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10 mai 2012 4 10 /05 /mai /2012 11:52




CARLOS-MAZA--Descanso-del-Saltimbanqui.jpgLa Buissonne RJAL 397013/Harmonia mundi
Sortie le 17 avril 2012


On se souvient de Carlos Maza et de sa joyeuse troupe de musiciens cubains entendus en Avignon il y a juste dix ans : il fut question de métissage, d’amitié et de générosité pour une musique amérindienne et sudaméricaine, fièvreuse et très inventive.
Le pianiste nous revient en solo, ou plutôt en homme orchestre, jouant d’ une guitare dix cordes, du merveilleux piano de la Buissonne et de sa voix pour accompagner sa musique toujours itinérante.
Car à Cuba, tous les enfants, même les plus pauvres, reçoivent une sérieuse éducation musicale, le destin et le talent feront la sélection. C’est ainsi que Carlos joue non seulement du piano, mais d’instruments à vent dont flûtes et charanga, sans compter le chant qui s’intègre à sa culture.
Louis Sclavis qui a l’art d’être présent, au bon endroit et au juste moment, écrit un texte sensible, en préambule de ce Descanso del Saltimbanqui :  « la musique de Carlos Maza c’est l’Amérique latine qui s’amuse avec l’Europe, une guitare espagnole qui s’amuse dans les mains d’un Indien, une flûte inca qui s’introduit dans une sonate de Liszt. »
Il faut absolument s’armer du viatique de l’auteur pour percevoir l’origine de ces petites pièces, dédiées à chaque fois à un ami : on s’aventure ainsi dans un imaginaire musical qui franchit allégrément les frontières, réunit des cultures différentes, propose des rapprochements impensables pour une oreille formatée. On prend le livret et la musique fait le reste.
Au piano, Carlos a la virtuosité, l’impétuosité d’un concertiste classique (« Remando hacia del sol » , « Rosacolis », « El Amor en tiempos de crisis »).  A la guitare, il s’inscrit dans une tradition plus populaire et locale, rendant hommage par exemple au voyage en train -toute une aventure à Cuba- pour apporter la canne à sucre « El tren de Hershey », ou à sa mère avec cette cueca, danse populaire de couples et danse nationale du Chili (dont il est originaire) « Cueca a mi Madre »
Le ciel est bon pour rêver, la mer est bonne pour naviguer… nous grandissons comme les plantes et tissons l’arbre de la vie.
Dans cet hymne à la vie, à l’autre, l’humain, le frère, il est question de soleil, toujours, celui qui efface  les larmes dans le cœur de ce Chilien nomade, de chant évidemment, un chant incantatoire qui en appelle à la tolérance et à la paix entre les hommes, comme dans le final « Magia e ascenso». Carlos Maza sait que le temps presse, c’est un poète qui écrit et compose ce que le cœur lui inspire, évoluant selon les rencontres et influences. Il célèbre à sa façon la grande île qui l’a reçue dans une vision mystique, cosmique qui le pousse à transfigurer son art de toutes les façons, en y insufflant une musique inouïe, qu'il doit à son apprentissage classique, à un rythme et un souffle rares, à l’ardente volonté de faire rendre à sa partition son contenu essentiel. Si la musique passe avant tout, Carlos Maza est sensible à tout le reste, et il ne se laisse pas réduire à une tradition locale, déploie un univers musical cosmopolite en nettoyant les clichés d’un répertoire connoté, dans une mise en jeu du cœur et de l’âme dans cette musique intense et tendre. Il garde la nostalgie d‘un âge d’or, sans perdre la lucidité et la réflexion que demandent des temps aussi durs et implacables. Une leçon d’optimisme à prendre … rapidement en méditant sur le fond et la forme.

Sophie Chambon

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8 mai 2012 2 08 /05 /mai /2012 23:25


Depuis quelques jours, tout le monde m'appelle Henriette….
Pourtant, Bob, le chauffeur d'une des navettes affrétées par le festival, m'indique qu'il y a aussi la potée sarthoise… et le Jasnières pour faire glisser tout ça.
Me voici donc, débarquant au Mans pour la première fois, et constatant une fois de plus que jazz et gourmandise vont de pair.

La gourmandise des oreilles d'abord,  puisque le festival EUROPA JAZZ résonne au cœur de la ville, où trois lieux historiques abritent les concerts de cette 33ème édition : la Collégiale Saint-Pierre-la-Cour, la Fonderie et l'Abbaye de l'Epau.

