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6 octobre 2012 6 06 /10 /octobre /2012 08:01

Antonin Tri Hoang ( as, clb), Pierre Perchaud (g), Leonardo Montana (p), Stephane Kerecki (cb), Anne Paceo (dm, vc)

 Laborie Jazz 2012

 anne-paceo.jpg

 Il est vraiment sympa ce nouvel album d'Anne Paceo dont elle a signé toutes les compositions. Dès les premières notes et avant qu'on ne lise toutes liners note, on a l'impression d'un voyage en Afrique. D'entendre certaines références aux polyrythmies pygmées. Mais lorsque l'on lit les mots d'Anne Paceo on comprend que c'est d'une autre voyage dont il s'agit, d'un autre exotisme, quelque part entre Rangoon et Bangkok d'où la batteur a ramené plusieurs souvenirs de voyage fortement imprimés dans ses souvenirs intimes. C'est dire combien il y a quelque chose de primal et d'universel dans la démarche d'Anne Paceo, de retour aux racines du rythme, au fleuve de la pulsation vitale.

 

 

 

Dans le premier temps de l'album il est alors question de couleurs et surtout de danses. Pierre Perchaud, à la guitare, jette des ponts entre l'occident et l'orient. Les mélodies se font tournoyantes ( Toutes les fées étaient là). La force d'Anne Paceo, de son écriture, de son jeu et de la belle complicité avec Stephane Kerecki est de nous entraîner dans le mouvement. Il y a  aussi beaucoup de sentiments dans ce qu'elle dit, beaucoup d'âme. Une âme parfois débordante, le coeur au bord des lèvres, comme la trace musicale de l'émotion itinérante d'Anne Paceo, comme un beau carnet de voyage. L'âme au bord des lèvres comme l'exprime si bien Pierre Perchaud sur When the sun rise. Autre trace de cette émotion ce morceau qu'elle chante, un Smile où la voix gracile de Paceo fait mouche.

Il y a ensuite comme un deuxième temps dans l'album, un avant Luléâ et un après  comme si le voyage se refermait peu à peu laissant place aux souvenirs en clair-obscur et disparaissant enfin avec une pointe de nostalgie.

Anne Paceo signe ainsi un album qu'elle a écrit comme une story-teller nous offrant ainsi un voyage pas immobile, mais au contraire un voyage virevoltant, flamboyant et au final très émouvant.

Jean-Marc Gelin

 

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5 octobre 2012 5 05 /10 /octobre /2012 23:07

Laurent-DEHORS-_-Matthew-BOURNE---Chansons-d-amour-.jpg
Emouvance/ Harmonia mundi
Sortie en septembre 2012


En dépit de ce titre paradoxal et malicieusement trompeur, la musique de ce duo étrange autant qu’étranger n’a  strictement rien à voir avec le tube éponyme des années 60/70, au fredon persistant dans les mémoires collectives. Pourtant Dehors aime travailler sur les  transversalités, déjouer les musiques populaires. Après son essai transformé sur l’opéra, on pouvait penser qu’il allait détourner les chansons d’amour justement, ces belles mélodies connues, attachantes. Car, le populaire, il aime ça et il avoue volontiers que « l’amour est un truc qui m’emporte, me fait décoller, me fend le cœur ». Sur ce point, on est de tout cœur avec lui, d’ailleurs. Mais sachez que ce diable d’homme et ce formidable musicien n’est jamais où on l’attend. Et puis, il a signé avec Emouvance, ce label indépendant exigeant qui encourage des musiques qui ne sont ni jazz, ni rock, ni même des musiques trad, mais parfois un peu de tout ça, qui s’intéresse au trio de Chemirani, à Daunik Lazro, au doudouk  de Gaguik Mourakian, aux monodiques d’Araïk Bartikian , aux variations pianistiques sur Lennie Tristano. Consultez le catalogue du label sur son site, vous serez édifiés !
Je me souviens avoir entendu, pour la première fois, l’Anglais impassible Matthew Bourne sur la Grand place de Bruxelles avec le Trio Grande de Dehors, Debrulle et Massot. Surprise de l‘intensité tranquille de ce pianiste, avec quelques notes attrapées en vol, aussi saillantes que limpides. Avec Laurent Dehors, ils se tiennent sur le fil, étranges sont leurs échanges, parfois en phase, parfois décalés. La douce folie de l’un plaît à la démesure de l’autre ! « C’est vraiment quelqu’un qui, quand on est ensemble me met en état de vibration » dit Laurent Dehors de son complice. Chansons, chansons qui évoquent l’amour  mais sans paroles,  des pièces courtes en général, pas faciles, des formes ciselées qui tiennent compte de passages improvisés. Tout en creusant toujours plus avant le mystère de l’improvisation, entre opacité, stridence insupportable (« Scotch missed ») et transparence destructrice. Pour Dehors, au contact du pianiste qui sait dompter le silence, l’heure est venue d’un certain dépouillement. Il avoue changer au contact de son camarade de jeu dans les «  liner notes » constituées de l’entretien mené avec intelligence par JP Ricard. Chaque instrument se détache précisément, souffle ou son des cordes pincées, le pianiste jouant une note seule qui impulse la forme, dans une répétitive obsession ou cascadant allègrement dans un phrasé romantique. Tous deux arrivent à affiner le dosage de leur musique singulière et duelle, qui ne ressemble à aucune autre, qui semble dans l’espace, en suspens, se dressant en une fragile architecture minimaliste ; ils bâtissent cette suite en équilibre instable, état quasi impossible à obtenir entre les êtres,  dans ces chansons d’amour qui finissent mal en général. Chacun respire pleinement,  jamais étouffé par l’autre. On se laisse entraîner,  parfois, on n’y comprend rien, comme en amour mais le cœur bat plus vite  et c’est bien.
Sophie Chambon

