à queue en balafon du Mali. La culture africaine de Laurent de Wilde se montra omniprésente tant dans sa façon de traiter la mélodie que l’improvisation sur ce morceau. Là encore, la maturité du duo lui permit de restituer l’intensité de la composition, ce, malgré l’absence de la section rythmique du disque. A la dernière reprise du thème, Laurent de Wilde fit apparaître un large sourire à l’attention de son compagnon de scène, lui signifiant certainement par là son ravissement et sa reconnaissance devant la nouvelle version qu’ils venaient de créer ensemble.

Suivit la composition fidèle du pianiste, « Edward K », qui l’accompagne, dit-il, depuis quinze ans, qui se transforme au fil du temps en se simplifiant pour devenir, selon ses termes  « un grand n’importe quoi » mais qui est « tellement tout » lorsqu’il la joue avec des musiciens comme Stefano Di Battista.

 

Sous l’ovation du public sonna enfin l’heure du « Grand Thelonious », celui sur lequel Laurent de Wilde publia un livre remarquable[1], celui dont John Coltrane disait qu’il était « un architecte musical du plus haut niveau »[2]. « Round Midnight », puis « Straight, no Chaser » furent entonnés par les deux musiciens. Deux morceaux parmi les plus connus de Thelonious Monk, que Laurent de Wilde revisita à sa façon, sans tomber dans le piège de l’imitation respectueuse du Maître auquel beaucoup de pianistes succombent, surtout lorsqu’il s’agit de toucher au sublime « Round Midnight », qui a pratiquement atteint de statut de « morceau sacré du Jazz». 

Afin de calmer les esprits Laurent proposa son « Bon Médicament » lequel, précisa t-il, lui « fait du bien ». Une belle balade, posée, apaisée, qui pourrait bercer un enfant. Le concert se clôtura comme il commença : par une composition de Stefano Di Battista, dédiée à sa petite fille et intitulée « Madame Lily Devalier ».

Le public enthousiaste fit sans tarder retentir le rappel et c’est en beauté que cette rencontre s’acheva. Nul doute que cette première communion musicale n’est pas la dernière et l’on attend déjà une nouvelle rencontre de ces deux grands du jazz. Mais pour le moment et comme le dit si bien Stefano Di Battista : Arrivederci !

Yaël Angel



[1] Laurent de Wilde, « Monk », 1996, Editions Gallimard, Collection l’Arpenteur

[2] Pascal Bussy , « Coltrane », 1999, Collection Librio Musique

 

retrouvez la chronique de Yael : LAURENT DE WILDE : « Over the clouds »

dewilde

 

et L'interview de Stefano Di Battista

stefano dibattista

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24 mai 2012 4 24 /05 /mai /2012 18:52


marylin-copie-1.jpgParution 23 avril 2012
TANA EDITIONS
456 pages (170x230mm)
Prix : 31 euros

Dans LE PETIT LIVRE A OFFRIR A UN AMATEUR DE JAZZ, du même éditeur TANA, on peut lire :
Le jazz se découvre en tous lieux, à tout âge et de mille manières : par la chanson, en discernant le groove incomparable d’Eddie Louiss dans les chansons de Nougaro ; par la danse et la comédie musicale avec le bondissant Gene Kelly dans  Un Américain à Paris ou Singin in the Rain ; par le cinéma  encore avec le chant si poignant de Marilyn Monroe, à la fin de Certains l’aiment  chaud, susurrant I’m through with love 

Dans le Marilyn  Monroe de A à Z, 200 photos et 200 entrées reconstituent les fragments d’un portrait- puzzle passionnant  de la star. Les références au jazz existent, dans les 30 films qui sont retenus à son actif,  dans les chansons qu’elle interpréta ( I wanna be loved by you, Specialization, Let’s make love, Incurably romantic, My heart belongs to Daddy...)
On apprend aussi au hasard des entrées que sa chanteuse préférée était Ella Fitzgerald (p.166), qu’elle eut une relation très particulière avec Frank Sinatra et les autres membres du « rat pack », qu’elle n’aimait pas chanter en public ...
Avec ce dictionnaire qui se lit comme un roman, ou se feuillette au gré de ses envies, on apprend beaucoup de choses sur le cinéma et l’Amérique : se dessine en filigrane  le portrait d’une époque où  le jazz régnait  de façon absolue ...