EUROPA-JAZZ-Abbaye-de--Epau.JPGAbbaye de l'Epau - Photo E. Lacaze


En pénétrant dans la Collégiale pour le premier concert de cette journée du jeudi 3 mai, des ondes sonores étranges me happent et me chiffonnent les tympans. Au centre d'une petite scène à la dimension du lieu intime, se tient Fanny Lasfargues, la tête penchée sur le manche de sa contrebasse, une mèche rebelle et pudique lui cachant une grande moitié du visage, comme si elle n'osait pas être vue. A sa droite, une table recouverte d'un tissu noir, où reposent ses accessoires, baguettes, pinces… A ses pieds, outre le public accroché à sa musique, des pédales de sample qu'elle actionne doucement d'une jambe gainée de bas ajourés.
EUROPA-JAZZ--Fanny-Lasfargues.JPG

Fanny Lasfargues - Photo E. Lacaze

Je viens en fait de pénétrer de plain–pied dans une bulle sonore, comme si j'avais plongé dans le Grand Bleu. Les sons lancés par Fanny sont des plaintes de baleine, des murmures de dauphin, le ressac d'une vague tendre. Elle emporte le public dans son monde intérieur, agité parfois de montée puissante, bercé de boucles sonores hypnotisantes. Elle caresse les cordes de sa contrebasse avec le manche d'une baguette, les frôle de ses doigts, les fait grincer, les frappe. Son instrument devient tour à tour une percussion, puis un grand enfant qu'on punit, un amant qu'on cajole.

 

Une des touches originales de ce festival est la bonne idée qu'a eue Armand Meignan d'instaurer un entracte d'une heure entre les deux concerts du soir à l'Abbaye de l'Epau.

EUROPAJAZZ-magic-mirrors.JPGMagic Mirrors - Photo E. Lacaze


Posé comme un OVNI sur la pelouse, le Magic Mirrors sert de cocon à un ciné-concert joliment baptisé "Comme dans un rêve" : Guillaume Hazebrouck (clavier) et Olivier Themines (clarinette) enveloppent de musique les films muets "Sur un air de Charleston" (1926) et "La petite marchande d'allumettes" (1928) de Jean Renoir. Les deux musiciens donnent ainsi aux images une dimension encore plus surréaliste, qui permet de faire une pause hors du temps avant la seconde partie de concert. Le public a ainsi le choix entre se promener dans le parc, palabrer sur la première partie ou se poser dans cette bulle colorée aux lumières tamisées pour déguster un N&B rêveur.

 

Emmanuelle LACAZE

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4 mai 2012 5 04 /05 /mai /2012 07:39

  dewilde.jpg

CD Gazebo/L'Autre distribution.

Laurent De wilde (p,cl), Ira Coleman (cb), Clarence Penn (dm)

 

 

Acoustique, le dernier opus de Laurent de Wilde l’est résolument. Né le 23 avril 2012, Over The Clouds, en gestation depuis 6 ans, s’ouvre avec un prélude : celui de Duke Ellington, le prélude au baiser…..Un baiser qui commence par l’amère effleurement chromatique du morceau, s’attendrit et tourne enfin en violente « dévoration », nous projetant non plus au dessus du ciel clair annoncé, mais dans les magmas du rock alternatif, ce qui n’est pas sans rappeler les plages autrefois plus électroniques du pianiste.

Un prélude dont la versatilité augure bien la suite de cette œuvre : une musique riche en émotions, inspiration, métisse de cultures, éthérée mais charnelle pour laquelle il s’est associé non seulement à ses musiciens habituels : Laurent Robin à la batterie et Jérôme Regard à la contrebasse, mais aussi à la verve outre-Atlantique à laquelle on doit la participation du contrebassiste Ira Coleman (avec lequel il enregistra notamment l’album « Spoon-a-rythm en 1997, qui lui vaudra une récompense aux Victoires de la Musique), et de l’illustre batteur Clarence Penn.

