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24 juillet 2012 2 24 /07 /juillet /2012 22:18

 

 jazz_in_marciac_2012.jpg

 

Première sortie jazz pour la toute nouvelle ministre de la culture: Aurélie Filipetti sera à Marciac pour l'ouverture du 35ème Jazz In Marciac ce vendredi 27 juillet. Le ministère précise dans son communiqué de presse que la ministre assistera aux deux concerts du soir, Melody Gardot et Bobby Mc Ferrin & the Yellow Jackets.

Prévu jusqu'au 15 aout, jazz in Marciac présentera aux côtés des stars américaines habituelles des grands festivals de cet été (Gregory Porter, Sonny Rollins, Marcus Miller...) une belle délégation de jazzmen assurant la diversité de la scène française: Daniel Humair, Bireli Lagrène, Claudia Solal, Leila Martial, Michel Portal, Bernard Lubat sans oublier le saxophoniste Émile parisien, ancien élève du collège de Marciac.

Jean-Louis Lemarchand

 


 

  

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24 juillet 2012 2 24 /07 /juillet /2012 22:07

ECM 2012

Keith Jarrett (p, perc), Jan Garbarek ( ts, s, fl, perc), Palle Danielsson (cb) et John Christenssen (dm)

 keith-jarrett-sleeper.jpg

Dire que ces bandes inédites dormaient depuis plus de 30 ans dans les armoires chez ECM avant d'être enfin exhumées aujourd'hui. Il s'agit pourtant bien plus que d'un simple témoignage de ce quartet " européen" fondé au milieu des années 70 par Keith Jarrett. Le "Belonging quartet" regroupait alors autour du painiste, Jan Garbarek, Palle Danielsson et John Christenssen. Et ce quartet éphémère qui ne dura que de 74 à 79, date sa dissolution, marqua suffisamment les esprits pour avoir gravé quelques chefs d’oeuvre et 4 albums majeurs : " Belonging" en 1974; "My song" en 1977, "Nude Ants" en 1979 et " Personal Mountains" en 1979.

Partagé entre ses multiples collaborations et son quartet américain, Keith Jarrett avait peu l'occasion de tourner avec cette formation d'Europe. Chacune de ses apparitions était donc relativement rare pour en faire ,en soi un événement et donc bien plus qu'un témoignage.

La preuve en est.

A l’écoute de ce concert capté à Tokyo en 1979, il se dégage en effet une énergie rare qui circule entre les 4. Un power quartet comme l’on dirait aujourd’hui. Basé sur deux axes dont le premier est cette formidable complémentarité entre Jarrett et Garbarek, complémentarité contrastée dans des approches très différentes et qui crée ici des richesses harmoniques et mélodiques captivantes. Le son de Garbarek y est exceptionnel avec cette raucité-acidité qui marque une époque, celle de la toute fin des années 70 où beaucoup de ténor commençaient à jouer dans ce registre-là ( cf. Innocence). Le pianiste en orfèvre délivre quelques pépites et notamment des morceaux superbement écrits pour chaque membre du groupe. On y entend ainsi quelques petites merveilles d'écritures comme ce Prism où le flot de l'improvisation se ralentit pour laisser place à une expression poétique différente. Car au-delà de l'improvisateur génial, Jarrett s’impose comme le très grand mélodiste que l'on connaît. Il faut entendre So tender et absolument écouter cette introduction au piano qui est là, un véritable modèle du genre et s’attarder sur une coda splendide où tout à coup tout s'apaise et où le temps prend le dessus sur le tempo. Avec entre les deux la déferlante Garbarek qui s'appuie sur une rythmique exceptionnelle d'intensité. C'est juste très beau.

Car l’autre pilier de ce groupe c’est l’association Palle Danielsson et John Christenssen  qui donne à cette formation une puissance rythmique capable de projeter loin devant la force et l’énergie du son de Garbarek. C’est tripal, tribal presque.

Toujours libre, jamais formatée cette musique sait s’échapper, prendre des contours inattendus.

Il fallait être au Japon pour discipliner le public qui ,sans cela se serait certainement laissé entraîner dans la transe, dans le flot, dans cette urgence de l’instant.

C’est bien plus qu’un témoignage, une preuve de vie.