NB : Consultez sans hésitation l’index, la bibliographie et la filmographie  très complets.

Sophie Chambon

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22 mai 2012 2 22 /05 /mai /2012 19:55

 

legrand.jpg

Mon voisin de corbeille à l’Odéon, un japonais, a passé une bonne soirée. Il était venu pour Monty Alexander. Il a eu droit à un récital de Michel Legrand, suppléant au pied levé le pianiste jamaïcain opéré d’urgence aux Etats-Unis et éloigné de la scène six semaines (ndlr : les nouvelles sont bonnes).  Du Legrand dans le texte, un bon demi-siècle de carrière passé en revue par le compositeur-chanteur-pianiste tout jeune octogénaire.

Tout a commencé par la chanson de ses jeunes années qui fit connaître le fils du chef d’orchestre Raymond Legrand et l’élève de Nadia Boulanger, la Valse des Lilas. C’était le Michel Legrand chanteur qui donna aussi trois titres écrits, sur sa musique, par Jean Dréjac (1921-2003), des découvertes pour la majeure partie du public,  Edith (pour Piaf), Le vieux costume et Rupture.  Après ce moment de nostalgie, teinté de tristesse, retour à la joyeuse épopée des musiques de films, Yentl et l’Eté 42-toutes deux oscarisées- données en compagnie de la harpiste –la grande tradition classique- Catherine Michel (à la ville Mme Legrand) et cela va de soi, les Parapluies de Cherbourg et Les demoiselles de Rochefort.

Et le jazz dans tout cela ? Il n’était jamais bien loin. Michel Legrand manifestait un réel plaisir à reprendre des airs composés pour Miles Davis (la musique du film Dingo), mettant en valeur ses deux accompagnateurs, le bassiste Pierre Boussaguet et le batteur François Laizeau. Pour le fan de jazz, le grand moment de la soirée restera ce medley de piano solo où « Mr. Mike » rendit hommage à ses idoles – à la manière de-Art Tatum, Oscar Peterson, George Shearing, Fats Domino, Duke Ellington, Dave Brubeck et, pour clore l’exercice de style, par quelques notes de Count Basie. Vint l’heure du bis et, détendu comme jamais, Michel Legrand, le mélodiste, offrit au public le thème des Parapluies de Cherbourg dans divers styles. Un coup de chapeau sans façons bien à la manière de l’esprit du Théâtre de l’Odéon en mai 1968 ! Dehors la pluie s’était arrêtée sur St Germain des Prés et notre japonais chantonnait.

       

Michel Legrand avec Pierre Boussaguet (basse), François Laizeau (batterie) et Catherine Michel (harpe). Théâtre de l’Odéon. 21 mai. Festival Jazz à Saint-Germain-des-Prés. 

Le festival propose des concerts jusqu’au 3  juin et notamment Laurent de Wilde, Jacky Terrasson, Kurt Elling, Stefano di Battista… 

Jean –Louis Lemarchand

 

Affiche-2012-Festival-Saint-Germain-des-Pres-200x300.jpg

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20 mai 2012 7 20 /05 /mai /2012 19:02

 

Nous étions à  Coutances Jeudi pour une journée de jazz.

Journée de jazz sous les Pommiers où, comme il se doit, la pluie nous avait accueilli avec une allégresse un peu trop expansive à notre gôut. Mais bon, on est en Normandie ou on n’y est pas.