La composition éponyme est sans conteste un morceau maj

eur. Sa beauté mélodique et rythmique syncrétise parfaitement l’africanité et la modernité de la musique de Laurent de Wilde, qui excelle encore une fois au « piano balafon ». C’est au Nigeria que le pianiste nous transporte par la suite avec l’excellente reprise du  morceau mythique du saxophoniste-chanteur Fela Anikulapo Kuti « Fefe naa efe ». Encore et toujours l’Afrique avec la composition Irafrica, issue de la plume d’Ira Coleman. On retiendra aussi  « le bon médicament », une apaisante composition à la lenteur bienvenue après les fulgurations qui précèdent et Edward K, nouveau clin d’œil au Duke : une composition déjà présente sur l’album « Spoon-a-Rythm » mais dont Laurent de Wilde fait ici une version plus rebelle. L’album termine sur un thème d’actualité : New Nuclear Killer, en référence à la récente catastrophe japonaise, pays du soleil levant où le pianiste fit de nombreux concerts.

Pont mouvant entre deux mondes, Over the Clouds ouvre une nouvelle dimension à la discographie de Laurent de Wilde. Dépasser les nuages et accéder à la plénitude demande maturité et générosité, deux vertus que l’artiste-philosophe Laurent de Wilde possède et dont ce dernier album est l’incarnation musicale. Le « Over the Cloud Trio » sera sur la scène de Roland Garros le 6 juin prochain et le lendemain au Sunside. Patience…..`

Yael Angel

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2 mai 2012 3 02 /05 /mai /2012 18:05


Jannuska---halway-tree.jpgFeaturing Sienna Dahlen
PJU records PJU009


Le nouvel opus du batteur d’origine canadienne, installé en France depuis près de dix ans est toujours ancré au sein du collectif PJU , et nous avions chroniqué (il ya deux ans exactement) le précédent Streaming,  déjà en collaboration avec sa compatriote, la chanteuse Sienna Dahlen. 
C’est un retour au pays natal que symbolise l’arbre de la couverture, ce grand peuplier qui se situe à mi-chemin entre Brandon et Winnipeg , deux villes de la province d’origine du batteur, le Manitoba. Cette prairie perdue  évoque des souvenirs de lecture, tout un imaginaire, celui des romans de  James Oliver Curwood par exemple. L’arbre s’élève comme un nuage atomique sur l’horizon complètement désert de la route qui traverse les prairies canadiennes…
On n’est plus décontenancé cette fois par cet album poétique aux sonorités légères et raffinées, aux climats nettement atmosphériques comme  la voix de Sienna, sans être glacés pour autant même dans « Coldest Day of the Year » : on retrouve avec plaisir une musique étrangement familière, aux accents de pop et de jazz  intelligemment métissés.
Les musiciens assument parfaitement un accompagnement efficace au niveau des couleurs et timbres. Ils sont sept, équilibre heureux de trois Français, trois Canadiens et un Belge. On retrouve Nicolas Kummert au ténor et dans certains vocaux comme « Precious Things », Olivier Zanot à l’alto,  Pierre Perchaud à la guitare électrique et acoustique. Les nouveaux venus sont Tony Paeleman au piano et Fender et Andrew Downing au violoncelle à 5 cordes.  Karl Jannuska et  Sienna Dahlen continuent à co-écrire les paroles des onze chansons de l’album, mais la musique est  toujours celle du batteur d’où la cohérence de l’album qui épouse la personnalité du batteur. Toujours frappé par la dualité de ce musicien à l’énergie terrible en concert ou sur les albums des copains  ( illustration dans ce « Smokescreen » énervé), il sait aussi faire preuve d’une autre sensibilité, « à fleur de peau », vibrante et hypnotique , dans des chansons qui veulent  croire encore à une certaine beauté du monde comme le doux et enveloppant « Million Miles Away ». Est-ce le résultat d’une éducation entre mathématiques, musique et religion, un apprentissage exigeant qui lui permet de se retrouver au croisement de tous les sons et musiques qu’il aime?  Karl Jannuska se livre plus encore dans cet album de l’entre deux, du milieu, de la mesure déréglée parfois, du dérèglement mesuré? Comme si cet album levait enfin certaines contradictions, réconciliait les contraires d’une personnalité musicale complexe.
C’est une douce violence  (« Noble Energy ») qui traverse en fin de compte la musique délicatement intimiste d’un musicien engagé dans la croyance d’un monde meilleur.

Sophie Chambon
 

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26 avril 2012 4 26 /04 /avril /2012 22:57

siggiloch-av12-

©JL Lemarchand

 

 

En vingt ans, ACT s’est hissé parmi les labels indépendants innovateurs. Siggi Loch, patron et fondateur se confie sur la réussite de cette PME de Munich, défenseur du jazz européen et maintenant américain.

