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17 novembre 2024 7 17 /11 /novembre /2024 08:44
DJazz Nevers 38    Dernier Tango Ducret Monniot   Trio Dominique Pifarély

 

 

Vendredi 15 Novembre,  ma quatrième journée

Duo Ducret Monniot 

La Maison, 12h 30

 

 

On les attendait avec impatience ces deux maîtres de l’improvisation et une fois encore, on se laisse prendre… tout comme le public, conquis d’avance. Un titre qui tease évidemment...Vont-ils nous danser un tango à Nevers? Ils en sont bien capables….

 

A l’ouverture, Christophe Monniot sort son baryton, plus de cinq kilos pour seulement 2,5 cm d’anches ce qui classe l'engin dans les bois et il attaque en douceur avec ce moelleux qu’il sait imprimer à un phrasé voluptueux. Recomposer à partir de motifs déjà joués, retravailler des anciennes compos comme Yes, Igor, donner une nouvelle couleur à ses propres fragments, les réécrire en fonction de l’autre, ils savent faire tous les deux. Voilà l’essence même de la musique qui se joue à l’instant, qui advient là devant nous. Ducret comme Monniot commentent leurs compositions respectives alternées dans ce programme humoristique et joyeux, bon enfant dans la présentation, sérieux, tenu et dense dans le rendu musical. Les indications sont bienvenues, voire attendues pour entrer dans cette musique mouvante, composée d’ éléments plus stables à reconnaître avec une longue pratique.  A la manière de Perec qui disait lire et relire toujours les mêmes livres, se nourrissant des enrichissements successifs, une intertextualité en quelque sorte, une histoire métaromanesque …

Ils savent à merveille relancer, redistribuer le jeu, s’emparant de la formidable énergie que le partenaire renvoie. Ducret a une profonde admiration pour Monniot et ça se voit. Il renoue  avec un «vrai» jeu de guitare, nous donnant l’occasion de l’entendre dérouler de plus longues phrases. Prenant à contre pied la tendance actuelle au minimalisme qui peut transformer les musiciens en scieurs de long, il est sciemment à rebours ( il a lu Huysmans pour sûr). Dès le deuxième morceau, le climat change, ça joue “velu”, Monniot déclenchant une série de déflagrations, secousses, salves d’artillerie lourde auxquelles répond une guitare “métal”. Ce qui n’exclut pas des changements de rythme au sein de la même composition, des accès de douceur brute, des ralentissements ouatés. C’est en fin de compte un concert rock and roll que ce dernier tango… dont le titre provient d’une commande sur le thème les Films de ma vie, une variation sur la musique du saxophoniste Gato Barbieri pour le film de Bertolucci. Qui a donné au guitariste à l’époque un sacré sentiment de “frustration” dit-il en mimiquant le thème ( pas si gnan gnan au passage) que Monniot au sopranino reprend à son tour, bruitant de son côté, se déhanchant et se déboîtant presque le col à force de nous la jouer charmeur. Pourtant il n'est pas vraiment reptilien, plutôt dans le brame ou le mugissement.

Pour une composition qui se voulait chanson plus ou moins pop, en fin de compte la chanson est devenue Chant Son (!) à l’alto pour Monniot qui montre l’étendue de sa palette de jeu sur quasi tous les sax, chatoyant dans les timbres.Tous deux  jouent de concert, cascadant les notes.

Marc Ducret qui a vraiment tout écouté et longuement écouté, ne suit pas le phrasé des guitaristes, surtout des guitar heroes ( il en est un pourtant), il phrase sec et percussif, batteur sur sa caisse de résonance. Il est toujours impérial à peu de frais et d’effets, il lui suffit de “triturer" son jack ( grand gimmick de son répertoire que j’attends toujours) pour sonner original, ponctuer le discours du complice qui se tord de son côté ou fait mine de valser, tout alangui. Il peut attendre un peu, se balance au bord du vide avant de s’y jeter avec son alto.

Une écriture plus difficile à saisir d’ordinaire, avec intrigue et suspens qui, en ce jour et à cette heure est immédiate. Mais quand on aime...

 

 

 

Dominique Pifarély Trio

Théâtre, 18h.30

 

Le violoniste Dominique Pifarély poursuit son travail d’écriture dans un trio européen avec le contrebassiste zürichois Heiri Känzig (remarqué dans le réjouissant Helvéticus avec Humair et Blaser) et le batteur Portugais Mario Costa qui a beaucoup tourné avec Emile Parisien. Ce trio bouscule sans la bouleverser la forme traditionnelle piano-basse-batterie. Configuration troublante mais pas inédite car le violoniste a joué en trio par le passé avec Martial Solal et Patrice Caratini (sans trace discographique hélas) et un peu plus récemment avec Sclavis et Courtois qui sont des compagnons de route.

Ce musicien beaucoup trop rare, il faut dire que je l’ai découvert au mitan des années quatre vingt dix avec son Acoustic Quartet au Théâtre Jean le Bleu de Manosque avec Ducret, Chevillon, Sclavis. Et ce fut une révélation, une porte d’entrée dans les musiques libres alors que le violoniste venait tout de même du jazz et du swing.

Un musicien assurément passionné qui fait friser ce soir la corde de l’archet dans des récurrences particulièrement stridentes. Abstrait dans son écriture travaillée au cordeau, il sait retrouver une certaine histoire du violon et il me semble apercevoir tout un réseau graphique de traits plus ou moins ajustés dans un tracé provisoire, un rien frénétique, voire bruitiste.

Comment suivre sa pensée, les idées surgies dans le brasier de l’improvisation? L’écriture est là, précise, on la sent qui affleure, le batteur  sait la suivre et tout en martelant continu et dru, il retrouve le violoniste régulièrement aux points de rendez-vous attendus.

Travail d’un ascète- pas sûr qu'il aimerait le terme, mais j’aimerais que sa musique fasse plus sens ce soir après l’éblouissement ressenti dans les Dédales de sa Time Geography. “Cette musique ardente dans ses commencements, souvent nerveuse, entraîne au delà de la sensibilité et du lyrisme, sans produire une excitation violente, tant on la sent contrôlée, presque mesurée dans ses dérèglements” avais je écrit. C’est encore vrai aujourd’hui mais son jeu fiévreux, emporté, sous tension peut ébouriffer par sa radicalité et le son acide du violon.

On entre ou pas dans la musique de Dominique Pifarély qui nous entraîne dans sa langue, son univers, sa manière de construire les événements. On embarque à bord de son train fou qui ne réduira jamais l’allure, une ligne à très grande vitesse qui se moque des obstacles, les percuterait presque, plus dans l’énergie des grooves et des séquences d’improvisation libre que dans une approche chambriste avec ce trio. Et ce. en dépit de dialogues avec la contrebasse et la batterie car Mario Costa peut favoriser l’échange par son timbre et son placement rythmique. Pifarély laisse d’ailleurs la paire rythmique improviser et chacun se fait soliste à un moment donné, puisqu’ il leur a laissé généreusement la main.