Jean-Marc Gelin

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23 juillet 2012 1 23 /07 /juillet /2012 22:16

L'actualité du jazz croquée par Hélene Poisson

 

J Schwartz Bart Couleurs group Institut Oceanique Mai 2012

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23 juillet 2012 1 23 /07 /juillet /2012 10:16

Blue Note 2012

Ravi Coltrane (ts, ss), Joe Lovan (ts), Luis Perdomo (p), Drew Gress (cb), E.J Strickland (dm), Ralph Alessi (tp), Geri Allen (dm), James Genus (cb), Eric Harland (dm)

 ravi-coltrane-spirit-fiction.jpg

Tout ou presque a déjà été dit sur Ravi Coltrane. Y compris par

certain journaliste de la presse quotidienne nationale qui lui reprochait il n’y a pas si longtemps de mal jouer.

Mais celui-là a tort. Car force est de constater que l’on peut reprocher à peu près tout ce que l’on veut au fils de son père sauf de jouer comme un manche. Et ce nouvel album devrait suffire amplement à faire définitivement taire cette mauvaise langue. Et l’on devrait au contraire ne pas feindre l’admiration qui, ans sa position a choisi la voie la plus exigeante qui soit pour grandir musicalement : la saxophone ténor. Ce qui en soit démontre une force assez exceptionnelle de caractère.

Mais le problème n’est absolument pas que Ravi Coltrane soit ou non un bon saxophoniste. Le problème c’est notre propre niveau d’éxigence. Car ce que l’on aimerait tous, ce que l’on exigerait presque de lui ce serait qu’il se crée son propre langage. Qu’il suive les voies paternelles jusqu’au bout. Et justement c’est bien là que la quadrature du cercle devient quasi impossible.

Il y a pourtant de beaux moments dans cet album. Par exemple sur The change, my girl, moment où il  démontre avec calme et zénitude sa grande maîtrise de l’instrument. Ravi Coltrane sait aussi s’appuyer sur des compagnons de route qui manient parfois une très belle écriture à l’instar de ces trois titres signés du trompettiste Ralph Alessi, petits bijoux d’écriture et de contre-chants ( Who wants ice cream ou sur Yellow Cat). Dans sa manière de jouer, c’est sûr Ravi Coltrane a définitivement coupé le cordon et à l’entendre sur Klepto par exemple, on entend plus chez lui des sons venant de Brecker que du paternel. Au soprano en revanche, il convainc moins, prompt parfois à se laisser emporter et embarquer par son instrument et somme toute à se prendre un peu les pieds dans le tapis (Cross Road).

Ses compagnons de route tiennent largement la baraque. Sur cet album Ravi Coltrane invite aussi Joe Lovano sur deux titres  ( Fantasm et Marilyn &Tammy) et les guest star assurent le job. 2 sections rythmiques différentes au gré des morceaux dont l’un tenue par un étonnant Luis Perdomo et l’on notera particulièrement la présence toujours brillante de Luis Perdomo ( dont on salue d’ailleurs le dernier album «  Universal mind 2009 ») et l’autre par une Geri Allen dont l’accompagnement est toujours aussi lumineux.

Assez académique dans l’ensemble, l’album est néanmoins  plaisant mais assez en demi-teinte pour ne pas déclencher non plus le fol enthousiasme. Certainement à la (non) recherche de ce langage original, Ravi Coltrane offre une musique un peu inerte et manque quand même un poil d’audace dans son propos. Cette audace que lui apporte Ornette Coleman sur une composition plus débridée ( Check out of time) ou un Joe Lovano sur un Fantasm un peu envoûtant. Ce qui ne l’empêche pas de développer sa musique avec une certaine spiritualité.

Jean-Marc Gelin

 

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14 juillet 2012 6 14 /07 /juillet /2012 12:16




