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23 novembre 2012 5 23 /11 /novembre /2012 22:41

 

Fresh sound New talent 2012

Frédéric Borey (ts, ss), Inbar Fridman (g), Camelia BenNaceur (p), Nolwenn Leizour (b), Stefano Lucchini (dm) + Yoann Loustalot ( tp) et Mickael Balkue (tb) 

 Borey-Frederic_TheOption_w001.jpg

Si le père noël n’a pas encore mis le dernier album de Frédéric Borey dans sa hotte, c’est que soit il est nul soit il n’y connaît rien au jazz ( ce qui avouons-le est une hypothèse hautement improbable). Mais finalement, comme on est jamais mieux servi que par soi-même, je ne saurai que trop vous recommander de filer, en loucedé vous procurer « The Option », dernier opus ( son 5ème) de ce saxophoniste bien inspiré. On ne sait jamais, le vieux barbu pourrait avoir de ces criminelles absences……

Qu’il joue en petit combo avec sa garde rapprochée (qu’on retrouvait dans « Lines » paru l’an dernier - http://www.lesdnj.com/article-frederic-borey-lines-73936174.html) ou qu’il écrive (magnifiquement bien d’ailleurs) pour une formation élargie, Frédéric Borey affiche la même classe et la même décontraction des grands sax ténor. Il faut entendre cette nonchalance du phrasé, cette souplesse dans la façon de dire et cette pointe de dandysme sur The Tightrope walker. L’élégance naturelle dans le jeu de Fréderic Borey le porte à passer du ténor à l’alto avec la même légèreté, un peu comme un sax de la west coast. Ce garçon, on l’a dit sait manier l’écriture bien léchée, harmoniquement riche comme sur ce Earth Complains où Yoann Loustalot et Mickael Balkue se joignent au quintet. C’est limite académique mais ça fonctionne diablement bien. Dans le même temps, Fréderic Borey joue avec un groove terrible, comme pris sur le vif. On se croirait au « Smalls » à New York où il pourrait facilement croiser le fer avec un JD Allen par exemple. Avec ce phrasé à la fois souple et puissant, Borey est comme un acrobate de haut vol, d’une précision rythmique toute naturelle. Et comme ce dandy n’est pas ennemi du bon savoir vivre, on ne s’étonne pas de le voir ici fort bien accompagné avec une rythmique qui donne envie.

Frédéric Borey s’inscrit dans une ligne straight et assez classique, où le funk et le bop sont des choses du passé bien assimilées. Sans regarder vers quelques ersatz ( on est ici totalement acoustique), il cultive un jardin dans lequel on trouve facilement les repères d’un jazz de bon aloi, un jazz qui groove et qui balance, un jazz qui fait du bien par où il passe. Un jazz terriblement efficace.

Jean-Marc Gelin


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23 novembre 2012 5 23 /11 /novembre /2012 11:41

RaviColtrane 5051RAVI COLTRANE QUARTET
15 NOVEMBRE 2012
Salle Grappelli à Nice


Le 15 novembre 2012 la salle Grappelli à Nice recevait le saxophoniste Ravi Coltrane (dont le dernier album « Spirit Fiction » a été le sujet d’un article de Mr Jean-Marc Gélin dans les DNJ) .

Il était accompagné par David Virelles au piano, Dezron Douglas à la contrebasse et Johnathan Blake à la batterie.

Il est difficile d’écrire sur un concert que l’on a peu aimé. Pourquoi écrire alors ? Ne doit-on communiquer aux lecteurs que des émotions positives ? Je dois dire que je n’aurais fait aucun commentaire si ce concert n’avait été pour moi plus qu’un sujet musical, s’il n’avait pas tenu en lui une dimension psychologique fort intéressante à mes yeux. Et cette dimension affecte non seulement le jeu de Ravi Coltrane lui-même mais aussi son public.

On ne peut en effet appréhender la musique de Ravi Coltrane sans prendre en considération ce qui a été à la fois l’accélérateur de sa carrière et certainement l’inhibiteur de sa personnalité de musicien : son illustre père !

Comment venir à un concert de Ravi sans penser à John ? Je défie quiconque qui était dans la salle hier soir de n’avoir eu à l’esprit la musique de John Coltrane et de ne l’avoir comparée à celle de son fils au moins inconsciemment ! Quelle barrière infranchissable que cette comparaison !

Car, par ailleurs, comment tenir un saxophone entre ses mains lorsqu’on est le fils de celui qui en a été un maître quasiment adulé au rang du divin ?