 

Debout derrière la console du New Morning, il veille, au côté de l’ingénieur du son, à la bonne tenue acoustique de son all-stars d’un soir, mené par Nils Landgren (trombone) avec  notamment Nguyên Lé (guitare), Michael Wollny (piano), Viktoria Tolstoy (chant) et un duo français de saxos Céline Bonacina (baryton) et Pierrick Pedron (alto). Siggi Loch, le patron d’ ACT qui fêtait ce 25 avril à Paris les 20 ans de son label est comme cela :  attentif à chaque détail et proche de ses musiciens.

Sortant d’un dîner sans façons avec ses artistes dans un bistrot du quartier de la Gare de l’Est, Siggi Loch s’est confié aux DNJ sur cette aventure discographique engagée à Munich –siège également d’ECM- en 1982 et qui s’est traduite par la production de près de 370 albums (358 à la fin 2011) aisément reconnaissables dans les bacs par une identité artistique forte (le slogan d’ACT, The Art in Music).


 DNJ : Quel bilan tirez-vous de ces vingt ans à la tête d’ACT ?

Siggi Loch : (rires) Je n’ai qu’un seul regret. De ne pas avoir lancé ACT dix ans plus tôt. En 1967, alors chez Warner International, j’avais imaginé le logo du label et défini sa ligne artistique. Mais Nesuhi Ertegun (un des patrons d’Atlantic) m’a contacté. Et j’ai du attendre 1982…


DNJ : Vous aviez une idée bien précise….

 SL : Donner leur chance aux nouveaux talents marquants dans les nouveaux courants du jazz. Le premier musicien que j’ai signé a été le guitariste Nguyên Lé, qui vient de sortir son douzième album sur notre label (ndlr : « Songs of Freedom » qui lui a valu le prix Django Reinhardt 2011 décerné par l’Académie du Jazz). Aujourd’hui nous avons vingt artistes en contrat exclusif –dont Nils Landgren, Yaron Herman, Viktoria Tolstoy, Youn Sun Nah…et une dizaine qui collaborent régulièrement –comme Paolo Fresu ou Bugge Wesseltoft.

 

DNJ : ACT est essentiellement un label européen …

SL : Assurément, mais nous avons pris pied aux Etats-Unis en signant ces dernières années le pianiste Vijay Iyer et le saxophoniste Rudresh Mahanthappa.  Les Etats-Unis sont ainsi devenus notre troisième marché après l’Allemagne et la France, prenant la place de la Suède, victime d’un piratage dévastateur.

 

DNJ : Les temps sont durs …

SL : Paradoxalement, alors que le marché global physique du disque a fondu de moitié depuis 1982, l’année dernière aura été la meilleure année de son histoire pour ACT. Le décès accidentel en 2008 du pianiste Esbjörn Svensson, leader du groupe E.S.T. et n°1 de nos ventes, nous avait fortement secoués. Mais nous avons engagé d’autres talents, en Europe et en Amérique. L’an passé ACT a sorti 31 albums alors que nous avions tablé sur seulement 24, en tenant compte de notre moyenne de deux albums par mois. Et les résultats ont suivi : en France, par exemple Youn Sun Nah s’est installée dans les meilleures ventes avec « Same Girl ».

 

DNJ : Vous ne regrettez pas d’avoir quitté des majors pour fonder votre PME ?

SL : ACT, c’est pour moi le label de l’amour (rires). Tous les bénéfices sont réinvestis dans l’entreprise. Je ne m’accorde pas de salaire, mais je ne me plains pas, les années dans les majors ont été généreuses. ACT est une petite PME. Nous avons une très modeste équipe à Munich, quatre salariés à temps plein et ma femme qui traite des finances, et des correspondants à temps partiel sur les principaux marchés étrangers. Soyons clair : nous ne sommes pas des rêveurs !

 

Propos receuillis par Jean-Louis Lemarchand le 25 avril 2012

 

Discographie : The Jubilee album 20 magic years avec Nils Landgren, Youn Sun Nah, E.S.T., Michael Wollny, Nguyên Lé, Bugge Wesseltoft, Joachim Kühn ; Act Family Band, the Jubilee Concert, Hambourg février 2012 avec Nils Landgren, Céline Bonacina, Michael Wollny, Verneri Pohjola, Lars Danielsson….

 

 

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26 avril 2012 4 26 /04 /avril /2012 08:07

Rencontre avec la chanteuse avant un concert donné au Sunside à l'occasion de la sortie de l'album " secret of the wind"

 

 

elisabethkontomanou.jpg

Après lui avoir fait lire une declaration de Linx dans une interview pour Jazzmagazine qui dit que Kontomanou est l'un des rares chanteuses à savoir dompter la chanson .....