azoulay.jpgLa librairie VUIBERT
www.vuibert.fr




Et pour moi tout est musique, disait  John Cage. Hélios Azoulay reprend cette citation célèbre à son compte et pour étayer sa démonstration,  nous entraîne sur les pas de quelques artistes fantaisistes et aussi génies musicaux. Des personnages reconnus actuellement mais qui ne l’étaient pas (autant) de leur temps comme Erik Satie ou Hugo Wolf. Dans le sillage d’un Michel Onfray, certes beaucoup plus critique,  il se moque de l’esprit universitaire (dé)formateur, des castes que représentent les grandes écoles...reproduisant les élites. Avec une feinte décontraction, et un désordre (seulement) apparent, le clarinettiste, compositeur, renvoyé de l’institution, étudie assez sérieusement ceux qui n’appartiennent pas à l’institution justement, les rejetés de l‘intelligentsia de chaque époque, s’inspirant des esthétiques contemporaines dans lesquelles il se sent à l’aise, les mouvements comme « Merz », « Fluxus », dadaïstes et autres surréalistes. Rien de nouveau certes mais son panorama retrace une histoire parallèle, buissonnière évoquant aussi bien Henri Thoreau et son « Walden » que l’histoire de Monsieur de Sainte-Colombe (épié par Marin Marais), popularisée par le film d’Alain Corneau (Tous les matins du monde ), d’après Pascal Quignard. A mille lieues du pensum académique, l’auteur suit des chemins de traverse, pour proposer une déambulation potache, vivante, et néanmoins instructive. Certains rapprochements sont audacieux mais pertinents entre Wagner et les « Merrie Melodies » des Warner Bros. Le jazz est utilisé pour servir d’exemple et montrer une démarche originale, Louis Armstrong inventant le scat, un peu par hasard (c’est ainsi que se font les plus grandes choses, sur le moment, suivant la loi du hasard et de la nécessité).
Certains points  qui prêtent à réflexion sont abordés sérieusement  comme le « subventionnisme ». Et un chapitre terriblement émouvant est consacré à toutes  les musiques d’outre monde, d’outretombe avec les musiques d’Auschwitz. Un témoignage  qui mérite de ne pas être passé sous silence justement. Hélios Azoulay se livre à  une écoute décomplexée de la musique, comme le fit jadis, Daniel Pennac pour la lecture, et nous propose sans forcer d’en faire autant. Si on passe les élucubrations du premier chapitre qui déplie en tous sens une histoire de larynx, on se familiarise vite avec le style, la dérision , la mise en page réjouissante. Et surtout on picore, lisotte ce livre avec plaisir. Culture d’autodidacte ou non, rien de fantaisiste en tous les cas dans cette démarche ludique et instructive. Ludidactique, votre travail, Monsieur Azoulay !
NB : A noter que la liste des références des œuvres citées, qui tient lieu de bibliographie, rédigée avec le plus grand sérieux, nous entraîne dans un voyage littéraire et artistique des plus réjouissants.     
Sophie CHAMBON

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11 juillet 2012 3 11 /07 /juillet /2012 13:34

 
 
Révélation de l’édition 2011 du Nice Jazz Festival, Troy Andrews plus connu sous son nom de scène Trombone Shorty (photo) a fait l’unanimité parmi les spectateurs, toutes générations confondues, le 10 juillet au Théâtre de verdure de la cité natale de Garibaldi. Et d’ailleurs le jazzman de la Nouvelle-Orléans est bien apparu lui aussi comme un combattant, brandissant haut alternativement le trombone, son instrument de prédilection, et la trompette dont il tire des sons dans l’aïgu extrême.

 

Trombone-Shorty---PhotoCredit-Kirk-Edwards-2.jpg

Photo Crédit: Kirk Edwards

Précédé sur scène par l’une des icones de la Nouvelle-Orléans, Dr John, pianiste-chanteur-compositeur, le prometteur Trombone Shorty n’a pas manqué de rendre hommage au berceau du jazz en reprenant « On The Sunny Side of The Street », un des titres-fétiche de Louis Armstrong. Mais le polyinstrumentiste et chanteur (« For True ». Universal) lui a donné des accents rock, illustrant bien l’évolution de son registre, quitte à surprendre ses fans de la première heure.

 

Trombone-shorty-ForTrueCover.JPG

 

Accompagné de jeunes interprètes, dont la moyenne d’âge atteint à peine la trentaine, Trombone Shorty, tout de noir vêtu (avec un Marcel dévoilant un tatouage à l’épaule) joue à l’énergie, s’appuyant sur deux saxophones, deux guitaristes et un batteur survitaminé.  Le courant passe avec le public et le show n’est pas sans rappeler les belles heures de « bêtes de scène » comme James Brown.
L’autre grand vainqueur de cette troisième soirée du Nice Jazz Festival (8-12 juillet.) aura été le trombone. Un cuivre qui est à tous égards sorti de la coulisse pour occuper le devant de la scène du Théâtre de verdure lors des trois concerts qui se sont succédé de 19h30 à minuit. Avant la démonstration de Trombone Shorty, les spectateurs avaient pu apprécier sa sonorité au sein des groupes de Long John et du Jimy Brown Experience, formation niçoise dédiée au funk.
Assurément, l’ancêtre des festivals de jazz estival (1948), repris en régie municipale par la ville de Nice en 2011, et revenu sur son site historique du bord de mer, avait pris ce 10 juillet autour de minuit une réelle cure de jouvence.
Jean-Louis Lemarchand