Et bien l’on fait certainement comme Ravi le fit lors de ce concert : être irréprochable sur ce que l’on peut acquérir par le travail, c’est à dire la technique. Et cela compense ce qu’il est plus compliqué d’atteindre : le style, le son, la beauté….

 

RaviColtrane 5042

 

Car technique voire virtuose ce concert l’était ! et ceux qui venaient là pour le frisson des tempi défrisants étaient servis !

C’est ainsi que le quartet a fait défiler le « Skippy » de Thelonious Monk à la rapidité de l’éclair  au point qu’il en est presque devenu « Slippy ».

Figuraient également au répertoire quelques morceaux de l’album, « Clues », une composition de Johnathan Blake, sœur de « Evidence » de Thelonious Monk dont d’ailleurs citation fut faite par David Virelles et « Emotion » , un morceau de Dezron Douglas.

Vous avez dit émotion ? …

Ravi Coltrane, qui a donné son exclusivité au tenor, avait un son assez dur. Ce n’est pas pour me déplaire… Mais ses interprétations et ses improvisations avaient la même qualité, ce qui pour moi est plus gênant. C’est ainsi que j’ai attendu l’instant de beauté au fil des flux ininterrompus de notes - quasi logorrhées - des incisions viriles rompues à la vitesse et la puissance. J’ai attendu….

Le jeu souple et inventif de David Virelles, jeune pianiste prometteur, auquel d’ailleurs les musiciens ont laissé un large espace d’expression (surtout après que le technicien du son lui ait ajouté un bon brin de gain pour l’extirper de la décidément bien massive batterie de Johnathan Blake)  était mon seul salut…..Avec également les improvisations de Dezron Douglas, dont le visage arborait en permanence un sourire émerveillé et qui fut largement apprécié pour sa façon délicate et pointue de jouer, rejouer encore et encore, comme le ferait une dentellière sur son ouvrage, un même motif en le découpant chaque fois différemment.

Le « son de groupe » manquait. Il faut dire que Johnathan Blake et Dezron Douglas n’étaient pas prévus puisque le programme annonçait Kariem Riggins et Robert Hurst. Il arrive cependant dans le jazz que des musiciens remplaçants s’intègrent comme par magie et sans que l’on puisse l’entendre à un ensemble déjà formé. Je n’ai pas trouvé que cette magie mystérieuse avait opéré lors de ce concert.

 

RaviColtrane 5035

 

Au-delà de l’ascendance paternelle et de l’héritage culturel auxquels Ravi Coltrane comme son public ne peuvent échapper demeurent des points d’achoppement qui, peut-être, demanderaient un travail de libération d’avantage mental que technique. Je m’aventure à écrire que ce qui explique la « froideur » (selon mon ressenti tout personnel) de ce concert tient plus d’une peur de rivaliser avec son père que d’une incapacité à l’expression émotionnelle. Tout artiste quel qu’il soit a ses influences et sait bien à quel point il est ardu de s’en détacher. Mais lorsque cette influence se double d’une lignée biologique, d’une imprégnation culturelle depuis l’enfance et de l’interdit inconscient de rivaliser avec le « Père », cela revient à « couper le cordon musical », et cela, c’est peut-être le plus difficile travail qui soit.


Yaël Angel


 

 

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20 novembre 2012 2 20 /11 /novembre /2012 22:36

 

 BOBO STENSON : «  Indicum »

Bobo Stenson(p), Anders Jormin (cb), Jon Fält (dms)

bobo-stenson.jpg 

 Le nouvel album en trio du pianiste Bobo Stenson qui parait ces jours-ci chez ECM marquera certainement moins les esprits que le précédent, " Cantando" paru il y a quatre ans sur le même label. Cela ne nous empêchera pas de lui trouver nénamoins un charme certain. Un certain charme devrais-je plutôt dire. On reste bien sûr dans la lignée de la maison de Manfreid Eicher avec cette qualité de son, ce sens de la musique espacée et cette économie de moyens qui nous porte parfois à l'ennui délectable, à la déambulation oisive et qui ne manque pas de grâce. Il y a chez le pianiste suédois un vrai sens poétique. Il s'empare d'un répertoire vaste qui va de George Russell ( Event VI) à Bill Evans (Your story) jusqu’à la reprise de certaines chansons comme la Pérégrinacion du compositeur argentin Ariel Ramirez dont les vieux schnoks comme moi savent qu’elle avait été popularisée en France dans les années 70 par un certain. Bobo Stenson prend son temps, musarde et surtout lasse respirer sa musique, jamais spéctaculaire mzid toujours d’une grande maîtrise. La compagnie de Anders Jormin à la basse est comme toujours essentielle alors que l’on note, à ses côés la présence de Jon Fält, batteur coloriste à la Paul Motian qui fut en son temps l’un des compagnons de route fidèle du pianiste suédois.