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3 octobre 2012 3 03 /10 /octobre /2012 07:53

 

Auteur de nombreux ouvrages consacrés au jazz, Jean-Pierre Moussaron, professeur émérite de Littérature française à l’université Michel-de-Montaigne (Bordeaux 3), est décédé le 2 octobre des suites d’une longue maladie, apprend-on auprès de son éditeur, Joël Mettay (Alter Ego Editions).

Agrégé de Lettres Classiques, Jean-Pierre Moussaron fut de 1989 à 1995,  directeur de programme au Collège International de Philosophie (CIPh) et a dirigé à Bordeaux le séminaire « Art et Représentation » qui relevait dudit Collège, sous le patronage de Jacques Derrida, Michel Deguy et Philipppe Lacoue-Labarthe. A ce titre, il laisse comme ouvrages, « La poésie comme avenir »(Le Griffon d’argile,1992 et « Limites des Beaux-Arts »(Editions Galilée).

Dans le domaine du jazz, collaborateur de Jazz Magazine, du Dictionnaire du Jazz et membre du comité de rédaction de la revue L’art du jazz, Jean-Pierre Moussaron est l’auteur de deux livres marquants: Feu le free ? et autres écrits sur le jazz (Belin, coll. ”L’Extrême Contemporain”, 1990) et L’Amour du jazz (Galilée, coll. ”Débats”, 2009).

Son dernier ouvrage « Les blessures du désir, Pulsions et Puissances en jazz » vient de paraître, il y a quelques jours, aux éditions Alter Ego. Dans ce livre, Jean-Pierre Moussaron dresse le portrait de musiciens qui ont, selon ses termes, ouvert en lui «une blessure », en concert ou à l’écoute d’un disque. Parmi les artistes traités, figurent ainsi Chet Baker, Shirley Horn, Von Freeman, Bernard Lubat, Abbey Lincoln, Sonny Rollins. Ce choix de musiciens, précise-t-il en liminaire, « est entièrement subjectif mais nécessaire , dont la cause n’est fondée sur rien d’autre que lui-même, opérant dans ce qu’il faut appeler le vaste univers-ou « multivers »du jazz. »

Jean-Louis Lemarchand

 

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2 octobre 2012 2 02 /10 /octobre /2012 07:53

Essentials

Sortie Europe  12 septembre

Label Catwalk 

www.catwalkjazz.com

Distribution CODAEX

 

 daniel.jpg

 

On n’a jamais entendu Marc Copland aussi ouvert et épanoui que dans ces Essentialsqui conjuguent un romantisme sombre, celui des standards sélectionnés, à une énergie lumineuse, celle des petites pièces intercalées, improvisées. A moins que ce ne soit l’inverse. Reste  perceptible l’empathie entre les deux musiciens qui se sont rencontrés  lors d’une résidence newyorkaise du contrebassiste suisse en 2010 .