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10 juillet 2012 2 10 /07 /juillet /2012 11:14

 

 

Le prix international d’orchestres de jazz de Montauban, trophée Matmut, a été attribué au trio du pianiste Rémi Toulon. Sur le podium, Just Friends et Mo’Drums.

Ils étaient 139 orchestres de 15 nationalités à participer cette année au Prix international d’orchestres de jazz de Montauban, Trophée Matmut et le vainqueur est… Rémi Toulon trio (photo. De gauche à droite, Jean-Luc Arramy (chapeau) basse, Rémi Toulon, piano, Vincent Frade, batterie).

Le jury réuni le 9 juillet lors du 31ème Festival Jazz à Montauban a voulu rendre hommage, a précisé son président François Lacharme, président de l’Académie du Jazz, à un groupe mariant le goût de l’aventure, la respiration dans l’expression et le sens des nuances.

remitoulontrio-.jpg(photo : Jean-Louis Lemarchand)

Les accessits sont allés à Just Friends, quintet avec trompette et guitare, modèle du style néo-classique, et Mo’Drums, un trio aux accents contemporains manifestant une belle fougue.

A l’issue de la finale qui s’est jouée sur deux morceaux, un titre laissé au choix de chaque groupe et la célèbre composition de Benny Golson, Whisper Not, le PDG du groupe Matmut, Daniel Havis a remis leurs prix aux lauréats, des dotations respectivement de 8.000 euros, 5.000 euros et 2.000 euros. Les trois groupes finalistes, a précisé le président du Synergie Club, organisateur du festival, Jean-Charles Bordaries, seront également programmés lors du prochain festival Jazz à Montauban.

Jean-Louis Lemarchand

 

    

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8 juillet 2012 7 08 /07 /juillet /2012 22:27

Antoine-Herve---Oscar-Peterson.jpg
Troisième volume de la collection
Double  DVD : 2h 40 de concert filmé en public et 40 mn de bonus
www.antoineherve.com
RV Productions/harmonia mundi

ATTENTION/ ANTOINE HERVE est à l’affiche du Festival « OFF » d’Avignon : du 8 au 28 juillet, il donne tous les soirs une leçon de jazz à LA MANUTENTION (AJMI) 