 

BENEDIKT JAHNEL : " Equilibrium"

Benedikt Jahnel (p), Antonio Miguel (cb), Owen Howard (dm)

jahnel.jpg

 

Benedikt Jahnel (p), Antonio Miguel (cb), Owen Howard (dms)

Avec l'album de Benedikt Jahnel on est, pour le coup dans la production très courante du label et l'on se demande inévitablement si ECM n'a pas déjà produit 100 fois ce type d'album. A 32 ans le pianiste allemand, ex fondateur de "Cyminology" livre un album classieux dont il émerge parfois quelques moments d'émotion lorsqu'il se plait à explorer les profondeurs de son clavier. Rien d'extraordinaire là dedans mais un réel savoir-faire, un trio qui tourne bien et une musique agréable et accessible, sans groove certes mais suffisamment expressive et élégante. A suivre de près.

 

MICHAEL FORMANEK : « Small places »

Craig Taborn (p), Tim Berne ( as), Michael Formanek (cb), Gérald Cleaver (dms)

formanek.jpg

Avec Michael Formanek l’on entre tout de suite dans le très haut de gamme avec un  quartet de très très haute facture. De la haute couture, du cousu main, du raffinement de dentellière. C’est une musique intelligente et expressive, à la fois cérébrale et admirablement construite. Avec une très grande écoute entre les 4 membres du groupe qui respirent ensembles et avec la même intensité. Chacun de ces membres semble être dans une démarche d’énergie partagée, d’envie de musique et aussi dans le respect des grands équilibres sans lequel il n’est pas de trio ou de quartet durables. Du coup la musique prend tout son relief. Et lorsque la pulse s’impose, c’est bien loin d’un groove primaire mais au contraire dans un mouvement alerte, aérien et puissant à la fois. Des moments d’extrême tension succèdent à des moments de grands relâchement et cela sans jamais perdre un instant une once de cohérence. Craig Taborn étincelle, apportant à l’ensemble de magnifiques couleurs harmoniques alors que Tim Berne lui, apporte le feu, à la fois incisif, précis et acéré comme une lame. Et dans ce dispositif presque organique, Michael Formanek s’impose comme la pièce véritablement centrale, comme son axe de rotation. Que ceux qui écouterons l’album aillent bien jusqu’au bout, jusqu’à son point culminant avec ce Soft reality qui clôture cet album dans un extrême dépouillement, lorsque le fil de la lame de Tim Berne se confond avec le trait de l’archet de Formanek, lorsque la musique se confond en une sorte de cri étouffé dans une tenue de note à l’intensité extrême. Pour clore ici un de ces rares moments exceptionnels dont le label de Manfreid Eicher a parfois le secret.

Jean-Marc Gelin

 

 

 

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18 novembre 2012 7 18 /11 /novembre /2012 20:35

Visuel D'Jazz Nevers Festival 2012Festival de création, D’Jazz Nevers dérange toujours. De Vincent Peirani à Dan Tepfer, immersion 24 heures à l’occasion de cette 26ème édition.

« Vivifiant ». Tel est le qualificatif choisi par son directeur-fondateur Roger Fontanel pour définir D’Jazz Nevers Festival. Aux environs du 11 novembre, c’est un rendez-vous prisé des amateurs et pas seulement des Nivernais (un spectateur sur quatre vient des départements limitrophes et d’ailleurs). Une semaine de concerts (10-17 novembre) de midi à minuit sous le signe de la création, miroir du jazz contemporain, sans tentation passéiste. Visite sur place- à deux heures en train de Paris- les 15 et 16 novembre.

 

 

 

 

12h. Vincent Peirani solo. A un jet de pierre du lieu de tournage d’Hiroshima mon amour (1959), une petite salle voûtée (Pac des Ouches) prise d’assaut. L’entrée est libre et on délaisse le Beaujolais nouveau, au goût de pêche, pour une dégustation plus rare, un solo d’accordéon. Accompagnateur de Youn Sun Nah pour le concert d’ouverture, Vincent Peirani, prix d’accordéon classique du conservatoire de Paris (1996), connaît son instrument sur le bout des doigts.

 

peiraniVincent Peirani © Jean-louis Lemarchand

 

Dix minutes d’improvisation pure en introduction tout en ralenti. Il prend son temps et nous emmène pour un tour du monde (I Mean You de Monk, Smile de Chaplin, un titre du brésilien Egberto Gismonti) qui se boucle avec une valse mais très peu musette. Nos spectateurs en sortent convaincus : l’accordéon, dans de telles mains juvéniles, peut tout faire.   