Début de la journée avec cette belle formation de Perrine Mansuy et sa formation que l’on retrouve sur Vertigo Songs avec Perrine au piano,

mansuy-best.JPG

Marion Rampal au chant et aux textes, Jean-Luc Difraya qui ne chante pas ici mais insuffle les vibrations à la batterie et Remi Decrouy à la guitare. Moment de charme , de grâce au Magic Miror où l’alliance des textes de l’une et de la musique de l’autre, où la rencontre du jazz et des pop songs nous firent vivre un moment de poésie et de jazz totalement aérien. Public conquis.

 rampal-2.JPG

Petite pause pour aller retrouver en interview Christophe Marguet qui nous parla de la création qu’il s’apprêtait à présenter le soir même puis direction le Théatre pour assister à un grand moment de déjante totale sous la forme d’une battle franco-québecoise. Un quartet de chaque côté s’affrontant sous les auspices et l’arbitrage perspicace et intraitable de deux Monsieur Loyal, Alex Dutilh et Stanley Péan. Un grand moment de délire où les arbitres choisissent des morceaux et des contraintes ( p. ex en demandant à chaque membre du quartet de jouer de l’instrument d’un autre ou encore de ne jouer que d’une seule main). Au final match nul et grand moment de délire avec côté Québecois : Michel Donato (cb), Frank Lozano (ts), Isaiah Ceccarelli (dm) François Bourassa (piano) et côté français : Thomas de Pourquery (as), Benjamin Moussay (p), Arnault Cuisinier (cb),Edward Perraud (dm). Ceux qui ont bien tendu –l’oreille ont quand même pu assister, au delà de ses facéties à hurlmer de rire, à un grand Thomas de Pourquery clôturant à l’alto un Night and Day avec une belle inspiration.

 

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Pas très convaincus en revanche par ce qui était annoncé comme l’événement du festival , la venue d’Hermeto Pascoal, le grand gourou Brésilien. Une première partie en effet en demi-teinte où chacun hésitait un peu à jouer. Les harmoniques se chevauchaient, on avait un peu de peine à lire le jeu et surtout l’ensemble était bien mollasson. Mais tout changea lorsque l’immense Hermeto Pascoal ( au passage, époustouflant au mélodica) quittait ses claviers pour venir insuffler le souffle divin à ses musiciens. Il se passait alors quelque chose qui se débridait dans cette musique inclassable entre brésil et jazz fusion, révélant ainsi l’écriture sublime du maître. Hermeto Pascoal était sémillant, pétillant, jouant de l’arrosoir et du verre d’eau, expérimentant sans cesse, jouant avec ses musiciens au double sens du terme et tous semblaient heureux d’être là. Malgré une sortie un peu rapide sans le moindre rappel. On a noté au passage Itiberê Zwarg à la contrebasse totalement surevolté , Pastorius dans l’âme.

 

 

Mais le clou de la journée était cette fameuse création de Christophe Marguet avec son sextet «  Constellation ». L’événement devait faire date. Forcément puisque Marguet réunissait, aux côtés de Benjamin Moussay aux claviers et Régis Huby au violon, un trio d’américains menés par Steve Swallow à la basse, Chris Cheek au ténor et Cuong Vu à la trompette. Un création donc, sur le mode électro-acoustique basée sur une écriture absolument sublime. Il aurait fallu avoir la track list mais on a rtenu notamment un morceau évoquant une île de Crète qui nous laissa le théâtre municipal sur une émotion bien palpable. La musique était juste belle et le sextet qui avait fait ses premières répétitions  3 jours avant, fonctionnait à merveille. On remarquait notamment ce tout jeune trompettiste entendu aux côtés de Pat Metheny comme une des valeurs très sures de demain ( cf. la vidéo). Ce concert fut assurément l’un des plus beaux qu’il m’ait été donné de voir depuis pas mal de temps et l’on consolera les absents en leur promettant de revoir cette constellation des astres à Paris lors du prochain festival de la Villette. Il ne faudra les manquer sous aucun prétexte.