Enregistré au Systems Two,  cet album intense et intimiste dans le projet et la configuration, déroule 17 titres  à l’enchaînement impeccable. Ils parviennent à faire rendre gorge aux classiques les plus intouchables comme ce « Things ain’t what they used to be » de Duke Ellington et y insufflent  un souffle actuel. L’entreprise était aussi séduisante que risquée, car choisir de reprendre des classiques comme  « Solar » de Miles , « Worksong » de Nat Adderley,  des ballades éternelles comme « Never let me go » ou « Yesterdays » nécessite talent et maîtrise.  Sens du mystère, suspens proprement hitchcockien, traduction en musique , un soupçon « Herrmannien ». Avec des titres moins attendus, l’entreprise aurait été moins périlleuse pour ce duo qui réussit un tour de force.  Relever de tels défis fait partie des règles du jazz : explorer le répertoire et en donner sa version, sans négliger pour autant de se lancer dans l’improvisation libre, la quintessence de cette musique,  en un constant dialogue, la contrebasse se mariant au piano, sobrement, en toute intelligence, avec un réel feeling.  D’évidence, ces deux là se sont trouvés et cette connivence superbe s’entend, tout simplement. Pas la moindre hésitation dans leur échange, le résultat est une musique fluide mais forte. Un pianiste à la personnalité forte, qui sait swinguer aussi dans « The Face of the Bass » ou « Solar », dont le phrasé se joue des pleins et déliés de la musique, toutes ces choses  lui valant une proximité évidente avec ses aînés. On ne se lasse pas de « The Meaning of the Blues » par exemple, le morceau le plus long de l’album, le plus emblématique peut être de cet art poétique du duo. Indéniablement, dans cet échange fort, le piano ne laisse pas longtemps s’installer le mystère car  la basse a parlé, sachant conserver sa place fondamentale. Exigence sans intransigeance. Tous deux veillent,  pleins d’une force fébrile, donnant toute leur mesure dans cet album classieux, au lyrisme retenu mais frémissant.

Un album à retenir !

Sophie Chambon

 

 

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25 septembre 2012 2 25 /09 /septembre /2012 21:26

 

ACT 2012  ( dist. Harlunia Mundi)

Yaron Herman (p), Logan Richardson (as), Emile Parisien (ts,ss), Stéphane Kerecki (cb), Ziv Ravitz (dm)

yaron-herman.jpg

Je fais partie de ceux qui tiennent cet album pour une étape majeure dans l’œuvre que le pianiste Yaron Herman poursuit depuis quelques années d’abord chez Laborie puis maintenant chez ACT. Bien qu’il s’en défende et affirme que cet album est un autre visage de lui-même, un « Alter ego », il marque à mon avis un vrai tournant dans sa carrière de pianiste compositeur, arrangeur et surtout dirigeant ici d’un exceptionnel quintet.

On ne saura d’abord que se réjouir de ces retrouvailles entre le pianiste et le contrebassiste Stéphane Kerecki compagnon de longue route mais que le parcours discographique de l’un comme de l’autre avait un peu éloignés. Leur entente, ici appuyée par les trésors et les perles magiques de Ziv Ravitz en font ici un trio de très très haute volée. La pulse grave et le battement frémissant. Mais l’autre coup de génie de cet album est aussi d’avoir associé deux saxophonistes immenses : Emile Parisien d’une part, jeune prodige de Marciac qui phagocyte avec autant de gourmandise que de talent inouï la scène du jazz  ( avec entre autres Daniel Humair, avec Jean-Paul Céléa ou encore avec son propre quartet),  et le saxophoniste américain exilé depuis peu dans notre capitale, Logan Richardson dont nous suivons (depuis « Cerebral Flow », son premier album chez Fresh Sound) le parcours de très très haute classe.

 

Vrai tournant dans la carrière du pianiste qui met là ses compositions au service d’autres interprètes que lui. Qui offre avec générosité des plages d’improvisations superbes.