 

fontanelRoger Fontanel © Jean-louis Lemarchand

 

15 h. Entretien avec Roger Fontanel. Le directeur, et fondateur du festival, ne se laisse pas gagner par la morosité ambiante du milieu culturel. Les partenaires de D’Jazz Nevers –Agglomération de Nevers, Drac Bourgogne et Conseil général de la Nièvre-ont la veille renouvelé leur convention pluriannuelle d’objectifs pour 2012-2014. Et même avec une « légère » revalorisation des moyens. Ce soutien apporté depuis 1995 assure la pérennité du festival et aussi des actions locales menées tout au long de l’année sur l’ensemble du département. Sur un budget global de 650.000 euros/an, provenant à 65-70 % des financements publics, un tiers est en effet alloué à cette action territoriale se traduisant entre autres par une vingtaine de concerts dans une dizaine de communes. Pour l’instant, Roger Fontanel se félicite de la bonne fréquentation du festival-environ 6000 spectateurs, comme en 2011-déjouant ses craintes initiales. S’il reste fidèle à une politique de prix abordables (de 8 à 25 euros pour les soirées avec deux formations, concerts gratuits à midi….), il ouvre la programmation à d’autres formes (photo, théâtre, danse, poésie). « Je ne veux pas être autocentré » confie ce défenseur des jazzmen qui « cherchent, inventent, dérangent ». Intransigeant chef d’orchestre de ce festival « de création », il reste maître à bord : » « en 26 ans, il n’y a jamais eu aucune intervention sur la partie artistique ».

 

Ping Machine 2 © Christophe AlaryPing Machine © Christophe Alary


18h30. Ping machine. Ils sont à l’étroit, ces treize là sur la scène de l’auditorium Jean Jaurès. Là aussi, les places sont rares (une petite centaine) et les spectateurs curieux. Baptisé du nom d’une scène-culte d’un film des Monty Python, Ping Machine fait partie de ces grandes formations qui cultivent la différence. Musique très écrite, échappée vers Zappa ou Ligeti, un monde à découvrir, déconcertant à l’image de cette composition évoquant, selon son leader, Fred Maurin (guitariste), « un univers apocalyptique post-industriel ». Big band sans piano mais pas sans imagination, Ping machine étonne et détonne.

 

campagnieLa grande campahnie des musiques à ouir © Jean-louis Lemarchand

 

20h30. La grande campagnie des musiques à ouïr. Là aussi sur la scène de la Maison de la culture, le piano joue les absents. Et pourtant, le programme annonce une relecture d’Ellington et de Monk. Explication du patron de La grande campagnie des musiques à ouïr, le batteur Denis Charolles : « Ce serait difficile pour le pianiste car il chercherait par exemple à ne pas faire comme Monk et Ellington ». Nous sommes prévenus. Le temps n’est pas à l’hommage. Par moments, on retrouve une phrase des deux géants compositeurs mais priorité à la parodie. Dans ce maelström, mention spéciale au tromboniste Gueorgui Kornazov et à l’accordéoniste Didier Ithursarry.

 

Vijay Iyer Trio © Jimmy KatzVijay Iyer trio © Jimmy Katz

 

22h30. Vijay Iyer. Le piano est de retour ! Et de quelle façon sur cette même scène. Vijay Iyer. Une allure de consultant –n’est-il pas diplômé en mathématiques et physique- mais qu’on ne s’y trompe pas. Le pianiste new-yorkais d’origine indienne n’a (plus)rien du monstre froid. Avec ses comparses,Stephan Crump (basse) et Marcus Gilmore (batterie), c’est Noël avant l’heure. Guirlandes et Champagne. A eux trois ils illustrent le propos utilisé dans le registre politique par Edgar Faure, l’indépendance dans l’interdépendance. Sur un répertoire où compositions de Vijay Iyer côtoient des airs d’Henry Threadgill, Herbie Nichols ou encore Billy Strayhorn, le trio atteint les sommets. Confidence d’un musicien-spectateur : ce groupe a 20 ans d’avance !

 

Dan Tepfer 5 © Vincent SoyezDan Tepfer © Vincent Soyez

 

12 h. Dan Tepfer. Il croque une pomme pour se revitaminer. La veille au soir, il jouait à Barcelone. Roger Fontanel l’annonce en soulignant (en souriant) l’inconscience de Dan Tepfer : s’attaquer aux Variations Goldberg de Bach. Question de temps, le pianiste n’en donnera que la moitié (15).Mais il ne les joue pas à moitié. D’aucuns évoqueront Glenn Gould. Dan a sa propre vision. Tout le rythme du compositeur allemand est mis en valeur. « Je ne suis pas le premier à dire que Bach était le premier jazzman » confie Dan Tepfer. L’accompagnateur délicat-notamment de Lee Konitz-sait aussi se montrer soliste généreux.