S'impose un moment fort avec la composition du Peuple effacé ( la seule annoncée) qui me redirige vers la lumière avec une délicatesse sensible au plus fort des éclats. Puis survient le final au tempo soudain ralenti qui procure apaisement et plaisir dans une certaine puissance de la douceur. Le son même du violon est charnu, rond. Ce n’est pas un standard (je n’y songe pas un instant) mais mon voisin qui est allé se livrer à son travail de journaliste sérieux rapportera la réponse. C’est une version très personnelle de The first time ever I saw your face, chanson du poète britannique et chanteur engagé à la grande époque, Ewan MacColl ( auteur de la rengaine folk Dirty Old Town tant de fois reprise, que je chantonne quand j’ai une envie de celtitude). C’est Roberta Flack qui rendit la chanson célèbre et le finaud Clint Eastwood l’utilisa dans son premier film en 1971 même si on en retient surtout la ballade d’Errol Garner Misty qui inspira le titre original Play misty for me.

(A suivre)

Sophie Chambon

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15 novembre 2024 5 15 /11 /novembre /2024 16:23
Djazz  Nevers 38        Troisième journée  Jeudi 14 novembre  Traverser la cendre vers les Géants terrestres.

Jeudi 14 Novembre

La Maison, petite salle, 12h30.

Lecture musicale : Traverser la cendre de Michel Simonot. Dispositif électronique Franck Vigroux.

 

 

Djazz Nevers consacre toujours un temps à un concert-lecture : on garde en mémoire le trio de l’intranquille Pessoa ou la mise en scène musicale d’ As I lay dying de Faulkner par Sarah Murcia.

Cette année, il s’agit de différents extraits de Traverser la cendre lus par Michel Simonot (sociologue, metteur en scène de théâtre) d’une voix blanche, un choix de fragments reliés dans une certaine continuité par la matière sonore du guitariste Frank Vigroux. Ce dernier a toujours fait attention au verbe, à la chair des mots. Il module en permanence le son depuis sa console,  en retrait dans l'ombre, attentif aux nuances soulignant la teneur effroyable des mots prononcés. Traverser la cendre dans le brasier des ombres...

La charge émotionnelle est forte, la scène de la petite salle plongée dans un noir opaque s’ouvre à des visions, des corps morcelés d’images qui hantent notre mémoire collective. Le son vigoureux et tenace enfle à de rares occasions laissées par le lecteur qui s’interrompt et fait silence.

L’écriture audacieuse suit la scansion des mots qui deviennent corps déchirés, écartelés, broyés, brûlés. L’horreur fut conçue, préméditée, systématisée efficacement par ces bourreaux dont la mort était le métier : s’écoute ainsi un extrait volontairement interminable sur la conférence du 20 janvier 1942, dans le cadre idyllique, bucolique, touristique du lac de Wannsee. C'est là que se décida le processus d’élimination de onze millions d’individus, l’idée de confiscation et d’effacement du réel par l’extermination nazie. Suit une longue liste éprouvante de noms, la litanie des présents, fonctionnaires et hauts dignitaires du régime dont certains échappèrent à la peine capitale et continuèrent même de vivre assez longtemps. Glaçant.

Une expérience sensorielle souvent insoutenable, d’une incroyable densité avec des mots qui découpent au scalpel, accentuant la mécanique de deshumanisation. Reviennent irrésistiblement en tête des images de l’inaugural  Nuit et Brouillard de Resnais en 1955, du récent La Zone d’intérêt de Jonathan Glaser (2023), vue  hors champ depuis le mur adjacent au camp qui donnait sur le jardin de la propriété de Rudolf Höss avec en seule bande-son les bruits sourds continus des fours, brisés d’éclats de fusillades et d’aboiements. Ce que rend à sa manière la partition "musicale" tout en détonations, crépitements, brouillages, cris  de Franck Vigroux qui donne une matérialité nouvelle aux coups qui pleuvent au moindre prétexte sur chaque partie de corps les jambes, les reins, la nuque, le crâne…"ne pas s'arrêter,  en deçà du silence, secousse des lèvres, contre l'insulte avancer encore..."

Michel Simonot use souvent de listes ( à la Perec) pour trier, classer  : combien de piqûres d'encre injectées dans la chair même sont-elles nécessaires pour graver un seul chiffre sur la peau des malheureuses victimes ainsi anonymisées? Il s'attache aussi à décrire froidement la numérotation utilisée, les couleurs et formes des triangles qui répertorient chaque type de prisonniers.

L’auteur lit encore un extrait sur le travail des sinistres Sonder Kommandos chargés des besognes finales les plus sordides que l’on voit en caméra subjective dans le Fils de Saul, palme d’or à Cannes en 2015.

Les générations nées après 1945 et avant 1968 ont vécu dans la persistance de cette histoire  encore récente. Mais alors que disparaissent les derniers survivants, il s'avère essentiel de ne pas oublier et de transmettre par des mots. Sonder notre propre rapport à la Shoah, réveiller notre indifférence par cette double écriture musicale et poétique qui dialogue de concert.

La langue est preuve de vie… les mots avancent.

Cette lecture en rupture-fracture marque singulièrement le public de Nevers qui a réagi avec pertinence. Sensible au fait que Michel Simonot ait réfléchi, pris du temps pour rendre compte du témoignage de ceux qui ont vécu l’horreur, tenté de résister en cachant de pauvres traces, des écrits enterrés qui nous sont parvenus. L’auteur insiste sur la distance, le passage obligé du ‘Je au Tu’ :

Alors raconte…

"Je"et "tu" se sont avancés dans le camp des massacres...

Les “tu” qui cherchent leur “je” sont si nombreux….ne pas cesser de dire “je” pour “tu”.

Prononcer les noms comme un murmure, souffler aux morts qu’ils sont encore vivants, toi qui ne le sais plus…

Si le souvenir n’est plus suffisant, faire ressentir l’indicible peut s’avérer nécessaire. Quand la parole des derniers survivants se sera éteinte, chaque poème, "vitre peinte" dit Paul Celan, parlera encore. Michel Simonot a su trouver les mots pour le dire.

 

 

Les Géants Terrestres

Théâtre municipal, 18h30

 

 

Les géants terrestres? Ce sont nos amis les arbres, si précieux pour l’équilibre de notre pauvre planète…

 

 

Et quoi? Allons-nous entendre la musique écologique d’une compositrice aux deux petits claviers électroniques Anne Quillier et d’un trio à cordes composé de la violoniste Fany Fresard, la violoncelliste Anaïs Pin et d’un intrus, le clarinettiste Pierre Horckmans qui s’est glissé dans le trio; un remplaçant tout excusé car il reste dans la famille des bois...

Je me souviens alors … d’une expérience interdisciplinaire où, dos au public, les yeux rivés sur l’écran, le trio de la claviériste Anne Quillier avec déjà Pierre Horcksmans aux clarinettes s’inspirait du travail d’une dessinatrice-graphiste qui, elle même improvisait sur la musique en train de se faire. C’était un projet reflétant l’univers plutôt sombre d’Anne Quillier, l’inquiétude d’une génération devant un futur plus qu’angoissant. Aucune lueur d’espoir entre les déchets toxiques, le blast nucléaire, la disparition des espèces animales et la nature assassinée avec soin par des industries inconscientes. La musique du trio n’était pas en reste, une déferlante de la batterie et des sons trafiqués de clarinette basse, du fender avec moogs dans un environnement de lumières stridentes et feux clignotants.