Dès l’ouverture avec Atlas et Axis on entre dans un univers très personnel du pianiste auquel on aurait bien du mal à rattacher un autre modèle qui l’aurait précédé. Et le fait qu’il ne s’expose pas seul ou en trio, n’empêche pas Yaron Herman, de livrer ici un de ses albums les plus personnels. Oubliées les références explicites à Keith Jarrett (elles sont implicites). Oubliées les reprises pops ( elles sont implicites aussi) mais en revanche bien présentes et prégnantes, les racines culturelles qui effleurent ( sur Hatikva ou encore sur ce thème de Gideon Klein sublimement arrangé) et enfin plus que jamais la passion pour un certain classicisme ( on pense à Debussy ou Fauré sur Your eyes par exemple).

Comme toujours avec Yaron Herman la musique est dense, ensorceleuse, faite du syncrétisme de tout ce que l’on vient de citer. Une musique à la fois intelligente et sensorielle et qui respire avec une certaine urgence à être ( Mojo) ou à exprimer une forme de dramaturgie intérieure ( Heart break through). Et puis il y a des fulgurances, celles notamment de l’expression du son de Logan Richardson se jouant de la défragmentation du tempo (Madeleine) et, chez le saxophoniste cette façon de chercher et de fouiller les harmonies justes, la phrase juste ( Kaos).

Il est des albums qui parce qu’ils ont leur propre existence relèvent presque d’une certaine forme de philosophe. Celle de Yaron Herman groove terriblement, emballe tout, fait danser et respirer et d’une certaine manière nous appelle à l’intelligence des sens.

Jean-Marc Gelin

 

 

 

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21 septembre 2012 5 21 /09 /septembre /2012 12:46

Patrois.jpgArts et Spectacles

Cavajazz

C'est depuis le premier album "Il sogno di Diego" de David Patrois, paru en 2007, que je suis régulièrement son " Trio  + 2 ". Le 10 septembre dernier est sorti  un second album sobrement intitulé "Live".
Le quintet de David Patrois est un "groupe", véritablement vrai, l'un des plus solides et soudés musicalement et humainement dans l'hexagone. Le genre de groupe que l'on va écouter pour jouir à l'envi d'une musique éclatante qui le caractérise.
Rodé à la ligne directrice chère au leader, le trio+2 est aujourd'hui  un groupe majeur du jazz français par son niveau de jouerie et ses qualités musicales, sa structuration originale : pas de basse ni de piano et une distribution des rôles éclairée. Trois musiciens " tiennent la baraque " - ce sont les musiciens du trio à l'origine de ce quintet - " et les deux derniers colorient les pièces " dixit Patrois himself.  Ainsi, le tromboniste et conquiste Sébastien Llado et le guitariste Pierre Durand déploient des horizons fertiles aux rythmes improbables, aux ambiances décalés, s'entremêlent, se jettent la pierre, jonglent avec les notes et les anecdotes. David Patrois les qualifient d'  " aliens " dans le groupe… mais des aliens sympas et venus en paix.
Et le trio quant à lui, composé de David Patrois aux vibraphone et marimba, Jean Charles Richard aux saxophones et Luc Isenmann à la batterie, déroule un parterre musclé et poétique, spatial (" Hal 9000 "), africain sans excès, parfois étrangement chaloupé (le reggae à sept temps) et tellement évident (" Freedom Jazz Dance "). Ces cinq musiciens ne font pas partie des " institutionnels du jazz français " - et c'est tant mieux - mais comptent parmi les meilleurs praticiens de leurs instruments en France ; ils aiment jouer ensemble et le font en concert et sur ce disque.
L'album "Live", paru chez Arts et Spectacles, a été gravé à l'occasion d'un concert " normal " à la Cavajazz à Viviers (Ardèche). Pas de méprise avec ce propos ! C'est un concert de haut niveau, celui d'un groupe soudé, expérimenté et avec des idées, comme il y en existe peu sur la durée. Mais cette performance enregistrée n'est pas hors du commun pour le groupe : elle est habituelle et c'est ca qui est bon ! Tant le niveau du groupe et sa musique atteignent des sommets de créativité.
Le but est ici de marquer une empreinte, le genre de trace qu'on veut laisser pour dévoiler l'évolution profitable qu'a suivie la musique du premier album... Costaud, le trio + 2 de David Patrois est une vraie valeur montante du jazz français.