 

C'est quelque chose qui te parle cette idée de "command a song" ?

 

E.K : Il ya plusieurs facons de dire cela. Quand quelqu'un chante tu crois à ce qu'il raconte ou tu n'y crois pas. Il faut vraiment être dans la musique. Il y a  des exigences et tu ne peux pas laisser les choses au hasard. Moi ce qui m'interesse c'est vraiment de m'exporter. Je m’identifie à la musique afro-américaine et donc, lorsque je chante ce répertoire c’est normal que je sois vraiment " dedans". Il est en moi.

 

 

Il ya des choses très personnelles dans tous tes albums. Tu sembles nous parler de ta propre histoire même si tes albums sont tous très différents. Tu y mets quelque chose d'intime ?

 

EK : Je m'investis dans ce que je fais. Mon chant et moi c'est la même chose, la même entité. Je ne suis pas une chanteuse le soir et quelqu'un d'autre dans la journée. Je suis un chanseuse tout le temps. Donc si je décide de chanter une chanson c'est vraiment que je l'aime et j'essaie de faire en sorte de vraiment ressentir ce que je chante pour que celui qui l'entend puisse peut être, à son tour ressentir la même chose.

 

Cela veut dire que dans les choix de tes chansons c'est toujours une démarche. On imagine mal Elisabeth Kontomanou chanter quelque chose qui ne lui correspondrait pas juste pour faire plaisir à un producteur.

 

EK : Oui et en même temps j'ai chanté beaucoup de chansons différentes. Souvent mon affinité avec les chansons remontent à l'enfance. Tu vois par exemple le morceau " L.O.V.E" dans le dernier album, avec Geri Allen on s'est dit toutes les deux que c'etait une chanson qui nous ramenait à quelque chose, qui réveillait des souvenirs. Globalement on a choisi des chansons que l'on aimait toutes les deux et que dans nos parcours respectifs, on avait pas forcément joué ou enregsitré.

 elisabeth-kontomanou-secret-of-the-wind-feat-geri--copie-1.jpg

 

“Geri Allen : son jeu est véritablement celui d'une poéte.”

 

 

 

 

Comment s'est faite cette rencontre avec Geri Allen ?

 

EK : L'année dernière on m'a demandé de venir au Canada pour  un concert dans le cadre du festival " Jazz en rafale" organisé par Alain Bédard et le sujet était "les femmes". Alain a eu l'idée de nous réunir moi et Geri. Elle avait un peu entendu ce que je faisais et moi je la connaissais beaucoup mieux, en tant que pianiste de jazz. On s'est mis à jouer et ça a collé immédiatement. On a beaucoup parlé autour des questions spirituelles. Je me suis alors dit que j'aimerais faire un album sur des chansons qui parlent de Dieu et finalement pourquoi pas avec Geri. Je trouve qu'elle sert magnifiquement ma musique. Son jeu est véritablement celui d'une poéte. Tout est tellement facile pour elle. On a vraiment improvisé ces morceaux, quand bien même ils peuvent sembler très travaillés. On l'a fait comme on avait envie de les raconter.

 

 

C'est un album qui parle de Dieu mais aussi beaucoup d'espoir dans le genre humain. Ce sont des messages que tu veux faire passer.

 

EK : Oui, même si ce n'est pas voulu comme cela au moment où je le fais. Mais je sais que c'est perçu ainsi et que l'émotion est ressentie comme cela. Et pour moi cela veut dire que le but est atteint.

 

Dans une interview que tu donnais en 2007 à Alex Dutilh pour Jazzman tu disais que tes grandes influences sont Mahalia Jackson et Curtis Mayfield. Exactement ce que l'on retrouve dans cet album !

 

EK : Et bien tu vois ! Effectivement j'adore Mahalia. C'est une immense chanteuse, l'exemple d'une certaine perfection de la musique classique et du blues ensemble. Je ressens vraiment tout ce qu'elle chante.C'est une chanteuse que j'adore. Quant à Curtis, j'ai un immense respect parce que je trouve que c'est un homme qui, pour le coup, a porté un message. J'aime ses textes, ses chansons et j'aime son implication avec la cause de son peuple. Pour moi il est le Bob Dylan noir.

 

Et toi est ce que tu te sens engagée ?