Ce soir, malgré l’urgence, la musique forcément organique, aux racines profondes puise une force nouvelle dans la terre. S’entend un curieux mélange de musique de chambre aux écarts bruitistes, des éclats de free sons dans Je dois qui commence très mal, annonce la violoniste en souriant. Mais tout pourrait s’arranger et le groupe nous le laisserait presqu' espérer avec une musique  ludique, fraîche. Les timbres se combinent fort plaisamment, les couleurs évoluent au gré des humeurs de la petite troupe, le son des clarinettes pimentant le frottement des cordes. Dans les effets percussifs, les pizz enlevés et enjoués, le jeu sur les clefs permettent au clavier de jouer sa partie électronique  : une écriture mélodique qui combine timbres et dynamiques au gré des unissons, des contrepoints et des solos.

 

La  journée se poursuit avec deux remarquables concerts en soirée à La Maison qui seront commentés par Jean Marc Gelin qui prend le relais, lors d'une trop courte escale à Djazz Nevers.

 

A suivre...

 

Sophie Chambon

 

 

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14 novembre 2024 4 14 /11 /novembre /2024 17:40
Djazz Nevers 38    13 novembre     PauL Jarret et son ALE

 

 

Paul Jarret Acoustic Large Ensemble

 Mercredi 13 Novembre : Théâtre, 18h30.

 

Précaution liminaire, je n’ai pas suivi la chronologie de cette journée très particulière du mercredi 13 novembre, privilégiant les duos mixtes dans l'article précédent.

Ce concert en grande formation bluffant à tous les niveaux, sonore et visuel, se devait d'être traité à part.

On commence avec cet Ale à 18h30  une soirée excitante qui nous fera faire un grand écart musical, ce sont les générosités d’une programmation bien comprise.

Si l’actualité du guitariste Paul Jarret fut marquée en septembre dernier par la sortie de son.Acoustic Large Ensemble) chroniqué sur notre site par Xavier Prévost 

http://lesdnj.over-blog.com/2024/09/paul-jarret-acoustic-large-ensemble.html

 en concordance avec les concerts à la Villette notamment, n’oublions pas son premier solo sorti en juin dernier. Paul Jarret aime s’adonner à ce genre d’aventures et l’exercice en solitaire était sûrement une rampe de lancement pour son projet grand format. 

Publier trois opus différents en leader (avec son groupe originel PJ5, le Solo 24 et l’Acoustic large ensemble) en six mois relève d'un défi insensé ou tout simplement d'une envie du guitariste franco-suédois, qui se sentait prêt. à l’aise dans son rôle de chef de troupe.

On va d’ailleurs s’en rendre compte en direct au Théâtre, lieu parfait pour découvrir la magie d’un grand ensemble, en suivant Maxime François "notre photographe" à tous les chroniqueurs, qui sait utiliser les ressources d'un lieu, monte dans les combles, entre, et sort des loges, des baignoires, escaladant les balcons tel Scaramouche dans la scène finale du duel ...

Six ou plutôt sept pièces avec la dernière From (sur un simplicissime riff de guitare, souvenir de l’adolescence métalleuse de Paul Jarret) soit plus d’une heure de musique mouvante, ondulante dans un certain statisme, atmosphérique. On se faisait déjà une petite idée de ce que l’on allait entendre, de l’acoustique en grand format avec quatorze instrumentistes,  pointures de la jeune scène hexagonale. Une gageure à notre époque que seul un festival de l’envergure de Djazz Nevers dans sa trente huitième année peut s’autoriser. Mais on est assez loin du compte à l’écoute de ce big band qui assurément ne ressemble à rien d’autre. " Gonflé " dira d'ailleurs Didier Levallet, l'oeil amusé et il s'y connaît en matière d'orchestre. 

Dès le titre du premier morceau ”In G”, introduit par l'altiste Mathilde Vrech, puis repris par groupe d'instruments, on pense à Terry Riley, La Monte Young, plus encore que Philip Glass; on est sur la piste des Mohawks, ces minimalistes américains à la limite de la suspension dans la recherche du son et du souffle (Scelsi), dans l'intime de la perception. Certains y entendent Ligeti. Peu de solos ou alors très courts, réduits, fondus dans la masse sonore d' un ensemble qui bouge, en perpétuel décalage oreille. 

Une certaine douceur immobilisante semble au rendez-vous :  une fréquentation attentive du travail de Paul Jarret  montre que le guitariste aime étirer le temps en filaments d’une mémoire perturbée, disruptive avec des tempos enveloppants et invariants. Ceci en étroite connexion  avec le concept  de Puissance de la douceur de son trio Sweet Dog ( groupe né en 2015 dont un nouvel opus sort d’ailleurs ce vendredi Sweet dog on the moon).

Le public n’est pas disposé autour du groupe comme à l’Atelier du Plateau, il y a plus d’un an déjà mais il n’en demeure pas moins au coeur du son. Du troisième balcon, la vue plongeante est formidable et le dispositif scénique joue le rapprochement, l’intimité des musicien(ne)s, enfermés dans un cercle blanc de lumières. Avec les projos du fond, qui ce midi figuraient des casques de salon de coiffure et à présent se transforment en une série Dark Vadorienne, on retient son souffle dès ces Oscillations jouant de micro-déplacements de hauteurs, de variations dans les intensités, de  jeux subtils de timbres, associés ou isolés, avec beaucoup de notes seules, tenues en unisson.

L’instrumentarium sans rythmique mais avec une guitare électrique que Paul Jarret manipule parfois avec un archet, permet des combinaisons intéressantes  avec une forte proportion d’instruments  medium ou graves, en pupitres élégamment disposés, un tableau d’orchestre contemporain en écho au symphonique de Dufy... 

On repère un quartet de chambre aux timbres étagés dont un Nyckelharpa très insolite, instrument traditionnel suédois, à cordes frottées, de la région d’Uppland, hybride de clavier et de violon à quatre cordes dont le son fait penser à celui d’une vièle à roue. Clin d’oeil à la recherche musicologique d'un des albums précédents Emma (sa grand-mère) qui illustrait chants et récits  comme La Saga des Emigrants de Vilhelm Moberg. On remarque  les interactions des cuivres et des bois, une large palette d’instruments qui évoluent simultanément, en parallèle ou en alternance plutôt par juxtaposition de couches instrumentales que par empilement selon le tempo, la tonalité, le timbre, la dynamique...

Un ensemble d’une continuité conceptuelle intéressante qui tente l'achèvement, la clôture,  une certaine complétude... circulaire.  ALE nous entraîne, voyageur immobile  vers un ailleurs indécis, à l’écoute d'une musique difficile à qualifier de prime abord qui n’hésite pas à unir bruitisme à un ambient plus planant. Mais on retrouve aussi des musiques religieuses avec un harmonium, des formes de canon (Hymn, Anthem sont des compositions plus mélodiques). Dans Fa et Do dièse mineur, Paul Jarret introduit un vieux magnétophone à cassettes pour indiquer un signal métronomique et répartit les musiciens en deux groupes autour de la note Fa et autour de Do dièse. Des clusters dans un cheminement harmonique soulignent des reliefs et climats dépouillés, tout un monde floconneux de perceptions.

De nuages qui passent, il en est aussi question dans Moln, l'avant-dernier titre, désignés du doigt par le violoncelliste Bruno Ducret, puis on replonge dans un brouillard de son dans lequel on demeure en immersion.

Une vision toute personnelle, actuelle, ouverte, démonstrative mais plutôt convaincante.