Jean-Louis Lemarchand

 

ping1

Ping Machine © Jean-louis Lemarchand   

 

iyer3  Vijay Iyer trio © Jean-louis Lemarchand

 

La Grande Campagnie - DUKE & THELONIOUS © Jacky CellierLa grande campagnie - DUKE & THELONIOU- Duke & Thelonious © Jacky Cellier

 

 

 

 

 


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11 novembre 2012 7 11 /11 /novembre /2012 20:14

 

Coffret Jazz Magazine Jazzman. 5 CD.Wagram. Environ 25 euros.

 

Simu-coffret-JAZZ-MAGAZINE-JAZZMAN.JPG


Comme la langue d’Esope, la compilation peut être la meilleure ou la pire des choses… Ami lecteur, vous vous doutez bien de notre avis d’entrée de jeu. Sachant votre temps précieux, les DNJ n’en auraient abusé s’il s’agissait d’un coffret fabriqué en Europe de l’Est à base de morceaux piratés … Comment d’ailleurs pourrait-il en être le cas quand le « sélectionneur » de ce coffret est un contributeur des DNJ et également membre de l’Académie du Jazz, Lionel Eskenazi ?

Le népotisme n’est pas le genre de votre site préféré. Vous recommander l’achat –pour un prix plus que modeste-de la compilation estampillée Jazz Magazine Jazzman répond à une analyse critique. Trois raisons justifient amplement ces quelque 25 euros,  l’équivalent de deux CD ou d’une place de concert.

1.    Un vrai choix éditorial. La sélection a été effectuée de manière originale avec cinq rubriques : les grands interprètes, les grands compositeurs, le grand métissage, Made in Europe, les années 2000. Cette approche « anglée » donne des voisinages surprenants à travers un siècle de jazz, comme par exemple Diana Krall avec Chet Baker, Jeanne Lee, Benny Goodman et Louis Armstrong chez les interprètes.

2.    Un éclectisme de bon aloi. En cent titres -c’était la contrainte- toutes les grandes voix du jazz figurent, Armstrong, Davis, Coltrane, Parker, Holiday, Basie, Shorter, Ayler, Mingus, le MJQ, Jarrett, Coleman…La sélection  permet aussi à qui pourrait en douter  de constater  que le jazz n’est pas uniquement une affaire américaine, et que le centenaire (les premiers enregistrements datent de 1917) est bien vivant. On y retrouve en effet les étoiles d’aujourd’hui-Youn Sun Nah, Vijay Iyer, Méderic Collignon, Ambrose Akinmusire, Pierrick Pedron…-même si sont absents, pour cause d’impossibilité d’obtenir les droits, John Zorn ou Brad Mehldau.

3.    Une rigueur dans la discographie. Le livret donne les informations précises sur chacun des titres  (date d’enregistrement, personnel…).

Faire tenir en cinq cd, et donc ne pas dépasser globalement les 400 minutes (80 minutes au grand maximum, la limite technique du CD) a obligé Lionel Eskenazi à éliminer une bonne trentaine de titres sur son choix initial et à ne pas retenir de morceau « longs », la durée moyenne se situant à 4 minutes. C’est évidemment un point faible. Mais c’est le prix à payer pour l’exercice d’une sélection en 100 titres-50 avant 1962, 50 depuis- hautement recommandable, on l’aura compris.

 

Jean-Louis Lemarchand

Lionel Eskenazi sera l’invité de Jazz à FIP le 5 décembre prochain.

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9 novembre 2012 5 09 /11 /novembre /2012 18:42

tana_-_livre_-_new_york_en_50_chansons.jpgTana Editions
Parution le 11 octobre 2012
226 x 270 mm
144 pages
15 euros