 

EK : Je suis surtout engagée dans la vie ! Je suis quelqu'un qui donne mais je ne suis pas quelqu'un qui va prêcher. Et je n'ai pas du tout envie de séduire ou de convertir. Par contre c’est vrai que j'ai eu une expérience personnelle avec Dieu, ou du moins ce que j'appelle Dieu et c'est cela que j’exprime, c'est tout.

 

Cela a été un  soutien pour toi dans les moments très durs de ta vie ?

 

EK : Oui bien sûr mais c'est aussi une sorte de révélation. D'ailleurs si tu écoutes bien dans la chanson Secret of the wind c'est exactement ce que je raconte. Cette chanson parle de ma première révélation de Dieu que j'ai eu dans ma vie.

 

 

 

“J'ai besoin de rencontrer des artistes qui sont sans limites et qui donnent tout dans ce qu'ils font. C'est de là qu’il peut naître quelque chose.”

 

 

 

Au début quand tu chantais à Paris, tu étais complètement sauvage sur scène. Tu t'es assagie ?

 

EK : A l'époque je ne pouvais pas chanter des standards. Ce n'était pas possible pour moi. Il fallait que je passe d'abord par une recherche de ma propre identité. Je carburais aux challenges sur le plan vocal. 


Retrouvez ici la suite de l'interview d'Elisabteh Kontomanou

  

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24 avril 2012 2 24 /04 /avril /2012 23:16

UNESCO---International-Jazz-Day-2012-Bande-Logo.jpg

 

Philippe Levy Stab présentera une sélection de tirage pour la 1ère édition "International Jazz Day", une exposition avec les oeuvres de la collection photographique du Smithsonian’s National Museum of American History, Washington D.C.


UNESCO - Salle Miró
Vendredi 27 avril 2012 / International Jazz Day

Exposition ouverte jusqu'au vendredi 4 mai 2012.
Entrée libre de 9h à 18h, fermé le samedi et le dimanche.
Copyright-Philippe-LEVY-STAB.jpg

 

 

 

 

 

International Jazz Day est un projet à l'initiative du célèbre pianiste Herbie Hancock, Goodwill Ambassador.
Dès 10h jusqu'en soirée, conférences, projections, master classes, concerts : Herbie Hancock, Dee Dee Bridgewater, Marcus Miller, Biréli Lagrène, ...


UNESCO
7, place de Fontenoy
75007 Paris
www.unesco.org

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24 avril 2012 2 24 /04 /avril /2012 23:06

 

TZADIK 2012

Guillaume Perret (sax), Philippe Bussonet (b), Yoann Serra (dm), Jim Grandcamp (g), Mederic Collignon (cnt, vc), Sir Alice (vc)

guillaume-perret-electric-epic-M83982.jpg

 Voilà bien un OVNI qui surgit sur la scène du jazz hexagonal ! Enfin pas si hexagonal que cela puisque, pour son premier album, ce jeune saxophoniste de 32 ans à peine est pris sous son aile par le label Tzadik, rien moins que le label de John Zorn. Excusez du peu ! Et lorsque l'on sait le niveau d'exigence du génial New-yorkais, on ne s'étonne pas de ce qui va suivre. Car, ny allons pas par quatre chemin cet album est un véritable choc au plexus !

Guillaume Perret a a déjà eu, malgré son jeune âge loccasion de multiplier les collaborations en tous genre ( Le Bocal, Miles Okasaki et Damion Reid, Sangoma Everett, Linley Marthe, Falvio Boltro etc...) ainsi que les expériences transfrontalières à travers le monde. Et son premier album est le fruit dun travail de près de deux ans quil a eu loccasion de peaufiner au cours de multiples résidences.

L'esthétique relève ici bien sûr de l'univers zornien, notamment celui de Painkiller ou de Nirvana, dont Guillaume Perret se garde bien pour autant de n'en livrer qu'une caricature. Le saxophoniste nous bouscule, nous convoque au choc esthétique sur le registre fantasmatique des fables antiques. On est dans une mythologie imaginaire, un voyage d'Ulysse revisité. Emotions terrifiantes sorties dont on ne sait quel enfer. Guillaume Perret n'hésite pas et taille dans les chairs. Et si les avant-propos peuvent sembler légers (voire l'intro de Kakoum) c'est oublier qu'une forme de démence est prête a surgir et à disparaitre aussitôt, laissant l'auditeur totalement désarçonné.