 

 

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Jean-Marc Gelin le 17/05/2012

 

 

 

 

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19 mai 2012 6 19 /05 /mai /2012 14:52

 


PeifferB Improvision COUVHORS SERIE N°7 583830-0
Universal
 
Jazzcypher



La précieuse collection « Jazz In Paris » propose un double Cd finement intitulé Improvision qui couvre une grande partie des enregistrements américains du pianiste français Bernard Peiffer, émigré aux Usa en 1955 et qui n’y fit pourtant pas la carrière escomptée. Musicien incomparable, génial même, il avait pourtant connu le succès en France, raflant chaque fois le titre convoité de «meilleur pianiste de l’année», qu’il joue seul ou avec le trompettiste Roger Guérin, le ténor Bobby Jaspar, le contrebassiste Pierre Michelot. Ajoutons qu’il fit ses classes en accompagnant Django Reinhardt, Hubert Rostaing mais aussi Rex Stewart, Don Byas, Bill Coleman, James Moody
Mais trop en avance sur son temps, il sentait qu’il lui fallait tracer sa voie et il voulait introduire de nouvelles formes dans le jazz. Non reconnu dans son pays, il décida d’aller jouer sa musique ailleurs, sur la terre d’élection du jazz, les Etats-Unis.
Il y signa une discographie « anémique » chez Emarcy Bernie’s Tune (1956) Modern Jazz For People Who Like Original Music chez Laurie (1959) que l’on découvre grâce à cette réédition inespérée, qui offre aussi le cadeau de prises uniques et inédites (Live at the Cherry Hill Inn, en 1959 et Live from Glassboro State University en 1976, l’année même de sa disparition).
Tout l’intérêt de ce Hors série est de nous faire découvrir en solo, et dans quelques autres formations, essentiellement des trios, des enregistrements privés que son fils (Stefan Peiffer) a confiés à Universal. C’est la révélation d’un très grand musicien qui n’était jamais tant lui même qu’en « live ».
S’il obtint la nationalité américaine et demeura dans ce pays d’accueil jusqu’à sa mort, sa carrière fut vite mise entre parenthèse. C’est là que réside le mystère Peiffer. Adoubé par quelques uns des plus grands critiques de son temps, comme Leonard Feather, Barry Ulanov, sa musique libre, sans concession a du faire peur : lui qui affirma très tôt son désir d’imposer un troisième courant entre jazz et musique classique, fut peu à peu lâché par les maisons de disque et se tourna vers l’enseignement à Philadelphie où il s’était installé. Il fit là encore forte impression (Uri Caine s’en souvient), encourageant ses étudiants à découvrir leur propre langage.
Découvrez donc la musique de Bernard Peiffer (prononcez « pay fair ») qui commence par le feu d’artifice du « Lover, Come Back To Me » enregistré en mai 1956 aux USA en trio avec Oscar Pettiford à la contrebasse et Joe Puma à la guitare. Suit l’intégralité de la séance, en quartet avec Chuck Andrus à la contrebasse et Ed Thigpen à la batterie. Ses propres compositions sont tout simplement stupéfiantes comme ce « Black Moon » atonal ou cette « Lullaby of the leaves » qui nous fait d’abord penser dans son introduction de « Yesterdays » qu’il reprendra de façon si originale, au piano électrique, en 1972 avec Al Stauffer (b) et Jimmy Paxson (dms) dans un club du New Jersey : comme Bill Evans, il n’a pas peur de se frotter aux standards qu’il investit totalement, au point qu’on mette parfois du temps à les reconnaître... Volubile et chantante, la manière de Bernard Peiffer étonne, détone et émerveille.
Peiffer rend aussi hommage dès qu’il le peut, au cantor de Leipzig dont il possédait parfaitement la musique et l’art de la fugue. C’est ainsi que le classique « Lullaby of Birdland » du pianiste George Shearing débute par une introduction on ne peut plus inspirée de Bach, sans que Peiffer ait jamais rencontré le succès du trio de Jacques Loussier dans Play Bach.
Pris d’une fougue joyeuse, l’énergique « Rondo » qui initie l’album Modern Jazz for People Who like Original Music, emprunte dans son introduction la forme classique, puis vire à une sarabande pleine de swing. Ce titre, qui sera repris autrement dans un de ses derniers titres en « live » montre l’évolution constante et le degré prodigieux d’improvisation, dans un rendu plus désarticulé, à la façon de Bill Evans (que Peiffer admirait évidemment) dans les thèmes repris avec ses deux trios de référence, à vingt ans d’intervalle. Bernard Peiffer choisira d’ailleurs une composition de Bill Evans « One for Helen », preuve de son attachement indéfectible à cet autre pianiste dont il pouvait se sentir proche.
Un des atouts essentiels de Bernard Peiffer, qui fait souvent défaut à ses pairs, est l’extraordinaire variété de styles, d’humeurs : le rondo de 1959 est suivi de « Poem For A Lonely Child », chant funèbre dédié à sa propre fille. Un requiem qui rapproche Peiffer de Lennie Tristano cette fois, élargissant le champ de ses influences et de ses premiers maîtres, à savoir Art Tatum ou Errol Garner. Suivent un très nerveux « Tired Blues » qui contredirait le titre tant il est habilement construit ; quant à son « Lafayette nous voici », c’est un malicieux retour à l’envoyeur, très martial d’allure, comme un régiment en marche.
Son « Strip tease » est délirant , débordant d’un feu intérieur, d’une tension qui jamais ne retombe. Dans « Perfect Storm » interprété pour la radio en 1972, il libère une impétuosité, inspirée de toute sa culture de virtuose classique.