Un véritable bonheur que de feuilleter ce guide musical de New York, en 50 chansons, sur des textes pertinents et érudits du journaliste Bertrand Dicale  ( France Inter, France Info ) : une promenade musicale et photographique qui fait dialoguer Bruce Springsteen, Harry Belafonte, Sammy Davis Junior, Jay –Z, Serge Gainsbourg avec les clichés d’Hervé Tardy. Le dispositif est simple : une double page de photo sur laquelle apparaît le refrain de la chanson et sa traduction et un texte qui met en lumière le choix iconographique et le contexte de la chanson choisie.
Comme l’écrit l’auteur, ce livre explore une ville folle et ses mythologies, un New york rêvé, imaginé, dans lequel on vit aussi. Ces chansons tissent la trame, réécrivent  l’histoire d’une ville où le regard et l’oreille ne sont jamais en repos. New York a été chantée sur tous les tons dans tous les styles (tubes de Broadway, jazz, rock, rap, funk...). Qui dit New York, reprend immédiatement avec Liza Minelli, « I want to be a part of it, New York, New York »  le refrain de la chanson, dans  le film culte de Scorsese, New York New York, qui surpasse même la version de Frankie « The Voice » Sinatra. Autre référence inoubliable « I like to be in America », la chanson des Portoricains de West Side Story , LA comédie de Leonard Bernstein. On pense aussi  à « Walk on the Wild Side », l’un des tubes incontournables de Lou Reed, période Transformer.
On ne peut oublier Louis Arsmstrong avec l’orchestre de Benny Carter dans  « Christmas night in Harlem », ni Gene Kelly chantant « Broadway melody » dans Singin in the rain.  Mais il y  aussi des surprises dans cette sélection futée et les Français ne sont pas absents, en proie à cette fascination pour la « Grosse Pomme », de Nougaro qui en fit sa « Nougayork » à Louise Attaque sans oublier Gainsbourg, Higelin, Renaud, Yves Simon et Matthieu Bogaerts.
 Si on mettait bout à bout tous les refrains, si on alignait les citations placées en exergue sur chaque page , on aurait le texte le plus fou, le plus représentatif de la ville mythique.
Un bonus : cet ouvrage est réalisé en partenariat avec Spotify. Le lecteur trouvera un QR code qui lui permettra de retrouver la « playlist » en ligne sur le site.Autre bon point, apparaissent non seulemement les crédits des photos, mais des extraits de chansons citées dans l’ouvrage.
Voilà une excellente idée de cadeau, intelligent et moderne, pour les fêtes de fin d’année.
NB : il existe l’équivalent chez Tana Editions, sur PARIS , du même auteur. N’hésitez plus !

Sophie Chambon

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6 novembre 2012 2 06 /11 /novembre /2012 18:52

 

 

Jazz Village / Hamronia Mundi 2012

 onjpiazzola.jpg

Encore une fois l' ONJ signe un album magnifique. Après le travail sur Robert Wyatt, après « Shut up and dance », Daniel Ynivek rempli parfaitement son rôle en proposant cette relecture de l'un des plus grands compositeurs de XXeme siècle que pour ma part je met à égalité avec Jobim, Shorter et Mc Cartney. Mais toute la difficulté est pourtant de voir dans ce travail autour de l’œuvre d’Astor Piazzola, un album de l’ONJ. Car il faut bien dire, que de la même manière que l’on avait apprécié la collaboration de John Hollenbeck, cet album-là est avant tout celui de la rencontre de l’arrangeur Gil Goldstein avec l'un des plus grands compositeurs de ce siècle, Piazzolla. Et de cette rencontre avec ce génial arrangeur ( écoutez son travail dans le dernier album de Laika) naît une véritable pépite de délicatesse et de raffinement harmonique chère au génial bandonéoniste. Il fallait alors des interprètes de haute volée, soucieux et respectueux de cette double écriture pour exhaler ce que recèle cet écrin. Yninek de toute évidence les avait avec cet ONJ de jeunes et hypra talentueux musiciens, magnifiques et sages dans leur exécution.

Gil Goldstein crée pour eux des espaces de jeu incroyables, des couleurs mystérieuses parfois comme ce Soledad à l'épure envoûtante, comme une avancée dans un territoire instable. Le tango d' Adios Nonino revit d'une autre façon, proche de l'idée et de la mélodie mais tirée vers le jazz par les ressors d'un arrangement à tiroirs. Où Goldstein met tout l'orchestre en mouvement, où l'un passe devant l'autre et se transforme insidieusement de leader en soutien rythmique et harmonique tour à tour. Goldstein part toujours de la mélodie, comme balise, comme repère, pour nous ancrer dans un terrain reconnaissable immédiatement et nous emmener ensuite dans une déambulation onirique magnifique (Mi refigio  - morceau sublime) avec autant d'élégance que de grâce et surtout d'apparente facilité qui n'exclut pas la formidable richesse des textures harmoniques. Il se permet même parfois des  paraphrases modernes et presque rock comme sur ce Tres minutos con la realidad très cinématographique tout en privilégiant aussi le mouvement dans ses arrangements. Dans ses choix orchestraux, Goldstein a, avec beaucoup de sens, choisi d’éviter la présence du bandonéon qui aurait sonné un peu kitsch. C’est même tout le contraire dans sa recherche du son puisque l’arrangeur place comme pièce maîtresse, la flûte de Joce Meniel, ici absolument remarquable et essentiel, créant ainsi une sorte de paysage sonore nouveau autour de ces mélodies bien connues. Un soin apporté particulier est apporté au traitement du son n'hésitant pas d’ailleurs à surprendre et à se jouer de la texture sonore comme sur el dia ma quieras).Le bandonéon n’apparaît ainsi que furtivement au travers d’une pièce d’archive en milieu d’album.