Des arrangements à couper le souffle mettent en évidence la force de ce groupe concentré avec intelligence sur l'expressivité de la musique, sur sa théâtralité. Chacun porte une part de la dramaturgie. Et l'on serait bien en peine de parler de chacun des musiciens isolement tant l'oeuvre est collective.

A la différence de Zorn, Guillaume Perret ajoute au jazz et à l'heavy metal, un composante techno (Lego) qui apporte aussi une autre forme de modernité hallucinée. On peut être un peu agacés par Ethiopic Vertigo,sorte de référence acculturèe aux ethiopiques devenant une sorte de tarte à la crème dans le jazz actuel. Mais lorsque Guillaume Perret revient à ses fondamentaux (Circé, Thème pour le rivage des morts, Massacra),  on reste scotchés par l'assimilation des codes zorniens et par cette capacité du groupe "Electric Epic" à créer un imaginaire et à construire une scène presque sensorielle.

7 titres seulement pour un album d'une densité exceptionnelle. Rentrer dans cet expérience unique est en soit une aventure aux émotions palpables. Un choc absolu garanti.

Jean-Marc Gelin 

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15 avril 2012 7 15 /04 /avril /2012 08:58

 

Naim Jazz 2012

Jim Barr (b), Clive deamer ( dm), Pete Judge (t), Jacke McMurchie (saxs), Tobert Wyatt (vc sur un titre), Adrian Utley (g), clair Hiles (p), Richard Barnard ( p.arr)

 

 

 

Get The Blessing, le groupe anglais de Bristol commence à se faire un nom dans l’univers du jazz. On en parle comme l’un des emblèmes du jazz d’Albion qui serait révélateur d’un certain savoir-faire de cette musique d’Outre Manche puisant ses ingrédients dans le jazz, le rock ou le pop climax. On en parle donc beaucoup, à tort ou à raison et l’on admettra qu’il y a certainement matière à débat. Et le marketing un peu lourd et franchement agaçant n’y est pas pour rien qui martèle le nom du groupe comme l’émanation de Clive Deamer et Jim Barr respectivement batteur et bassiste du groupe mythique de trip hop, Portishead. Ce qui serait censé donner l’onction sacrée, gage d’une modernité dans le monde du jazz.
On pourrait ainsi s’arrêter à cet argument de vente si l’on oubliait qu’au-delà de cette figure imposée elle révèle une réalité :  force est de constater en effet que ces deux-là son bel et ben la pièce maîtresse de ce groupe qui portent sur le plan rythmique un son nouveau, un peu inattendu sur la scène du jazz.  Deamer et Barr sont bien la pierre angulaire sur laquelle se construit une nouvelle esthétique post-rock-jazzy.

On a parfois le sentiment que cette recherche esthétique, voire un peu esthétisante, traduit une certaine linéarité dans les compositions et dans le jeu voire une certaine monotonie à l’écoute. Et ce n’est pas forcément la voix de Robert Wyatt sur American Mecano qui viendra rompre cette langueur qui pourrait s’en dégager lorsque l’on porte une attention distraite à l’album. En revanche une écoute plus attentive révèle des petits bijoux comme cet Adagio in Wot Minorou Torque ou encore le titre éponyme, OCDC qui nous fait entrer dans l’esthétique du groupe pop de Bristol. Écouter sur ce titre par exemple le gros travail de Jim Barr à la basse. On y entend aussi quelques influences des Ethiopiques sur Pentopia, références un peu tarte à la crème des nouveaux groupes de rock-jazz depuis que Jim Jarmush s’était fait le porte voix de Mulatu Astatke dans « Broken flower ».

D’accord aussi pour admettre que cela manque parfois de fond de jeu et ceux qui s’attendraient à des prouesses de solistes chorusant comme des dieux en seront pour leur frais.

Mais admettons que ce jeune groupe ouvre des voies, des portes séduisantes pour un jazz en mouvement.

D’abord un peu sceptique, croyant à un groupe un peu surfait tel que je l’avais préjugé, je suis petit à petit entré dans l’univers de Get The Blessing jusqu’à finalement être totalement convaincu. Peut être manque t-il simplement à ce groupe un peu d’esprit « jazz » dans le lâcher prise pour qu’au delà de l’esthétique il puisse s’ouvrir largement les portes du live.

C’est ce que nous verrons le 4 mai au Sunset. Pour ma part j’en serai avec les oreilles esbaudies de celui qui a véritablement le sentiment de découvrir. Ce qui en soi est déjà fondamental.