Le talentueux Alain Tercinet, dans ses notes de pochette toujours impeccables, nous livre les éléments forts de la carrière étrangement chaotique de ce pianiste singulier. Son fils Stefan nous laisse entendre avec pudeur ce qui a pu induire cette forme de « ratage » dans une carrière, qui ne manqua jamais de panache, dans ses entêtements mêmes .
Capable d’emportements, si ce n’est de colères, on pense parfois à un Frank Rosolino dans la fougue exacerbée, la vitesse d’exécution vertigineuse, l’exaltation fièvreuse. Bernard Peiffer était un musicien intraitable dans son engagement et son projet musical, fragile psychologiquement, profondément secret, vulnérable donc. Convaincu de son talent, ce « géant oublié » incroyable virtuose, fervent et tendre, sut, comme nul autre peut-être, fusionner classique et jazz. Sans se disperser cependant, il n’a fait que creuser son sillon, mettant à jour dans son programme tout ce qui a pu fertiliser les musiques aimées. Une puissance, une émotion qui font la place belle à un incroyable swing, principe vital, état supérieur, impossible à fixer mais puissant et irréfutable de ce retournement du pas humain en danse que le jazz produit…tremplin d’une jubilation…(Jacques Réda)
Un double album à prix serré absolument indispensable et qui sera une révélation pour beaucoup d’amateurs de jazz et de piano…



Sophie Chambon


La collection Hors série inaugurée en juin 2003 avec un premier volume consacré à Sacha Distel « Jazz Guitarist » présente des portraits d’artiste qui, par leur créativité, leur singularité et leur talent ont eu une importance significative sur le développement du jazz en France. Suivent ainsi le Hors série n°8 consacré à Rhoda Scott « Paris New York » et le n°9 sur Ivan Jullien « Complete Riviera Recordings », le n°10 Boulou Ferré « Complete Barclay Recordings », le 11 Dominique Cravic/Didier Roussin/ Francis Varis « Cordes et lames ».

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