Il est alors facile de se laisser emporter et surtout envoûter par cet album qui rend à la modernité la musique universelle de Piazzola. Au travers de ce travail on y trouverait presque une sorte de continuité avec les travaux sur Robert Wyatt autour de cette musique faite de grands espaces et de sentiments.

Jean-Marc Gelin 

 

 

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3 novembre 2012 6 03 /11 /novembre /2012 12:53

FLU-O--Encore-remuants.jpgCircum disc 2012/Cidi 1201
Muzzix
MVS distribution

Le groupe nordiste Impressions dont on avait beaucoup aimé le premier disque sorti en 2004  Le bénéfice du doute, poursuit sa trajectoire à son rythme, sans heurt . Ce nouvel album, le troisième, est  tout simplement captivant. En fait, le quintet revient sous un autre nom FLU(O), avec cet  Encore remuants intriguant qui affirme ainsi sa capacité à se renouveler. La continuité dans le changement, puisque les cinq musiciens originels sont encore de  l’aventure. On aurait tort de s’en plaindre, il s’agit d’un groupe de haute volée. Dès les premières secondes, l’ambiance est mystérieuse, comme si l’on embarquait pour un voyage de nuit, sans connaître la destination. Avec des morceaux fièvreux, d’une vibrante intensité, on se laisse happer pour un voyage de six pièces, assez court, mais intense.
Une musique séduisante, aux climats urbains, changeants :  de puissants emballements qui mettent en résonance, formidable afflux d’énergie brute, jaillissement ininterrompu, convulsions rythmiques. Parfois mélancoliques, parfois montées sur ressort, les compositions sont dopées à l’énergie sincère du rock, l’ambiance ne retombe jamais, mais les musiciens n’en oublient pas pour autant la mélodie, hypnotique et survoltée, comme dans « Annam » où un certain engourdissement installe un climat instrospectif, lenteur planante que trouent la trompette revigorante, par éclats vifs et le friselis de la guitare jusqu’au crescendo final..
Travail du son et des textures, nouvelles couleurs d’un jazz affranchi, résolument moderne, actuel, voire alternatif comme l’on parlait du rock progressif. La belle trompette de Christian Pruvost frise et défrise dans la deuxième composition « Frigorifique », avant que le piano de Stephan Orins ne retentisse, troublant la donne. Le cinquième titre «Toujours remuants » donne à Olivier Benoît l’occasion de nous proposer un long développement à  la guitare, après que le batteur Peter Orins ait jeté l’arrière-plan entêtant, posé les fondamentaux avec la basse de Christophe Hache, créant une rythmique obsédante, crépitante, énervée.
Cette musique reste sophistiquée, allant plus loin que le rock, sombre et lyrique : sous les projecteurs, Flu(o) garde sa densité et reste maître de ses exigences et de son pouvoir, donnant libre cours à son imagination rythmique et à sa fougue sonore. Une expérience poétique autant que physique, un flux continu, éloquent et abrasif . Ainsi en est il du dernier morceau « Polly », solo du batteur aussi généreux que retenu avant l’envolée finale.  On suit jusqu’aux dernières salves, tout à fait conquis !
Sophie Chambon

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1 novembre 2012 4 01 /11 /novembre /2012 18:27

soweto---New-Emancipation.jpgSoweto Kinch recordings - 2012

C'est un peu par défaut que j'ai acheté le dernier cd de Soweto Kinch intitulé The New Emancipation, mais sans regret. En effet, les disques dont j’envisageais me sustenter pour le week end, étaient absents des bacs de la Fnac: décidément la distribution n'est plus ce qu'elle était, la Fnac non plus…
 

Plutôt content de trouver The New Emancipation dont l'auteur m'était malencontreusement sorti de l'esprit pour une bonne raison : loin des yeux, loin du cœur ! En ses deux premiers cds Conversations With The Unseen et A Life in the Day of B19: Tales of the Tower Block ont déserté ma musicothèque, après que des camarades d'écoute les aient emportés … je ne sais où.