 

Sophie Chambon

 

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14 novembre 2024 4 14 /11 /novembre /2024 16:48
Djazz Nevers 38 ( suite)    Didier Ithursarry et  Elodie Pasquier , Géraldine Laurent et Paul Lay

 

Djazz Nevers 38  (Suite)

Didier et Elodie, Paul et Géraldine...l'art du duo
 

 

Mercredi 13 novembre

 

Quel plaisir de se retrouver au théâtre à 12h15 pour le premier concert du jour, l’heure et le lieu m’enchantent, l’une des meilleures mises en appétit. Le duo programmé  nous réserve de l’inattendu, voire de l’inouï.

Didier Irthusarry aime les duos et s’y adonne avec plaisir dans les différents Hymnes à l’amour avec le saxophoniste Christophe Monniot, le vibrant Lua avec le pianiste Jean Marie Machado dont il est un compagnon de route, fidèle à cet orchestre à déclinaison multiple Danzas. C’est d’ailleurs là qu’il rencontra la clarinettiste Elodie Pasquier et que leur vint l’idée d’un duo croisant leurs deux instruments aux timbres et registres proches. Souffle et soufflet dans une vibration commune comme le présente le texte du livret. L’association ne laisse pas indifférent assurément. Rien de tiède, de doux, de gentiment sensuel. Et pourtant…

La première fois que j’ai entendue la jeune Elodie, c’était à Cluny, Bourgogne sud, le festival familial de Didier Levallet que je fréquente depuis longtemps. Découverte à Jazz Campus, cette enfant du pays (de Tournus précisément) après des études classiques s’est orientée vers le jazz et les musiques improvisées. Dans la grange dimière, elle avait choisi des petites pièces, jamais faciles mais accessibles pour nous public, pour chacune de ses quatre clarinettes dont elle tirait des sons étonnants, voire bizarres, en jouant sur le métal. J’avais gardé le souvenir de murmures les plus doux, charmée comme nous tous par la musicienne féline et sensuelle. Pas de slap, très peu de respiration continue mais une façon irrésistible de vous envelopper dans ses rêts, ses volutes jamais stridentes ni agressives.

Parrainée par Djazz Nevers (encore une histoire de famille, géographique cette fois), je l’entendis encore à Cluny, dans la Tour du Farinier (toujours une question de lieu) dans La Litanie des Cimes ( tome 1 ) du violoniste Clément Janinet en 2019, dans le cadre de Jazz Migration …sur des rythmiques traditionnelles mandingues, peul aussi bien que bourguignonnes. Une certaine transcendance volontiers subversive mais un concert spirituel “aux tempos lents, aux contemplations harmoniques” avais-je trouvé.

Cette longue digression pour faire comprendre que soudain, dans ce merveilleux petit théâtre rouge à l’italienne, j’ai eu quelque difficulté à entrer dans une musique  sauvage, rugueuse, complètement improvisée mais avec  vivacité. Etaient-ils fatigués, devant assurer tous les jours un service pédagogique et ludique, la tournée “Bout d’choux” avec diverses écoles de Nevers agglomération? Ils vont jouer avec une intensité et une virtuosité peu communes. Elodie Pasquier a pris de l’aisance et de l’assurance suivant les traces du jeune Portal à la clarinette basse surtout. Elle sort avec cette fougue peu ordinaire un solo tranchant, sur le fil de la lame avec des aigus âcres de sa clare vrillant les tympans, un exercice de style en somme dévoilant une palette de jeu des plus étendues jusqu’aux “doubles notes”. L'accordéoniste sait s'adapter, canaliser parfois certaines envolées de sa comparse. Ces deux là se cherchent et s'harmonisent avec élégance.

Pour les titres des morceaux, jetés sans doute au hasard sur la feuille de route, rien de très marquant sauf cet amusant Didier Girafe, sans doute portrait de l’accordéoniste. Mais ce serait plutôt elle qui se dépeint, se poussant du col dans une gestuelle gracieusement drôle. Car rivé à son piano à bretelles, si lourd et difficile à manier, Didier donne parfaitement la réplique, lançant des ostinatos troublants sur lesquel elle improvise. Une musique qui claque, on parlait autrefois de jazz vif . Soudain peu avant la fin, notre accordéoniste de coeur  intervient dans une fugue annoncée, qui n’en est pas vraiment une, avec un solo possédé, déjanté, en proie à une intensité de jeu peu commune et proprement inouïe. Elodie juge pertinent de ne pas reprendre... le morceau s’achève ainsi dans la sidération pour moi. Si certains accordéonistes donnent le sentiment de cracher lesboutons nacrés, j’ai cru qu’ils allaient être arrachés dans l’emportement de cette improvisation effrénée. Ce n’est pas du chiqué, du free qui fait le show comme certains musiciens, saxophonistes souvent, qui simulent la “colère”. D’ailleurs, pour le rappel Didier Ithursarry décide de ressortir une vieille partition le Desiludo d’un certain Tico Tico, un tube brésilien qui calme les esprits et répond exactement à l'imaginaire collectif : l'accordéon, instrument très complet, véritable orchestre à lui seul, est associé à la musique populaire, au folklore et à la chanson.L’improvisation était  pourtant au rendez vous de ce duo sensible et insolite que vous n’oublierez pas dès que vous aurez entendu cette Bourguignonne et ce Basque, une vraie rencontre entre le son volontiers mélancolique de l’accordéon, vite contrebalancé par les pirouettes vertigineuses et ludiques des clarinettes. Un équilibre irrésistible entre les deux musiciens qui se complètent avec générosité.

 

Paul Lay & Géraldine Laurent     We love Jobim

 

La Maison, grande salle 20h 30

 

Avec un pianiste de la trempe de Paul Lay, tous les choix de programmation sont possibles. Son catalogue est proprement mozartien. Mais le mesurer avec une saxophoniste de la classe de Géraldine Laurent paraît idéal dans ce programme qu’ils déclament en coeur We love Jobim.

Et d’abord, que connaît-on vraiment d’ Antonio Carlos Jobim, pianiste, guitariste, flûtiste, chanteur, arrangeur et surtout compositeur, auteur de centaines de chansons dont plusieurs sont devenues des standards de jazz interprétés par Dizzy Gillespie, Ella Fitzgerald, Oscar Peterson, ou encore Frank Sinatra? Considéré comme le père de la bossa nova, il a réussi l’accord parfait avec les paroles « le mot devient son, le poème devient musique» au cœur de Rio dans les années cinquante. Cet acte créateur se fit en compagnie du chanteur Joao Gilberto, venu de Bahia et Vinicius de Moraes qui composa le magnifique «Chega de saudade». La bossa allait faire le lien avec la samba des rues où domine le «surdo» (gros tambour de samba) et le jazz moderne.

J’ai eu la chance de découvrir le duo il y a juste deux mois au festival de St Rémy dans les Alpilles : si je me réjouis de les entendre dans le même programme- c’est très rare aujourd’hui, je repense à mon introduction d’alors : “Ces deux là se connaissent depuis 2007, le pianiste a participé à deux des groupes de la saxophoniste At Work en 2014 et le quartet Cooking sorti sur le label Gazebo en octobre 2019. Ils sont même doublement liés puisque Cooking fut reconnu comme le meilleur album de l’année et Paul Lay, le meilleur instrumentiste. Victoires méritées consacrant un groupe, une saxophoniste que je suis depuis longtemps. Ce qui plonge toujours quelque peu dans un rembobinage mémoriel...”