JG

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19 septembre 2012 3 19 /09 /septembre /2012 22:46

sunset-sunside.jpgPour sa 11ème édition, les trophées du Sunside sous la houlette d'un jury composé cette année de Gaetan Dupenher (Tempo111), Philippe Marchin (Photographe jazz), Guillaume Lagrée (journaliste) et Agnès Minetto (Responsable Technique Sunset-Sunside)

 a décerné son palmarès :

 

1er prix de groupe

NOT FORGET, THE PROJECT
Jean Rondeau – piano ; Virgile Lefebvre – saxophone ; Erwan Ricordeau – c.basse ; Aurélien Pasquet – batterie

http://www.facebook.com/media/set/?set=a.104618912990542.4934.104618512990582&type=3

not-forget-copie-1.jpg

 

2ème prix de groupe

CHARLOTTE WASSY QUINTET
Julien Lallier – piano ; Arnaud Dolmen – batterie ; Damian  Nueva – c.basse ; Irving Acao – saxophones ; Charlotte Wassy – vocal

 
1er prix de soliste : CHARLOTTE WASSY l vocal

 

 

 

2ème prix de soliste : GAUTHIER GARRIGUE l batterie



(NDR : un musicien à suivre absolument et qui commence sérieusement à faire parler de lui sur la place de Paris)
1er prix de composition

WEN Quartet
Carla Gaudré – saxophone soprane ; Xavier Gainche – piano ; Louise Navarro – c.basse ; Simon Portefaix – batterie, percussions


2ème prix de composition

NOT FORGET, THE PROJECT
Jean Rondeau – piano ; Virgile Lefebvre – saxophone ; Erwan Ricordeau – c.basse ; Aurélien Pasquet – batterie

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14 septembre 2012 5 14 /09 /septembre /2012 12:32

Le Mot et le Reste, collection Attitudes
422 pages, 26 euros

Bruford2009, Bill Bruford a soixante ans. Les temps changent, il ne prend plus son pied sur la route. L' a-t-il jamais pris d'ailleurs ? Après quarante ans d' une carrière dédiée à la musique et à la batterie, il décide de raccrocher et nous livre son autobiographie sans détour, une somme pas vraiment anecdotique. C'est la première fois qu'il nous est donné de suivre la vie (compliquée) d'un musicien célèbre, Bill Bruford s'expliquant sans langue de bois sur ses participations dans divers groupes : Yes, à ses débuts à 19 ans en 1968, King Crimson avec des sorties et retours sur 20 ans, son passage à Genesis quand Phil Colllins abandonna un temps les baguettes pour se mettre à chanter, mais aussi son aventure dans l'anarchique Gong, dans la " fournaise ardente " UK, sans oublier la création de ses propres groupes, Bruford puis le quartet de jazz moderniste Earthworks. Intéressant point de vue qui n'est pas celui d'un fan même érudit, mais d'un musicien au cœur de la tornade entre pop, rock et jazz. Comme le déclarait Miles Davis en 1969, Bill Bruford est obligé de " changer ", d'accepter " comme une malédiction " sa feuille de route. Bruford est un Anglais éduqué, de la classe moyenne de l'après guerre, qui plongea dans l'underground sans vraiment jamais réussir à choisir entre ces musiques : né en 1949, ses références sont jazz, ses batteurs préférés sont Max Roach et Art Blakey, la pop des Beatles et des Stones ne l'intéresse pas plus que cela. Comme il arrive au bon moment, il participe à la naissance du rock prog qu'il contribuera à développer. Travailleur acharné, scrupuleux, sans complaisance,  Bill Bruford décrit de l'intérieur la vie d'un groupe de rock progressif (il en donne une des meilleures définitions page139 ), les galères de la vie d'artiste, déjouant ainsi certaines idées reçues. On apprend beaucoup sur l'industrie du disque, les conditions d'enregistrement, les concerts et la vie en tournées, de la fin des années soixante aux années deux mille. Cupidité de managers et de producteurs plus que contestables, naïveté des musiciens qui se laissent déposséder de leur travail. Ses anciens compagnons, Ian Anderson, John Wetton, Robert Fripp, Phil Collins, Alan Holdsworth, Chris Squire, s'ils ne sont pas toujours épargnés, sont jugés sans trop exagérer le trait, avec humour même.
Le Mot et le Reste a réussi le tour de force, après le très complet Rock progressif d'Aymeric Leroy, expert en la matière, d'évoquer en deux livres King Crimson et Bill Bruford, l'une de ses principales figures. La traduction de Leroy est parfaite, avec juste ce qu'il faut de recul pour mettre en valeur  la construction en chapitres précis, aux titres attractifs, découpant ce parcours en épisodes savoureux que l'on lira à son rythme et selon son désir. Le dernier chapitre " Lâcher prise " pourrait se lire en premier, dévoilant ainsi le retour sans indulgence sur une vie pas si exceptionnelle et pourtant exaltante. Au moment du bilan, au delà des mirages du show business, cette introspection constitue une analyse rigoureuse d'un milieu controversé, passionnant pour l'amateur, désespérant pour l'artiste. Et fait la part des choses entre succès, célébrité et talent. Suivant une chronologie finement établie, la narration, sans être platement linéaire, suit cet univers rock en expansion dont les contours ne sont pas encore complètement connus. Un parcours rarement chaotique malgré certains repentirs, avec une ligne assumée de la part d'un musicien authentique qui a marqué de sa personnalité presque tous les albums qu'il a enregistrés. Bruford a su gérer sa carrière, sans tomber dans l'exaltation mystique de Yes, la sombre démesure de King Crimson. Sans aucun scandale, menant une vie familiale rangée,  c'est au fond un type très ordinaire … sauf qu'il a traversé l'histoire de la musique populaire des quarante dernières années, participé à quelques-uns des plus grands groupes, alors que les rock stars explosaient en vol …
Absolument indispensable, enlevé, percutant  et instructif !
NB : un index suffisant et une iconographie (photos, pochettes...) très bien insérée dans le texte.
Sophie Chambon