J'avoue avoir une faiblesse pour ce saxophoniste britannique noir, sorti des banlieues londoniennes - qui n'ont rien à envier à notre grande couronne parisienne – et qui est le sujet central abordé par Kinch sur ces albums.
Cette faiblesse, je la dois au festival Banlieues Bleues un jour où Soweto Kinch, alors totalement inconnu en France, avait fait une trop brève apparition à un concert de Hugh Masakela en 2006 si ma mémoire est bonne. C'était pour moi Le choc de cette soirée! Ce soir-là Kinch, débonnaire et tranquille, dévoile un jeu de sax météorite et apaisant à la fois; du genre inexplicable. Xavier Lemettre, directeur du festival, me le conseille sur disque. Il a d’ailleurs programmé sa formation en 2010.

Kinch est très attaché à sa culture urbaine: mélange de jazz / hiphop / rap avec des sonorités résolument modernes, des scansions à l'accent londonien de banlieues à couper au couteau, des gimmicks mélodiques impossibles à chanter, "un gros son" comme on dit là-bas. C'est surtout un gars talentueux, touche à tout, saxophoniste doué qui ne manque pas d'écorcher de sa verve autodérisoire les banlieues qui l'ont vu grandir.
Comme l’indique le titre du cd, Kinch s'est effectivement émancipé: il change le look de sa pochette, moins urbaine et moins graffée que le sprécédentes, a créé son propre label, met un costume et une cravate, a pris de la hauteur ("Raise tour Spirit") et évoque certaines formes de tyrannie. Respectueux de ses pères du jazz américain, il évoque l'esclavage des noirs ("An Ancient Worksong"), l'esclavage au travail ("Paris Heights"), la dictature de la banlieue, la cupidité ("love of Money").

Musicalement, The New Emancipation ressemble à s'y méprendre aux deux ces précédents, alors que les morceaux ou passages de pur jazz s’affirment en authenticité. Il dévoile un groupe, à géométrie variable, lyrique et plutôt inventif dans le son qui s'exprime brillamment entre jazz bien trempé, hiphop et lignes de basses très groovy ; de celles qui nous font hocher la tête sans discontinuité. Notre attention se focalise essentiellement sur le guitariste Femi Temowo et le trompettiste Byron Wallen, en plus du leader très agile dans la forme et finalement classique dans le fond.
Une fois de plus gourmand et généreux, Kinch livre un album long comme à son habitude, riche en style, en mélodie, et dont le contenu a gagné en profondeur. Un vrai plaisir.

 

JG

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1 novembre 2012 4 01 /11 /novembre /2012 17:25

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Dianne Reeves rentre sur scène timidement en tirant sur son t-shirt pailleté comme les jeunes débutantes. Elle ferme les yeux et en quelques notes se transforme en "feel good lady". Quelques notes à la puissance incroyable, dans les bas-fonds comme au firmament. Elle est  tantôt charmeuse, tantôt contrebasse. Elle se joue des harmonies et du phrasé ; elle est une femme incroyablement libre, incroyablement intense.  Sa musicalité et sa technique vocale phénoménales ("même sans micro elle chante fort") ne suffiraient pas à décrire son immense talent. Elle se jette de tout son être dans la bagarre et c'est la vie qui jaillit sur scène, une radicale authenticité. Prêcheuse, non. Chanteuse, non. Seulement présente de manière authentique et généreuse dans l'ici et le maintenant. Elle se déchausse, se défait de ses bijoux et se donne. Dans chaque note, dans chaque harmonie, dans chaque rythme, dans chaque improvisation. Avec une joyeuse audace, elle déconstruit, triture, approche, se réapproprie, réinvente, fait sien, chaque thème, chaque genre (rock, reggae, jazz, pop)...pour mieux nous l'offrir. Relaxez-vous dit-elle en début de concert, nous allons passer ensemble un moment de bonheur. Et c'est ce qui se produit. Elle nous transmet sa joie et son énergie, son feeling bestial. Stormy weather (ô combien de circonstance!) est lumineux. Misty est un feu d’artifices. Our love is here is to stay en duo avec le guitariste-orfèvre, Romero Lubambo, est inoubliable.  Jusque dans sa présentation improvisée de ses musiciens, elle fait preuve d’une jubilatoire générosité. Mazette, quel concert !
 
A suivre salle Pleyel Wayne Shorter le 3 novembre et surtout Brad Mehldau le 21 novembre, d’autres régalades en perspective…La salle Pleyel nous gâte !
Régine Coqueran


 
 

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