Je ne serai pas au bout de mes surprises ce soir car il est rare d’assister à deux concerts aussi différents, nouvelle preuve de l’infinie variété du jazz, musique vivante d’interprétation et de création. Dès le premier titre, on est dans Jobim avec ce Piano na mangueira qu’annonce, confuse Géraldine, ne sachant pas comment prononcer le portugais brésilien. Je n’avais pas reconnu à St Rémy, faut dire que Jobim je ne connais pas bien, à part les banalités ressassées, la récupération ensorcelante de Stan Getz The sound accompagné de la chanteuse Astrud Gilberto. D’ailleurs j’attends avec impatience la sortie du prochain livre d’Alain Gerber chez Frémeaux pour avoir un approfondissement sur la bossa. Géraldine Laurent et Paul Lay sortent des sentiers battus pour explorer un répertoire foisonnant de plus de quatre cents titres. Ils poursuivent par une valse enivrante et mélancolique Valsa de porto das Caixas. Si vous ne vous remuez pas à son écoute, consultez…

Ce soir le duo va au-delà des sempiternels Girl from Ipanema, Desafinado et autres One Note Samba, préférant choisir des thèmes moins connus de nous Européens. Ils ne pourront pas reculer devant un ou deux standards incontournables que le public doit attendre, comme Chega de Saudade dont on reconnaît le fredon assez compliqué, un passage subtil entre mineur et majeur qui fait l’intérêt et le trouble de la composition. Mais voilà que nos acrobates duettistes se perdent dans les bifurcations subtilement intriquées de leurs développements respectifs ou à l’unisson. Quand enfin le thème survient, le public est soulagé, moi aussi, on s’ y retrouve et c’est bien. La saxophoniste a de l’expressivité à revendre, elle se distingue par le rythme qu’elle imprime à son discours, la façon d’articuler son propos. Intemporelle, sa musique avance sans nostalgie aucune. Un timbre et un phrasé uniques servis par un son exceptionnel ce soir dans la grande salle de la Maison. Géraldine semble ne jamais s’arrêter, son souffle continu dispense de longues volutes enrubannées comme les paperolles des cahiers proustiens

Si je retrouvais les effluves, les fragments de certaines mélodies à St Rémy dans un univers étranger et familier, le duo jouant sa musique, ce soir, sans hésitation, on est dans un Jobim jazzifié, un peu débrasiliénisé ( me souffle malicieusement Didier Levallet osant le néologisme. Après tout ses compositions raffinées ont ouvert la voie au jazz. Loin des clichés d’une saudade alanguie, le Jobim du duo est emporté, vibrant, exacerbé sous les doigts de Paul Lay qui se tord et se soulève du clavier, privilégiant une approche physique de l’instrument, décontracté et disponible à ce qui advient dans l’instant, à ce qui surgit sous ses doigts dans un style emporté et percussif.

Une musique généreuse, volubile au sein d’une création continue, effervescente, qui coule sans effort en dépit d’une structure rigoureuse. Jobim leur a offert un terrain de jeu mélodique et rythmique sans pareilSi j'ai reconnu Inutil paysagem, je suis incapable de savoir s’ils ont joué Meditation. Difficile de vérifier sur CD , il n’y en aura pas de ce We love Jobim et il ne restera donc qu’un souvenir ému….

 

S​​​ophie Chambon

 

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14 novembre 2024 4 14 /11 /novembre /2024 09:43

     Un des maîtres de la batterie, Roy Haynes, qui joua avec les plus grands (Charlie Parker, Louis Armstrong, Lester Young, Miles Davis, Eric Dolphy, John Coltrane…) et dont le style tout en finesse suscite une admiration unanime chez les musiciens et amateurs de jazz, est décédé le 12 novembre dans l’État de New-York, à l’âge de 99 ans.
 


     « Le père de la batterie moderne », selon le guitariste Pat Metheny, excellant dans l’expression minimale, aux balais ou à la cymbale charleston, dernier acteur de la grande épopée du be-bop, Roy Haynes n’aura eu qu’un seul regret dans sa vie, ne pas avoir intégré l’orchestre de Duke Ellington. « Duke voulait que je rejoigne son orchestre, nous confia-t-il en 2009. L’ambiance qui régnait dans le groupe ne me convenait pas. Mais l’idée que Duke Ellington souhaitait m’engager, voyez-vous, c’était la plus grande marque de respect au monde qui m’était adressée ».
 


     Le batteur Jack DeJohnette définit ainsi le style de Roy Haynes : « une alliance rare de l’école de la rue, d’une haute sophistication et de soul ».   Lui remettant les insignes de commandeur des Arts et Lettres en mars 2009 à Paris, la ministre de la culture Christine Albanel relevait « le swing inimitable, le jeu crépitant, sophistiqué et élégant ». Elégant derrière ses futs comme à la ville : ne fut-il pas classé par le magazine Esquire en 1960 parmi les hommes les mieux habillés des Etats-Unis aux côtés de Miles Davis ?

     Pendant plus de 80 ans (le natif de Roxbury, Massachusetts le 13 mars 1925, fils d’un organiste, donna ses premiers concerts à 17 ans), Roy Haynes n’aura cessé d’innover, influençant des générations de batteurs et donna le goût de la batterie à ses descendants (son fils Craig et son petit-fils Marcus Gilmore). Et dans le même temps, il aura toujours donné sa chance à de jeunes talents au sein de son propre groupe. Une double contribution à l’histoire du jazz qui lui valut en 2011 de recevoir un « Grammy Award Life Achievement ».
 


     Laissons le dernier mot au saxophoniste Stan Getz son contemporain (1927-1991) : « Roy atteint les sommets de la finesse, du goût et du toucher. Il a l’oreille la plus développée de ce côté-ci du paradis ».

 


Jean-Louis Lemarchand.

 


N.B. : La carrière de Roy Haynes est passée en revue dans un coffret de trois cd et un DVD publiés en 2008 par Dreyfus Jazz «  A life in Time : The Roy Haynes story ».

Il propose des enregistrements avec Miles Davis, Charlie Parker, Stan Getz, John Coltrane, Chick Corea entre autres et sous son propre nom en tant que leader.

Il comprend un livret signé par Ashley Kahn, historien du jazz et un DVD de 40 minutes avec interviews de Roy Haynes et concerts exclusifs.

 

On pourra lire avec intérêt dans l’histoire du Be-Bop d’Alain Gerber (Frémeaux & Associés. 2024) le chapitre consacré à Roy Haynes « l’homme de la parole heureuse ».


©photo Jb Millot, J.-L. Lemarchand et X. (D.R.)

 

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13 novembre 2024 3 13 /11 /novembre /2024 18:43

Fidel Fourneyron (trombone), Thibault Soulas (contrebasse), Antoine Paganotti (batterie)

Uqbar #3 / l’autre distribution

 

Une musique élaborée par le tromboniste lors d’une résidence au festival ‘Jazz sous les pommiers’, et dont la source est du côté des divinités Yoruba. Mais plus largement, c’est un hymne à la musique afro-américaine comme à toutes les musiques de la Caraïbe, une sorte de retour aux sources, et au souffle primal qui jaillit dès l’origine du jazz, et même en-deçà. C’est d’une évidence confondante, et pourtant les nuances, les circonvolutions, les digressions et les inventions sont légion. Le trio nous embarque dans un voyage qui nous semble familier, et dans lequel, pourtant, les surprises sont nombreuses. Avec un virtuosité d’Artisan d’Art pour qui chaque geste est un condensé de pratiques immémoriales, Fidel Fourneyron attise un vibrant dialogue avec ses partenaires : la contrebasse de Thibault Soulas connaît tous les ressorts de ce langage, même dans le jaillissement de l’improvisé ; et la batterie d’Antoine Paganotti attise le feu, même quand il couve : un régal. En cours de route une sorte de calypso nous rappelle que le grand Sonny Rollins fut une sorte de pionnier, à le fin des années 50, dans cet art du trio conduit par un souffleur avec le renfort de la basse et de la batterie. Très très bon disque !