Antoine Hervé, entouré des inséparables frères Moutin,  a choisi comme thème de sa troisième leçon de jazz, d’évoquer le génial Oscar Peterson . Massif, le pianiste dont les épaules faisaient quatre octaves de largeur, et dont les larges mains lui permettaient une digitalité extraordinaire,  n’en est pas moins un mélodiste accompli . Cette leçon est d’autant plus difficile que peu de musiciens ont relevé le défi technique d’un tel projet, mais Antoine Hervé fête chaque artiste de son panthéon, en jouant comme il sait le faire, les passeurs. Le principe est simple, nous faire voir en direct comment « se joue » la musique, en proposant un concert commenté, qui éclaire certaines approches stylistiques, décompose quelques points, tout en rappelant la biographie de l’artiste. Un exercice éminemment pédagogique qu’ Antoine Hervé réussit à merveille, quand il explique le principe de la « blues note », souligne la différence essentielle entre polyrythmie et rythmes balkaniques, révèle, marche à l’appui, ce qu’est la « walking bass » ou le « shuffle » ; il montre enfin comment moduler, c’est changer provisoirement de tonalité. On revit ainsi « à la française » les leçons prodiguées en public à un tout jeune public, dans les années soixante, par le compositeur chef d’orchestre Leonard Bernstein.  Les chapitres se décomposent ainsi le maître de l’harmonie, l’influence du blues et du gospel, le piano instrument polyphonique, la walking bass. Le trio passe aussi en revue les différents angles d’attaque de cette leçon : « A la manière de » dans le premier exemple « Blues for Oscar », une composition d’Antoine Hervé ; en harmonisant des compositions de l’artiste, dans la méconnue  « Suite canadienne » en quatre parties ; en jouant fidèlement des transcriptions (comme Lizst) dans l’exemple choisi de « When lights are low » de Benny Carter.
Classé quatre ans de suite « meilleur pianiste » dans Downbeat, le pianiste canadien d’Halifax (1925-2007), est un des grands maîtres du rythme et aussi de l’harmonie. Il faisait régulièrement démonstration spectaculaire de son savoir-faire : « Touch, time, tone, technique, taste » étaient les cinq points fondamentaux de son credo musical. Il travaillait les larges accords de Debussy, quinte diminuée, accords de treizième. De Chopin, il aimait  les grands écarts  qu’il pouvait réussir avec ses larges mains, de Bach, il retenait  le contrepoint et les voicings, était familier des doigtés de Scarlatti , mais il aimait particulièrement en jazz, ses idoles, à savoir Art Tatum, James P Johnson, Teddy Wilson, Nat King Cole. Si vous n’aviez pas été noir, auriez-vous été tenté par une carrière classique ?  Non,  aurait-il  répondu,  voulant conserver  la créativité.
 Oscar Peterson est devenu très vite une attraction pour les musiciens Américains voisins, il se produit au Carnegie Hall en 1949, tourne avec Norman Granz et sa tournée Jazz at The Philharmonic, rencontre Ray Brown qui sera son contrebassiste pendant les trente années à venir, monte des trios (p, b, g ) avec Herb Ellis . Directeur artistique, il enregistre beaucoup de disques chez Verve, multiplie les concerts tout en refusant de se laisser enfermer dans une esthétique. Rebelle aussi,  il refuse de se laisser influencer par Charlie Parker. Il a traversé le siècle jazzistique du ragtime à l’électro accoustique, a couvert  l’aventure musicale en s’emparant de toute la littérature de piano, cherchant à apporter quelque chose de nouveau dans son jeu, en changeant de plans. Ses arrangements sont de véritables chrorégraphies, avec ce sens du rythme lié au déplacement. Pour révéler son talent de compositeur, moins connu, Antoine Hervé nous fait entendre la Suite canadienne qui ressemble à un voyage en train, fil conducteur du DVD1 : « Ballad to the east »  (4 jours pour traverser le pays en train), « Laurentide Waltz » non sans rappeler « Waltz for Debby » de Bill Evans,  « Place Saint Henri » avec des appuis décalés/ donnée rythmique constante et des blues notes,  « Hogtown blues »,  « Blues of the prairies », « Wheatland », « March past »,  « Land of the misty giants ». 
Le trio, conçu comme un seul homme, se dévoile encore dans  « Travellin on »  (très be bop)  avec de brusques arrêts, ruptures, block chords, tremolos d’accords (spécialité de Peterson) tutti,  deux mains à l’unisson  et il faut écouter  «  Sax no end » de Francy Bolland  pour comprendre comment transposer un big band sur un piano.
Oscar Peterson a-t-il été utile au jazz ? Il en a fait une forme d’expression musicale aboutie, en associant exigence et jubilation, tendresse et vigueur. Son amour du classique lui a fait appliquer la leçon des romantiques au jazz,  il a travaillé le piano orchestral des concertos romantiques, le piano des concertos russes mais en a donné sa  version jazz.
Les bonus, pédagogiques, commencent par l’interview d’Antoine Hervé qui explique sa passion pour Oscar Peterson, son « père musical » découvert à 12 ans, mais qui a commencé à se l’approprier à 14. Antoine Hervé est un guide inspiré pour nous faire visiter les terres du jazz, ce pays réinventé avec une puissance instrumentale digne des plus grands jazzmen. Le « When  Lights are low » commenté est un régal, une agréable et studieuse façon de déjouer, de voir la « fabrique ». Tout un jeu de question réponse, trompette trombone, commentaire très dépouillé, ou lyrique en accords dissonants, triolets de noires, autres variations sur le thème de deux notes, « trumpet style » pour imiter le vibrato, gimmick de fin. Si la musique peut se passer de commentaire, qu’il est jubilatoire de rentrer dans la technique et de ne pas privilégier l’émotion seule, à côté de laquelle on peut passer, quand on ne sait pas comment cela est joué. Après ces 2h 50 de musique intelligente, on ne pourra plus faire le reproche, souvent entendu, d’un jeu froid et trop brillant, technique et presque mécanique.  Car Antoine Hervé, bon prince, nous donne une dernière clé, en nous suggérant d’écouter les ballades d’Oscar Peterson …
Merci du conseil, Monsieur Hervé !