Jean-Marc Gelin

get-the-blessing-2.jpg

 

 

 Retrouvez la précédente chronique de Bugs in Amber

get-the-blessing.jpg

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14 avril 2012 6 14 /04 /avril /2012 13:57

 

Jean Marc Padovani Philippe Léogé musiques

Enzo Cormann textes

Production La grande ritournelle/Soleart productions

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Comme le cinéma et le jazz ont un long compagnonnage, le film noir était tout indiqué pour inspirer les musiciens de jazz. Son époque, pourtant révolue, n’en finit pas d’exercer sa fascination. C’est un poème jazz qui est mis en musique par le saxophoniste Jean Marc Padovani et le pianiste Philippe Léogé sur les textes dits par leur auteur Enzo Cormann. Un scénario de jazz en images parlantes et sonnantes pour quartet instrumental (Maxime Delpierre à la contrebasse et Pierre Pollet à la batterie). Projet intéressant qui trahit un amour intense pour les romans policiers de la série noire et les films de gangsters des années trente. Les metteurs en scène Fritz Lang, John Houston, Billy Wilder, Howard Hawkes, et les « script doctors » de l’époque dans « les mines de sel » hollywoodiennes de Faulkner sont évidemment convoqués ( Raymond Chandler, David Goodis, William Irish (la sirène du Mississipi), Horace Mc Coy...) Le cinéma, le roman noir et le jazz s’enrichissent de leurs techniques respectives : atmosphère sombre, oppressante, érotisme, voix off, dialogues rythmés, syncopés...

Cet album n’est pas une énième variation  sur les musiques de films de Miklos Rozsa, Dimitri Tiomkin et leur arrangement jazz, ni la recréation inspirée de Stephan Oliva  « Film Noir », ou son hommage très personnel « After Noir » avec des portraits de Robert Ryan, Ida Lupino. Sur le même thème, c’est un spectacle complet de théâtre musical, la littérature mise en musique... Le livret, parfait, donne à suivre tout le travail du poète Enzo Cormann : ses références nombreuses se croisent dans le labyrinthe des mots et des souvenirs, des évocations de films, de livres aussi, d’auteurs allant de Shakespeare à Pavese. Il insère citations, dialogues de films, où The Big Heatrevient souvent, tant ce règlement de comptes est l’un des films de la période américaine de Fritz Lang parmi les plus saisissants. Les prisons regorgent d’idiots qui se demandent pourquoi ils y sont. Tous ces titres nous parlent, ils arrivent même dans la dernière pièce à tricoter un texte qui tient la route. Les références sont précises, Truffaut et Godard sont convoqués pour leur fascination envers l’univers de Goodis ou Irish : «Je rencontre François Truffaut au détour d’un rêve, lui demande s’il connaît  l’adresse d’Alfred Hitchcock : Demande là donc au plus con des suisses pro chinois».

Si le spectacle est fait pour être vu, à l’écoute du seul disque, on y est déjà, tant la musique, véritable B.O du film, s’adapte aux changements de décors, à chaque nouvelle composition. La pièce est mise en scène par Cormann qui se démène comme un beau diable, fait plusieurs voix, avec un indéniable sens du rythme : diction précise, voix posée, phrasé très jazz assurément. Il est l’un des musiciens du groupe, à part entière. C’est là le plus bluffant car il ne chante pas, fredonne juste une fois vers la fin, entre Salvador, Vian, Nougaro. Étonnant histrion qui anime son poème, juste ce qu’il faut pour que ses vers libres sonnent et raisonnent. Son texte doit être lu, ce n’est pas une logorrhée novarinienne, mais une transcription dans notre langue de l’atmosphère propre au genre. La musique est parfaite, assez discrète pour ne pas couvrir et détourner du sens : il faut que l‘on suive et comprenne le français, les mots. Elle est là, agissant dans l’ombre, se collant parfaitement à la peau du texte. Ainsi surgissent les élans saisissants, déchirants du saxophone d’un Jean Marc Padovani très coltranien en somme  dans « Death will come ».

Pour nostalgiques évidemment, dingues de cinoche, fondus au noir du jazz, la seule musique véritable de cette époque. Les autres regarderont, écouteront en se disant que ça leur rappelle quelque chose,  tant ces images sont imprimées dans l’inconscient collectif. Le film noir et la musique qui s’y rattache est le reflet le plus fidèle d’une réalité sulfureuse et marginale qui nous fascinera toujours.

Sophie Chambon

 

 

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