Xavier Prévost

.

Le trio est en concert le 14 novembre à Paris, à l’Atelier du Plateau

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13 novembre 2024 3 13 /11 /novembre /2024 17:01
Djazz Nevers 38              Sophia Domancich Trio    Wishes

 

 

 

Mardi 12 Novembre

Sophia Domancich Trio       Wishes

Théâtre municipal de Nevers, 21heures.

 

 

 

 

Arrivée in extremis pour le concert de 21heures au théâtre de Nevers  après une journée éprouvante de train, de route, de retards et de bouchons.

Sophia Domancich revient avec une nouvelle actualité “Wishes”, pas encore discographique, mais ça ne saurait tarder-elle est prévue bientôt au Studio Sextant, sur un répertoire original qui n’a d’ailleurs pas encore de véritables titres. Soit six wishes ou des “souhaits” qui se ressemblent sans se dupliquer bien que le concert soit sous le signe de la répétition, quelques mesures répétées avec des décalages de plus en plus nets, jusqu’à l’évanouissement, l’effacement .

Mais après la création au Sunset la semaine dernière, le passage à Strasbourg à Jazzdor il y a deux jours, voilà le troisième concert à Nevers. Et c'est peu dire qu'elle nous fait plaisir, Sophia car pour son retour avec un nouveau trio, c’est un coup réussi. La pianiste fait advenir avec ce nouveau groupe ce qui semblait oublié : un "classique"en jazz de la formule piano-basse-batterie qui reprend autrement un chemin balisé en y découvrant des paysages originaux. Sans doute faut-il savoir s’entourer : voilà trois musiciens qui n’ont pas souvent travaillé ensemble et pourtant on a l’impression qu’ils se connaissent depuis toujours tant l’alchimie est immédiate. Soutenue, encouragée, stimulée par une paire rythmique exceptionnelle dans la précision et la créativité, Sophia Domancich a pu s'abandonner à ce qu'elle sait faire de mieux, une improvisation déroutante autant qu'envoûtante . 

Un équilibre atteint puisque la pianiste et le contrebassiste Mark Helias ont apporté chacun trois compositions au groupe sans compter le rappel, évocation des plus ornettiennes. Sans révolutionner l'art du trio, ils créent ce qu'on n'a plus souvent l'occasion d'entendre, une musique improvisée très sérieusement pensée. Avec- ce n’est pas le moindre de leurs  paradoxes, une structure très calculée dans la déstructuration même puisqu’on ne s’installe jamais dans la mélodie qui n’a jamais été le souci premier de Sophia. A l'exception peut être de la cinquième pièce, justement plus directement accessible qui sonnerait bien comme un standard. Serait-ce Seagulls from Kristiansund qu'elle a souvent repris, une composition de Mal Waldron, pianiste de l’épure qui savait créer une véritable fascination par d’abondantes répétitions tout à fait compulsives? J’aimerais le croire car avec Sophia les citations reviennent du plus loin de la mémoire ou de l’inconscient. Sub-conscious Sophia ?

Tous trois ont démarré bille en tête, la rythmique vite orientée par Sophia qui lance une phrase  vite hypnotique, simple dans sa reprise même, cadencée. Le deuxième évoque un jazz de chambre initié par le contrebassiste qui, à l’archet trace des sombres profonds. La musique se déguste délicatement, le piano de Sophia fait retour à Monk dans la troisième pièce,  ça swingue enfin avec un motif qui circule nerveusement tout au long de la pièce  avec des altérations, emprunté à Well We Needn’t,  vite abandonné pour avancer,  aller  se perdre dans une séquence plus labyrinthique. Sophia Domancich a trouvé des couleurs et des élans nouveaux avec le drumming subtil et sensuel d' Eric McPherson, le boisé rondement énergique, ferme et chantant de Mark Helias. Son solo sophistiqué, à la chorégraphie déliée est une élégante démonstration de l’art de jouer de la contrebasse .

 

Les réminiscences de Monk ne sont pas les seuls retours à l'histoire du jazz de ce  trio ouvert, cérébral et organique qui ne s’installe jamais très longtemps dans un thème, se plaît à fragmenter à loisir, découper à plaisir, ménager des suspens avant de réattaquer de plus belle. Chacun s’écoute attentivement, l’interplay fonctionne de façon exemplaire :  le contrebassiste prend la main avec  fermeté quand ce sont ses compositions, le batteur s’ajuste à l’ensemble avec beaucoup de spontanéité et toujours le geste juste, fournissant du "sur mesure" dans cette recherche du son le plus adéquat, de la ponctuation la plus fine pour orner cette broderie sonore. Son jeu  délicat repose entre autre sur un usage expert des baguettes qu’il fait sonner sur caisse claire, grosse caisse, cymbales avec une facilité déconcertante  à s’accommoder des discontinuités évidentes de la pianiste.

 

 

Parfois elle s’interrompt, heureuse, pour les regarder jouer tous les deux sentant que leur chant suffit à l’équilibre; mais quand elle revient dans le jeu, elle s’abandonne alors  librement à ses propres impulsions, entretenant la surprise par des changements abrupts de rythme, des interruptions ou des reprises abondamment répétées.
Ses complices l'accompagnent, habillent parfois en fond sonore, répondent aux vides, soulignent les lignes de force de leur partenaire. On se sent transporté, capable de goûter les nuances de leur musique, de suivre une poétique du jazz portée à un rare degré d’intelligence de jeu. Si les rôles sont assez finement répartis, on ne pourra pas dire qu’il s’agit d’une pianiste accompagnée d’une paire rythmique mais de solistes construisant de pair leur interprétation.

 

Tout est soigneusement conçu et exécuté même si tout n’est pas véritablement écrit, me dira en substance le contrebassiste qui, avec une pirouette évoque une musique poétique, joyeuse et pourtant politique. C’est le sens actuel à peine caché de ces Wishes.

 

 

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12 novembre 2024 2 12 /11 /novembre /2024 22:34

222 musiciens du XXème siècle par 222 écrivains.
Editions Fayard. 768 pages.
En librairie depuis le 30 octobre.
ISBN : 978-2-213-72755-4

 

Les titres peuvent être trompeurs. « Les mots de la musique » ne constituent nullement un dictionnaire destiné aux élèves des conservatoires ou amateurs en quête de connaissances. L’ouvrage réalisé sous la direction de Franck Médioni (auteur de nombreuses biographies, ancien producteur à Radio France), constitue, aux dires d’icelui, « une anthologie littéraire, une déambulation libre, une mosaïque bigarrée aux écritures multiples ». Précisément, ils sont 222 contributeurs (interprètes, journalistes, romanciers…) qui ont choisi d’évoquer, selon leurs propres mots (on y revient) un musicien (ou une musicienne) du XX ème siècle.