Sophie Chambon


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4 juillet 2012 3 04 /07 /juillet /2012 19:55

Pierre Durand au Club 38 Riv' - 03 juillet 2012


La pratique du solo réserve toujours des surprises, aussi bien pour l'artiste que pour le public. Le guitariste Pierre Durand le sait: la gestion de l'énergie et du timing conditionnent la réussite de sa performance en solo au club 38 Riv' à Paris.
Pierre Durand en solo, c'est deux guitares - une électrique et une dobro - un ensemble de pédales d'effets et des ustensiles divers comme un ticket de métro. Et surtout un artiste très créatif, complètement investi par sa musique, qui le fait se mouvoir ou grimacer, le guitariste jouant sur un pied lorsque l'autre écrase ou effleure une pédale d'effets.
S'il démarre avec un premier morceau calme, Pierre Durand se jette, plein risque, dans des morceaux introspectifs, denses et dansants ou une ballade sans amplification. Au gré des pièces jouées, la guitariste parle de jazz et des musiques improvisées, en tout cas une musique d'assemblage et d'assimilation. C'est la caractéristique principale du guitariste: il est une plaque tournante de  toutes les musiques. ll cite John Coltrane, à qui il rend hommage sur un titre éponyme, qui dévoilait son but ultime de "mettre" toutes le musiques du monde dans une seule note. Pierre Durand, quant à lui, est un aventurier de la musique, celle qui fait vibrer, à l'émotion saillante, d'où qu'elle vienne. A l'instar de "Emigré", morceau dédié aux africains; il place un ticket de métro entre les micros et les cordes de sa guitare puis avec quelques effets légers, nous voilà transportés à Tombouctou au rythme d'une sanza et d'une kora du Mali ou d'un balafon en Mauritanie.

Quand on va l'écouter, Pierre Durand nous garantit un voyage: il agrémente ses improvisations écrites par des anecdotes de voyages, en particulier celui à la Nouvelle Orléans, qu'il met en musiques après les avoir racontées.

 

Pierre-Durand-38riv.jpgPhoto JG

 

Le premier set dure plus longtemps que prévu: 1h10. Pierre Durand s'est laissé porter par sa générosité et sa créativité si facile. Ce guitariste est Musique: il ne joue pas de la guitare, il joue de tous les instruments, de toutes les musiques. Le découvrir en concert est bluffant, y retourner le voir est renversant car toute sa musique est en perpétuel renouvellement. C'est une autre de ses caractéristiques: Pierre Durand crée en permanence.
A peine reposé, il reprend sa guitare pour interpréter le standard "When I grow too old to dream" de Hammerstein, symbole selon lui du sud américain. Il évoque alors la sortie de son disque en octobre 2012 intitulé "Chapter One: NOLA Improvisations" enregistré à la Nouvelle Orléans - une ville dont la réalité est tout à fait différente de l'image traditionnelle que l'on en a - qui l'a totalement inspirée pour ce premier album sous son nom. Au gré des pièces, il donne une nouvelle version de ses compositions et une interprétation libre de "Prism" de Keith Jarrett. Parce qu'il est surprenant, émouvant, empathique, expressif, on imagine si logiquement Pierre Durand interprétant les images d'un film de Wim Wenders dont il ferait la musique. Habitué qu'il est des cinés-concerts avec le Ciné Xtet de Bruno régnier et avec ses duos avec Richard Bonnet en face d'un grand écran.

On ne saurait trop le répéter, comme une évidence: ce Guitariste est Musique(s).
Le club 38 riv' a donné sa place à Pierre Durand : le lieu est calme épargné du bruit de la ville, l'audience est attentive. Le club se prête si bien à ce genre de performance intimiste qu'il pourrait y consacrer une programmation dédiée à la création. Vivement une suite!