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14 septembre 2012 5 14 /09 /septembre /2012 12:29

paringaux.jpgIntroduction de Christophe Quillien
 Le Mot et le Reste/ Attitudes

Autre lecture incontournable en cette fin d'été, même pas hors sujet pour les DNJ, le recueil de chroniques de Philippe Paringaux, l'une des têtes pensantes de Rock and Folk, " la NRF de la contre-culture ", entre 1968 et 1973. Pourquoi ? Parce que fort étonnamment, Paringaux comme Koechlin, les deux timoniers du Rock & Folk historique,  étaient de vrais passionnés de jazz. Pour preuve, le premier numéro de la revue a paru en juillet 66, comme hors série de Jazz Hot.
Paringaux, voilà un type qui n'était pas sectaire, qui appréciait toute bonne musique, imprégnée de blues et qui pouvait écouter les Beatles à l'Olympia et Charlie Mingus à Wagram. Des types de cette génération qui entendirent  sans préjugé aucun, jazz, pop et rock, croyez moi c'est rare... capable d'apprécier autant In A Silent Way que Led Zep II. Un véritable éclectisme, au sens le plus noble du mot et non une dispersion brouillonne.  C'est un régal que de (re)découvrir les articles de PP qui témoignent du vrai désir d'écriture de celui qui a toujours manifesté un goût prononcé pour le roman et la littérature. Il aimait les mots, et écrire sur la musique relevait pour lui de l'exercice de style. Tout chroniqueur  devrait en prendre de la graine. La critique rock lui doit une fière chandelle.  "Jazz Magazine et les Cahiers du Cinéma possédaient une véritable écriture et une personnalité, ils étaient des " bibles " dans leur domaine respectif, et Rock and Folk s'est hissé à leur niveau, en écrivant sur le rock, considéré à l'époque comme une musique pauvre."
Il a formé malgré lui toute une génération de critiques qui ont su décrire, avec la plus grande liberté, la révolution musicale qu'ils avaient la chance de vivre, et développer les fondements d'une esthétique rock. Reportages, critiques sensibles, coups de cœur pas bidon ni trafiqués, Paringaux écrit sur Léo Ferré, Dylan, CSN&Y, le Buffalo Springfield, Montreux pop, Wight blues, Lou Reed, Larry Coryell, Zappa et The Mothers of  Invention, Johnny Winter, Jeff Beck et John Mayall , Pink Floyd, the Tony Williams Lifetime,  B.B King, Wayne Shorter, Tim Buckley, Charles Mingus , Sun Ra, The Who ... La liste n'est pas exhaustive tant cette période est bénie, favorisant l'éclosion de groupes talentueux. Il aime entourer les musiciens,  et c'est ainsi qu'il approchera Miles en 1970 à l'île de Wight qui lui confiera même sa trompette rouge.
Il y a aussi ses fameuses Bricoles, de véritables textes d'auteur au ton neuf...où il donne des nouvelles du petit monde du rock, parle de tout et de rien mais avec grand talent. Le reste est à découvrir dans ce recueil absolument passionnant qui devrait figurer dans toute bibliothèque d'amateur de rock, pop, jazz ou d'amoureux de la musique tout simplement. Paringaux a arrêté d'écrire sur le rock depuis longtemps, devenu ermite sur une île atlantique, il n'en a pas moins contribué à éveiller, à faire danser de nouveaux (in)fidèles,  prêts à écouter la musique plus que les experts. A en savoir moins, mais à se laisser guider par le plaisir et l'émotion, l'oreille et le coeur. Ce n'est donc pas une histoire du rock and roll, ni un cours magistral mais bien une série de portraits " chic et choc ", croqués au feeling, de figures élues parmi bien d'autres à venir ... Aujourd'hui, on relit l'histoire de cette musique,  de ces années où le temps est comme aboli, sans perspective ni recul. Un bonheur de lecture rare.
Autre particularité de ce livre : si ce sont ses textes qui sont repris et son nom d'auteur qui figure sur la couverture, Paringaux appréciant la maison d'édition Le mot et le Reste et se faisant volontiers traducteur au besoin, il n'a pas souhaité se prêter à la sélection de ses textes, corpus gigantesque d'un écrivain de musique prolifique, d'autant qu'il lui est arrivé parfois de rédiger la majeure partie du mensuel.