 

Parcourir ce vaste volume (plus de 750 pages) nous donne l’occasion de retrouver les figures marquantes, connues ou non (c’est là un des plaisirs du lecteur, la découverte), dans tous les domaines de la musique : classique, contemporaine, rock, pop, chanson française et bien sûr le jazz y compris le blues largement représenté avec plus de 70 récits et portraits. Au fil de cette déambulation, on croise ainsi pour « l’équipe de France » de la note bleue Michel Portal, Martial Solal, Bernard Lubat, Michel Petrucciani, Jean-François Jenny-Clark, Joëlle Léandre, Marc Ducret, Daniel Humair, Jac Berrocal, Django Reinhardt, Stéphane Grappelli….

 

Ces 222 chroniques, de Marguerite Monnot aux Rolling Stones, de Steve Reich à Ravi Shankar -prennent des formes diverses : des études sous forme de coups de cœur ( Erik Satie sous la plume de Pascale Roze, prix Goncourt 1996 pour Chasseur zéro), des témoignages (Nadia Boulanger vue par Tiphaine Samoyault, la fille des conservateurs du Château de Fontainebleau, où enseignait la sœur de Lili, la compositrice de Pie Jesu), des souvenirs de tournée (savoureuses évocations de Johnny Griffin par le saxophoniste Olivier Témime, de Stéphane Grappelli par le contrebassiste Jean-Philippe Viret, de Jean-Louis Chautemps par son confrère François Jeanneau…).

 

Accéder à ces textes qui passent en revue de manière tout à fait subjective la foisonnante histoire musicale du XX éme siècle se mérite. Le livre adopte une présentation alphabétique des auteurs et retient des titres pas toujours explicites (exemple, l’article de Philippe Claudel dédié au groupe anglais The Stranglers et titré simplement ‘No more heroes’). Le lecteur doit donc se référer aux deux sommaires en fin d’ouvrage (par auteurs et musiciens). On eut apprécié également quelques éléments biographiques sur chacun (e) des auteur(e)s. Reste que la lecture sans guide ni repères, au petit bonheur la chance, peut avoir ses charmes.

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

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9 novembre 2024 6 09 /11 /novembre /2024 18:44

Deux enregistrements inédits des années 90 voient le jour : un duo Annick Nozati – Daunik Lazro, et un quartette qui les associe à Paul Lovens & Fred Van Hove

 

ANNICK NOZATI – DAUNIK LAZRO «Sept fables sur l’invisible»

Annick Nozati (voix & textes), Daunik Lazro (saxophones alto & baryton)

Vandœuvre-lès-Nancy, 13 mai 1994

Mazeto Square 570 566-4

https://www.mazeto-square.com/product-page/sept-fables-sur-l-invisible-digital

 

C’est à l’édition1994 de l’historique festival de création musicale ‘Musique Action’ que ce concert a été saisi sur le vif. L’enregistrement est désormais publié, bonheur d’écoute pour ceux notamment qui se souviennent des mémorables prestations musicales de la très regrettée Annick Nozati, morte voici 24 ans, et qui m’avait dans les années 80 & 90 bouleversé l’oreille, en solo, en duo avec Joëlle Léandre, ou dans d’autres configurations. Dès la première plage, je suis saisi par ce mélange de maîtrise vocale et d’absolue liberté de création. Le sax et la voix paraissent surgir d’une même matière sonore et musicale, avant de se disjoindre dans une autonomie faite de convergences, de tensions et de sublimes conflits. Daunik Lazro dialogue avec la vocaliste en une sorte d’audace (très) attentive. Chant et autres langages sonores et musicaux : les deux partenaires sont en phase, et quand le texte conçu par la chanteuse s’en mêle, l’échange s’enflamme derechef. Bref, surprises, émotions et vertiges d’un bout à l’autre !

 

DAUNIK LAZRO, PAUL LOVENS, ANNICK NOZATI & FRED VAN HOVE «Résumé of a Century»

Daunik Lazro (saxophones alto & baryton), Paul Lovens (batterie, cymbales & gongs), Annick Nozati (voix), Fred Van Hove (piano & accordéon)

Vandœuvre-lès-Nancy, 21 avril 1999

Fou Records FR-CD 65

https://fourecords.com/FR-CD65.htm


 

À nouveau au festival ‘Musique Action’, cinq ans plus tard, Annick Nozati & Daunik Lazro dialoguent avec Fred Van Hove et Paul Lovens, compagnons de route des musiques, aussi improvisées qu’extrêmes, de cette grande époque. L’effervescence se fait folie, les balustrades du possible sont une fois encore franchies, et au-delà du dicible. La liberté franchit encore de nouveaux confins, pour le bonheur de l’auditeur imprudent que je suis. Ce concert édité sur disque est l’exact reflet d’une aventure musicale, surgie voici des décennies, et qui par bonheur ne s’est pas éteintes. Extraits en suivant le lien ci-dessus : bon voyage dans le Jardin des délices ! On dit souvent que ces musiques s’écoutent mieux in vivo et in situ : fermez les yeux, vous êtes au Centre Culturel André Malraux de Vandœuvre-lès-Nancy, dans les années 90….

Xavier Prévost

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5 novembre 2024 2 05 /11 /novembre /2024 08:08
Franck Bergerot    André HODEIR & James JOYCE      UN  ELOGE DE LA DERIVE

FRANCK BERGEROT

André HODEIR & James JOYCE

Un éloge de la dérive

 

 

 

accueil | ONJ

Disponible le 25 octobre

Ouvrage accompagné du lien de téléchargement du concert«Anna Livia Plurabelle • L’ONJ joue André Hodeir» donné le 6 mars 2021 à la Maison de la Radio et de la Musique

 

Finnegans Wake : Anna Livia Plurabelle - YouTube Music

 

Un travail d’une envergure impressionnante, exhaustif sans être fastidieux, facile à lire même sur un sujet pourtant intimidant André Hodeir et James Joyce, un éloge de la dérive. Soit une oeuvre Anna Livia Plurabelle à la réputation difficile, une “jazz cantata” tirée de Finnegans Wake que Joyce mit dix sept ans à écrire.

Je me souviens...C’était en 2 017 à Avignon quand Frank Bergerot évoqua devant nous la suite d’Hodeir Anna Livia Plurabelle qui le fascinait depuis sa jeunesse et dans laquelle il replongeait avec passion à la lecture d’ André Hodeir le jazz et son double, un pavé de 772 pages de Pierre Fargeton (préfacé par Martial Solal). Franck Bergerot prit alors conscience de ce qu'il y avait de visionnaire dans la volonté d’Hodeir d'écrire le jazz comme on improvise, sans le faire comme les musiciens free de l’époque qui imaginaient le futur du jazz autrement, sans partition. Hodeir introduisait cette drôle d’idée d'improvisation simulée, des solistes tout particulièrement. 

Je ne connaissais pas cette pièce musicale mais le rapprochement avec James Joyce retint mon attention. Auteur pour le moins difficile dont j’avais vainement tenté Ulysses sans grand succès ( parcourant le dernier chapitre jusqu’au “oui” final du monologue de Molly) mais eu plus de chance avec Dubliners/The Dead beaucoup plus accessible, surtout après avoir vu le film crépusculaire de John Huston,  d'une grande fidélité dans les dialogues, son dernier opus où sa fille Anjelica tenait le premier rôle.