JG

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28 juin 2012 4 28 /06 /juin /2012 20:16

Philippe-le-Baraillec---Involved--cover.jpgOutnote records/ Outhere

 

Avec Ichiro Onoe, Mauro Gargano et Chris Cheek

 

On commence à connaître dans le petit monde du jazz ce pianiste secret, introverti et impliqué  (c’est le sens du titre  « Involved ») qui n’a réalisé  en cette période de production pléthorique et frénétique, que trois albums. Mais quels albums, Echoes from my Room  chez Owl , (devenu introuvable),  Invisible Wound sur le label Ajmiseries –c’est là que je l’ai découvert et chroniqué pour les DNJ- et enfin ce passionnnant   Involved  sur le label de Jean Jacques  Pussiau,  Outnote records.

Philippe Le Baraillec  est d’abord enseignant à la Bill Evans Academy aux côtés de Bruno Angelini, ce qui souligne certains  liens entre musiciens, une véritable fraternité dans la musique.  Il garde l’extraordinaire paire rythmique  de son trio d’Invisible Wound.  Comment se séparerait-on d’Ichiro Onoe et Mauro Gargano,  un duo ardemment présent et qui n’en fait jamais trop cependant ? Ces trois-là semblent toujours avoir le même plaisir à se retrouver, à partager une complicité originale et exigeante. Chaque nouvel échange complète le tableau de leurs variations en série.  Un groove subtil, éminemment jazz. Qu’il est bon de ne pas jouer la confusion dans cette période trouble : dans leur musique, on entend, sans équivoque, du jazz. Sensible à cet idiome qu’il aime et sert avec ferveur, Philippe Le Baraillec a constitué un quartet original et très sensuel, pour ne pas dire romantique : l’arrivée du saxophoniste  ténor Chris Cheek renforce pertinemment  la formation, faisant résonner l’ensemble avec encore plus de fluidité et de cohérence : chanteurs  à leur manière, ses complices suivent la finesse de son jeu lyrique et retenu à la fois, comme dans ce délicat « Iceberg » ou l’autre ballade inaugurale « 10th of september ». Citons Christian Béthune qui souligne que l’imagination de l’auditeur devient alors indispensable pour assumer la part du rêve embusquée derrière chaque note par quelque somnambule (« Nightwalkers »). On ne saurait mieux dire. C’est une musique de l’intime qu’il nous faut apprivoiser, car cette apparente clarté, cette lisibilité ne se révèlent  qu’au prix d’un réel effort d’appropriation.

S‘est on installé dans ce climat serein, intemporel mais vibrant (« War Photographer »)?   L’album se referme sur une version élaborée de  « Saint Thomas », le thème archi connu de Sonny Rollins, transformé en un arrangement plus doux, calmement joyeux, qui suspend provisoirement l’histoire, un répit très maîtrisé par la paire rythmique qui fait merveille . Le pianiste, passeur de cette histoire aborde le terme de ce voyage sur ce rythme  léger et subtil. Accessible, émouvant, passionné, il sait convaincre, sans intellectualisme forcé, mais avec une singulière acuité, et un sens poétique évident, et s’inscrit ainsi, assurément, dans  la lignée des très grands.


NB : Dans ses excellents commentaires, Christian Béthune, philosophe de formation, revient à juste titre sur la polysémie du mot «Involved» et les trois dimensions entrelacées dans la musique du pianiste, auteur de toutes les compositions hormis la dernière. Philippe Le Baraillec est en effet engagé dans son travail de musicien, avec une ferme adhésion à une philosophie de vie à laquelle il tient et croit. On peut aussi lire à ce sujet ce que le pianiste écrit de son seul solo, «La toupie», fable hassidique. La musique nous parle sans rien dire. Mais sommes nous  toujours à même de saisir cet implicite ?

Pierre de Choqueuse, l’autre contributeur des « liner notes », évoque deux disques qui se trouvent être également (est-ce un hasard ? ) des souvenirs  tendres et des références familières . Le Baraillec a aimé et découvert Bill  Evans pour ce disque Verve de 1967 « California here I come » plutôt oublié dans les discographies du pianiste, avec Philly Joe Jones et Eddie Gomez. Quant à Chris Cheek qui partage admirablement ce rêve de musique, il cite l’album Blues cruise  ( Fresh Sound New Talent avec le trio de Brad Mehldau), dont j’aime tout particulièrement la version de « Song of India », un grand hit du big band de Tommy Dorsey.  Elle est peut être là, la filiation, dans cet enracinement dans l’histoire et les générations de jazzmen qui ont précédé. Le pouvoir de la « transmission » pour se servir d’un mot que beaucoup utilisent aujourd’hui.

Sophie Chambon

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