Sophie Chambon

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11 septembre 2012 2 11 /09 /septembre /2012 18:01

Miles de A à Z. Franck Bergerot. Editions Castor Astral. 412 pages. 24 euros.

 

 

Miles-de-a-a-z.jpgIl y aura 21 ans le 28 septembre, Miles Davis III, fils de Miles Davis II, rendait l’âme au St John’s Hospital de Santa Monica. Tout aura été dit sur Miles, une des rares stars du jazz. Du moins le néophyte pouvait le croire. La « brique » de Franck Bergerot, rédacteur en chef de Jazz Magazine-JazzMan apporte une masse d’informations et d’analyses qui regroupés sous la forme d’un abécédaire constitue un must pour tout amateur de jazz, de musique ou plus généralement tout honnête homme du XXIème siècle.
Connaisseur émérite du trompettiste, Franck Bergerot lui avait consacré en 1996 « Miles Davis, introduction à l’écoute du jazz moderne » (Editions Le Seuil), ouvrage qui analysait l’œuvre du musicien des années be-bop à l’époque hip-hop. Il avait à cette occasion procédé à une écoute de la totalité de l’œuvre enregistrée et connue alors. Ces « fiches », enrichies des œuvres diffusées depuis, forment une grande partie de « Miles de A à Z » et sont indispensables à qui veut écouter en connaissance de cause les centaines d’albums du trompettiste.  Un intérêt d’autant plus fort que chacun des sidemen de Miles a droit à une fiche détaillée de Julian « Cannonball » Adderley à Zucchero.
L’autre centre d’intérêt de ce dictionnaire de quelque 400 pages à la présentation aride mais à l’écriture claire réside dans la présentation de la vie privée de Miles. La lecture des rubriques Santé, Toxicomanie, Femmes, Domiciles, Automobiles, Racisme permet de brosser un  portrait sans concessions (mais sans voyeurisme) d’une véritable star. Collectionneur de voitures de sport (Ferrari, Lamborghini, Jaguar….), grand séducteur (pour ses idylles françaises, Juliette Gréco et Jeanne de Mirbeck, productrice et sœur de René Urtreger), toujours élégant (une tenue extravagante provoqua le commentaire de Francis Marmande : « entre le Prince de Hombourg et Achille Zavatta ») peintre à ses heures perdues, Miles était tout cela. Et pas seulement l’artiste qui avec sa franchise coutumière avait confié à une convive d’un dîner à la Maison Blanche avoir « changé cinq ou six fois le cours de la musique ». 
 
Jean-Louis Lemarchand

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