 

 

Hodeir a écrit deux "jazz cantatas" à partir de Finnegans Wake   Bitter Ending (fin du dernier chapitre) et Anna Livia Plurabelle (huitième chapitre) qui met en scène deux lavandières et une femme-rivière Anna Liffey (qui traverse Dublin jusqu’à la mer). Cette rivière musicale connaît beaucoup de changements de tempos et d’orchestrations, sans marquer une fin précise entre les sections mais avec des enchaînements, soit une oeuvre véritablement ouverte, nourrie musicalement des textes de Joyce.

 

Recréée en 1966, cet extraordinaire flux, échange de deux lavandières de part et d’autre du fleuve dont les rives s’éloignent (voix de soprano et de contralto, respectivement Monique Aldebert et Nicole Croisille) dans la première version avec un livret bilingue. C’est à John Lewis que l’on doit l’édition vinyle US de 1970, rééditée chez Epic en 1971 pour CBS France par le pianiste Henri Renaud. En 1992 Patrice Caratini s’attaqua à l’oeuvre dans la seule version anglaise et tout naturellement quand l’ONJ de Fred Maurin décida en 2021 de reprendre la jazz cantata pour le centenaire de la naissance d’André Hodeir, au studio 104 de la maison de Radio France dans l’émission Jazz sur le vif du producteur Arnaud Merlin, il fit appel à Patrice Caratini, contrebassiste et chef d’orchestre (y compris de l’ONJ). Franck Bergerot était évidemment présent ce soir de mars 2021. Une raison de plus pour justifier l’existence de ce singulier orchestre national qui s’engagea vaillamment dans cette super production de 25 artistes dont deux vocalistes, reprenant le chantier de cette oeuvre maîtresse en pleine pandémie. Les éditions ONJ records prolongèrent le travail musical en publiant la somme de Frank Bergerot (ouvrage accompagné du lien de téléchargement de l’enregistrement du concert conçu comme un seul mouvement ininterrompu).

Le concert avec captation vidéo du samedi 6 mars 2021 fut donné devant une vingtaine de personnes, techniciens compris et... la Ministre de la Culture, mais fort heureusement on put le suivre plus tard grâce à la retransmission de Radio France dans le Jazz Club d’Yvan Amar en respectant sa durée,  d'environ une heure. L’enthousiasme partagé à l’écoute de cette “oeuvre avec voix en stéréophonie”, performance unique brillamment rendue malgré la difficulté de la partition par un orchestre inspiré et deux chanteuses qui ne l’étaient pas moins, Ellinoa (mezzo soprano) et Chloe Cailleton (contralto).

Alors commence un véritable “work in progress” et l’expression n’est pas galvaudée dans le cas de ce récit historique, essai musicologique, enquête journalistique, un défi pour son auteur qui accumula  analyses, lectures et traductions diverses, ayant aussi accès aux archives de la veuve d’André Hodeir. Bergerot a réuni ainsi André Hodeir qui réinventa le statut de compositeur de jazz avec l’Irlandais génial qui faisait du “jazz verbal”. Sensible à l’esthétique des blocs sonores de Monk qu’il rapproche des derniers essais de Joyce dans le glissement de la langue, Hodeir écrit une variation continue, sans retour possible, se débarrassant des mots, usant entre autre d’onomatopées. La musique pour être vraiment libre avait besoin d’une langue inventée que lui fournit le Finnegans Wake d’un écrivan, illisible auteur d’une oeuvre sonore et musicale, d’un roman musique.

C’est l’un des mérites de ce livre de proposer plusieurs angles d'attaque : on peut en faire une lecture décomplexée, attaquer par la musique (Jazz on Joyce d’Hodeir) ou la littérature (Jazz Verbal de Joyce) mais il n’est pas inintéressant de commencer par l’article rédigé sur jazzmagazine.com par F.Bergerot, le 20 Août 2017, trois ans avant qu’à l’annonce de la recréation d’Anna Livia Plurabelle par l’ONJ, il ne décide de se mettre au travail, attaquant un chantier pharaonique. Il n’en reste pas moins que le prologue/ avertissement de 25 pages constitue une synthèse fort pédagogique aux rubriques découpées et titrées avec pertinence.  On retrouvera enfin, détaillé très précisément le déroulement du concert, les 26 différentes parties réparties en 13 fichiers distincts, une partition à l’écoute du texte qui suit les interventions de chaque musicien dans un commentaire enthousiaste digne des reporters sportifs de la grande époque !

Comme André Hodeir et James Joyce, Franck Bergerot ne laisse rien au hasard et son travail fouillé, méticuleux consiste à montrer en quoi Hodeir tentait de décloisonner les champs harmoniques, mélodiques, rythmiques, formels, timbraux selon sa formule lumineuse “agrandir le jazz pour ne pas avoir à en sortir”. Soulignons encore l’excellence des annexes, livret et notes de pochette d’André Hodeir selon les éditions, sources bibliographiques, phonographiques et radiophoniques (sans oublier un spécial James Joyce en musique) jusqu’à l’illustration bienvenue de Michel Caron, des fragments de vitrail en dalles de verre qui reprennent justement le motif de dérive et de dislocation du titre. Voilà de quoi animer la vision métaphorique qui habita l’auteur pendant l'écriture de son éloge.

Tout amateur de jazz et de littérature trouvera assurément son compte dans cet ouvrage soigné, même sans être lecteur de musique. Le grand intérêt tient de la démarche de Franck Bergerot qui a cherché dans ce véritable “labour of love” à rendre tous les registres possibles, combinant analyse musicale (explicitant le processus d' harmoniques) et dimension littéraire, et encore histoire du jazz. Soit un tour de force que cette polyrythmie d’informations musicales, jazzistiques, phonétiques et linguistiques. Car si l’écriture de Joyce sonne, il n' aura fallu pas moins de trois traductions pour s’en approcher dont un collectif dirigé par Philippe Soupault sous le contrôle de Joyce, génial polyglotte en 1930; un exemple parmi tant d’autres Finnegans Wake (initialement titré Work in Progress eh oui!) ne compte pas moins de 17 langues. La vraie langue de Joyce serait donc la traduction et ses seuls lecteurs ses traducteurs!

Raison de plus pour plonger dans le cours tumultueux de cette "jazz cantata" recréée par Patrice Caratini et l’ONJ de Fred Maurin.

 

 

Sophie Chambon

 

 

Anna Livia Plurabelle 

L’ONJ joue André Hodeir

 

 

Maison de la Radio et de la Musique
Studio 104 – 6 mars 2021 – 
Jazz sur le Vif

Ellinoa mezzo-soprano  Chloé Cailleton contralto

 

Patrice Caratini direction

 

Orchestre National  de Jazz   Direction artistique Frédéric Maurin

 

Catherine Delaunay clarinette
Julien Soro sax alto et soprano
Rémi Sciuto sax alto et sopranino, clarinette, flûte
Clément Caratini sax alto et soprano, clarinette
Fabien Debellefontaine sax ténor, alto et soprano, clarinette
Matthieu Donarier sax ténor et soprano, clarinette
Christine Roch sax ténor, clarinette 
Sophie Alour sax ténor et soprano, clarinette
Thomas Savy sax baryton, clarinette
Frédéric Couderc sax basse et ténor, clarinette
Claude Egea trompette
Fabien Norbert trompette
Sylvain Bardiau trompette, bugle
Denis Leloup trombone
Bastien Ballaz trombone
Daniel Zimmermann trombone
Stéphan Caracci vibraphone
Aubérie Dimpre vibraphone
Julie Saury batterie
Benjamin Garson guitare électrique
Robin Antunes violon
Raphaël Schwab contrebasse


 

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